Page 488 - Dictionnaire Westphal

Version HTML de base

AMI
«Quelque rare que soit le véritable amour, il l'est encore moinsque la véritable amitié.»
Cette parole de La Rochefoucauld s'expliquedéjà par le fait que, dans le commerce
humain, l'amitié exige plus dedésintéressement que l'amour; or, le désintéressement
est la qualitéla plus rare parmi les hommes. L'amitié était en grand honneur dans le
monde gréco-romain. Lesamitiés de Socrate sont restées célèbres, encore que les
sentimentssi nobles qu'elles expriment semblent avoir comporté parfois unalliage
déconcertant. Aristote consacre à l'amitié des pagesadmirables
(Ethique)
et le
De
Amicitia
de Cicéron est une desoeuvres qui lui font le plus honneur. L'abaissement de
la femme, larudesse des lois, la corruption des moeurs, mettant endéconsidération ce
qui regarde l'amour, l'amitié était estimée dansl'antiquité païenne comme la marque
des âmes hautes, le luxe desesprits délicats. Le judaïsme, dont la morale est
autrement assurée, fait unegrande place à l'amitié et l'estime à son prix. On lit dans
leSiracide: (Sir 6:5-17) «Il y a tel ami qui prend place àla table et qui, dans le bonheur,
est un autre toi-même; mais si tutombes, il se tourne contre toi et te dérobe sa
face...Un ami fidèleest un abri solide; celui qui le trouve a trouvé un trésor; rien
neremplace un ami fidèle et sa valeur est sans mesure. Un ami sûr estun élixir qui
donne la vie; ceux qui craignent le Seigneur letrouveront. Celui qui craint le Seigneur
place bien son amitié car ilfréquente ceux qui lui ressemblent.» L'A.T. présente l'amitié
dans des exemples et des principes quimontrent qu'il la connaissait bien: «L'ami aime
en tout temps et dansle malheur il se montre un frère» (Pr 17:17). «Qui a beaucoup
decamarades les a pour son malheur, mais il est tel ami qui est plusattaché qu'un
frère» (Pr 18:24). Quoi de plus touchant quel'amitié de Jonathan pour David (1Sa 18:1
et suivants
), de Rupour Naomi? (Ru 1:16
et suivant
) Baruc aussi paraît avoir étélié à
Jérémie par une filiale amitié (Jer 36); et si nousconnaissions mieux l'histoire des
réformes d'Ézéchias et deJosias, (cf. 2Ro 18 2Ro 19 2Ro 20,Esa 8:11-20 36-39,2Ro
23,Jer 4 Jer 5 Jer 6) ilest probable qu'elles nous montreraient entre le roi Ézéchias et
leprophète Ésaïe, comme entre les deux jeunes réformateurs Josias etJérémie, la
solide amitié qui seule permet dans les grandestourmentes une féconde collaboration.
Il faut qu'Israël ait connu debien belles amitiés pour que l'annaliste hébreu, voulant
donner unedéfinition des sublimes rapports entre Moïse et Jéhovah, ait dit
toutsimplement que Jéhovah parlait à Moïse «comme un homme parle à sonami» (Ex
33:11). C'est l'évangile de Jésus qui a donné au monde la décisiverévélation de l'amitié.
En même temps que son enseignement sur lafemme, sur l'enfant, rendait à l'amour
familial son caractère denoblesse, sa vertu de sainteté et en faisait un reflet de
l'amourcréateur de Dieu, Jésus pénètre l'amitié d'un esprit nouveau et enétend
indéfiniment les limites. Par la facilité de son abord, par saréponse à tous les appels,
par sa sympathie pour toutes les misères,par sa miséricorde envers tous les pécheurs,
Jésus s'est montré l'amide tous les hommes et c'est cette amitié-là qu'il enseigne dans
saparabole du Bon Samaritain: se comporter comme un prochain, c'estagir comme le