CHAPITRE IV.


878-889 APRÈS J.-C.

GREGOIRE D'ECOSSE ET ALFRED D'ANGLETERRE-

LES NORSEMEN - LA LAMPE COLOMBIENNE QUI S'ÉTEINT.
 

Nous ne découvrons pas chez les souverains pictes suivants cet excès de zèle prosélyte qui transforma le roi Nectan en persécuteur. Nous n'avons pas entendu parler d'un second acte de bigoterie semblable à celui qui a déshonoré son règne. Ses successeurs sur le trône ne pouvaient que constater que Nectan avait commis une grande erreur. Les preuves n'en étaient que trop visibles. Il avait créé un grand vide au cœur de son royaume. Il avait affaibli le pouvoir moral et mis en danger l'ordre civil de la nation ; il avait rallumé les flammes de la guerre après qu'elles se soient éteintes pendant un siècle et demi ; en bref, il avait provoqué la révolution sur lui-même, et avait été tenté à la fin de ses jours de chercher l'abri d'un couvent, et après avoir porté une couronne, de mourir dans une cagoule de moine.
 

Ces conséquences néfastes avaient suivi l'acte tyrannique que le roi picte, influencé par les flatteries de l'abbé Ceolfrid et les persuasions des missionnaires romains, et poussé en outre par son propre zèle fanatique, avait été poussé à commettre. Ses successeurs, avertis par son exemple, apprendront à ne pas se laisser séduire par les nouveautés romaines et à ne pas prêter trop facilement l'oreille aux conseillers moines. Cependant, bien qu'ils aient vu l'erreur de Nectan, ils ne seraient peut-être pas en mesure de la rectifier. Révoquer l'édit et rappeler ceux qu'il avait poussés au bannissement n'était peut-être pas en leur pouvoir aujourd'hui. Ils avaient une guerre contre les Écossais qui exigeait toute leur attention. Tant que cette guerre durerait, il ne serait pas judicieux de rappeler le clergé colombien. Ils étaient pour la plupart écossais et pourraient avoir des difficultés à maintenir une attitude de neutralité pendant les hostilités. Ils risqueraient en tout cas d'être soupçonnés de favoriser secrètement le triomphe des armes écossaises. La correction de l'erreur de Nectan doit rester en suspens pour le moment. Et c'est ainsi que, bien qu'il n'y ait aucune preuve que les innovations romaines aient entre-temps progressé au-delà de la cour de Nectan, ou qu'elles aient trouvé grâce auprès du peuple picte, au-delà de l'édit royal qui pouvait les contraindre à une uniformité extérieure dans la célébration de Pâques, le retour du clergé colombien dans les dominions pictes n'a pas eu lieu avant que la guerre entre les deux races ne se soit achevée par leur union en une seule nation. Le retour des Columbites, comme nous l'avons vu, s'est fait sous Kenneth Macalpin : leur restauration complète dans leurs anciennes libertés s'est faite un demi-siècle plus tard, sous le règne du roi Grig, ou Grégoire, auquel nous revenons maintenant.
 

La main forte de Grégoire à la barre, l'Écosse a recommencé à progresser (883). Elle était restée immobile, ou avait reculé, pendant le règne troublé, mais heureusement court, du « Swift Food », dont la politique n'avait rien de la qualité progressive dont la nature avait si largement doté ses membres. Pendant qu'il siégeait sur le trône, les ténèbres n'ont cessé de s'épaissir au-dessus du pays, mais avec le nouveau souverain est apparue une nouvelle aube. Grégoire avait ouvert son règne avec une certaine mesure de bon augure, et non moins de sage politique » car il n'est pas nécessaire de soutenir qu'en relâchant les liens du clergé colombien, il a été actionné uniquement par des considérations religieuses. Il a respecté, sans aucun doute, le bénéfice que lui-même et sa nation tireraient de cet acte de justice. Si, comme on le soupçonne fortement, son titre au trône était douteux, il a bien fait de s'assurer qu'un corps aussi influent que les Colombiens serait de son côté et en faveur de son gouvernement.
 

Après avoir, par un seul et même acte, élargi les libertés de l'« Église écossaise » et renforcé son propre trône, Grégoire s'est attelé à la tâche de corriger les désordres dans lesquels la défaite de Crail et le règne de « Swift Foot » avaient plongé le royaume. Une partie de la nation picte avait fait peser des soupçons sur leur loyauté. Leur comportement lors de la dernière bataille désastreuse avait été équivoque. On pensait que leur traîtrise ou leur lâcheté avait entraîné la perte de la journée et les nombreuses calamités qui s'en étaient suivies. Grégoire n'a pas voulu qu'un manquement aussi grave au devoir, en une occasion aussi critique, reste sans châtiment. Depuis la bataille, d'autres circonstances sont apparues qui tendent à renforcer les doutes concernant le dévouement total d'une partie des Pictes à la cause de l'union. Les Danois, en quittant le pays après la bataille de Crail, ont laissé cette partie de la côte en possession des Pictes. Cela semblait ouvrir la porte au retour de l'ennemi. Grégoire ne pouvait pas permettre que les clés de son royaume soient entre les mains d'hommes mécontents de son gouvernement et qui semblaient prêts à sacrifier l'union entre les deux races à condition qu'elles retrouvent ainsi leur statut de nation séparée et indépendante. Il chassa ce groupe de Pictes mécontents de Fife en traversant le Forth. Il les poursuivit à travers les Lothians jusqu'à Berwick, où ils s'enfermèrent, et fut fait prisonnier par Grégoire, les citoyens lui ayant ouvert leurs portes.
 

Ces succès à domicile semblent avoir tenté le monarque écossais de s'aventurer dans des exploits en dehors de son propre royaume. Au lieu de revenir dans les limites d'Alban, qui étaient déjà considérablement dépassées, il conduisit son armée plus loin en Northumbrie. Ces régions étaient alors très infestées par les Danois. Repoussés de la côte écossaise, il n'était pas rare qu'ils tournent leurs galères en direction de l'Angleterre et qu'ils envahissent les comtés du nord, alors presque sans défense, pour y récolter un butin inestimable et y verser beaucoup de sang. Grégoire s'est sans doute dit que s'il parvenait à chasser ces envahisseurs des comtés du nord de l'Angleterre, il risquait moins d'avoir à les combattre sur le sol de l'Écosse. En reconnaissance des services que Grégoire leur avait rendus en les débarrassant, pour un temps au moins, de ces visiteurs gênants, les petits souverains qui régnaient alors en Angleterre semblent lui avoir donné une sorte d'autorité ou de domination sur les comtés frontaliers de Northumberland, Cumberland et Westmoreland, heureux de confier leur défense contre les invasions étrangères à l'épée de Grégoire.
 

Le monarque écossais est décrit comme poursuivant sa carrière triomphale plus à l'ouest. Nous le retrouvons ensuite avec son armée à Strathclyde. Les Britanniques du royaume de Cumbria avaient offensé en s'appropriant une étroite bande de territoire écossais qui se trouvait sur les rives nord de la Clyde, et qui comprenait ce célèbre rocher (Dumbarton) au pied duquel le grand apôtre de l'Irlande avait passé sa jeunesse. Ce territoire volé était d'autant plus susceptible d'intéresser l'homme qui avait « donné la liberté à l'Église écossaise » qu'il s'agissait du lieu de naissance de ce grand Écossais qui avait été le fondateur de l'« Église écossaise », d'abord en christianisant l'Irlande, puis en mettant le flambeau évangélique entre les mains de Columba pour qu'il puisse le porter et éclairer de sa flamme sacrée la sombre terre de Calédonie. Après avoir sauvé ce lieu sacré, car il l'était sans aucun doute pour Grégoire, et avoir châtié les Britanniques qui se l'étaient approprié, il fut rendu à l'Écosse.
 

Grégoire n'avait pas encore terminé son parcours victorieux, si l'on en croit les chroniqueurs écossais. Il se rendit ensuite en Irlande, où il aurait mené une campagne très glorieuse, réprimant une insurrection qui avait éclaté contre le roi de Dublin, un allié de Grégoire, et le rétablissant sur son trône. Il faut cependant ajouter que le compte rendu de ces guerres est quelque peu douteux, et nous les expédions avec brièveté. Les chroniqueurs anglais et irlandais sont muets à leur sujet. Nous n'en entendons parler que par Fordun et d'autres historiens écossais. Ce n'est cependant pas une raison suffisante pour les considérer comme totalement apocryphes. Le « Registry of the Priory of St. Andrews » dit expressément « que Grégoire a conquis l'Irlande et la plus grande partie de l'Angleterre »1, ce qui signifie que ses conquêtes dans ces deux pays ont été importantes et ont eu un effet décisif sur les gouvernements des deux royaumes. Ceux qui soutiennent que ces campagnes n'ont jamais eu lieu et que leur enregistrement est illusoire, défendent leur allégation en disant que Grégoire était un mécène généreux de l'église, et que les moines de Saint Andrews, pour montrer leur gratitude, ont taillé cette brillante carrière pour le roi écossais, et l'ont exalté au rang de héros. Mais il ne semble pas que Grégoire ait surpassé les autres rois écossais de son époque dans les dons qu'il a accordés aux hommes d'église, à l'exception de son seul acte de grâce bien connu. En outre, les bienfaits de Grégoire ont été accordés à la fin du neuvième siècle, alors que son apothéose en tant que grand guerrier, que l'on insinue avoir été faite en récompense de sa libéralité envers l'église, n'a pas eu lieu avant le milieu du treizième siècle, le Registre de St. Andrews ayant été écrit en 1251. Il est vraiment rafraîchissant de constater que la gratitude des moines reste fraîche et verte après quatre siècles. Il est rare que le sens de l'obligation d'être des bienfaiteurs soit si profond et durable de la part des personnes morales, qu'elles soient laïques ou ecclésiastiques, qu'il suscite de chaleureuses expressions de remerciement des siècles après que les auteurs de ces bons cadeaux ont échangé leurs trônes contre leurs cercueils de pierre. Bien avant que cette couronne ne soit placée sur sa tombe par les moines de St. Andrews, Grégoire n'était rien de plus qu'une poignée de cendres.
 

À cette époque, il était difficile de séparer l'Angleterre et l'Écosse, afin que leurs affaires ne s'entremêlent pas. Le même peuple terrible venu d'au-delà de la mer était l'ennemi des deux, et faisait sa descente hostile tantôt sur la côte d'un pays, tantôt sur la côte de l'autre. Cela rapprochait l'Angleterre et l'Écosse et contribuait à maintenir la paix entre elles. Si les hordes danoises étaient repoussées et leurs galères chassées de la côte, il importait peu que l'exploit ait été accompli par la bravoure écossaise ou anglaise, puisque les deux pays partageaient presque à égalité les bénéfices de la victoire. C'est ce qui s'est passé dans ce cas. En arrivant en Northumbrie, où l'avait conduit sa poursuite des Pictes en fuite, Grégoire trouva les Danois, sous la conduite de leur chef Hardnute, en train de dévaster le pays et d'en massacrer les habitants. L'Angleterre de cette époque était misérablement distraite et déchirée. Les Danois infligeaient aux Saxons toutes les horreurs que les Saxons avaient infligées aux Britanniques à une époque antérieure. Le trône du Wessex était occupé par l'un des princes les plus courageux et les plus sages de son époque, néanmoins une grande partie du règne d'Alfred se passa sur le champ de bataille pour empêcher que ses dominions ne soient envahis et dévastés par ces maraudeurs du Nord. Occupée à ces tâches plus importantes, la lointaine Northumbrie fut laissée à elle-même. C'est là que le chef barbare et ses partisans impitoyables faisaient maintenant des ravages. Bien qu'il les ait trouvés sur le sol anglais, Grégoire n'en reconnut pas moins en Hardnute et ses guerriers les ennemis de son propre pays, et saisit volontiers l'occasion qui lui était offerte de les venger en Northumbrie des blessures qu'ils avaient infligées à sa nation dans le Fife. Si un souverain frère devait être le premier à tirer profit du succès de ses armes, cette considération, loin de faire reculer le roi écossais, le rendit encore plus désireux de procéder à l'expulsion des Danois. Grégoire leur infligea un tel massacre qu'il brisa leur pouvoir dans le nord de l'Angleterre et délivra de leur terreur les petits souverains qui régnaient alors dans ce pays, ainsi que le grand prince de Wessex. Les liens d'amitié entre les deux nations et leurs dirigeants furent renforcés par cet échange d'actes amicaux. Les champs sanglants de la frontière furent effacés de la mémoire des hommes par les champs plus sanglants des Danois. Le Northumberland fut placé sous la suzeraineté, voire la souveraineté formelle, de l'homme dont l'épée l'avait racheté du spoliateur. Alfred semble n'avoir ressenti aucune inquiétude à l'approche de la frontière écossaise de ses propres territoires. Quelle défense plus solide pouvait-il avoir sur sa frontière septentrionale que les armes de Grégoire ? Il jugea sans doute à juste titre que la Northumbrie, gouvernée par lui, serait pour lui un mur protecteur contre les tempêtes de la mer Germanique. Et en ce qui concerne les Anglo-Saxons, qui professaient désormais le christianisme, les Écossais étaient bien plus préférables, en tant qu'alliés et voisins, que les Danois, chez qui les instincts de loup du paganisme étaient encore intacts et rampants. Les Saxons du nord de l'Angleterre, dit Fordun, « pensaient qu'il valait mieux se soumettre volontairement aux Écossais catholiques, bien qu'ennemis, que de se soumettre involontairement aux infidèles païens. »
 

Dans le ciel sombre du neuvième siècle, on voit une étoile à l'éclat pur et brillant, sur laquelle nous aimons fixer nos yeux. Nous ne pouvons pas nous approcher de son orbite sans nous arrêter pour l'admirer et en parler. À aucune époque, une création aussi charmante n'aurait manqué d'attirer et de fasciner notre regard, mais brillant au milieu des nuages et des tempêtes de cette époque, nous la saluons avec émerveillement et délectation. Alfred, prince de Wessex, présentait l'union rare du savant, du législateur, du guerrier et du patriote. Il y aurait ajouté, si ses jours avaient été plus longs, le réformateur chrétien. Il le fut en effet, mais seulement dans une mesure limitée, car à peine avait-il commencé à développer ses plans éclairés pour la réforme de son royaume que la tombe se referma sur lui, et avec Alfred descendirent dans le tombeau les espoirs de l'Angleterre pour quatre siècles. Jusqu'à l'époque de Wyckliffe, la chrétienté ne connut pas de seconde aube.
 

Peu de princes - pas un sur cent - ont eu le privilège inestimable de recevoir la même formation et la même discipline qu'Alfred. Son éducation s'étendait bien au-delà de la science et de la philosophie de son époque. Son instruction dans les arts libéraux n'a pas été négligée : non seulement il était un mécène des hommes de lettres, mais il cultivait lui-même les lettres, et le succès avec lequel il le faisait est visible dans sa traduction de la Pastorale de Grégoire Ier et de l'Histoire ecclésiastique de Bède. Mais à ces réalisations, Alfred a ajouté une sagesse plus élevée que celle des écoles. Ses grandes qualités s'enracinaient dans une piété tirée des écrits sacrés, plutôt que des préceptes et des traditions des hommes d'église. De plus, Adversity l'avait emmené à l'école, et pendant quelques années terribles, cette sévère instructrice lui avait fait tenir compte de ses leçons. À un moment donné, les Danois ont failli lui arracher son royaume. Il fut obligé de s'enfuir déguisé et de se faire embaucher comme vacher. Dans le calme des bois et des champs surgissaient des pensées qui ne lui étaient pas venues à l'esprit au milieu des cours et des armées. Lorsqu'il retrouva son trône et se reposa de la guerre, ces pensées portèrent leurs fruits. Il se donna pour tâche d'établir l'ordre, de promouvoir l'industrie, de cultiver le commerce et d'étendre les pouvoirs maritimes de l'Angleterre. Son fils et son petit-fils, Edward et Athelstan, suivirent les traces de leur père, et ces trois princes furent parmi les premiers à montrer au monde que la voie de la gloire est ouverte à l'homme de paix non moins qu'à l'homme d'épée. Avec les voyages réussis d'Other et d'Ulfstan dans les mers septentrionales alors inconnues, la nation anglaise sous Alfred a montré très tôt son penchant naturel et a donné un pronostic de ce qu'elle était destinée à accomplir dans le domaine de la découverte dans les âges suivants.2
 

Mais ce ne sont pas là les plus grands travaux d'Alfred. Mais ce ne sont pas là les tâches les plus importantes d'Alfred. Il souhaitait par-dessus tout réformer la religion de son royaume. Quels sont les instruments qu'Alfred utilise pour réaliser son grand dessein ? A-t-il envoyé des instructeurs à Rome ? A-t-il multiplié les « célébrations » ? Un dogme, jusqu'alors inconnu, commençait tout juste à être abordé par Paschasius Radbertus en France : dans l'eucharistie, le communiant reçoit littéralement la chair et le sang du Christ pour sa vie éternelle. Alfred va-t-il illuminer son royaume avec ce nouvel évangile ? Ce dont l'Angleterre avait besoin, ce n'était pas de plus de mystère, mais de plus de lumière. Les ténèbres sont déjà assez épaisses et il n'est pas nécessaire de transformer le crépuscule en minuit en promulguant le dogme cimmérien de la transsubstantiation.
 

Alfred prit position sur un terrain qu'aucun homme d'église de son siècle n'avait eu le courage d'occuper. Se détournant du prêtre et du sacrement, il se tourne vers la Parole de Dieu. Il conçoit la grande idée de traduire les Écritures dans la langue vernaculaire du peuple saxon. Il réunit à sa cour un groupe d'érudits triés sur le volet et les chargea de traduire la Bible : il mit lui-même la main à l'ouvrage, tant il y tenait, et comme Columba, il s'occupait de la traduction des Psaumes au moment de sa mort.3
 

Alfred se trouve à la tête de la noble armée des traducteurs de la Bible. C'est une gloire plus élevée que ses cinquante batailles sur terre et sur mer. L'œuvre dont il a ouvert la voie ne connaîtra pas de fin tant que la Parole de Vie n'aura pas été traduite dans la langue de tous les peuples de la terre et que sa lumière n'aura pas brillé tout autour du globe.
 

Il serait intéressant de connaître les relations personnelles qui existaient entre Grégoire et Alfred. Si le caractère du premier se rapproche du portrait que les chroniqueurs écossais ont laissé de lui, ces deux princes ont dû être attirés l'un vers l'autre par un sentiment plus chaleureux que la simple amitié conventionnelle. Tous deux, nous pouvons le croire, étaient magnanimes, princiers et patriotes ; et il est intéressant de voir deux hommes de cette trempe occuper simultanément les trônes d'Écosse et d'Angleterre. Alfred était entouré d'hommes qui l'aimaient et l'admiraient, et qui l'ont peint dans des couleurs qui restent fraîches jusqu'à aujourd'hui. Nous sommes sûrs de voir la vraie ressemblance du grand prince anglais du neuvième siècle. Son contemporain écossais n'a pas bénéficié d'un tel avantage, et nous ne sommes pas certains d'avoir les vrais traits de Grégoire. Mais cela corrobore ce qui nous a été transmis à son sujet de savoir que, comme Alfred, il visait à effectuer une réforme religieuse, plus ou moins étendue. Car on ne peut pas interpréter autrement l'affirmation selon laquelle Grégoire a donné la liberté à l'Église écossaise qui, jusqu'à son époque, avait été maintenue en esclavage chez les Pictes.
 

Au cours du siècle et demi qui a précédé, une grande morosité a sans doute régné dans l'est et le nord de l'Écosse, l'ancien territoire des Pictes. L'Église colombienne dans ces régions avait été pratiquement extirpée. Les services du sabbat avaient cessé dans de nombreux endroits ; et là où ils se poursuivaient encore, c'était avec beaucoup d'inefficacité et de froideur par les pauvres substituts qui avaient été trouvés pour remplacer les Colombiens expulsés ; des hommes du nord de l'Angleterre, où l'influence de Rome était maintenant dominante, ou des moines des maisons de la fondation Adamnan, dans lesquelles, comme dans le cas d'Adamnan lui-même, l'esprit de l'Egbert romain luttait avec l'esprit de Columba pour la maîtrise. Les écoles avaient été fermées, et l'instruction de la jeunesse était négligée. Rien ne prouve que les idées et les coutumes romaines aient infecté le peuple dans une large mesure. C'est l'apathie religieuse et la coercition picte, plutôt que le propagandisme papal, qui ont pesé sur le pays. À l'époque où Columba dirigeait l'évangélisation de l'Écosse depuis Iona, aucune volonté royale ne limitait ses plans ni n'entravait les pas des missionnaires qu'il envoyait. La terre était devant eux, et ils pouvaient aller où ils voulaient et allumer leur lumière dans tous les grands centres. C'est ce qu'ils firent, et en l'espace d'une ou deux générations, le pays fut parsemé de phares évangéliques, et les ténèbres aryennes des druides furent dissipées. Cette liberté d'action était inconnue de l'Église colombienne du Pictland depuis un siècle et demi. La conséquence fut que, privée de la liberté d'entreprendre l'évangélisation, l'envie de s'y lancer disparut. L'Église colombienne de Pictland s'est couchée et a sombré dans le sommeil, laissant sa lampe éteinte et la région environnante plongée dans la morosité spirituelle. Avec sa libération, l'église de Pictland, et peut-être aussi l'ancien territoire des Écossais, ont sans doute connu un réveil du zèle et une renaissance de la lumière. Cette lumière, il est vrai, brûlait moins fort aujourd'hui que lorsqu'elle fut allumée pour la première fois à Iona, quatre siècles auparavant. Mais la vieille lampe ne devait pas s'éteindre. L'apparition de la tonsure romaine sur la tête de certains membres du clergé colombien était un avertissement catégorique que des années, voire des siècles, de ténèbres étaient encore en réserve pour l'Écosse. En présence de ces ombres qui s'amoncellent, que pouvaient faire les amis de l'Évangile, sinon veiller autour de leur lampe et alimenter sa flamme, et s'ils ne pouvaient pas lui redonner son éclat originel, ils pouvaient la maintenir en vie jusqu'à ce que la nuit ait compté ses quarts et que l'heure ait sonné pour l'apparition de cette grande aurore que le monde attendait.
 

NOTES EN BAS DE PAGE
 

1. Hic subjugavit sibi Hyberniam totam et fere Angliam » -Innes'Critical Essay, pp. 801, 802.
 

2. John Von Muller, Universal History, vol. ii. p. 134. Londres, 1818.
 

3. Wilkins (Concilia, i. p. 186, et seq.) nous a donné un spécimen des travaux d'Alfred dans une partie de la loi de Dieu traduite par lui.


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