Chapitre X.


LA CAPTIVITÉ DE PATRICK EN IRLANDE-SA CONSCIENCE S'ÉVEILLE-L'ANGOISSE PROLONGÉE.
 

L'HISTOIRE n'est pas un simple registre d'événements. C'est l'étude révérencieuse de l'action d'une Main profondément cachée et pourtant, parfois, très manifestement révélée. Pour l'homme qui comprend, il n'y a pas d'acteur terrestre aussi réel et palpable que cet agent voilé qui se tient derrière le rideau et dont nous entendons les pas dans la chute des empires et les révolutions du monde. Dans notre récit, nous sommes arrivés à l'un de ces changements soudains de scènes qui trahissent la présence et la main de ce grand dirigeant. Une évangélisation plus forte que toutes celles qui pourront jamais partir de Candida Casa, est sur le point d'être appelée à l'existence pour maintenir en vie les éléments de la vérité et les semences de la liberté pendant les âges de ténèbres et de servitude qui doivent encore passer sur l'Europe. Nous avons déjà vu le premier acte de ce nouveau drame. Il s'ouvre d'une manière très banale et ne correspond pas du tout, si l'on peut dire, à la grandeur des conséquences qui vont en découler. Une bande de pirates irlandais descendent sur le rivage écossais et emmènent en captivité une foule misérable d'hommes et de femmes. Parmi les misérables captifs, enlevés et transportés à travers la mer, se trouve un jeune qui est destiné à initier un mouvement qui changera la face de l'Europe du Nord.
 

Ni l'équipage des pirates, ni la foule angoissée qui remplissait leurs galères, ne savaient qui se trouvait dans le même fond qu'eux, ni à quel point leur expédition allait s'avérer capitale. Pendant ce temps, Patrick est perdu dans la masse des souffrants qui l'entourent. Personne n'observe ou ne s'apitoie sur l'angoisse si vivement dépeinte sur le visage du jeune homme. Personne ne cherche à apaiser l'amertume de son chagrin en lui adressant quelques mots de sympathie ou en lui murmurant des motifs d'espoir. Sans aide ni apitoiement, il porte seul son grand fardeau. Parmi ses nombreux compagnons d'infortune, chacun était trop absorbé par le sentiment de son propre sort misérable pour avoir une pensée à accorder à la misère de ceux qui étaient ses partenaires dans cette calamité. À travers des yeux sombres, et avec un coeur prêt à se briser, Succat voit le rivage irlandais se dresser devant lui, et alors que le navire qui le transporte touche la terre, il se réveille de sa stupeur pour voir quel changement de fortune cette nouvelle évolution dans la tragédie, qui ressemble encore à un rêve terrible, lui apportera.
 

Le moment choisi pour cet événement n'est pas la circonstance la moins remarquable à son sujet. Si cette calamité s'était abattue sur Succat à une période antérieure ou postérieure de sa vie, et pas seulement au moment où elle s'est produite, elle n'aurait eu aucun résultat. En tant que châtiment pour les péchés et les folies de sa carrière passée, elle aurait peut-être été profitable, mais elle n'aurait pas été utile en tant que discipline pour le travail de la vie qui l'attendait. C'était là l'essentiel du dessein de celui qui lui avait infligé cette affliction. L'épreuve de la vie de Patrick lui est arrivée à cette étape de son existence qui, de toutes les autres, est la plus critique dans la carrière d'un être humain. Il a alors seize ans. C'est à cet âge que les passions s'éveillent avec une force soudaine et parfois irrésistible. C'est donc à cette époque de la vie que le caractère de l'homme se fixe définitivement, dans la plupart des cas, pour le bien ou pour le mal. Il se trouve à la croisée des chemins et la voie qu'il choisit alors est celle que, dans tous les cas ordinaires, il poursuivra jusqu'à la fin.
 

Cette loi, qui régit la vie et le caractère humains dans tant de cas, s'applique avec une force particulière et presque uniforme dans le cas de ceux qui sont nés dans un foyer pieux et qui ont été élevés, comme Patrick, au milieu des instructions et des observances de la religion. S'ils dépassent l'âge auquel Patrick est arrivé sans avoir connu cette greffe de l'âme avec un principe divin, que la Bible appelle « naître de nouveau », ils ont manqué la « vie nouvelle », et très probablement l'ont manquée pour toujours. En tout cas, la probabilité qu'ils y parviennent un jour s'amenuise de plus en plus à partir de ce moment-là. L'habitude, jour après jour, referme le coeur de plus en plus étroitement ; le sommeil de la conscience devient de plus en plus profond, et l'homme poursuit son chemin en se contentant de la lumière et du plaisir que le monde peut lui donner, sans jamais voir l'éclat d'une nouvelle aube, ni goûter aux joies d'une existence plus élevée.
 

Patrick se trouvait sur ce bord fatidique lorsque ce tourbillon, avec une force si bruyante et pourtant si miséricordieuse, le saisit et l'emporta du milieu des plaisirs, où il se serait endormi pour ne plus s'éveiller, et le plaça là où il ne pouvait trouver ni repos ni bonheur, car autour de lui il n'y avait qu'une désolation nue. Si nous interprétons correctement la déclaration de Patrick, il n'est pas trop tôt pour que cette main puissante s'empare de lui. Il nous dit, dans ses « Confessions », qu'à cette période de sa vie, il est tombé dans une grave erreur. Cette faute, ni lui, ni aucun de ses biographes ne nous l'ont révélée, ni même n'ont donné d'indice permettant d'en déduire la nature ou la forme. Nous sommes enclins à penser qu'il s'agissait d'une faute assez grave, puisqu'on s'en est souvenu et qu'on l'a invoquée contre lui de longues années plus tard, alors qu'il était sur le point d'entrer dans la fonction sacrée. Son pied avait failli glisser, et il aurait carrément glissé, et il serait tombé pour ne plus se relever, si cette main forte n'avait pas été tendue à ce moment critique pour le retenir. Il aurait abandonné la forme de religion, qui était tout ce qu'il possédait encore, et aurait dérivé avec le courant et suivi la même route descendante que celle empruntée par tant de ses compatriotes du royaume de Strathclyde. Son ardeur d'âme et sa détermination auraient fait de lui un meneur dans la bande d'apostats ; et pour montrer à quel point il s'était émancipé des traditions de sa jeunesse et de la foi de ses ancêtres, il aurait pris place dans le fauteuil du moqueur et se serait moqué de ce qu'on lui avait appris à respecter dans sa maison natale. C'est le chemin de tous ceux qui abandonnent « le guide de leur jeunesse ».
 

Nous devons suivre Patrick de l'autre côté de la mer, et le voir envoyé dans une nouvelle école - puisque la première avait été un échec - et placé sous la direction d'un nouvel instructeur, quelqu'un qui sait comment ouvrir l'oreille, et pas seulement l'oreille, mais aussi le cœur. Patrick ne devait pas être comme les professeurs de l'époque, et n'a donc pas été élevé dans la même école qu'eux. Il devait être sévère, audacieux, original, mais les influences maladives et sentimentales de l'école de Ninian ne l'auraient jamais rendu tel. Des forces plus rudes et des feux plus chauds doivent le fondre et le modeler. Enlevé, forcé de descendre dans la cale avec une foule de captifs, ballotté sur les eaux du canal et, une fois débarqué sur la côte irlandaise, vendu à un chef païen et envoyé dans les régions sauvages d'Antrim : tel fut le début de la nouvelle formation de Patrick. Dans cette solitude, la voix de sa mère parlera à nouveau, et Patrick écoutera maintenant. Son coeur s'ouvrira enfin, mais il doit d'abord être brisé. Le fer transpercera son âme. C'est l'école de l'adversité dans laquelle il est assis, où la discipline est sévère mais où les leçons sont d'un prix infini, et sont incitées avec une force persuasive qui fait qu'il est impossible de ne pas les comprendre, et une fois comprises et maîtrisées, il est impossible de les oublier. De cette école sont sortis bon nombre des instructeurs les plus sages et des plus grands bienfaiteurs du monde. Marquons le jeune comme nous le voyons aux pieds, non pas d'un docteur ou d'un pape, mais aux pieds d'un instructeur bien plus grand.
 

Sur le flanc de la montagne, jour après jour tout au long de l'année, gardant les troupeaux de bétail et de porcs de son maître, est assis Patrick, le fils de Calpurnius, le diacre écossais. Y a-t-il jamais eu une métamorphose aussi complète et aussi soudaine ? Hier le fils chéri d'un magistrat romain, aujourd'hui un esclave et un troupeau de porcs. Tenaillé par la faim, couvert de haillons, trempé par la pluie de l'été, mordu par le gel de l'hiver ou aveuglé par ses congères, il est l'image même que la parabole avait dessinée si longtemps auparavant de ce prodigue envoyé dans les champs pour garder les porcs, et qui aurait volontiers rempli son ventre des cosses dont se nourrissaient les animaux qu'il soignait. Personne n'aurait reconnu dans le jeune homme assis là, la joue famélique et l'oeil triste, le fils tendrement élevé et bien nourri de Calpurnius, ni ne se serait souvenu dans sa voix creuse et sépulcrale des tons joyeux qui avaient si souvent retenti sur les rives de la Clyde, et éveillé les échos de ce rocher majestueux qui orne ses rives. Ce n'est que par cette mort, et par une mort encore plus profonde, une mort intérieure de tous les sentiments, espoirs et joies du passé, que Patrick pouvait entrer dans une nouvelle vie. Lorsqu'il se réveilla de la stupéfaction dans laquelle le coup l'avait sans doute plongé, il ouvrit les yeux sur une misère sans nom. Mais il les ouvrit sur quelque chose d'autre. Il les ouvrit sur son ancien moi ! sur son ancienne vie !
 

Comme cette vie apparaissait maintenant différente de ce qu'elle avait semblé être, sous les teintes dont elle s'était revêtue à ses yeux quelques années, quelques jours auparavant ! Les couleurs dont l'orgueil moralisateur l'avait parée, et les lumières moins chaleureuses mais tout aussi trompeuses jetées sur elle par un scepticisme naissant ou un formalisme morne, étaient maintenant complètement dissipées, et elle se dressait devant lui telle qu'elle était réellement, une chose peu aimable, épouvantable et coupable. Assis ici, le canal irlandais entre lui et sa maison, son passé séparé de son présent par ce grand trait de séparation, il pouvait calmement regarder sa vie comme si elle ne faisait pas partie de lui-même, comme si elle avait une subsistance propre, et il pouvait prononcer un verdict impartial à son sujet. C'était une vie sur laquelle il fallait pleurer. Mais lorsqu'elle refusait à nouveau de se séparer de lui, lorsqu'elle s'attachait à lui de toute sa noirceur et qu'il sentait qu'elle était et serait toujours la sienne, elle suscitait plus que des larmes, elle éveillait en lui l'horreur. Les prières d'un père et les conseils d'une mère, méprisés et dédaignés, s'élevaient tous devant lui dans le profond silence où il était assis, au milieu des collines désolées, gardant son troupeau sous les coups de boutoir qui s'accumulaient. Il frissonna lorsque le souvenir lui revint. Il avait fléchi le genou lors des dévotions familiales, mais il n'avait pas prié ; il n'avait fait que se moquer de l'Omniscient qu'il professait adorer. Ces hypocrisies ne le préoccupaient pas à l'époque, il n'y était guère sensible, mais elles pesaient lourdement sur sa conscience à présent. Il y pensait, et un nuage plus sombre s'interposait entre lui et les cieux que celui qui montait de la mer occidentale pour laisser tomber sa pluie ou sa grêle sur les collines au milieu desquelles il nourrissait ses porcs. Des souvenirs encore plus sombres l'assaillirent, et il trembla encore plus violemment. Lorsque des prédicateurs venaient de Candida Casa pour l'avertir, lui et ses compagnons, de leur mauvaise voie et les supplier de s'en détourner et de vivre, n'avait-il pas bafoué et raillé, ou donné un encouragement tacite à ceux qui le faisaient ? Bien que petit-fils d'un presbytre chrétien, il avait contribué à grossir le chœur de la dérision et du mépris avec lequel ces prêcheurs de repentance et ces prophètes dolents du mal étaient renvoyés à ceux d'où ils venaient. La rétrospective de sa hardiesse le remplit d'étonnement et d'horreur. Ainsi, comme l'image d'une personne se reflète dans le miroir, la vie de Patrick se reflétait dans le passé sur Patrick dans toute sa bassesse, sa noirceur et son horreur.
 

Mais c'est plus profondément encore que son œil était fait pour percer. Il se tourna vers l'intérieur et interrogea son esprit sur le genre de vie qu'il avait mené dans ses pensées et ses objectifs. On lui montra une chambre où se trouvaient des abominations plus grandes que toutes celles qui l'avaient déformé extérieurement. Son cœur, qu'il croyait si bon, lui apparut plein d'envie, de haine, de malice, de vengeance, d'orgueil, de luxure, d'hypocrisie, d'idolâtrie et de toutes les choses qui souillent un homme. Comment guérir cette source de mal, car si elle n'était pas guérie, elle enverrait à l'avenir des flots encore plus noirs que tous ceux qui en avaient jailli dans le passé. Où était le sel qui, jeté dans ses eaux amères, les adoucirait ? Cette iniquité cachée, cet ulcère dans l'âme, le peinait et l'épouvantait plus encore que toutes les transgressions qui l'avaient déformé extérieurement et scandalisé les autres.
 

Tel était le tableau odieux qui se dressait devant le jeune captif alors qu'il était assis en train de ruminer au milieu des montagnes d'Antrim ; sa vie passée, plutôt que sa vile charge ou son maître païen, devant lui. Tel avait été, et jusqu'à ce que sa vie soit purifiée à la source, tel serait le fils de Calpurnius, le diacre chrétien. Il resta bouche bée devant cette véritable image de lui-même. Il se sentait plus vil que le plus vil des animaux qu'il soignait. « Oh, mon péché ! mon péché ! « l'entendons-nous crier ! Que dois-je faire ? Où dois-je fuir ? Ce n'est pas une scène imaginaire que nous décrivons. « Dans ce pays étranger », dit-il en parlant de cette période de conviction et d'agonie, »le Seigneur m'a fait sentir [1] mon incrédulité et la dureté de mon cœur, afin que je me souvienne de mes péchés, bien que tardivement, et que je me tourne de tout mon cœur vers Dieu. » Et il dit encore : « Avant que le Seigneur ne m'humilie, j'étais comme une pierre couchée au fond de la boue, et Celui qui est capable [2] est venu et m'a soulevé, et non seulement m'a soulevé, mais m'a placé sur le sommet du mur ; » c'est-à-dire qu'il a fait de lui une pierre d'angle dans l'édifice spirituel, car nous ne pouvons pas ne pas percevoir ici une allusion au bel emblème de l'Écriture qui présente l'église comme un temple vivant construit avec des pierres vivantes.
 

Pendant que se déroulait cette lutte acharnée, les désagréments extérieurs de son sort, nous pouvons le croire, ne préoccupaient guère Patrick. La violence de la tempête qui faisait rage à l'intérieur le rendait insensible aux coups de vent qui s'abattaient sur lui alors qu'il surveillait ses troupeaux dans les bois et les montagnes. Le nuage noir s'amassait, éclatait et disparaissait, et le jeune homme, absorbé par la pensée de sa maison lointaine et de sa vie passée, et malade dans son âme, était à peine conscient de la pluie battante, de la neige battante ou des rafales amères et furieuses qui secouaient les chênes et les sapins autour de lui. La grêle et les éclairs des nuages étaient noyés dans la voix de ces tonnerres plus puissants qui roulaient d'un ciel plus élevé, et qui semblaient à son oreille souligner la sentence de ce Livre qui dit que « le salaire du péché, c'est la mort. »
 

Le jeune homme avait été accablé par une série de calamités qui, prises séparément, étaient accablantes et qui, prises ensemble, étaient pires que la mort. Il avait été arraché à son foyer et à sa terre natale, on lui avait volé sa liberté, il avait été vendu à un seigneur païen, et maintenant il n'avait d'autre perspective que de passer les années de sa misérable vie dans un vil emploi. Le coup était d'autant plus dur que tous ces malheurs lui étaient tombés dessus au même moment, et qu'ils étaient arrivés sans crier gare. Et pourtant, elles n'étaient pour Patrick que des broutilles d'un jour, comparées aux chagrins plus sombres qui s'accumulaient autour de son âme. Ces derniers étaient les fruits mûrs de la mauvaise graine que sa propre main avait semée. En les endurant, il n'avait même pas cette petite consolation de savoir qu'il souffrait de la volonté injuste et du pouvoir cruel d'un autre. Ils ne s'éteindraient pas non plus avec les années fugaces de la vie présente, car la mort, qui est la fin de tous les autres maux, ne ferait que le livrer à une misère sans fin. Cette terrible pensée était toujours présente pour lui alors qu'il était assis seul au milieu des collines désolées ; elle était sa compagne dans le silence de la nuit et dans le silence presque aussi profond de la journée. C'est là que ses malheurs ont atteint leur paroxysme. Il était entièrement au pouvoir de son maître, qui pouvait, pour la moindre offense, sans aucun sentiment d'humanité, et sans que personne ne pose de question, le condamner à mourir. Mais en quoi ce maître était-il à craindre, comparé à ce Grand Maître qui pouvait tuer corps et âme ? Il avait perdu sa liberté, mais qu'était-ce que la perte de la liberté pour quelqu'un qui était en danger imminent de se perdre lui-même, et ce pour toujours ?
 

Le sommeil l'a abandonné, nous dit-il. Il restait éveillé pendant des nuits entières. Depuis son humble canapé, il observait les étoiles qui passaient, chacune à sa place et à son heure, dans le ciel. Il avait peur en les regardant. Leurs feux toujours brûlants et leur marche majestueuse et silencieuse suggéraient cette durée sans fin dont leurs vastes cycles ne sont qu'un brin de main. Et lorsqu'il pensait à cet oeil qui le regardait du haut de ces orbes, avec une lumière à laquelle les leurs n'étaient que des ténèbres, où, demandait-il, « trouverais-je à me cacher de lui ? Quand ces orbes auront pâli de leurs feux dans une nuit éternelle, cet Œil me regardera encore. » Où y avait-il dans tout l'univers une nuit ou des ténèbres assez profondes pour s'y enfouir et être invisible à jamais ?
 

Il s'est alors mis à parler. Lorsque son chagrin cessa d'être muet, son paroxysme s'atténua quelque peu. Ces gémissements furent les premiers faibles cris inarticulés pour demander pardon. Puis vinrent les mots de supplication. Il se leva, comme le publicain dans le temple, et se frappant la poitrine, il s'écria : « Que Dieu fasse miséricorde à Patrick, le pécheur. » On voyait maintenant que les leçons de son premier foyer n'avaient pas été vaines. La graine alors semée dans son esprit semblait avoir péri : et pourtant non ; bien que tardive, cette graine commença à germer et à porter des fruits. Sans la connaissance transmise par ces leçons, Patrick n'aurait jamais vu son péché, et sans la vue de son péché, sa conscience aurait continué à dormir, ou si par hasard elle s'était réveillée, ne connaissant pas le chemin du pardon, elle aurait été poussée au désespoir. Il avait entendu, les soirs de sabbat dans sa maison écossaise, que le « Roi des Cieux est un Roi miséricordieux. » Et maintenant, dans ce pays lointain, et loin de ce père des lèvres duquel les mots autrefois oubliés mais maintenant rappelés étaient tombés, une mer d'ennuis tout autour de lui, sans aide ni pitié sur terre, il tourna son regard vers le haut, et dit : « Je me lèverai, et j'irai vers mon Père. » Il se levait, nous dit-il, avant l'aube pour prier.
 

Nous ne savons pas combien de temps Patrick a continué à subir cette détresse de l'âme avant de trouver la paix. Il est probable que son conflit ait duré avec plus ou moins de sévérité pendant quelques années. Le médecin qui s'est occupé de lui n'a pas l'habitude de renvoyer ses patients tant qu'il n'a pas achevé leur guérison et qu'il ne les a pas rendus complètement sains et saufs. Dans le cas de Patrick, il y avait des raisons particulières de prolonger cette discipline sévère mais très miséricordieuse. La plaie de Patrick devait être sondée jusqu'au fond, et il devait connaître la malignité de la maladie sous laquelle il travaillait, et la force avec laquelle elle tient captives ses malheureuses victimes, non seulement pour son propre bien, mais aussi pour celui des nombreuses autres personnes à qui il devait, par la suite, jouer le rôle de médecin. Il devait être le guérisseur des nations. Mais comment aurait-il pu acquérir la perspicacité et la tendresse nécessaires pour s'acquitter correctement de sa grande fonction - à l'inverse des guerriers qui vont à la destruction - et savoir à quel point ces blessures sont profondes dans l'âme, et comment elles y sont douloureuses, et être capable dans son traitement de combiner une parfaite sympathie avec une parfaite fidélité - « miséricordieux et fidèle » comme le grand Médecin - s'il n'avait pas été lui-même blessé et saigné - oui, saigné jusqu'à la mort, bien près - avant d'être envoyé pour guérir les autres ?
 

Notes de bas de page
 

1. Aperuit sensum.-Pat. Confessio.
 

2. Qui potens est.-Ibid.


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