et là, Aaron est présenté sous un jour défavorable. Le verset 34 pourrait être une
allusion à l'exil de 722, considéré comme une punition du culte des veaux d'or dans le
royaume du Nord.
2° Dans le document deutéronomique, trois textes mentionnent Aaron, mais jamais
comme prêtre: De 9:20, qui paraît provenir d'un réviseur qui voulait faire comprendre
que, si Aaron n'avait pas été puni lors de l'affaire du veau d'or, c'était grâce à
l'intercession de Moïse; De 10:6, qui est une adjonction plus récente, interrompant la
suite du discours de Moïse; et De 32:50, une allusion à la mort d'Aaron (placée au
mont Hor, comme dans P). On sait d'ailleurs que D «n'a connu ni distinction entre
prêtres et lévites, ni hiérarchie parmi les familles de la tribu de Lévi» (A. Westphal,
Sources, t. II, p. 203).
3° On peut enfin constater, dans ceux des livres historiques qui n'ont pas subi
l'influence de P, et dans les récits des prophètes, (voy. 1Sa 12:6,Mic 6:4) que les rares
textes qui citent le nom d'Aaron ne le mentionnent jamais comme prêtre, mais qu'ils
lui attribuent le même rôle que J et E. Et Ézéchiel, parlant de l'organisation
sacerdotale de l'avenir, ne cite jamais Aaron comme chef des prêtres, mais désigne
toujours ceux-ci comme «race» ou «fils de Tsadok» (Eze 43 19 44:16), et ignore
totalement la fonction de grand-prêtre. Les deux ou trois passages des livres
historiques qui parlent d'un grand-prêtre: 2Ro 12:11 22:4 23:4, sont certainement
interpolés.
La conception traditionnelle du rôle d'Aaron, considéré comme chef et ancêtre du
sacerdoce israélite, repose donc exclusivement sur P (le document le plus récent); c'est
lui qui a établi la hiérarchie bien connue: au sommet, Aaron, premier de la série des
grands-prêtres; sous ses ordres, ses fils et leurs successeurs, formant le sacerdoce
ordinaire régulier; au-dessous d'eux, les lévites, remplissant les fonctions subalternes.
Or, la lecture des livres historiques autres que les Chroniques, ouvrage plus récent et
tout imprégné de l'esprit de P (1Ch 12:28 emploie même le nom d'Aaron tout court
pour désigner collectivement les prêtres qui accompagnèrent David à Hébron), montre
nettement que la réalité ne correspond nullement à cette construction tardive de
l'édifice cultuel d'Israël; dans ces livres «on chercherait en vain le clergé si bien
organisé de P». (Benzinger, Hébreu Archoeol., p. 405.) Et Wellhausen (Proleg. zur
Gesch. Isr., 1899, p. 139) a montré que l'on serait même en droit de trouver dans
certains passages l'indice que les deux lignées sacerdotales héréditaires: celle de Dan,
qui descendait de ce Jonathan petit-fils de Moïse, mentionné Jug 17 et Jug 18:30, et
celle de la maison d'Héli à Silo, 1Sa 1 et 1Sa 2:27, auraient fait remonter leur origine
jusqu'à Moïse (ce dernier texte paraît bien désigner Moïse, et non pas Aaron, comme
ayant été l'intermédiaire de la révélation accordée à la maison d'Héli et de la mission
sacerdotale confiée à celle-ci); qu'enfin De 33:8 indique assez clairement que tous les
prêtres voyaient en Moïse leur commun ancêtre (point de vue qui trouverait un appui
dans Ex 33:7-11).