Page 395 - LE MANUEL DE LA BIBLE

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de l'homme. Prenez, par exemple, les ruses de Jacob (Gen., XXVII, 33-35), et
voyez les leçons qui ressortent en si grand nombre du récit biblique. Dès
avant sa naissance il avait été annoncé qu'il serait plus fort que son frère, et
que l'héritage lui appartiendrait (XXV, 23). Isaac, Rébecca, et probablement
Jacob lui-même, tous connaissaient cette prophétie. Néanmoins Isaac fait
son favori de l'aîné, malgré l'alliance de celui-ci avec une famille païenne;
Jacob a si peu de foi qu'il croit devoir, sans aucune nécessité, acheter un
droit que Dieu lui a garanti; Rébecca, avec la même absence de foi, pousse
son fils à l'intrigue, et lui dicte la ruse qui le met en possession de la
bénédiction paternelle. Toutes ces fautes, toutes ces folies portent leurs
fruits. La faiblesse d'Isaac est punie par la dispersion de ses enfants. La
profane insouciance d'Esaü lui coûte son droit d'aînesse.
L'incrédulité de Rébecca la met dans la dépendance exclusive du fils à qui
elle a fait tort; l'autre, son bien-aimé, elle ne le revoit plus jamais. Jacob
enfin doit quitter en hâte la demeure paternelle; il est à son tour trompé et
volé par Laban; la femme qu'il aime le moins devient la mère de la tribu
élue, et les douleurs que lui causent ses propres enfants lui font sentir la
grandeur de son péché. Ainsi, quoique la promesse ait reçu son entier
accomplissement, Jacob n'en a retiré pour lui-même aucun avantage. Bien
loin que son frère se soit incliné devant lui, c'est lui qui s'est prosterné
devant Esaü, et sur la fin de ses jours il fut complètement dans la
dépendance de ses fils.
Le châtiment a été complet, la leçon est entière. Et cependant il reste vrai
qu'il a hérité de la bénédiction, car les dons de Dieu sont sans repentance;
le choix qu'il fait de ses serviteurs n'est fondé sur aucun mérite personnel
de leur part, mais presque toujours, comme dans le cas actuel, sur des
motifs dont il s'est réservé à lui-même le secret. On peut dire encore que la
bénédiction fut surprise par des moyens qu'un honnête homme ne saurait
avouer, et cela est vrai; mais la même objection peut s'appliquer à toutes 'les
directions de la Providence divine dans ce monde: le péché de l'homme est
lui-même forcé de servir à la gloire de Dieu, et ni la sainteté de Dieu, ni la
responsabilité de l'homme, n'en sont altérées ou amoindries en aucune
manière. Une révélation qui ne tiendrait pas compte de faits de ce genre, ne
serait ni exacte quant à Dieu, ni vraie quant à l'homme.
Il faut se méfier des conclusions de la sagesse humaine, et des
raisonnements de la logique, dans tous les sujets qui ne sont pas du
domaine de l'expérience, et spécialement dans tout ce qui concerne les
vérités religieuses. En fait de science même, on ne connaît bien que ce qu'on
a pu observer. Qu'est-ce que la lumière ? Qu'est-ce que la pesanteur ?