CHAPITRE XIV.LES CALÉDONIENS TELS QU'ILS SONT PEINTS PAR HÉRODIEN. Nous avançons vers un trait plus sombre de notre pays dans ses premiers balbutiements. L'habitant était aussi sauvage que sa terre accidentée. Ceux qui occupaient la moitié sud de notre île, où l'on pouvait déjà constater une culture considérable du sol, fruit de l'invasion romaine antérieure, étaient connus sous le nom de Bretons. Ceux qui habitaient la partie nord, les hommes qui erraient sur les landes mornes et les collines sombres que nous avons décrites, étaient appelés Calédoniens ou Pictes.1 Les Écossais, le contingent ajouté à la population générale pour l'amadouer et lui donner sa qualité prédominante, sinon sa force numérique, n'étaient pas encore arrivés dans un pays qui devait porter leur nom dans les temps à venir. L'historien grec Hérodien, qui a donné à nos premiers ancêtres une place dans ses esquisses des campagnes de Sévère, a peut-être indûment approfondi les nuances de son tableau. Il n'a jamais été en Grande-Bretagne et n'a pu raconter que ce que d'autres lui ont dit du pays et de ses habitants. Mais ses descriptions peuvent être considérées comme le portrait du courant calédonien à Rome à l'époque de l'empereur Sévère. Hérodien dépeint les hommes de Calédonie comme allant nus, entourant seulement leur cou et leur ventre d'anneaux de fer, alors que d'autres se parent d'ornements en or. Leur pays, nous dit-il, regorgeait de marécages, et les vapeurs exhalées par la chaleur de ces lieux marécageux remplissaient l'air d'une obscurité continuelle. Les indigènes traversaient leurs tourbières, pataugeant dans la boue jusqu'au cou, sans se soucier de l'inconfort et de la souillure de leur personne auxquels ils se soumettaient. Ils n'avaient pas de vêtements à salir, et un plongeon dans le premier ruisseau nettoyait leur personne. La bataille était pour eux un plaisir, et plus le carnage était grand, plus leur satisfaction était grande. Casque et haubergeon leur étaient inconnus ; ils ne cherchaient aucune protection pour leur personne, si ce n'est un étroit bouclier d'osier recouvert de peau de vache. Ils ne portaient pour combattre qu'un javelot ou une lance, et une épée ceinte sur leurs reins nus.2 Leur bravoure, leur mépris du danger et leur insouciance de la vie faisaient d'eux des antagonistes méprisables, même pour les légions de Rome. Leur fuite était parfois plus fatale à l'ennemi que leur attaque. Le barbare, qui n'avait pour tout bagage que quelques accessoires simples, frôlait la surface de la tourbière tremblante avec agilité et sécurité, et était bientôt hors de portée de ses poursuivants, tandis que le soldat romain, alourdi par sa lourde armure, s'enfonçait dans le marécage et était retenu jusqu'à ce que ses camarades viennent le dégager, ou que l'ennemi qu'il pourchassait revienne pour le massacrer. Hérodien peut difficilement dissimuler son chagrin que ces guerriers sans entraînement et sans vêtements aient adopté un mode de combat si étranger à tous les usages établis de la guerre, et qui désavantageait leurs adversaires en tant de points. On ne pouvait guère s'attendre à ce que les Calédoniens consultent les convenances de leurs envahisseurs hautains ou se préoccupent le moins du monde de savoir si leur mode de défense s'accordait avec les usages de Rome ou les dépassait3. Leur apparence, telle qu'Hérodien l'a dépeinte, devait être extrêmement grossière. Nous n'avons guère le courage de regarder calmement l'apparition que sa plume a évoquée. Nous nous persuadons volontiers que l'historien a donné libre cours à son imagination et qu'il a produit une image qui ornerait ses pages plutôt qu'une image qui trouverait sa ressemblance dans les landes de Calédonie. Et pourtant, cette affirmation doit avoir un certain fondement, sinon elle n'aurait pas été faite aussi publiquement par des écrivains de renom, et à une époque où il était si facile d'en vérifier la véracité. Les Calédoniens avaient l'habitude, comme nous l'assure Hérodien, de se tatouer le corps, à la manière des Néo-Zélandais et des Indiens d'Amérique de nos jours.4 Ce que nous aurions considéré comme une défiguration, ils le considéraient comme un embellissement. Cette métamorphose ingénieuse de leur personne leur a coûté beaucoup de peine et de souffrance. Au moyen d'un fer chaud, le Calédonien imprimait sur ses membres les figures des animaux qui lui étaient les plus familiers ou dont il choisissait de faire les symboles ou les interprètes de ses dispositions prédominantes, tout comme le chevalier de notre époque blasonne sur son bouclier les figures qui sont les plus suggestives des vertus ou des qualités qu'il est ému d'être censé posséder. Les parties du corps touchées par le fer chaud étaient frottées avec le jus de la plante appelée guède, ce qui faisait ressortir en bleu les figures que le fer avait imprimées sur la personne. On peut imaginer le barbare, après avoir réalisé cette étrange parure, s'observant avec une certaine fierté et pensant combien il devait paraître redoutable aux yeux de son ennemi, tout embrasé par les formes d'animaux monstrueux et terribles. Avant de partir au combat, il prenait soin, nous dit-on, d'approfondir la couleur de ces figures sauvages afin d'accroître les terreurs de son apparence5. En plus de ce curieux blason, porté sur la personne et non sur le bouclier, comme c'est le cas aujourd'hui, une autre circonstance contribuait à rendre leur aspect sauvage et terrible. Il s'agit de leur façon de se débarrasser de leurs cheveux. Leurs mèches, sombres et emmêlées, pendaient, ombrageant leur visage et s'agglutinant sur leurs épaules. Cette disposition leur servait en quelque sorte de visière. Il se peut qu'elle leur ait été utile à l'occasion, mais elle tendait à cacher le feu de leurs yeux et à diminuer la terreur de leur visage, à moins que le vent n'écarte leurs mèches ou que l'action de la bataille ne les sépare momentanément, et qu'alors leurs visages, brûlants de fureur, ne brillent sur l'ennemi.6 Ces ancêtres ont dû être d'étranges personnages, si leurs premiers historiens ne leur ont pas fait subir d'injustice. Des hommes bleus, représentés de la tête aux pieds par des chevaux, des bœufs, des loups et des renards, parcourant leurs terres sauvages d'un pas presque aussi rapide que celui des chevreuils et des cerfs qu'ils poursuivaient ; Traînant sur les rives de leurs lacs et de leurs mers dans la fierté de leur indépendance barbare, dédaignant de labourer ou de tisser, de creuser ou de planter, leurs reins couverts d'une peau de loup, leurs longs cheveux flottant au vent et leurs traits sombres s'illuminant d'un vif plaisir lorsque la chasse devait commencer, ou s'enflammant du feu d'une joie encore plus féroce lorsque la bataille devait être engagée. Si ces géniteurs grossiers levaient les yeux de leur lieu de repos sur une lande solitaire ou sous un cairn gris, il est difficile de dire qui serait le plus étonné - nous ou eux ? Nous voyons les hommes qui nous ont précédés, ils voient les hommes qui sont venus après eux : nous voyons l'Écosse du premier siècle, ils voient - contraste saisissant - l'Écosse du dix-neuvième siècle ! NOTES EN BAS DE PAGE 1. Que les Calédoniens et les Pictes aient été un seul et même peuple est aujourd'hui universellement admis."-Pinkerton, i., 105. 2. « La robe celtique primitive, dit Pinkerton, n'était qu'une peau jetée sur l'épaule et un morceau de tissu attaché au milieu. Gildas mentionne cette dernière comme la tenue des Écossais ou des Irlandais à son époque."-Vol. ii. p. 144. Hérodien dit : « Tantum scuto angusto lanceaque contenti, proeterea gladio nudis corporibus dependente. » Lib. iii. 268. 3. Herodiani Historia Cum Angeli Politiani interpretatione latina, Vindocini, 1665, lib. iii. p. 266-268. Neque enim vestis usum cognoverunt, sed ventrem atque crevicem ferro incingunt : ornamentum id esse, ac divitiarum argumentum existimantes, perinde ut aurum caeteri barbari. 4. L'affirmation d'Hérodien selon laquelle les Calédoniens peignaient leur corps, acquiert une confirmation dans le passage bien connu de Claudien:-. « Ille leves Mauros, nec falso nomine Pictos, Edomuit. » « Il la flotte Maor subjugué ; et peint Pict. Pas faussement nommé. » Et encore... « Ferroque notatas, Perlegit exanimes Picto moriente figuras. » « Ils ont vu sur les corps des Pictes mourants Ont vu les figures grossières, gravées dans le fer. » 5. Herodiani Historia, lib. iii. 267. Quin ipsa notanbt corpora pictura varia et omnifariam formis animalium quocirca ne induuntur quidem, videlicet picturam corporis ne adoperiant. Sunt auten belliciosissima gens atque audissima caedis. 6. Il ne semble pas que le nom Pict soit ancien ou qu'il ait perduré longtemps. Il vient probablement des Romains. En voyant les guerriers calédoniens couverts de ces étranges dispositifs, ils les appelaient naturellement picti, ou hommes peints.
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