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CHEKINAH
(=habitation). Terme technique de la philosophie religieuse juive. Il désigne
primitivement la nuée lumineuse dont il est questiondans Ex 40:34-38,Le 16:2, qui
plane entre les deux chérubins du«propitiatoire», c'est-à-dire du couvercle de l'arche de
l'alliance,et éclaire le tabernacle d'assignation. Du sanctuaire des Hébreux nomades la
chekinah passa dans le Saintdes saints du Temple et plus tard dans les synagogues,
où sa présenceinvisible était considérée comme indispensable à tout
recueillementreligieux. Tandis que, dans la plus ancienne source du Pentateuque,
Yahvéapparaît sous forme humaine, visible, à tout le monde, le codesacerdotal,
soucieux d'éviter les anthropomorphismes, nous présentedes théophanies, où, sous
forme d'un feu consumant (dans la sourceélohiste c'est une colonne de nuées), la
Gloire
(kâbâd)
de Yahvéest seule visible (Ex 24:17). A partir du II e siècle avant notre
ère on multiplie les effortsqui doivent protéger l'idée de Dieu contre toute profanation.
Le mot«Dieu» aussi bien que le vieux nom «Yahvé» est remplacé par descirconlocutions
telles que «Ciel», «Hauteur», «Endroit», «Trône»,«Puissance», «Gloire», «Majesté». L'agada
palestinienne et lathéologie alexandrine rivalisent d'ardeur pour spiritualiser, àl'aide
de l'interprétation allégorique, les affirmations naïves del'A.T. Ces tendances, à force
d'insister sur le caractèretranscendantal de la notion de Dieu, érigent des barrières
entre Dieuet le croyant. La conviction que la grâce divine se manifeste par le bien-
êtreterrestre et matériel du peuple juif contribue à éloigner Dieu detoute communion
avec le fidèle. Mais plus la divinité devientinaccessible et cachée, plus la nécessité de
peupler l'immensedistance qui sépare Dieu de l'homme s'impose. La religion demande
desréalités. L'intérêt vital de la piété exige des «médiateurs». De là, d'uncôté,
l'épanouissement de l'angélologie, de l'autre, la théoriespéculative des hypostases,
facilitée par la personnificationpoétique de notions abstraites dans les Psaumes et déjà
amorcée parle concept de la «Sagesse» dans la littérature sapientiale. Ceshypostases
sont la Sagesse, la Parole (araméen
mémar
ou
memra),
l'Esprit, le Nom et la Chekinah.
Elles ne sont ni des êtres aussiconcrets et populaires que les anges (voir ce mot), ni
des idéespurement abstraites. Conçues par une philosophie rudimentaire,personnes et
idées à la fois, elles participent aux qualités divines. Le mot
Chekinah,
créé longtemps
après l'idée qu'il exprime,se rencontre pour la première fois dans les Targums.
Représentantplus impersonnel de Dieu que les autres hypostases, la Chekinah nes'est
implantée que fort tard. Mais alors sa fortune futextraordinaire, précisément à cause
de son caractère impersonnel.Elle a remplacé le
kâbôd,
que les Targums emploient
encorecouramment pour «Dieu», elle intervient dans la littératurerabbinique partout
où l'A.T. montre Dieu agissant directement sur lemonde, et finalement elle a
revendiqué pour elle toutes lesmanifestations de Dieu, en se substituant, dans le
Talmud, au
mémar.
F. K.