Joseph Smith et les Mormons,
ou examen de leurs prétentions relativement à leur Bible,
à leur prophète et à leur Église.


par
Louis Favez


Joseph Smith et les Mormons, 1854
 

Joseph Smith


Lausanne,
Delafontaine et Comp.,
Mme Duret-Corbaz.

1854

Vevey, Imprimerie E. Buvelot

Exclusivité de LeVigilant.com Novembre 2011
 


Fragments sur les Mormons. 1.
Joseph Smith
Les Mormons
Appendice



Fragments sur les Mormons. 1.

Joseph Smith
ou examen de leurs prétentions relativement à leur Bible,
à leur prophète et à leur Église.


Temple des Mormons à Salt Lake City, Utah, États-Unis d'Amérique
 

Temple des Mormons à Salt Lake City, Utah, États-Unis d'Amérique

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Rien, peut-être, ne démontre mieux le triste état de dissolution dans lequel gît la chrétienté de nos jours, que l'apparition du Mormonisme avec ses fables et le nombre de sectateurs qu'il a entraînés en peu d'années. Comment se fait-il que les Mormons aient pu en imposer? Serait-il vrai qu'une communauté dont l'objet n'est après tout que le bien-être temporel, — un corps religieux fondé sur l'imposture, lié par de vaines promesses et maintenu par l'autocratie de quelques meneurs, soit l'Église de Dieu?

Ce n'est point une église. Les Mormons sont une société, une colonie de formation récente, établie dans la Californie, où elle défriche des terres, exploite de l'or au profit de ses chefs, et d'où elle envoie, dans le monde, des agents pour recruter des adhérents et augmenter sa population.

Cette société, il est vrai, se pare d'une profession religieuse et s'intitule: L'Église des saints des derniers jours, fondant ses prétentions sur la possession d'une nouvelle Bible, et sur des révélations que Dieu aurait faites récemment au prophète américain, Joseph Smith. Cette nouvelle bible, c'est le Livre de Mormon.

Les apôtres de cette église nous font, sur son origine, l'histoire suivante:

«Vers l'an 1823, un jeune homme du nom de Joseph Smith, demeurant à Palmyre près de New-York, aux États-Unis de l'Amérique du Nord, suppliait Dieu de lui donner, selon sa promesse, la sagesse qu'il donne à tous libéralement sans la reprocher. Dieu lui répondait en l'honorant de visions admirables. Smith vit, entre autres, dans le ciel une lumière brillante et glorieuse qui lui parut d'abord à une grande distance, puis s'approcha de lui par degrés et illumina le désert de sa gloire, sans consumer les arbres des forêts. Deux personnages glorieux lui apparurent dans cette lumière et lui firent des révélations de grande importance, celle, en particulier, que Dieu bientôt ferait prêcher la plénitude de l'Évangile, avec force, à toutes les nations.

Dans une autre vision, un ange lui apprenait qu'il était choisi de Dieu pour servir à une œuvre merveilleuse sur la terre, que des registres, contenant l'histoire de l'Amérique ancienne et des révélations sacrées, avaient été cachés dès longtemps et conservés jusqu'alors — et que, s'il continuait à être fidèles ces registres lui seraient confiés.»

Joseph Smith et les Mormons, 1854

«Puis après quatre années, durant lesquelles il eut diverses révélations, il fut divinement conduit vers une colline du Canandaigue, comté d'Ontario, où l'ange du Seigneur le mit en possession des célèbres registres. C'étaient des plaques d'or ou d'un métal semblable à l'or, liées les unes aux autres par trois anneaux. Ces plaques avaient 8 pouces de longueur sur 7 de largeur. Elles étaient couvertes de hiéroglyphes égyptiens soigneusement gravés. Le tout était enterré dans une sorte de coffre formé de pierres et cimenté de manière à prévenir la pénétration de l'eau. Avec les plaques, Joseph Smith trouva, dans le coffre, le bois d'un arc, aux extrémités duquel étaient enchâssées deux pierres transparentes. Tout illettré qu'il fût, il pouvait, en regardant au travers, déchiffrer les caractères égyptiens et les traduire dans sa propre langue. Ces pierres s'appelaient: Urim et Thummim. Sur l'ordre du Seigneur, revêtu de l'inspiration et aidé de l'Urim et Thummim, il se mit à traduire les plaques en anglais. La traduction parut en 1850 sous le nom de Livre de Mormon. (1)

«Peu avant la publication du Livre de Mormon, un ange étant apparu à Joseph Smith et à Olivier Cowdery, leur imposa les mains et leur donna l'ordre de se baptiser l'un l'autre, ce qu'ils firent.

Ensuite Joseph Smith ayant fait connaître sa doctrine et répandu le Livre de Mormon, plusieurs personnes obéirent au livre sacré, se repentirent et furent baptisées pour la rémission de leurs péchés, puis ces adeptes reçurent l'imposition des mains pour le don du Saint-Esprit.

Et, le 6 avril 1830, «l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours» fut fondée sous la direction du prophète Smith à Fayette (État de New-York). D'entre ceux qui la composaient, quelques-uns furent ordonnés par l'esprit de révélation et la prophétie. Ils rendirent témoignage selon que l'Esprit les faisait parler; ils amenèrent beaucoup de personnes à la repentance, les baptisèrent et leur imposèrent les mains; ce à quoi Dieu répondait par des visions d'en haut. Ces témoins des derniers jours chassèrent les démons, guérirent les malades par la prière de la foi et l'imposition des mains, poursuivant leur œuvre au milieu de la persécution. (2)»

Telle est, en résumé, l'origine du Mormonisme d'après l'histoire qu'en donnent ses propres apôtres. Joseph Smith, en l'établissant, en a posé pour base le livre de Mormon. Or ce livre donné comme venant de Dieu et devant servir à une œuvre de sa part, c'est une imposture. On a là-dessus des témoignages positifs, comme on a aussi dans l'ouvrage même des indications qui révèlent la fraude.

D'abord, Joseph Smith n'a jamais montré les plaques hiéroglyphiques, si ce n'est à onze privilégiés à qui, dit-il, la permission de les voir fut accordée d'en haut et desquels le témoignage est annexé au Livre de Mormon. Nul autre n'a vu ces plaques originales. Pourquoi ces onze témoins? C'était pour affirmer l'authenticité du nouveau livre, sans se voir obligé de montrer publiquement l'original, c'est-à-dire, les plaques desquelles Smith disait l'avoir traduit. Trois d'abord: Olivier Cowdery, David Whitmer, Martin Harris attestent qu'un ange de Dieu vint du ciel et leur présenta les plaques; qu'ils les virent et les touchèrent. Huit autres, dans une seconde attestation, déclarent que Joseph Smith leur a montré les plaques, qu'ils les ont touchées de leurs mains et qu'ils ont vu les caractères qui y étaient gravés. Suivent leurs signatures: Christian Whitmer, Jacob Whitmer, Peter Whitmer junior, John Whitmer, Hiram Page, Joseph Smith senior, Hyrum Smith, Samuel H. Smith.

Il est à remarquer que, des huit qui rendent ce second témoignage, tous, à l'exception de Hiram Page, appartiennent aux deux familles Whitmer et Smith. Les trois Smith étaient le père et les deux frères du prophète. Qu'était la famille Whitmer? Dans quel rapport était-elle avec la famille Smith? c'est ce qui reste ignoré. Mais ce groupe de témoins en deux familles, dont l'une est celle du prophète, rend leur témoignage douteux. Celui des trois autres témoins est encore plus suspect, si l'on en juge par leur conduite ou par le caractère que leur font les Mormons eux-mêmes. Après avoir fait partie de l'Église des saints des derniers jours, les uns et les autres l'abandonnèrent ou en furent chassés. Examinons-les individuellement.

Oliver Cowdery

OLIVIER COWDERY

Joseph Smith ne se fiait pas à lui. Dans une occasion, où une somme d'argent devait lui être confiée pour la porter à Indépendance, Joseph voulut qu'il fut accompagné et émit à ce sujet la révélation suivante, qu'on lit à la page 168 du livre Mormon intitulé: Doctrine and Covenants. (3)

On ne pouvait pas se fier à Olivier Cowdery pour une question d'argent, et l'on se fierait à lui pour des intérêts éternels!

DAVID WHITMER

À la suite des troubles et des dissensions qui éclatèrent parmi les Mormons en 1838, David Whitmer, Olivier Cowdery et d'autres, ayant encouru les châtiments de l'Église, furent congédiés avec une bulle d'excommunication, signée par quatre-vingt-quatre Mormons et lancée contre eux par Sidney Rigdon. En voici un fragment:

David Whitmer

«Vous quitterez le comté et aucun pouvoir ne vous sauvera. Trois jours de 24 heures vous seront donnés, après la réception de cette communication, pour que vous partiez en paix avec vos familles... Vous n'aurez aucun moyen d'échapper, car il y a contre vous ce décret: Partez! partez! ou une calamité fatale tombera sur vous. — Olivier Cowdery, David Whitmer, et Lyman E. Johnson se sont unis avec une bande de faussaires, de voleurs, de menteurs et de mauvais sujets (black legs) de la plus noire teinte, pour tromper, duper, frustrer les saints de leurs biens, par tous les stratagèmes que la méchanceté puisse inventer; usant de l'influence des plus viles persécutions sans même en excepter le vol. (4)»

Martin Harris

MARTIN HARRIS

Son caractère est signalé par Smith dans un article du Journal Mormon, l'Elder's Journal, publié à Far-West: —

«Nous avons appris une chose, c'est qu'il est des nègres à peau blanche comme il en est à peau noire. Granny Parish et quelques autres qui ont agi en valets, tels que Martin Harris, Joseph Coe, Cyrus P. Smalley, etc., sont si peu dignes d'attention, qu'en prendre note serait un trop grand sacrifice pour un homme comme il faut (a gentleman). (5)»

Il paraît que Martin Harris, en particulier, faisait bon marché de la vision de l'ange et de tous les témoignages concernant les plaques. Nous apprenons d'Abigail Harris, ce qui suit:

«Martin Harris et sa femme étaient chez moi, dit-elle. En conversant sur les Mormons, elle exprima à son mari le désir qu'il les quittât, car elle croyait que tout cela n'était que fausseté et tromperie. À quoi j'entendis M. Harris répondre: Quoi! fût-ce une imposture, si vous me laissez faire seul, j'en retirerai de l'argent.»

Daté, Palmyre, Wayne County, New-York, 28 du 11e mois de 1833. (6)

Ainsi donc Olivier Cowdery ne méritait pas qu'on lui confiât une somme d'argent. — David Whitmer et Olivier Cowdery étaient des hommes capables de se joindre à une bande de faussaires pour tromper et duper. — Martin Harris était si peu digne, que ce serait pour un homme comme il faut un trop grand sacrifice que de faire attention à lui. Et d'ailleurs, au besoin, il ferait de son témoignage une affaire d'argent. Jugeons par là de l'authenticité du livre de Mormon. Combien vaut le témoignage de tels hommes?

Puis le livre de Mormon n'est pas homogène. En divers endroits du volume anglais, sorti des mains de Joseph Smith, on découvre des additions dont plusieurs sont marquées par des fautes de grammaire et font avec le reste un contraste évident. Le fond de l'ouvrage est une narration sur les premiers temps de l'Amérique ancienne; narration dont le style révèle un écrivain qui connaît sa langue. Par dessus, sont greffés des sujets religieux empruntés à l'Ancien et au Nouveau Testament, qui dénotent un écrivain ignorant et illettré (7). Ces fautes de grammaire sont à peu près comme en français: je disons, vous disez, ils aviont. D'où, par conséquent, naît la pensée que ce livre doit avoir deux auteurs: l'un qui écrivait bien l'anglais, l'autre qui l'écrivait mal. Retenez ceci, qui sera expliqué ci-après.

Ces portions religieuses du volume mormon sont parfois de longues citations de la Bible. Le prophète Ésaïe fournit un bon nombre de ces citations. Le 49e chapitre, par exemple, s'y trouve presque dans son entier et dans les termes mêmes de la version anglaise (8). Ceci encore soulève des questions et fait demander, comment la traduction d'originaux différents peut donner un résultat identique. En supposant d'ailleurs que les originaux fussent les mêmes, ce que Smith ne prétend point, comment se peut-il aussi que les traducteurs de la Bible, qui n'avaient point les pierres transparentes ni l'inspiration prétendue de Smith, aient traduit dans les mêmes termes? C'est singulier, mais tout s'explique, si l'on admet que Joseph Smith nous donne des extraits de la Bible dans le livre de Mormon. (Voir l'Appendice).

De la même manière qu'il fait des emprunts à la Bible, ce Livre prête aux premiers âges du monde, des inventions modernes. Dans les premières pages l'auteur met dans la bouche de Néphi ces paroles: Je pris la boussole (9). Or selon cette narration, l'événement avait lieu au temps de Sédécias, et la boussole n'est connue que depuis 5 ou 600 ans. L'auteur l'ignorait sans doute. Il aurait pu nous dire encore que ces voyageurs traversèrent l'Océan en Bateau à Vapeur. C'eût été aussi croyable que la boussole dans les mains de Néphi plusieurs siècles avant l'ère chrétienne.

Enfin, en divers endroits, le Livre de Mormon donne un démenti à la Bible. Un exemple suffira. À la page 499, il nous dit que l'Amérique est, «au-dessus de toutes les autres, une terre choisie du Seigneur, — que là sera bâtie de nouveau la Jérusalem ancienne, laquelle sera une sainte cité au Seigneur.» — Et la Bible, de son côté, déclare que «Canaan est la noblesse de tous les pays, que Jérusalem y sera bâtie de nouveau et sera une sainteté à l'Éternel.» (Ézéchiel 20:6; Jérémie 31:38-40)

Tout cela n'est pas une recommandation pour le livre du nouveau prophète. Évidemment il porte les marques de la fraude.

Si donc on demande, quels sont les témoins du Livre de Mormon? la réponse est: les supercheries de Joseph Smith, dont ce livre fournit la preuve. Mais il est encore bien des choses à dire en confirmation.

Parlons de la traduction des hiéroglyphes par Joseph Smith. Comme il était sans instruction et n'écrivait que fort mal, il se trouvait dans le cas d'être aidé par des mains étrangères. Il eut recours au service de scribes. Mais il ne leur montrait point les plaques aux hiéroglyphes. Il avait tendu un rideau derrière lequel, disait-on, se trouvait un coffre contenant les plaques. Smith s'y plaçait lui seul, et de là dictait le contenu de ces tables, ou faisait passer à son copiste, de l'autre côté du rideau, des morceaux de papiers écrits par lui. Les scribes du prophète étaient assez bénévoles pour ne point se choquer de tous les mystères qui accompagnaient ce travail. Smith, en outre, avait adopté pour sa nouvelle bible, une orthographe et des expressions particulières, auxquelles le scribe devait aussi se conformer.

Olivier Cowdery et Martin Harris furent ceux qui l'aidèrent le plus en cette qualité. Le dernier désirait vivement voir les plaques. Personne n'y avait droit plus que lui, dont la bourse fournissait aux dépenses du prophète et allait s'ouvrir pour une somme considérable consacrée à l'impression du livre qu'on traduisait. C'était néanmoins difficile. D'un autre côté, Smith n'osait le lui refuser; mais il contint l'impatience de son ami par une révélation de l'Éternel ainsi conçue:

«Et maintenant encore, je vous dis à vous, mon serviteur Joseph, concernant l'homme qui désire voir le témoignage (M. Harris). Voici, je lui dis qu'il s'exalte lui-même et qu'il ne s'humilie pas assez devant moi; mais s'il veut s'incliner devant moi, s'humilier en ardentes prières et par la foi, dans la sincérité de son cœur, alors je lui accorderai la vue des choses qu'il désire voir...

Et moi, le Seigneur, je commande à mon serviteur Martin Harris, qu'il n'en parle plus, excepté lorsqu'il pourra dire: je les ai vues, elles m'ont été montrées par le pouvoir de Dieu.» — (Doctrine and Covenants, p. 173 et 174.)

Et Martin Harris d'attendre; mais sa femme n'eut pas la même patience. Suspectant l'inspiration que s'attribuait Joseph Smith, elle résolut malignement de le mettre à l'épreuve et ravit à son mari 117 pages de la traduction. Elle pensait que si Joseph Smith traduisait réellement par inspiration, il pourrait sans difficulté reproduire la portion perdue et que, par cela, on connaîtrait sa capacité de traducteur. Que fit Joseph? Il émit une révélation, en vertu de laquelle Dieu lui défendait de traduire une seconde fois la portion perdue:

«Voici, je vous dis, vous ne traduirez pas une seconde fois les paroles qui sont échappées de vos mains; car voici, ils n'accompliront pas leur méchant dessein en mentant contre ces œuvres. Car voici, si vous deviez reproduire tes mêmes mots, ils diraient que vous avez menti; que vous avez prétendu traduire, mais que vous vous contredisez vous-même; et voici, ils le publieraient, et Satan endurcirait leurs cœurs et les exciterait à la colère contre vous, afin qu'ils ne croient pas mes paroles.» — (Doctrine and Covenants, p. 180).

Par cela, Smith échappait à l'obligation compromettante de fournir une seconde traduction, qui eût probablement été différente de la première; mais par la même mesure, il mettait ses disciples dans une autre difficulté; car maintenant leur Bible demeure incomplète et comment peuvent-ils dire qu'elle contient la plénitude de l'Évangile?

Type de caractère gravé sur les plaques

Néanmoins, durant ces conjonctures, Joseph Smith fut assez généreux pour confier à Martin Harris, un fragment des hiéroglyphes, copié sur un morceau de papier. Il le lui remit, en lui permettant de le soumettre à tous les savants qu'il voudrait. Martin Harris se rendit à New-York auprès de M. Anthon, professeur, jouissant d'une haute réputation en Amérique et en Europe et bien connu par de bonnes et correctes éditions des classiques. Les Mormons, à cette époque, étaient trop insignifiants pour attirer l'attention, et le résultat de l'entrevue de M. Harris avec le savant, resta ignoré pendant trois ou quatre ans. Mais les Mormons, ayant répandu le bruit que ce professeur avait vu les plaques et avait déclaré que les caractères étaient de l'égyptien, M. E.D. Howe, de Painesville, Ohio, lui adressa une lettre en le priant de déclarer le fait. Le professeur lui donna, sur son entrevue avec Martin Harris, la réponse suivante:

New-York, le 17 février 1834.

Cher Monsieur,

J'ai reçu votre lettre le 9 et j'y réponds sans perdre de temps. Toute l'histoire, concernant l'inscription mormone, que j'aurais déclarée être un «hiéroglyphe égyptien réformé», est parfaitement fausse. Il y a quelques années qu'un jeune fermier, à l'apparence un peu simple, vint me voir avec une note du docteur Michel de notre ville, aujourd'hui décédé, me demandant de déchiffrer, s'il était possible, un papier que le jeune homme me présenterait. En examinant ce papier, j'arrivai tout de suite à la conclusion que ce n'était autre chose qu'une supercherie, peut-être une mystification. Quand je demandai au jeune homme qui me le présentait, d'où lui venait ce papier, il me fit l'histoire suivante: — Un «livre d'or», composé d'un certain nombre de plaques, liées par des fils de même métal, a été tiré de la terre dans le nord de l'État de New-York et avec ce livre une paire de lunettes d'une dimension énorme. Ces lunettes étaient si grandes qu'une personne pouvait, des deux yeux, regarder au travers du même verre; elles étaient décidément trop grandes pour une face humaine. «Quiconque», disait-il, «examine les plaques au travers des verres, peut, non-seulement les lire, mais les comprendre pleinement.» Néanmoins toute cette connaissance n'était le privilège que d'un jeune homme qui avait, en sa seule possession, le coffre contenant le livre et les lunettes. Ce jeune homme se plaçait derrière un rideau dans le grenier d'une ferme, et, étant ainsi soustrait aux regards, mettait les lunettes par moments, ou plutôt regardait au travers de l'un des verres, déchiffrait les caractères contenus dans le livre, et ayant transcrit quelques-uns de ces caractères, il les tendait de derrière le rideau aux personnes qui se tenaient de l'autre côté.

Rien ne fut dit par le jeune homme, concernant l'intelligence de ces caractères par le «don de Dieu». Les grandes lunettes faisaient tout. Le fermier ajouta qu'on lui demandait de contribuer de son argent pour la publication du «livre d'or», dont le contenu, selon qu'on le lui disait, produirait dans le monde un changement complet, et le sauverait de la ruine. Les sollicitations étaient si pressantes, qu'il avait l'intention de vendre sa ferme et d'en donner le prix à ceux qui désiraient publier les plaques. Et pour dernière précaution, il s'était décidé à venir à New-York, pour demander l'opinion des hommes instruits, concernant la signification du papier qu'il avait avec lui, et qu'on lui avait remis comme un fragment du livre, quoique, en ce moment, le jeune homme aux lunettes n'en eût pas encore fait la traduction. En entendant cette histoire bizarre, je changeai d'opinion sur ce papier et au lieu de le considérer plus longtemps comme une mystification, je jugeai que ce pourrait bien être une combinaison pour duper le fermier. Je lui communiquai mes soupçons en l'avertissant de prendre garde aux fripons. Il me demanda mon opinion par écrit, ce que naturellement je déclinai, puis il partit emportant son papier avec lui.

Au fait, le papier en question était un singulier assemblage de caractères crochus de tous genres, disposés en colonnes. Il avait évidemment été composé par quelqu'un qui avait devant soi un livre contenant différents alphabets: du grec, de l'hébreu, des caractères en croix et des ornements. Des lettres romaines renversées, ou écrites horizontalement, étaient disposées en colonnes perpendiculaires. Le tout finissait par un cercle grossièrement tracé, divisé en divers compartiments et couvert de signes particuliers, copiés évidemment du calendrier mexicain, donné par Humboldt; mais copié de manière à ne pas en trahir l'origine. Je suis d'autant plus précis sur le contenu de ce papier, que j'en ai parlé fréquemment avec mes amis depuis que le mouvement mormoniste a commencé; et je me rappelle très bien que le papier contenait tout autre chose que des «hiéroglyphes égyptiens.»

Peu de temps après, le même fermier me fit une seconde visite. Il portait avec lui le «livre d'or» imprimé et m'offrit de l'acheter. Je m'y refusai. Il me demanda alors la permission de me laisser le livre pour l'examiner. Je refusai également, quoiqu'il fût extrêmement pressant. Je l'avertis de nouveau contre la friponnerie qui, dans mon opinion, avait été exercée sur lui et lui demandai ce qu'étaient devenues les plaques d'or. Il me répondit qu'elles étaient dans le coffre avec les lunettes. Je lui conseillai de s'adresser au magistrat et de faire ouvrir le coffre. Il me dit: «La malédiction de Dieu tombera sur celui qui le fera.» Néanmoins comme je le pressais d'aller au magistrat, il consentait à faire ouvrir le coffre, si je voulais prendre sur moi «la malédiction de Dieu». Cela, je le lui accordai très volontiers et lui offris de courir tous les risques de cette nature, pourvu que je pusse seulement l'arracher de la main des fripons. Puis il me laissa. — Je vous ai donné une relation complète de tout ce que je connais de l'origine du Mormonisme, et je vous demande comme une faveur de publier cette lettre immédiatement, dussiez-vous de nouveau trouver mon nom mentionné par ces misérables fanatiques.

Avec respect, je suis,
«CHARLES ANTHON.»
(10)

De l'égyptien réformé, c'est encore une invention de Joseph Smith. Il n'y a pas dans le monde une langue soit moderne soit ancienne, connue sous ce nom. Mais pour pouvoir faire passer la fraude, il lui importait nécessairement d'indiquer une langue entièrement inconnue; car eût-il déclaré simplement que les plaques étaient des hiéroglyphes égyptiens, il courait la chance de rencontrer des hommes qui, bien qu'en petit nombre, entendraient quelque chose aux hiéroglyphes, et pourraient découvrir la supercherie. Néanmoins son égyptien réformé ne lui a pas mieux réussi. De cet échantillon confié à Martin Harris, on peut inférer ce qu'étaient les plaques elles-mêmes, si jamais Smith a possédé dans son coffre des plaques contenant des caractères gravés. La lettre suivante, écrite quelques années après celle du professeur Anthon, met le sujet dans une pleine évidence. Elle parut dans le Journal de Boston, sous date du 18 Mai 1839.

Comme le Livre de Mormon ou la Bible d'or (ainsi qu'il fut primitivement appelé) a excité une grande attention et qu'il jouit aujourd'hui, auprès d'une nouvelle secte, d'une autorité égale à celle des Saintes-Écritures, je pense qu'il est de mon devoir, envers le public, de faire connaître ce que je sais sur l'origine de ce livre.

...Salomon Spaulding à qui, dans ma jeunesse, je fus unie en mariage, était gradué du Collège de Darmouth et était distingué par une imagination vive et un goût très marqué pour l'histoire. À l'époque de notre mariage, il demeurait à Cherry Valley, New-York. De là nous vînmes à New-Salem, comté d'Ashtabula, Ohio, appelé quelquefois Conneaut, par sa position sur la baie de ce nom. Peu après notre arrivée, il tomba malade et dut cesser tout travail suivi. Dans la ville de New-Salem, il y a un grand nombre de remparts et de forts que plusieurs supposent être les ruines d'édifices et de fortifications d'une race éteinte aujourd'hui. Ces anciennes reliques attirent l'attention des nouveaux arrivés et deviennent un objet de recherche pour les curieux.

Quantité de meubles et d'ustensiles y ont été trouvés, ainsi que divers articles annonçant une grande habileté dans les arts. M. Spaulding, étant un homme instruit et passionné pour l'histoire, prit un grand intérêt à ces découvertes de l'antiquité et, afin de moins sentir ses heures de retraite et de fournir un aliment à son ardente imagination, il conçut l'idée de donner une esquisse historique de cette race perdue. L'extrême antiquité qu'elle annonçait le conduisit à écrire en vieux style et, comme le Vieux Testament est le plus ancien livre du monde, il en imita le style d'aussi près qu'il le put. Son seul objet, en écrivant cette histoire imaginaire, était de se distraire et de récréer ses voisins. C'était vers l'an 1812. Je me rappelle très bien cette date. À mesure qu'il avançait dans son travail, les voisins venaient de temps en temps pour entendre la lecture de quelques fragments; leur intérêt était vivement excité. L'ouvrage était supposé avoir été écrit par quelqu'un de la nation éteinte et trouvé plus tard dans la terre. Il portait le titre de Manuscrit trouvé. Souvent les voisins s'informaient si M. Spaulding avançait en déchiffrant le manuscrit, et demandaient qu'il voulût bien, quand une portion suffisante serait prête, les en informer, afin qu'ils s'assemblassent pour en entendre la lecture. Connaissant les classiques et l'histoire ancienne, il lui fut facile d'introduire, dans le récit, plusieurs noms singuliers, qui furent particulièrement remarqués du peuple et pouvaient être facilement reconnus. M. Salomon Spaulding avait un frère, M. John Spaulding, qui alors résidait dans le même lieu. Cet ouvrage lui était parfaitement connu. Il en avait maintes fois entendu la lecture en entier. De New-Salem, nous vînmes demeurer à Pittsburgh, en Pensylvanie. Là, M. Spaulding se lia avec M. Patterson, éditeur d'un journal. Il lui montra son manuscrit. M. Patterson y prit un grand intérêt et l'emprunta pour le lire. Il le garda longtemps, puis demanda à M. Spaulding d'y faire un titre et une préface, désirant qu'on l'imprimât et assurant que ce serait avec succès et profit. M. Spaulding s'y refusa. Sidney Rigdon, qui a figuré si grandement dans l'histoire des Mormons, était à cette époque en relation avec l'imprimerie de M. Patterson; et c'est une chose bien connue dans cette contrée, Rigdon lui-même l'a souvent déclaré, qu'il eut en mains le manuscrit de M. Spaulding et le copia. C'était un fait notoire pour toutes les personnes en relation avec l'imprimerie. À la fin le manuscrit revint à l'auteur et peu après nous partîmes pour Amity, comté de Washington, où M. Spaulding mourut en 1816. Le manuscrit alors m'échut et fut soigneusement gardé. Il a été fréquemment examiné par ma fille, Mme. Mackenstry, de Monson, Massachussets, avec qui je demeure maintenant, et par d'autres amis.

Après que le livre de Mormon eut paru, un exemplaire en fut porté à New-Salem, l'ancienne résidence de M. Spaulding, le lieu même où le «Manuscrit trouvée» avait été écrit. Une femme, prédicateur, y convoqua une réunion; et, durant son discours, lut et répéta de longs extraits du livre de Mormon. La partie historique fut immédiatement reconnue de tous les plus vieux habitants, comme parfaitement identique avec l'ouvrage de M. Spaulding, auquel, longtemps auparavant, ils s'étaient si profondément intéressés. M. John Spaulding était présent et reconnut parfaitement l'ouvrage de son frère. Il en fut si étonné et affligé qu'il ne put contenir sa douleur: il fondit en larmes, se leva sur-le-champ et exprima devant l'assemblée sa tristesse de voir les écrits de son frère défunt, servir à une œuvre si révoltante. L'excitation dans New-Salem devint si grande, que les habitants eurent une assemblée et députèrent ici le docteur Philastus Hurlbut, l'un d'entre eux, chargé de me demander le manuscrit original de M. Spaulding, désirant le comparer avec la Bible des Mormons, pour satisfaire leur propre esprit et empêcher leurs amis de tomber dans un piège aussi grossier. Cela se passait en 1834. Le docteur Hurlbut était porteur d'une lettre d'introduction, signée de Messieurs Henry Lake, Aaron Wright, et autres, qui tous m'étaient connus, vu qu'ils étaient mes voisins quand je demeurais à New-Salem. Je suis sûre que rien n'aurait autant fait de peine à mon mari vivant que l'usage auquel on faisait servir son travail. L'air d'antiquité, qui en caractérise la composition, suggéra sans doute l'idée de le faire servir à cette œuvre de fausseté. Ainsi, un roman historique avec l'addition de quelques expressions pieuses, tirées de l'Écriture sainte, a été converti en une nouvelle Bible, et donné, par la jonglerie, comme divin à une troupe de pauvres fanatiques déçus. J'ai donné la narration précédente, quoiqu'en abrégé, pour aider les recherches sur l'origine de cette œuvre d'iniquité et de profonde déception, afin que les auteurs en soient exposés au mépris et à l'exécration qu'ils méritent si justement.

«MATILDA DAVISON.» (11)

Avec cette explication, on comprend comment un homme sans instruction tel que Joseph Smith, s'est trouvé capable de composer un volume de 500 pages. Mais jusqu'ici l'on ignore comment Smith et Sidney Rigdon ont été mis en rapport.

Ce qu'on sait, c'est que dès le début du Mormonisme, Sidney Rigdon a été le bras droit de Joseph Smith et que parfois il tentait de partager son autorité. Il n'y parvint jamais cependant. Son ambition déçue l'amena plus d'une fois à rompre avec Smith; mais toujours les Mormons parvenaient à le réconcilier; il était trop influent pour qu'on le laissât dans une position d'ennemi. Après la mort de Joseph Smith, il aspira à la succession. Les Mormons la donnèrent à Brigham Young et éloignèrent Rigdon qui, depuis, leur demeura constamment hostile.

Sa vengeance, les Mormons la redoutaient extrêmement et leur frayeur, dans ce cas, indique passablement la complicité de Sidney Rigdon avec Smith dans la publication du livre de Mormon.

«Frère Sidney déclare qu'il veut raconter nos secrets», s'écriait Brigham Young en cette circonstance, «mais je dirai: Oh! ne le faites pas, frère Sidney! ne dites pas nos secrets — oh! ne le faites pas! Mais s'il dit les nôtres, nous dirons les siens. L'un pour l'autre. Pendant longtemps à Pittsburgh, il a eu des visions révélant une affreuse iniquité parmi les saints. Maintenant, s'il connaît une telle iniquité, et s'il possède un tel pouvoir, pourquoi est-ce qu'il ne nous en purifie pas? Il professe qu'il a les clefs de David. Pouvoir merveilleux! Révélations merveilleuses! Et ainsi il veut publier notre iniquité! Ô cher frère Sidney! ne publiez pas notre iniquité! Je vous en prie, ne le faites pas.» (12)

Le pouvoir de traduire par inspiration que Smith prétendait posséder, a aussi été mis à l'épreuve d'une manière à laquelle il ne s'attendait pas. Le témoignage, qui en résulte, ne touche, il est vrai; qu'indirectement le livre de Mormon, déjà publié depuis plusieurs années, quand arriva le fait dont nous allons parler. Mais s'il n'affecte pas directement le livre de Mormon, il nous fait du moins connaître Joseph Smith, en sa capacité de traducteur par inspiration. En 1842, M. Caswall visita Nauvoo, muni d'un manuscrit grec des Psaumes, vieux d'environ 600 ans, et le présenta au prophète mormon, en lui demandant ce qu'il en pensait. Smith, sans décliner sa capacité de traduire par inspiration, déclara que ce manuscrit était un dictionnaire de hiéroglyphes égyptiens.

«Le prophète, dit M. Caswall, me conduisit dans sa maison, accompagné d'un grand nombre d'anciens, de prédicateurs et d'autres dignitaires mormons. En entrant on offrit des chaises au prophète et à moi, tandis que les spectateurs curieux se tenaient debout la bouche ouverte. Je tendis le livre au prophète, et le priai d'en expliquer le contenu. Il me demanda si j'en avais quelque idée. Je lui répondis que je croyais que c'était un Psautier grec; mais que j'aimerais connaître son opinion. «Non», dit-il, «ce n'est pas du grec du tout, excepté peut-être quelques mots. Ce qui n'est pas grec est égyptien, et ce qui n'est pas égyptien est grec. Ce livre est d'un grand prix. C'est un dictionnaire de Hiéroglyphes égyptiens. Montrant les lettres capitales au commencement de chaque verset, il disait: «Ces figures sont des hiéroglyphes égyptiens; et ce qui suit, c'est l'interprétation des hiéroglyphes écrite en égyptien réformé. Ces caractères ressemblent aux lettres qui étaient gravées sur les plaques d'or.» Sur quoi, les Mormons qui nous entouraient, commencèrent à me féliciter des informations que je recevais. «Nous vous le disions bien», ajoutaient-ils, «nous vous disions bien que notre prophète vous satisferait. Personne que lui ne peut expliquer ces mystères.» Le prophète, dans ce moment, se tourna vers moi et me dit: «Ce livre ne vous est d'aucune utilité, vous ne le comprenez pas.»

«Oh! oui», répondis-je, «il m'est de quelque utilité».

...Ayant montré le livre au prophète, je le priai en retour de me montrer ses papyrus et de m'en donner l'explication, laquelle j'avais déjà reçue quoique indirectement. Nous nous rendîmes au bureau accompagnés de la multitude. Il ouvrit la boîte contenant les papyrus, que j'avais vus le jour précédent; mais il ne parut guère empressé d'en expliquer les figures. Je lui montrai du doigt un hiéroglyphe particulier, lui demandant d'en donner la signification. Ne recevant point de réponse, je levai les yeux, mais, ô merveille! le prophète avait disparu. Les Mormons me dirent qu'il venait de sortir et que probablement il rentrerait bientôt. J'attendis un peu mais en vain: à la fin je descendis à la rue. J'entendis un bruit de roues et vis dans ce moment le prophète dans une légère voiture, agitant son fouet et roulant aussi vite que deux beaux chevaux pouvaient le traîner. Comme il disparaissait enveloppé d'un nuage de poussière, je sentis que j'avais tourné une autre page du grand livre de la nature humaine.» — Caswall's, M.A. Three Days at Nauvoo, p. 36 et 37.

Voilà donc les vrais témoins du Livre de Mormon. Ceux-là nous montrent, avec la dernière évidence, que jamais JOSEPH SMITH n'a possédé et n'a traduit des hiéroglyphes égyptiens, contenant l'histoire de l'Amérique ancienne, et nous apprennent, avec la même certitude, que son LIVRE DE MORMON est une imposture.

Après cette enquête, relative à la prétendue authenticité du livre de Mormon, je ferai remarquer deux choses qui, pour un observateur sérieux, seraient plus que suffisantes sur ce point. Le fait, premièrement, d'une nouvelle révélation ajoutée aux Saintes Écritures, après des déclarations telles que: «Si quelqu'un ajoute à ces choses, Dieu fera tomber sur lui les plaies écrites dans ce livre.» (Apocalypse 22:18). Et, remarquez-le, une révélation contraire à ce qu'ont enseigné les apôtres du Seigneur Jésus, car, par exemple, quelle chose est plus contraire à l'Évangile qu'un salut par le baptême, qui annule de fait la croix de Christ et cela au mépris des avertissements de Dieu. «Si quelqu'un vous évangélise autre chose que ce que vous avez reçu, qu'il soit anathème!» (Galates 1:9).

Mais ce qui est d'une importance tout aussi grande, c'est de remarquer que Smith et ses apôtres ne donnent jamais, en faveur du Livre de Mormon, que l'attestation des onze témoins; mais point de témoignages internes, point d'effets vivants, point de pouvoir moral, attribués au livre de Mormon par ses promoteurs. Ils nous mettent dans l'exclusive nécessité de les croire eux et leurs témoins. Est-ce un livre de Dieu, celui qui ne peut parler pour soi-même? Il est sur la terre des milliers de lecteurs de la Bible, qui aiment Jésus et ne savent ce qu'on appelle les preuves externes, — qui ne pourraient juger d'une traduction ni expliquer les voies merveilleuses par lesquelles Dieu nous a conservé sa bonne Parole jusqu'à ce jour et qui néanmoins savent que la Bible est la Parole de Dieu, et possèdent par devers eux la plus forte de toutes les preuves, le témoignage interne. La Bible leur a parlé comme Dieu seul peut parler; ils le savent.

En disant que l'Écriture possède un pouvoir moral et produit des effets vivants, je n'entends point par là l'émotion de nos facultés naturelles, telle qu'on peut l'éprouver, par exemple, à l'ouïe d'une narration attendrissante. Je veux dire que la Parole de Dieu, telle que nous l'avons dans les Saintes Écritures, a le pouvoir par le Saint-Esprit, de révéler à l'homme ce qu'il est et de réveiller sa conscience envers Dieu, en même temps qu'elle a aussi le pouvoir de révéler Christ dans ce cœur et d'y produire la vie impérissable.

Tout chrétien peut dire comment la voix de Dieu, dans les Écritures, a trouvé l'accès de son cœur et l'a pénétré jusque dans les derniers replis; — comment cette Parole le juge intérieurement et lui révèle l'état de son âme avec une connaissance qui ne peut être que celle de Dieu; — comment elle lui dévoile les motifs de ses actions et lui apprend sur lui-même des choses qu'il n'aimerait pas à s'avouer, mais desquelles la droiture le fait convenir. Quelle est cette voix qui se fait entendre jusque dans les dernières retraites du cœur de l'homme? C'est celle de Dieu. C'est «la Parole plus pénétrante qu'aucune épée à deux tranchants, qui pénètre jusqu'aux divisions de l'âme, de l'esprit, des jointures et des moelles, et juge des pensées et des intentions du cœur.» (Hébreux 4:12) Faut-il des témoins pour prouver à un homme que la Parole de Dieu lui a montré les secrets de son cœur? Des témoins pour cela! Il lui suffit d'être témoin lui-même, et il n'en demande pas d'autres.

Il y a de plus, pour celui qui reçoit la Parole de Dieu, un tout autre ordre de faits spirituels. Christ lui est précieux, il croit en Lui, il le connaît. En Lui, il jouit de la paix de Dieu, il connaît les affections célestes, savoure la communion du Père. Il trouve dans son bonheur une force qui le rend capable de résister au courant de ce monde. De tout cela, il n'en connaissait rien autrefois, mais aujourd'hui son âme en est remplie. Qu'est-ce qui met son âme en contact avec un tel bonheur? C'est la révélation de Christ par la Parole de vérité, laquelle ayant crue, il a été scellé du Saint-Esprit et est devenu participant d'une nouvelle vie. Il a le témoignage en lui-même. Et la Parole écrite lui révèle que la paix et le bonheur dont il jouit, c'est la portion du croyant en Jésus. Faut-il des témoins pour prouver à un chrétien que le nom de Jésus le rend heureux? Il est ce témoin lui-même.

Revenons aux Mormons.



Notes

1 Ce livre, «d'après le sommaire qu'en donne un apôtre mormon», contient l'histoire des anciens habitants de l'Amérique, qui étaient une branche de la maison d'Israël, de la tribu de Joseph, et dont les Indiens sont encore un reste. Mais la principale nation d'entre eux étant tombée dans la bataille au 4e ou 5e siècle, un de leurs prophètes, nommé Mormon, trouva convenable d'écrire un abrégé de leur histoire, de leurs prophéties et de leurs doctrines qu'il grava sur des plaques. Plus tard le prophète ayant été tué, ces archives tombèrent dans les mains de son fils Moroni qui, étant poursuivi par ses ennemis, mit ces plaques en sûreté dans la terre, ayant de Dieu la promesse qu'elles seraient préservées et mises en lumière dans les derniers jours par une nation qui alors posséderait la terre. Le dépôt en fut fait vers l'an 420 sur une colline alors appelée Cumora et qui appartient au territoire, connu maintenant sous le nom de Comté d'Ontario, où elles se conservèrent jusqu'à ce qu'elles fussent mises en lumière par rien moins que le ministère des anges et une traduction par inspiration. Et le grand Jéhovah l'a confirmé aux témoins choisis qui le déclarent au monde. — (Voice of Warning, Parley, P. Pratt.)
2 Voix de Joseph.
3 Révélation donnée en novembre 1831: Écoutez-moi, dit le Seigneur votre Dieu, pour l'amour de mon serviteur Olivier Cowdery. Ce n'est pas sagesse en moi, qu'il soit chargé de cette commission avec les commandements et l'argent qu'il portera à la terre de Sion, à moins que quelqu'un de fidèle et vrai n'aille avec lui; c'est pourquoi, moi le Seigneur, je veux que mon serviteur John Whitmer aille avec mon serviteur Olivier Cowdery.
4 Bowes, Mormonism exposed, p. 29.
5 Bowes, p. 29.
6 Bowes, p. 30.
7 The Mormons, or Latter-Days Saints, p. 36.
8 Gray's, Principles and Practices of Mormons, p. 51.
9 C'est la traduction de ce passage dans le livre de Mormon anglais I took the compass. (Book of Mormon, p. 48).
10 The Mormons, p. 28 et 29.
11 The Mormons, p. 31 à 33.
12 The Mormons, p. 178.


Le vrai Joseph Smith photographié en 1844, peu avant sa mort

Joseph Smith

Les pages précédentes suffisent pour montrer que l'imposture est à la base du Mormonisme. Il reste à faire connaissance avec l'artisan de la fraude et avec ceux qu'elle a entraînés, c'est-à-dire, avec Joseph Smith et les Mormons. Nous ne nous occupons du premier qu'en sa qualité de prophète.

Le prophète Joseph Smith a émis un grand nombre de révélations, reçues, a-t-il dit, de la part du Seigneur ou de Jéhovah. Elles sont pour la plupart contenues dans un livre intitulé, Doctrine and Covenants (13). Réunies, elles forment un tout de 260 pages, format in-16. Si la vérité y manque, le ton d'autorité n'y manque jamais. D'autres se trouvent en divers écrits mormons. M. Snow a publié celles par lesquelles débuta Joseph Smith. Il faut y remarquer un trait qui nous donne la clef de toutes les visions et révélations subséquentes de son prophète. C'est qu'avant d'avoir reçu aucune révélation, Joe (14) avait l'esprit frappé de cette pensée que Dieu ne pouvait reconnaître qu'une seule dénomination comme son Église, et qu'il était impossible que tant de sectes qui s'offraient à sa vue, fussent toutes reconnues de lui. Une seule pouvait l'être et encore restait-il à savoir si elle existait et comment, dans ce cas, on pourrait la trouver. Puis, quand Dieu daigna l'instruire dans une vision merveilleuse, le glorieux messager que Dieu lui adressait, lui déclara, au sujet des pensées qui avaient «précédemment agité son esprit», que toutes les dénominations religieuses donnaient créance à de fausses doctrines et qu'aucune, par conséquent, n'était reconnue de Dieu (15). Ceci décide du caractère des révélations de Joseph Smith: elles n'étaient rien autre au fond que ses propres pensées données sous la sanction de l'autorité de Dieu. De là, leur valeur.

Dans plusieurs cas connus, les prophéties de Smith se sont trouvées fausses. Il émit une fois la prédiction que son fils, dont la naissance était attendue, aurait le privilège de voir les tables d'or. C'était, comme on sait, une faveur dont personne ne jouissait à moins d'une permission spéciale du ciel. Mais le prophète eut une déception, car l'enfant vint au monde mort-né et difforme (16). Il en fut de même en d'autres occasions, dont voici deux exemples:

Après un voyage d'exploration pour choisir le lieu où serait bâtie la Sion de Dieu, Joseph Smith ayant décidé que ce serait à Indépendance, dans le Missouri, émit en Juillet 1851, les déclarations suivantes de la part du Seigneur:

«Écoutez, ô vous, les anciens de mon église! dit le Seigneur votre Dieu, vous qui vous assemblez selon mes commandements dans cette terre qui est la terre du Missouri, laquelle j'ai désignée et consacrée pour la réunion des saints; c'est pourquoi, c'est la terre de promesse et le lieu pour la cité de Sion. Et voici, dit le Seigneur votre Dieu, le lieu qui maintenant est appelé Indépendance, est la place centrale; à l'ouest près de la cour de justice, se trouve un endroit pour le temple. C'est pourquoi, c'est selon la sagesse qu'on fasse l'acquisition de ce terrain. Voici, c'est selon la sagesse qu'on l'acquière pour un héritage éternel.» — (Doctrine and Covenants, p. 166.)

Dans une autre révélation, il promettait à l'église et à la génération naissante, la possession de cette terre de Sion, «de génération en génération, d'éternité en éternité (17)».

Eh bien! cette Sion du Missouri, dont Joseph Smith voulait gratifier le Seigneur en 1831, cette terre consacrée que les saints devaient posséder de génération en génération, n'est plus la demeure des Mormons, ils en furent chassés en 1833.

Après une dispersion de plusieurs années, ils purent encore se rallier dans l'Illinois en 1839.

Ils s'établirent sur les bords du Mississipi, et firent leur centre d'un village nommé Commerce, où ils entreprirent de bâtir une ville à laquelle ils donnèrent le nom de Nauvoo. Là encore, des révélations de Joseph Smith consacrèrent le lieu de la part du Seigneur. C'est là qu'était planté un pieu qui serait la pierre angulaire en Sion et où l'on bâtirait la maison du Très-Haut, ainsi qu'une maison où Joseph Smith et sa postérité habiteraient de génération en génération.

«Venez», dit le prophète, dans une révélation du 19 janvier 1841, «venez avec votre or, votre argent, vos pierres précieuses, vos choses antiques; amenez ceux qui connaissent les antiquités; apportez le buis, le sapin, le pin, tout ensemble... et bâtissez une maison à mon nom pour la demeure du Très-Haut.

...Et quant à mon hôtellerie pour les étrangers... qu'elle soit bâtie en mon nom et que mon serviteur Joseph et sa maison y aient leur place de génération en génération.» — (Doctrine and Covenants, p. 300 et 303.)

De cette seconde Sion, les Mormons furent encore chassés en 1846. En 1847 ils arrivèrent en Californie, où ils fondèrent pour une troisième fois la Sion du Seigneur. Que valent maintenant les révélations concernant Indépendance et Nauvoo? car il n'y a plus de Sion là, et les Mormons affirment aujourd'hui qu'elle est au Deseret en Californie. Que conclure? si ce n'est que Joseph Smith ne parlait pas de la part du Seigneur, quand il disait: «Ainsi a dit le Seigneur.»

En outre, ses révélations donnent au Seigneur un caractère étrange:

«Et encore, vous dis-je, en vérité, que mon serviteur Sidney Gilbert se plante dans ce lieu et y établisse un magasin, afin qu'il puisse vendre des marchandises sans fraude et gagner de l'argent pour acheter des terres à l'usage des saints, et obtenir toutes les choses dont ils pourraient avoir besoin en s'établissant dans leur héritage. Qu'aussi mon serviteur Sidney Gilbert obtienne une patente, — (voici c'est ici la sagesse et que celui qui le lit le comprenne) — pour vendre des marchandises au public, par le moyen de qui il lui plaira, par des commis attachés à son service, et qu'ainsi il fournisse mes saints, afin que mon évangile soit annoncé à ceux qui sont assis dans les ténèbres et l'ombre de la mort.» — (Doctrine and Covenants, p. 167.)

Et Joseph Smith ne rougissait point d'attribuer au Seigneur un tel rôle, au mépris de toute vérité! Serait-il vrai que Jésus fait de son Église, pour laquelle il mourut, une compagnie de brocanteurs? La seule chose que cette révélation nous apprenne, c'est l'impiété de celui qui a osé la prononcer de sa part. Mais si de telles révélations attribuent au Seigneur un caractère étrange et faux, elles peindront peut-être le vrai caractère du prophète mormon. Voyons.

Dans une révélation de février 1831, nous trouvons:

«Si vous désirez les mystères de mon royaume pourvoyez (mon serviteur Joseph Smith) de provisions, de vêtements et de tout ce dont il pourrait avoir besoin pour accomplir l'œuvre que je lui ai confiée.» — (Doctrine and Covenants, p. 131.)

Et encore:

«Révélation donnée en Sion, Août 1831.»

«...C'est selon la sagesse que mon serviteur Martin Harris (18) soit en exemple à l'église, en déposant son argent devant l'évêque de l'église. De plus, ceci est une loi pour tous ceux qui viendront dans cette terre y recevoir un héritage; ils feront de leur argent selon cette loi. Et c'est aussi sagesse qu'on achète des terres à Indépendance pour y établir un magasin et une imprimerie.» — (Doctrine and Covenants p. 146.)

«Révélation donnée à Joseph Smith le 19 Janvier 1841.»

«Et maintenant je vous dis, concernant mon hôtellerie que je vous ai commandé de bâtir pour la réception des étrangers, qu'elle soit bâtie en mon nom, que mon nom y soit attaché et que mon serviteur Joseph et sa maison y aient leur place de génération en génération; car cette onction, je l'ai mise sur sa tête, afin que sa bénédiction soit aussi sur la tête de sa postérité après lui. — (Doctrine and Covenants, p. 303.)

De quelle part peuvent venir des révélations données à Joseph Smith, pour inviter Martin Harris à verser son argent aux pieds de l'évêque, — et pour obtenir des saints qu'ils bâtissent une maison à Joseph Smith? c'est ce qu'il est aisé de comprendre, comme aussi de discerner le caractère qu'elles font à celui qui les a composées et émises. Mais, une fois dans ce chemin, il n'y avait plus de bornes pour Joe. La révélation suivante, donnée au sujet de Martin Harris, montrera jusqu'où pouvait aller l'audace du prophète soit envers Dieu, soit envers l'homme. Trop longue pour être citée en entier, j'en donnerai seulement quelques fragments:

«Commandement de Dieu, non de l'homme, donné à Martin Harris (Manchester, New-York, Mars 1830) par Celui qui est éternel.

Je suis l'Alpha et l'Oméga, le Christ, le Seigneur, le commencement et la fin, le Rédempteur du monde... Il est écrit damnation éternelle; c'est pourquoi cette Écriture est plus importante que les autres, vu qu'elle doit agir sur le cœur de tous les enfants des hommes pour la gloire de mon nom. C'est pourquoi je vous expliquerai ce mystère, à vous qui êtes mes apôtres. Je parle à vous qui êtes choisis en vue de cette œuvre unique, afin que vous puissiez entrer dans mon repos; car voici, le mystère de piété est un grand mystère; car voici, je suis sans fin et la punition de ma main est une punition sans fin; c'est pourquoi:

La punition de Dieu est une punition éternelle.

La punition de Dieu est une punition sans fin.

C'est pourquoi je vous commande de vous repentir et de garder les commandements que vous avez reçus de la main de mon serviteur Joseph Smith, junior, en mon nom; et c'est par mon pouvoir tout-puissant que vous les avez reçus; c'est pourquoi je vous commande de vous repentir, de vous repentir, de peur que je ne vous frappe avec mon sceptre dans ma colère, et que vos souffrances ne soient aiguës — aiguës à un degré dont vous n'avez nulle idée...

Et encore je te commande» (à Martin Harris) «de ne pas convoiter ta propriété, mais d'en faire part librement pour l'impression du livre de Mormon qui contient la vérité et la parole de Dieu, afin que bientôt il soit prêché aux Juifs de qui les Lamanites sont un reste.» — (Doctrine and Covenants, p. 193-195).

Cette révélation montre à quel degré Smith avait perdu toute conscience. Quel état d'âme, en vérité, que le sien! quelle impiété envers Dieu, quelle audace envers l'homme il fallait pour oser s'emparer de l'autorité divine, enchaîner la conscience des hommes et disposer de leurs biens.

Qu'on ne pense pas que ce soit ici chose rare; les exemples de ce genre sont nombreux dans les révélations de Joseph Smith. Qu'il s'agisse d'ouvrir la bourse de ses adhérents ou d'exciter leur zèle, on parfois d'obtenir des services qui répugneraient à l'honnête homme, ce n'était jamais une difficulté pour lui. Avec un: Ainsi a dit l'Éternel, il commandait toute obéissance. Aussi avec une telle manière de faire, bien lui a valu d'avoir créé ses premiers établissements sur les confins du monde civilisé. S'il l'eût essayé ailleurs, il est plus que probable qu'il aurait appris comment on punit les escrocs (19).

Ses révélations font au Seigneur un caractère étrange, avons-nous remarqué précédemment. Il faut ajouter qu'elles sont accompagnées d'une doctrine hérétique. Appeler hérésie la doctrine que Smith a enseignée, c'est lui faire beaucoup d'honneur, parce que c'est supposer qu'au point de départ, cette doctrine tenait à une vérité par un bout. Et c'est là ce qui manque aux notions dont il a doté l'église des saints des derniers jours. Elles n'ont pas même l'honneur de l'origine. Rien de plus grossier ni de plus offensant pour la foi. «Dieu», selon lui, «a vraiment un corps et des membres, il mange, boit», etc. (20) «Dieu a créé le monde par la foi.» (21) «Christ est un être sauvé.» (22) Et ainsi du reste; mais nous ne pouvons pas nous y arrêter ici. Ce sujet qui est de quelque importance, exige un examen à part (23). Constatons simplement que, sur ce point comme en tant d'autres, Smith n'a pas dit la vérité. Ainsi donc, en nous résumant, nous sommes obligés de conclure que des révélations qui portent l'empreinte de la fausseté soit comme prédictions, soit comme doctrines, — des révélations qui ont pour objet de favoriser l'escroquerie ne peuvent pas donner à Joseph Smith le caractère de prophète de Dieu.

Enfin, peut-il supporter une autre épreuve à laquelle la Bible soumet les prophètes? car, en parlant d'eux, le Seigneur a dit: «Vous les connaîtrez à leurs fruits.» (Matthieu 7:15-20). Quels fruits donc trouvons-nous dans la vie de ce prophète? Ici les témoignages sont nombreux; mais nous ne les demanderons pas à ses sectateurs, qui ne voient en lui qu'un saint, qu'un martyr de la vérité. Joseph Smith a été bien connu soit du public, au milieu duquel il a vécu, soit de ses propres disciples parmi lesquels plusieurs, après avoir été désabusés, nous ont fourni des renseignements.

Bien des témoignages sur le sujet peuvent être donnés; mais avant de les citer, quelques mots d'explication sont nécessaires.

D'abord, les saints des derniers jours n'ont jamais été autre chose qu'un établissement mondain d'un nouveau genre. Tous réunis sur un ou deux points du pays, ils s'appliquèrent avec zèle, dès le commencement, à faire le commerce, la banque, à acheter des terres et à bâtir. Ils ont montré pour ces œuvres un très grand savoir-faire. Puis Smith, en fixant, par des révélations, les lieux où l'église devait s'établir, désignait ordinairement quelque endroit sur les confins des États de l'Union américaine, près des sauvages. Là, elle était moins gênée par une police forte et vigilante; mais, en échange, elle avait, parmi ses voisins, bien des gens aux habitudes indisciplinées, qui préféraient aussi ces frontières aux localités plus centrales du pays. Et l'église se trouvait souvent en querelles avec son voisinage. Elle offensait les Américains par ses prétentions et ses actes, car le pays lui appartenait, croyait-elle, et elle procédait selon sa croyance. Ceux-là s'en irritaient, levaient la milice; et les Mormons prenaient les armes.

Parfois, ils furent chassés sur d'autres points du pays; en d'autres occasions, la querelle finit devant les tribunaux. Et c'est par là que divers témoignages, concernant Joseph Smith, sont venus jusqu'à nous. Ils revêtent ainsi l'authenticité de déclarations faites devant la justice, dans les diverses procédures, qu'ont eues à essuyer les Mormons avant leur expulsion du Missouri et de l'Illinois. D'autres sont des faits qui ont eu un retentissement public.

Il est d'abord certaines choses attestées qui paraissent avoir été de peu d'importance pour Smith, si l'on en juge par la manière dont il s'en excusait. Il jurait parfois. Quand les Américains levèrent la milice et investirent les Mormons à Far-West, le prophète entremêla d'imprécations une harangue contre ses ennemis. On ne devait point penser, ajoutait-il, que Dieu ferait attention aux malédictions qu'il prononçait contre ces damnés (d'Américains) (24).

Il lui arrivait aussi de s'enivrer. Plusieurs cas sont mentionnés par M. Caswall. Les raisons pour lesquelles Joe s'enivrait, vous ne les supposeriez pas. C'était, disait-il lui-même, pour empêcher ses disciples de l'adorer comme un dieu; c'était parce que plusieurs anciens s'enivraient fréquemment sans jamais en faire confession. En s'enivrant lui-même, il voulait qu'on vît combien c'est mal, et qu'en écoutant sa confession, les anciens de l'église pussent profiter d'un bon exemple (25).

Jurer et s'enivrer ne s'accordent guère avec des prétentions de prophète. Mais qu'est-ce que cela, quand on a à constater, dans la vie du même homme, le vol, l'impudicité, le meurtre! Je prie le lecteur de ne pas s'étonner de ces assertions; elles ne sont point avancées légèrement. J'en donnerai, pour première preuve, la Banque de Kirtland:

«Smith et Rigdon fondèrent une association commerciale, et plus tard une banque, sous la raison Smith et Cie. Ils s'intitulèrent eux-mêmes: «Les administrateurs de la propriété consacrée.» Ils commencèrent sans fonds et se fournirent abondamment de marchandises. Quand arriva l'échéance des billets qu'ils avaient passés à leurs créanciers, ils émirent leurs propres billets en paiement. Mais comme on suspectait l'état de leur caisse, plusieurs des créanciers demandèrent à connaître où elle en était. Smith l'avait prévu, et s'était fourni d'une centaine de boites toutes construites sur un même modèle et avait imaginé d'en remplir une d'un millier de dollars (5420 francs). Il remplit les autres de pierres, de plomb, de vieux fer, de débris, mais posa sur toutes une étiquette de «MILLE DOLLARS». Quand on vint aux informations, il ouvrit celle des boîtes qui contenait l'argent, montra les autres, permit qu'on en appréciât le poids, et persuada à ses visiteurs que la maison avait en caisse une somme de 100,000 dollars, lorsqu'en vérité elle n'en avait guère plus de 1000. Il parvint ainsi à tromper la confiance et à augmenter largement le nombre des déposants à la banque Smith et Cie; il dépouilla ainsi un grand nombre d'individus. À la fin, la maison fit banqueroute, et Joseph Smith s'enfuit à la faveur de la nuit, ou, comme disent les Américains, «entre deux jours». La justice le poursuivit, mais étant parvenu à fuir au-delà des limites des États-Unis, il fut déclaré hors la loi. Concernant cette transaction, le journal américain L'ANTIDOTE, écrit, sous le titre de «Banqueroute des imposteurs mormons: — Ce méprisable système a finalement fait explosion! Smith le grand meneur de la fraude, s'étant adressé à la Cour des Débiteurs insolvables, pour être délié d'engagements montant à cent mille dollars, soit 25,000 livres sterlings.» — (Gray's, Principles and Practices of Mormons, p. 54.) (26)

Disons que durant l'existence de la banque de Kirtland, l'église Smith et Cie envoyait de l'argent à Indépendance dans le Missouri, où elle achetait des terres et bâtissait Sion. Du reste la conduite de Smith comme banquier ou négociant harmonise avec sa conduite comme prophète; elle est, dans les deux cas, marquée au coin de l'iniquité. Le dommage qui en résultait pour d'autres, c'était à ses yeux chose de peu d'importance, et quant aux moyens de réussir, il y regardait fort peu. Si la ruse ne pouvait le servir, les armes y suppléaient. Nous l'apprenons de Sampson Avard, officier dans un corps de Mormons armés:

«Le capitaine Patten», dit-il, «conduisit la troupe (des Mormons) à Gallatin sous prétexte de disperser les rassemblements. Il se jeta sur Gallatin, dispersa le peu d'hommes qui s'y trouvaient, pilla le magasin de Stolling, puis y mit le feu. Quand nous fûmes rentrés à Diahmon, le butin fut déposé dans le magasin du Seigneur sous les soins de l'évêque Vincent Knight; et, peu après, partagé entre ceux qui avaient pris part à l'expédition, laquelle avait été faite sous la haute direction du premier président, Joseph Smith (27)

Un cas tout semblable est rapporté par M. W. Harris.

«Au commencement de 1838, éclata le dernier conflit entre les Mormons et les habitants du Missouri. Smith, avec une compagnie de Mormons venus de Far-West, entra dans le comté de Davies sous prétexte, comme il le disait, de disperser la foule. Ils n'en trouvèrent point quand ils y arrivèrent. Mais son armée effraya les citoyens de Davies qui s'assemblèrent de leur côté. Aussitôt les Mormons réunirent une force de trois à quatre cents hommes et forcèrent les citoyens à la retraite. Ceux-ci s'enfuirent, laissant le pays désert, plusieurs milles à la ronde. En cette occasion, les Mormons tuèrent deux-cents porcs, prirent 40 ou 50 ruchers et détruisirent plusieurs champs de blé. Le mot d'ordre était que le Seigneur, par le moyen de son évêque, avait consacré les dépouilles à son armée. Tout ceci fut accompli dans un temps où les Mormons étaient pleinement fournis de provisions et avant que les habitants de ces quartiers ne leur eussent rien pris. Ils continuèrent ces déprédations, pendant environ une semaine, jusqu'au moment où fut levée contre eux la milice de Clay.» — (W. Harris, Mormonism Portrayed.)

Sous le rapport des mœurs, la vie de Smith est loin d'avoir été honorable. Laisser dans le secret des œuvres de ténèbres, ce serait, à la vérité, plus agréable que de les mettre en lumière. Mais le devoir exige qu'il en soit fait mention et surtout dans un écrit du genre de celui-ci. Smith a vécu dans le désordre et a donné à ce désordre la sanction de l'autorité de Dieu. En créant le système dit de l'Épouse spirituelle, il a établi, par voie de doctrines et de révélations, l'infidélité conjugale et la débauche dans ses plus grossiers égarements.

«Les bénédictions de Jacob lui étaient dévolues et lui conféraient, disait-il, le pouvoir d'accorder une polygamie sans réserve. D'après une telle doctrine, enseignée par le chef de la secte, plusieurs femmes dont les maris avaient reçu de lui une mission pour un pays éloigné, étaient, en leur absence, engagées à devenir ses «épouses spirituelles» ou «les dames du voile blanc», et cela sous l'impie usage de révélations par lesquelles, pour chaque cas en particulier, il aurait connu que c'était la volonté de Dieu. Mais ici, dans la direction miséricordieuse de la divine Providence, quand l'iniquité coulait comme un torrent, le Seigneur éleva une digue. Smith tenta d'ajouter au nombre de ses «épouses spirituelles» la fille de Rigdon, son ancien ami, qui lui avait été d'un si grand service. Blessé dans ses sentiments paternels, Rigdon ne put endurer l'outrage qu'il recevait dans la personne de son enfant; il rompit avec Smith et le Mormonisme, ainsi que le fit aussi M. Bennett, précédemment maire de Nauvoo, qui, par le moyen des journaux américains, fit connaître ce qu'était Joseph Smith (28)

Deux faits, tirés de l'Histoire des Saints par Bennett, sont ordinairement reproduits dans les écrits qui s'occupent des Mormons en leur qualité de saints. Ce sont deux tentatives de séduction par Joseph Smith: l'une envers Melissa Schindle, l'autre envers Martha H. Brotherton. L'une et l'autre ont révélé l'odieuse conduite du prophète, et ont confirmé leurs révélations par serment en présence de juges (29).

De ces deux dépositions, il ressort que Smith faisait des visites nocturnes, et qu'il cherchait à prix d'or à gagner les femmes qu'il ne pouvait autrement persuader de sa divine mission pour ce genre d'œuvres.

Il en ressort encore, que lui et Brigham Young avaient un bureau pour recevoir, à huis clos, la visite des épouses spirituelles; et que Smith, investi des clefs du royaume, possédait tout pouvoir de lier et délier, que son autorité allait jusqu'à délier des liens sacrés, et même la conscience envers Dieu.

D'autres témoins ont encore déposé contre Joseph Smith au sujet d'actes semblables. Dans ce nombre, il faut compter Arrowsmith qui, sans être Mormon, a vécu parmi eux plusieurs années, étant le beau-frère de l'apôtre mormon, Taylor. Lui aussi dépose contre Smith (30). Mais c'est assez de citations, passons à un cas d'une autre nature.

Une accusation très grave pèse sur Joseph Smith, celle de complicité dans une tentative de meurtre sur la personne de M. Boggs, l'ex-gouverneur du Missouri, son ancien ennemi.

«Le fait est ainsi rapporté par M. Caswall: — En présence de milliers d'individus, Smith avait publiquement prophétisé, en 1841, qu'en moins d'une année son vieux ennemi Boggs, l'ex-gouverneur du Missouri, mourrait de mort violente. Il offrit alors à quelques-uns des Danites (troupe mormonne ou armée de Sion) une récompense de cinq-cents dollars pour l'assassiner. Par suite de cette offre, un soldat de cette terrible troupe entreprit un voyage de plus de deux-cents milles» (70 lieues) «jusqu'à Indépendance, où demeurait l'ex-gouverneur. Quand après le départ du danite, Bennett, alors maire de Nauvoo, demanda à Smith où cet homme se rendait si promptement, celui-ci répondit, en y joignant un signe de tête significatif: Il est allé accomplir la prophétie. Au bout de deux mois, le danite retourna à Nauvoo et, le jour suivant, on y publia l'assassinat du gouverneur. Le danite, qui auparavant était très pauvre, se montra alors possesseur d'une élégante voiture, de beaux chevaux et la poche remplie d'or (31)

Tout ceci nous montre le prophète mormon sous de sombres couleurs. Un homme qui, à la prétention de prophète, joint le vol, l'impudicité, le meurtre, n'a guère de droits à être écouté. Mais il y a chez lui de l'extraordinaire néanmoins, — oui, et assez pour qu'il soit grand dans le mal. Il a su faire le prophète; mais quand il est mis à l'épreuve, il ne peut supporter l'examen du livre de Dieu: les fruits qui résultent de sa vie, sont de ceux qui croissent sur l'épine; la Bible le range parmi les faux prophètes.

D'entre ceux qui ont écrit sur le Mormonisme, quelques-uns, qui ne prétendent nullement en juger au point de vue chrétien, ont présenté Joseph Smith comme un homme remarquable. Mais tous, même ceux qui sont épris de lui, et qui admirent l'habileté avec laquelle il a su faire l'imposture, sont obligés d'enregistrer les témoignages à sa charge et d'accorder qu'il était un homme perdu de vie et de mœurs. L'évidence ne leur a pas permis de passer ce point sous silence. Je dis ceci parce que les Mormons, pour laver leur prophète, rejettent ces témoignages comme inventés par la jalousie des autres sectes. Mais, à moins qu'on ne soit mormon soi-même, on ne peut se refuser à les admettre.

Si donc il est des hommes, à qui s'appliquent les déclarations de la Bible touchant les faux prophètes et les faux docteurs, Smith en est un certainement. Solennelle responsabilité de se trouver sous la menace prononcée par le Livre de Dieu contre ceux qui «changent la grâce de Dieu en impudicité et renient le seul SOUVERAIN DIEU ET SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST». «C'est à leur sujet, qu'en nous avertissant, un apôtre du Seigneur a crié: «Malheur à eux!» (Jude 1:4 et 11)

Les circonstances qui ont amené sa mort, compléteront ces remarques. Smith fut assassiné en prison par une foule exaspérée. Cet acte, ainsi que la guerre faite aux Mormons, est une chose extraordinaire, surtout pour avoir eu lieu dans les États-Unis, où la liberté religieuse est entière. Quoiqu'on ne puisse nullement justifier ces œuvres de violence, il est des choses qui font connaître comment l'irritation d'un peuple entier a pu être excitée à ce point. D'abord, l'ancienne inimitié entre l'église et les Américains, subsistait comme dans les premiers jours. Le saintisme fier et dédaigneux des Mormons les rendait insupportables, et cela d'autant plus que les événements de chaque jour montraient qu'il n'y avait au fond qu'une hypocrisie dégoûtante. En même temps, la prétention des saints à la possession du pays, loin de diminuer, augmentait et paraissait promettre des chances de succès. Ils voyaient approcher le jour où, selon leur attente, les ennemis de Sion seraient foulés sous leurs pieds (32). La propagande versait à Nauvoo des milliers d'émigrants par année. Les anciens habitants du pays, étaient submergés par ces hordes d'arrivants toujours renouvelées. Puis, ils essuyaient des déprédations; on leur volait leurs provisions, leurs marchandises, leurs fournitures de ferme. Cela n'avait lieu que depuis l'arrivée des saints (33); et l'on se trouvait sans recours parce qu'il fallait, comme à Nauvoo par exemple, passer par un tribunal mormon, qui ne condamnait jamais que ses ennemis. De là, des représailles, des rixes, des prises d'armes. La guerre était au pays une ou deux fois par année.

Quand Joseph Smith fut tué, il était en prison sous le poids d'une triple accusation: complicité dans l'attentat de meurtre sur la personne de l'ex-gouverneur Boggs, — violence exercée à Nauvoo, sous son autorité, contre MM. Foster et Law, rédacteurs de l'Expositor, — haute-trahison.

C'était dans l'été de 1844. Vers cette époque Smith semblait atteindre l'accomplissement des rêves de son ambition. Il avait établi une secte qui écoutait ses oracles; il avait créé une armée qui manœuvrait sous ses ordres; il avait fondé un État (dans l'État) gouvernait avec une autorité presque absolue. Mais son jour approchait. Le gouverneur du Missouri réclamait du gouverneur de l'Illinois, auquel Nauvoo ressortissait, que Smith fut saisi et mis en jugement pour l'affaire Boggs; et le prophète qui, par sa ruse, échappait aux recherches de la justice, se voyait cependant dans le cas d'être saisi à chaque instant. À l'intérieur, parmi les saints, c'étaient des querelles sans fin, des cas de procédures dont le tribunal mormon était saisi, et dont l'une des principales circonstances était le système de l'épouse spirituelle, mis largement en pratique par les chefs mormons. Joseph, en sa qualité de prophète, voulait purifier son église; mais il n'avait su commencer par lui-même. Ceux contre lesquels il sévissait, l'accusaient des mêmes choses, et cela devint si sérieux que Joseph fut mis en cause lui-même devant la cour de Nauvoo, par laquelle cependant il fut acquitté, les juges étant tous des Mormons de hauts grades.

Un danite, qui avait été excommunié de la secte, le docteur Foster, offensé de la conduite du prophète dans une visite à Madame Foster, entreprit (34) de le faire connaître ouvertement par voie de publicité dans Nauvoo même. Il était arrivé qu'étant absent de chez lui et étant revenu avant le temps auquel on l'attendait, M. Foster avait trouvé le prophète dans sa maison. Celui-ci peu après s'était retiré et M. Foster, suspectant l'objet de cette visite, avait fait des questions; les réponses de Madame Foster firent connaître que le prophète l'avait entretenue du sujet de l'épouse spirituelle et qu'il avait cherché à la gagner.

Pour donner essor à sa vengeance, M. Foster s'adjoignit un autre Mormon mécontent, M. Law, et ils créèrent, dans Nauvoo, un journal intitulé l'Expositor. Dans le premier numéro de cette feuille, ils produisirent le témoignage de seize femmes, qui attestaient par serment que Joseph Smith, Sidney Rigdon et d'autres, avaient cherché à faire d'elles des épouses spirituelles. C'était dans Nauvoo une chose hardie. Les autorités de la ville, sur l'ordre de Joseph Smith, condamnèrent l'Expositor, et une troupe de zélés, au nombre de plus de deux-cent, brisèrent les presses, rasèrent la maison, et brûlèrent le papier et les meubles. Foster et Law n'échappèrent à la mort que par la fuite. Ils se rendirent à Carthage, où résidait le gouverneur, auprès duquel ils sollicitèrent une réparation. Le gouverneur prit la chose en main; mais ses agents ayant été éconduits de Nauvoo par les autorités mormonnes, il leva la milice et marcha en personne pour se saisir de Joseph Smith et de son frère Hyrum inculpé avec lui. Les Mormons de leur côté prirent les armes. Avant l'action cependant, le gouverneur ayant fait une sommation, où il déclarait aux Mormons l'impossibilité de contenir les Américains exaspérés, si l'on en venait aux mains, le Conseil de Nauvoo engagea les Smith à se rendre; ce qu'ils firent. Ils furent emprisonnés à Carthage et la milice se retira.

Pendant leur détention, un mandat d'amener, comme coupables de haute trahison envers l'État de l'Illinois, fut encore émis contre eux.

Comme, en des circonstances précédentes, les deux Smith, et Joseph en particulier, s'étaient échappés de prison plusieurs fois, le bruit se répandit que, cette fois encore, on mènerait la chose en longueur pour favoriser leur évasion. Une foule armée entreprit alors, comme elle le disait, d'accomplir avec la poudre ce que les lois ne faisaient point. Et le 26 juin 1844, vers le soir, une troupe d'environ deux-cents hommes, dans une ardente irritation, envahit la prison des Smith avec lesquels deux mitres Mormons étaient en conférence. Les assaillants firent une décharge sur les quatre à la fois. Hyrum Smith tomba et mourut sur-le-champ. Joseph, armé d'un pistolet à six coups, fit feu sur la foule et blessa un homme au bras; puis, cherchant à sauter par la fenêtre, il fut frappé d'une balle et tomba mort dans la cour. L'un des deux autres Mormons fut blessé et caché sous un lit; l'autre s'enfuit (35). — Des quatre, les deux sur lesquels pesaient directement les accusations de la justice, furent ceux que la mort atteignit.

Joseph Smith, qui prophétisait aux autres une mort violente, la connut pour lui-même. — Sa vie et sa mort nous crient: PRENEZ GARDE AUX FAUX PROPHÈTES



Notes

13 Doctrine et alliances.
14 Joseph Smith, ainsi nommé quelquefois par les Mormons eux-mêmes.
15 Voix de Joseph, p. 10.
16 E.D. Howe's, Mormonism Unveiled.
17 Doctrine and Covenants, p. 168.
18 Martin Barris était à cette époque le plus riche des Mormons.
19 Digonnet qui faisait le Petit-Dieu, il y a quelques années, et qui avait, dans un département de la France, des adeptes dont la bourse s'ouvrait à son commandement, a été saisi comme escroc, et jugé par les lois françaises, à plusieurs années de détention. Il était encore en prison en décembre dernier.
20 Millenial Star, Vol. VI.
21 Doctrine and Covenants, p. 3.
22 Doctrine and Covenants, p. 58.
23 Voir Fragments, No. II.
24 Bowes, p. 10.
25 Three Days at Nauvoo, p. 50 et 51.
26 Voir aussi, The Mormons, p. 79.
27 Bowes, p. 16.
28 Gray's, Principles and Practices of Mormons, p. 56 et 57.
29 Bowes, p. 44-45.
30 Bowes, p. 63.
31 Gray's, Principles and Practices of Mormons, p. 57.
32 The Mormons, p. 83 et 84.
33 Three Days at Nauvoo, p. 52.
34 The Mormons, p. 159.
35 The Mormons, p. 160.

Le livre de Mormon de Joseph Smith et John Taylor

Les Mormons

D'après la vie et les travaux de Joseph Smith, on peut comprendre ce que doivent être les Mormons. Ils n'en prétendent pas moins être des saints et une église. Mais quelle église? Une société de colons et d'artisans réunis pour défricher un pays, et pour travailler dans des ateliers; une réunion de gens blasés qui, trouvant le ciel incertain, veulent le paradis sur la terre; un assemblage de fripons et de dupes dont les derniers, enserrés par une organisation formidable, sont livrés au vouloir et aux caprices des autres.

Les Mormons possèdent, disent-ils, tout ce qu'avaient les saints des premiers jours. Rien n'est si faux. Il leur manque et les caractères et les bases de tout christianisme. Ils ne sont point sur le fondement. La grâce qui est en Jésus, ils ne l'ont point; ils ne la connaissent ni ne la veulent.

L'Évangile n'est pour eux que la puissance d'administrer dans les choses divines, ou celle de faire des miracles, puissance qui d'ailleurs n'est pas leur partage. Ils en copient la forme, ils n'en ont pas le fond;

Leur baptême pour la rémission des péchés, n'est qu'une parodie des choses saintes, — faux dans son principe, nul dans ses effets (36);

L'imposition de leurs mains pour le don du Saint-Esprit, n'est aussi qu'une vaine cérémonie. Rien, dans la compagnie des Mormons, n'est l'indice des opérations du Saint-Esprit (37).

Ils ont, il est vrai, une organisation dont voici les principaux dignitaires:

Brigham Young

BRIGHAM YOUNG, le président et successeur de Joseph Smith, — à la fois, prophète, voyant, patriarche, législateur et gouverneur politique.

Des prêtres selon Melchisédec, des prêtres selon Aaron, des apôtres, des anciens, des évêques, des docteurs, des diacres, — tous revêtus d'attributions à la fois spirituelles et temporelles.

Au-dessous, se trouve le corps des baptisés mormons, constituant, avec ses chefs, ce qu'ils appellent L'ÉGLISE DES SAINTS DES DERNIERS JOURS. Ceux-ci sont héritiers de beaucoup de promesses, et attendent une dignité future très grande. Ils seront dans l'éternité «des dieux et posséderont en domination, propriété, sujets, pouvoir et gloire, plus que Jésus-Christ et son Père n'en possèdent maintenant (38)». En attendant, on les réunit en Sion, c'est-à-dire, à la ville du Grand Lac-Salé, et on leur demande le service de leur argent et de leurs personnes pour la prospérité de la sainte Jérusalem.

Cette gloire plus grande que celle de Jésus-Christ, promise aux nouveaux Saints, n'a rien que de chimérique. Mais ajoutons qu'une fois parvenus au Deseret, il est beaucoup moins question pour les émigrants mormons d'atteindre cette gloire future, que de s'installer le mieux possible, dans les jouissances de la vie présente. Sous une forme nouvelle, ils ne font après tout que ce que beaucoup firent avant eux: ils poursuivent dans le Nouveau Monde une prospérité que l'Ancien refuse à plusieurs.

Puis, cette organisation multiforme qui réunit, dans les mêmes individus, des pouvoirs civils et apostoliques, des attributions industrielles et sacerdotales, ne laisse pas d'être redoutable, car le sceptre, dans les mains du prêtre, est un sceptre pesant.

Complétons ces premières données sur l'organisation de l'église des derniers jours en mentionnant quelques-unes de ses institutions. Dans le nombre, il faut citer: la dîme, la polygamie, et la Légion de Nauvoo, les unes et les autres, établies par Joseph Smith.

LA DÎME a été instituée d'après une révélation du prophète mormon du 8 Juillet 1838. Le produit devait en être consacré «à la maison de Dieu», «à la fondation de Sion», «à la prêtrise, et à l'extinction des dettes de la présidence de l'église (39)».

Ces dîmes qu'au fait, les uns payaient et les autres recevaient, ont été une cause fréquente d'agitation parmi les Mormons. Le dévouement des saints était parfois en retard, ou la Présidence, toujours avide, demandait souvent plus que la dîme. Martin Harris, dont il a été parlé précédemment, a dû certainement, pour sa part, payer bien au-delà de sa dîme.

Aujourd'hui, les dîmes sont encore un sujet de plaintes de la part de la Présidence. L'apôtre mormon Orson Pratt, en rappelle l'institution dans une épître récente (40), et se plaint du peu de zèle de beaucoup de saints:

«Les saints» dit-il, «tant riches que pauvres doivent se rappeler que le Seigneur leur demande un dixième de tout ce qu'ils possèdent. Si l'on possède dix dollars, un de ces dollars appartient au Seigneur; si l'on possède dix millions de dollars, un million de ces dollars appartient au Seigneur. Que tous les saints se rappellent qu'après avoir donné un dixième de tout ce qu'ils, possèdent, ils doivent continuer à donner chaque année le dixième de leur revenu. Que ce revenu provienne du travail, d'entreprises, d'augmentation de fonds, ou de quelque autre source, un dixième est au Seigneur et sera payé chaque année. Oh! combien les saints, dans notre champ de travail, sont récalcitrants! Combien peu, touchant leurs dîmes, ils prennent garde à la parole du Seigneur. Qu'ils se rappellent cependant que ceux qui ne seront pas trouvés inscrits dans le livre des dîmes comme ayant tout payé, ne pourront en aucune manière entrer dans le saint temple et y recevoir des dons. Jusqu'à ce qu'ils aient payé, on leur retirera le privilège de participer aux ordonnances de ce saint temple, ordonnances instituées dès avant la fondation du monde, comme le seul moyen par lequel les saints puissent être élevés à la plénitude d'une gloire céleste.»

Quelle idée M. Pratt nous donne de la plénitude d'une gloire céleste à laquelle on ne parvient qu'après avoir payé sa dîme!

LA POLYGAMIE des Mormons a passé par des phases diverses jusqu'ici. L'aveu n'en a pas été fait tout de suite par eux; car leurs premières ordonnances statuent le mariage d'un homme et d'une femme simplement (41). Néanmoins dès les premiers jours, Joseph Smith, Rigdon, Brigham Young et d'autres avaient chacun plusieurs femmes alors appelées les épouses spirituelles.

Quand plus tard leur polygamie fut connue publiquement, la Présidence dut l'avouer. Mais, en le faisant, elle s'est placée sous la protection d'une révélation spéciale qu'aurait donnée Joseph Smith en 1843. Gardée dans le secret pendant neuf ans, elle a été publiée au Deseret en Septembre 1852, à Liverpool dans le numéro de l'Étoile milléniale (42) pour le 1 Janvier 1853. Depuis cet aveu, M. Orson Pratt a entrepris d'en justifier les principes dans une nouvelle publication mormonne, The Seer, et revêt ses articles du titre pompeux de Mariage céleste. Un autre apôtre mormon, M. Orson Spencer, a publié, sur le même sujet, un opuscule intitulé: L'ordre patriarcal, ou la pluralité des femmes! Ainsi la polygamie des Mormons n'est plus un fait douteux; ils l'avouent eux-mêmes. Ils font plus: leurs apôtres l'enseignent comme un article de foi (43).

D'après cette doctrine, les Mormons ne reconnaissent le mariage valide qu'autant qu'il est célébré par un de leurs prêtres. Il s'ensuit, pour les émigrants mormons ou pour ceux qui leur appartiennent, un remaniement assez peu agréable. Suivant les circonstances, le mari et la femme sont mariés de nouveau, en passant par des cérémonies sans fin et en prêtant un serment. Un cas de ce genre, communiqué par M. Bowes, est celui de J. Mac-Gee-Van-Dusen et sa femme qui furent remariés de cette manière dans le temple de Nauvoo. La relation en a été faite dans un écrit publié plus tard par les époux eux-mêmes. En d'autres cas (ce fait est confirmé), la séparation entre mari et femme a eu lieu sous la sanction des institutions mormonnes, par le simple fait que l'une des parties avait embrassé la nouvelle doctrine. Au fait, c'était le mormon qui abandonnait son mari ou sa femme et se mariait à d'autres à la façon mormonne. Des lettres d'émigrants mentionnent plusieurs cas de ce genre.

Ajoutons qu'il résulte de la polygamie pratiquée chez les saints du Deseret, qu'il y a, parmi eux, monopole en faveur de quelques-uns au préjudice des autres et, par conséquent, oppression. Les chefs mormons ont tous plusieurs femmes, les uns sept, les autres quatorze et leur président plus de vingt. Or il n'y a pas au Deseret, ni en aucune nation sur la terre, sept ou quatorze femmes pour chaque homme. M. Pratt le reconnaît sans trop s'en mettre en peine. «Un grand nombre de femmes et d'enfants est» dit-il, «la récompense de Dieu à ses serviteurs fidèles; mais, à ceux qui sont moins fidèles, il n'en donne qu'une et à d'autres point. (44)» Un tel régime est loin d'assurer la paix au Deseret.

LA LÉGION DE NAUVOO est, comme son nom l'indique, la troupe qui fut primitivement établie pour la défense de Nauvoo. On est surpris, sans doute, qu'en parlant d'institutions ecclésiastiques, on ait à mentionner celle d'un corps armé. Toutefois, qu'on le remarque, ce n'est point extraordinaire pour une église comme celle des Mormons, si jamais ils furent une église. Un corps qui, en cette qualité, fait le commerce et la banque, peut bien aussi avoir une armée. Mais cela n'empêche pas que cette église ne se trouve par là-même sous une responsabilité sérieuse devant Dieu; car l'Évangile est précis sur ce point, le Seigneur a dit: «Ne résistez point au mal, — remets ton épée en son lieu, car tous ceux qui auront pris l'épée périront aussi par l'épée» (Matthieu 5:39; 26:52). Et c'est bien ce qui est arrivé au chef de cette légion, le prophète Joseph Smith, — il a péri par l'épée!

Pour comprendre comment un état mormon, avec son armée, pouvait exister dans les États de l'Union américaine, il faut savoir qu'à Nauvoo, leur ville, les Mormons dépassaient le nombre de 15,000 habitants et qu'ils avaient dans les environs plusieurs centres populeux. Ils formaient ainsi, dans un rayon d'une certaine étendue, la majeure partie de la population. Comme dans ces états, les chefs de la milice, ainsi qu'une partie des autorités civiles, sont établis par le vote populaire, l'église profitait de ce moyen et maintenait dans leurs charges les chefs que le gouvernement théocratique de Smith lui avait déjà donnés. Pour que cela pût passer, il ne fallait qu'adopter les termes officiels de la législation et en revêtir les institutions mormonnes pour les mettre en harmonie avec la constitution du pays. Les Mormons y réussirent sans peine. Leurs chefs devinrent officiers de l'Illinois de la même manière que la secte était devenue une église, savoir par un emprunt de termes, simplement. Pour eux, Joseph Smith continua à être le prophète, et le vicaire de Dieu, mais pour le gouvernement de l'Illinois, il fut le maire de Nauvoo, ou bien le général Smith, élu par la milice des Mormons. À son exemple, tous les hauts dignitaires prirent un titre officiel; le patriarche s'appela juge de paix, pour les infidèles; les apôtres devinrent échevins (aldermen), et ainsi de suite. Toute la déférence que montrèrent les Mormons à se conformer à la constitution du pays où ils s'établissaient, consista à inventer une synonymie de titres, où tout le monde trouvait son compte (45). Smith aurait concilié des choses bien autrement contradictoires, lui à qui tous les rôles étaient faciles.

La légion de Nauvoo, qui réunissait 2000 hommes de toutes armes, était commandée par le prophète Joseph Smith, son général (46) et faisait partie de sa gloire. Dissoute pendant l'orage qui éclata sur les Mormons dans l'Illinois, elle a été rétablie plus tard au Deseret et subsiste aujourd'hui.

Du temps de Joseph Smith, il y avait aussi, dans l'armée des Mormons, un corps spécial nommé les Danites ou les anges destructeurs. La création de cette troupe date des premières persécutions essuyées par les saints dans le Missouri. Elle se composait d'hommes éprouvés et choisis qui n'étaient incorporés qu'en passant par une série de mystères. Elle fournissait au prophète des hommes sûrs, instruments redoutables de sa vengeance. J'ignore si on l'a rétablie au Deseret en même temps que la Légion de Nauvoo, mais elle a joué un rôle si célèbre sous Joseph Smith qu'elle mérite d'être mentionnée, elle jette d'ailleurs du jour sur l'esprit mormon. Le serment auquel étaient soumis ceux qui en faisaient partie, la fera connaître:

«Au nom de Jésus-Christ le Fils de Dieu, je m'engage envers la Haute-Présidence de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, et consens à la soutenir en toutes choses, à droit ou à tort. Je la garderai fidèlement, et lui rapporterai, les actes de tous les hommes, pour autant qu'il est en mon pouvoir. J'aiderai le Haut-Président, le Patriarche ou le Président des douze, en exécutant tous leurs décrets; et quiconque parlera mal de la Présidence ou des chefs de l'Église, je le ferai mourir de la mort des sectaires et des apostats, à moins qu'il ne le confesse promptement et ne se repente: car la peste, la persécution et la mort suivront les ennemis de Sion. Pour les saints, je serai un héraut de salut zélé, un messager de paix, et jamais ne ferai connaître le dessein secret de la société appelée: Les anges destructeurs. Ce à quoi j'engage ma vie, sous menace de brûler dans un feu de poix et de soufre. Ainsi Dieu m'aide et me fortifie.» — (Bennett, p. 271).

Les anges de Joseph Smith ne laissaient pas, comme on le voit, d'être redoutables. Je demanderai au lecteur, s'il aimerait à avoir sous son toit un homme qui aurait prêté le serment des anges destructeurs, et si un tel ange, dans sa maison, donnerait à son esprit une grande tranquillité.

Les Mormons étant une église, comme ils le prétendent, doivent nécessairement avoir aussi des assemblées et un culte. Ils ont, en effet, des assemblées où l'on fait de tout: on y célèbre la communion, on impose les mains, on prêche le livre de Mormon, on outrage la Bible, on fait des opérations financières, agricoles, industrielles et même de la police. Approchons pour entendre le prêche, ou écoutons ce que nous en rapportent MM. Caswall et Kelly, deux voyageurs qui ont assisté aux services mormons du dimanche, le premier à Nauvoo, et le second au Deseret:

«Après un chant et une prière qui dura environ une demi-heure», dit M. Caswall; «le second des deux anciens, commença son discours. Il établit d'abord l'importance d'avoir de Dieu des vues correctes. Les idées traditionnelles font Dieu injuste, partial, cruel et digne d'être haï. Les peuples «traditionnés» supposent que la révélation divine est limitée à un vieux bouquin appelé la Bible.» Il continua sur ce ton à parler des Saintes-Écritures comme n'étant qu'une portion de la révélation divine, à établir la nécessité de révélations spéciales aux peuples de l'Amérique ancienne, enfin à vanter Joseph Smith, «le vieux Joe», et l'œuvre qu'il accomplissait.

Une hymne fut encore chantée, puis un homme maigre et de haute taille, un Yankée de la nouvelle Angleterre, à l'accent nasillard et provincial, se leva et, s'appuyant sur la balustrade, parla pendant une demi-heure avec une grande volubilité. Il dit que son office exigeait qu'il parlât d'affaires. Ils étaient tous informés que Dieu avait, par une révélation spéciale, établi un comité de quatre personnes et leur avait demandé de bâtir une maison à son nom, selon le modèle que son serviteur Joseph leur en donnerait; que la dite maison serait appelée la maison de Nauvoo, et serait une hôtellerie, afin que les rois et les nobles de la terre et tous les voyageurs fatigués pussent y loger, lorsqu'ils viendraient contempler l'œuvre du Seigneur et la pierre du coin qu'il avait établie en Sion; que le Seigneur avait dit qu'il y aurait dans cette maison une série de chambres réservées à l'usage de son serviteur Joseph et à sa postérité après lui, de génération en génération; et que le Seigneur avait aussi commandé qu'à cet effet un fonds fût fourni par les saints par voie de souscription et remis au comité. L'orateur continua de cette manière: — «Maintenant, frères, le Seigneur a commandé cette œuvre et cette œuvre doit être faite. Oui, elle se fera, — elle se fera. Les Gentils, les hommes du monde, nous disent qu'un tel fonds doit rapporter vingt-cinq pour cent par année et le Seigneur nous demande d'avoir un fonds; ainsi quand l'intérêt et le devoir vont ensemble, vous ne voulez pas rester en arrière pour y contribuer. Mais jusqu'ici, ce fonds ne s'élève qu'à peu de chose, et le comité établi par le Seigneur, ayant dû faire des emprunts répétés, ne peut plus maintenant user de ce moyen. En attendant, les sommes dues aux ouvriers qui travaillent au bâtiment restent à payer et le comité n'en est pas capable. Nous avons un bateau prêt à être remorqué sur la rivière jusqu'à la contrée des pins, pour chercher le bois nécessaire à l'édifice; nous avons un équipage engagé, tout prêt à partir; mais nous ne pouvons les envoyer sans argent. Le comité a fait des sacrifices personnels considérables pour accomplir le commandement du Seigneur: moi-même je suis venu ici avec 7000 dollars, il ne m'en reste que 2000, en ayant dépensé 5000 pour l'œuvre du Seigneur. Mais je ne peux marcher de ce pas plus longtemps. Je vous demande, frères, d'obéir au commandement de Dieu et de prendre des actions, dussiez-vous ne pas vous vêtir si bien que vous le faites, ou ne pas bâtir de si belles maisons. Que le pauvre ne dise pas: je suis trop pauvre, mais qu'il contribue de sa pauvreté, et que le riche le fasse de sa richesse et Dieu vous donnera une bénédiction.»

Pendant cette allocution, je remarquai quelques-uns des émigrants anglais, que j'avais vus peu de jours auparavant à bord du bateau-à-vapeur, à Saint-Louis. Ils écoutaient avec grande attention et considéraient, sans doute, combien de leurs souverains, gagnés avec peine, devaient être consacrés à l'œuvre pieuse de bâtir un bel hôtel au prophète et à sa postérité. Il me vint à la pensée que ces pressants appels pour de l'argent, étaient adressés principalement aux oreilles des trois-cents saints, encore verts, qui venaient d'arriver.

Cette adresse étant terminée, deux autres anciens continuèrent du même train. Ils parlèrent avec grande abondance, et me parurent familiers avec les affaires mondaines et les opérations financières, autant qu'avec les prophéties et le Livre de Mormon. À la fin, ayant, comme ils le pensaient, chauffé le zèle de la congrégation à un point suffisant, ils pressèrent tous les croyants au livre de Mormon qui se sentiraient disposés à prendre des actions, de s'avancer devant l'assemblée et de donner leurs noms avec le chiffre de leurs souscriptions. Là-dessus, il y eut beaucoup de chuchotements dans l'auditoire, et je découvris deux Mormons, évidemment des Anglais du Yorkshire, se faisant l'un à l'autre des signes de tête et des clignements, d'yeux significatifs; néanmoins personne ne s'avança, et l'un des anciens remarqua froidement, — que comme il paraissait que personne n'était encore décidé sur le chiffre de sa souscription, il priait ceux qui désiraient devenir actionnaires de se rendre chez lui dans l'après-midi à cinq heures.

Ensuite, l'ancien qui avait prononcé le premier discours, se leva et dit qu'un certain frère qu'il nomma, avait perdu un baril de céruse. Maintenant, dit-il, si quelqu'un des frères présents l'a pris par mégarde, pensant qu'il fût sien, il doit le rendre; mais si quelqu'un des frères présents l'a, volé, combien plus doit-il le restituer, autrement il peut lui arriver d'être saisi et cela dans l'étendue des limites de la cité de Nauvoo.

Un autre individu se leva et déclara qu'il avait perdu un billet de dix dollars. Jamais de sa vie il n'avait perdu aucun argent; il avait soin de le tenir en sûreté. Mais dans le moment, un billet de dix dollars lui manquait, et si quelqu'un des frères l'avait trouvé ou pris, il espérait qu'on voudrait bien le lui restituer.

Une hymne fut de nouveau chantée, et le service (si cela en mérite le nom) ayant duré de dix heures et demie à deux heures, finalement se termina... (Caswall's, M.A. Thee Days at Nauvoo, p. 11 à 16).

La relation suivante est de M. Kelly. La scène se passe au Deseret.

«Avant que la cérémonie religieuse commençât, cinq hommes», dit-il, «montèrent à la tribune. C'était, comme je l'appris, le comité d'inspection de la semaine. Le président, lut un rapport général, sur la perspective et la marche de la colonie; il lut en conséquence une liste de ceux qui méritaient une louange particulière pour la culture supérieure de leurs champs, l'étendue de leurs clôtures et autres améliorations; puis la liste noire énumérant les fainéants et ceux qui demeuraient sans faire de progrès, lesquels durent endurer une censure et la menace d'être privés de leur part et chassés de la communauté, si un certain ouvrage qui leur était assigné, n'était pas fini lors de la prochaine visite. La lecture de ces listes produisit une sensation évidente et me parut de nature à stimuler les industrieux à un redoublement d'activité et à aiguillonner les indolents pour qu'ils travaillassent de manière à échapper aux menaces qui leur étaient faites. Ceci terminé «le monsieur en noir» se leva et sans aucune forme de service, ni prière préparatoire, lut à haute voix un texte du Livre de Mormon et commença un sermon, un discours de multis rebus et quibusdam aliis (sur toute espèce de sujets, et plus encore), faisant une ruade contre les diverses religions et les mettant en saillie par de malignes comparaisons avec la croyance de la Vallée. Il indiqua, ensuite la voie pour parvenir à la sainteté des Mormons, et le fit de manière à ne provoquer aucune objection: puis il exhorta les membres de la congrégation, non-seulement pour l'amour de leur salut, mais aussi de leurs récoltes, à s'abaisser et tâcher de se rendre propices la faveur et l'indulgence de l'Être suprême, leur rappelant qu'en l'année de justice (d'année précédente) il avait envoyé les mouettes, oiseaux inconnus jusqu'alors dans la Vallée (47), pour dévorer les grillons, dont le nombre aurait, sans cela, détruit toute végétation.

De plus, tout en négligeant de déclarer sa charité, il eut soin de rappeler les traitements barbares qu'ils avaient reçus de la main des Américains, et exprima la conviction que l'avarice de ceux-ci les induirait encore à convoiter leurs possessions du Lac-Salé. Mais il conservait l'espérance qu'en attendant, les Mormons deviendraient assez forts pour se garder et pour maintenir leurs droits et leur indépendance. Il parla sur l'or de la Californie, qu'il disait avoir été découvert par l'énergie des Mormons, mais qu'ils abandonnaient librement à la cupidité des Américains, vu qu'ils (les Mormons) ne désiraient pas de tels agrandissements mondains.» — (The Mormons, p. 269 et 270.)

Ce nouveau mode de célébrer le service divin fait connaître ce que doit être l'assemblée qui le célèbre. Si cela révèle l'Église, on peut avec autant de raison honorer de ce titre les assemblées des Turcs et des Indous, car ceux-ci, bien que différant des Mormons, ne sont pas plus éloignés du Christ qu'eux. Et, pour être équitable, on devrait dire l'église de Mahomet, l'église de Jaggernaut, tout aussi bien que l'église des saints des derniers jours. De l'élément religieux, quel qu'il soit, il n'en reste après tout, pour les Mormons, que ce qu'en peuvent exploiter les chefs pour se maintenir dans leur pouvoir au dedans, et les agents pour faire la propagande au dehors.

Ce peuple du Deseret serait-il aussi heureux et aussi bon que nous le disent les apôtres mormons qui sont venus sur notre continent? C'est encore ce qu'il est important de connaître. On possède aujourd'hui de nombreuses relations sur les habitants de cette vallée. Je ne parle pas de celles que donnent les Mormons eux-mêmes; mais de celles qui nous viennent de témoins non mormons ou de Mormons désabusés.

La première à mentionner sera le rapport des Juges des États-Unis au Territoire d'Utah, extrait de la publication qu'en a faite le New-York Herald, du 10 Janvier 1852. Ce rapport a toute la valeur d'une pièce officielle adressée, par les officiers d'un gouvernement, au chef suprême de l'État. Les Mormons n'en nient point l'authenticité. Bien plus; c'est depuis que les Juges des États-Unis ont révélé la polygamie des Mormons, que ceux-ci en ont fait ouvertement l'aveu et ont publié la révélation de Joseph Smith déjà mentionnée. Ce rapport, de quelque étendue, contient divers détails d'une nature purement politique qui sont omis dans cette citation. Il suffira, pour le but qu'on se propose, de donner les fragments suivants:

«À Son Excellence Millard Fillmore, Président des États-Unis.

Tit. C'est notre devoir comme officiers des États-Unis, au territoire d'Utah, d'informer Votre Excellence que nous avons été obligés de nous retirer du territoire, et de laisser nos devoirs officiels en conséquence des actes illégaux d'hostilité, ainsi que des sentiments séditieux envers le gouvernement et les officiers des États-Unis, manifestés par Brigham Young, le gouverneur, et par la généralité des habitants. La calomnie et les dénonciations violentes et injurieuses que nous avons essuyées, ont rendu l'accomplissement de nos devoirs officiels, non-seulement dangereux, mais impossible, et, selon notre jugement, une plus longue résidence dans le territoire, eût été incompatible avec le sentiment du respect de soi-même ainsi que de la haute considération qui est due aux États-Unis.

Pour aider le gouvernement à comprendre plus entièrement la malheureuse position des affaires dans ce territoire, il est nécessaire d'expliquer l'organisation religieuse extraordinaire qui y est établie, les prétentions illimitées; les influences, les pouvoirs qui s'y rattachent, et d'entrer dans un détail pénible des faits, du langage et des sentiments du gouverneur ainsi que des autres grands dignitaires, envers le peuple et le gouvernement des États-Unis.

À notre arrivée nous avons trouvé une population se composant presque entièrement d'un peuple appelé Mormons et l'église des Mormons, protégeant et contrôlant les opinions, les actions, la propriété et la vie même de ses membres; usurpant et exerçant les fonctions de la législation, et les affaires judiciaires du territoire; organisant et commandant la force armée; disposant, à son gré, des biens-fonds publics; frappant de la monnaie et en forçant la circulation à un taux au-dessus de sa valeur réelle; sanctionnant ouvertement, et justifiant l'usage de la polygamie, ou la pluralité des femmes; exigeant la dîme de ses membres; pénétrant dans les affaires du cercle social et les inspectant, inculquant et demandant, comme un article de foi religieuse, obéissance implicite aux conseils de l'Église, comme un suzerain sur toutes les obligations de moralité, de société, de fidélité et de loi.

À la tête de cette organisation formidable, intitulée: «L'Église de Jésus-Christ des derniers jours», et «Les saints de la fin», se trouve Brigham Young, le gouverneur, prétendant être le Prophète de Dieu, étant représenté comme tel, et ses paroles reçues comme des révélations directes du ciel; assumant ainsi une autorité illimitée sur les ignorants et les crédules. Ses opinions sont leurs opinions, et ses désirs, leurs désirs. Il n'a qu'à indiquer sa sympathie ou son aversion, et elles deviennent leur sympathie ou leur aversion. En un mot, il gouverne sans rival, sans opposition, car personne n'ose mettre en question son autorité.

[...] Il annonça à la foule immense, rassemblée pour le service divin, qu'il n'était pas opposé au gouvernement des États-Unis, mais qu'il l'était à ces damnés, à ces gueux subornés de l'enfer qui sont à sa tête. En parlant de l'organisation du territoire et des officiers, il déclara, du haut de l'estrade, avec la plus grande chaleur, que, «durant des années, il avait gouverné ce peuple lui-même et qu'il pourrait encore le gouverner; que les juges des États-Unis pouvaient demeurer dans le territoire et tirer leur salaire, mais que jamais ils ne jugeraient une cause aussi longtemps qu'il pourrait l'empêcher.» Un autre orateur, élevé et influent dans l'église, encouragé par cette conclusion du chef du pouvoir exécutif du territoire, annonça du haut de la chaire devant une nombreuse assemblée, «que les officiers des États-Unis pouvaient demeurer dans le territoire aussi longtemps qu'ils se conduiraient bien et paieraient leur pension; mais qu'autrement ils (les Mormons) les chasseraient à coups de pieds dans l'enfer auquel ils appartiennent.»

À l'occasion de l'anniversaire de l'arrivée des pionniers mormons dans la Vallée (le 24 juillet), un immense concours de peuple s'assembla de tous les points du territoire. Ceux d'entre nous qui étaient sur les lieux, furent invités à prendre part à la fête. Nous nous assîmes sur la plate-forme avec un certain nombre des chefs de l'église, y compris le délégué du Congrès (l'honorable John M. Bernhiesel). Le gouverneur se leva, et il se fit un profond silence, comme c'est toujours le cas lorsqu'il se lève pour parler. Après s'être plaint en termes amers de l'hostilité du général Taylor envers les Mormons, dans un essai pour leur donner un gouvernement, il s'écria d'une voix haute: «Mais Zacharie Taylor est mort et dans l'enfer, et j'en suis content; puis se dressant de toute sa hauteur et étendant ses bras vers le ciel, il déclara d'une voix plus violente encore: «Et je prophétise au nom de Jésus-Christ et par le pouvoir de la sacrificature qui est en moi, que tout Président des États-Unis qui lèvera son doigt contre ce peuple-ci, mourra d'une mort prématurée et ira dans l'enfer. À quoi, pour réponse, un mélange de voix bruyantes fit entendre de toutes parts: «Amen! Bon! Écoutez!» etc.

[...] «Dans une occasion subséquente, en réponse aux remarques faites sur ce sujet devant une assemblée nombreuse, le gouverneur réitéra sa déclaration en ces termes: «J'ai dit que le général Taylor est mort et qu'il est dans l'enfer, et je le sais!» Quelqu'un de la foule, pour fournir apparemment au gouverneur une occasion d'en affirmer la certitude, s'écria: «Comment le savez-vous?» À quoi le gouverneur répondit promptement: «Parce que Dieu me l'a dit.» — Un ancien de l'église, posant sa main sur l'épaule de l'un des soussignés, ajouta: «Oui, juges, et vous le connaîtrez aussi, car vous le verrez quand vous y irez...»

Le gouverneur fut aussi autorisé par l'acte du Congrès, à pourvoir à toutes les charges, auxquelles le bill ne pourvoyait pas, et dans lesquelles continueraient les officiers jusqu'à la fin de la première session de la Législature. Il n'y avait néanmoins ni shérif, ni juge de paix (excepté un ou deux, établis quelques jours auparavant) et ainsi dans plusieurs cas, les criminels prenaient le large sans être jugés ni punis. L'église, selon l'habitude, en punissait quelques-uns, et laissait les autres en liberté. Peu de jours avant notre départ, nous apprîmes qu'une troupe d'hommes armés avaient été envoyés par l'église à la poursuite de quelques voleurs de chevaux; mais s'ils furent arrêtés et jugés, ou s'ils échappèrent, nous ne l'apprîmes jamais. Dans un comté limitrophe, un homme fut jugé sans jury, convaincu et puni par un membre de l'église qui se donnait des airs de juge. Vers le même temps, un meurtre fut commis avec délibération et de sang froid, dans le territoire, par un membre de l'église sur la personne de N. James Monroe, citoyen des États-Unis, d'Utica, New-York, qui était en route pour la cité du Lac-Salé (Salt Lack City). Ses restes furent apportés dans la cité et enterrés sans enquête, et le meurtrier parcourait ensuite les rues librement sous les yeux du gouverneur et de sa société. Des parents du défunt, établis sur les lieux et membres de l'église, gardèrent le silence, par frayeur, il est possible ou par indifférence. Le bruit circulait que le meurtre avait été conseillé par l'église ou par quelques-uns de ses chefs. Beaucoup le croyaient et l'impression reçue était de nature à paralyser quiconque aurait été incliné à intervenir. Ce bruit, d'ailleurs, recevait beaucoup de force de l'intimité qui existait entre l'auteur du meurtre et les chefs de l'église, avant et après l'événement. Le meurtrier avait demeuré dans la cité pendant plusieurs semaines, à nous inconnu ainsi que son domicile; son intention de tuer M. Monroe était un sujet de conversation. On lui permit d'aller 60 ou 80 milles à la rencontre de sa victime, et aucun des hommes qui connaissaient le fait, ne leva le bras ou ne fit entendre sa voix pour l'empêcher. Il rencontra M. Monroe sans armes, il l'invita hors de son camp, s'assit, s'entretînt avec lui une demi-heure, puis se leva et lui fit sauter la cervelle d'un coup de pistolet. Nous n'avons aucun doute néanmoins que, si on l'eût jugé, il eût été acquitté, comme cela arriva en février dernier, dans le cas du docteur John R. Vaughan, citoyen de l'Indiana alors en chemin pour la Californie: on laissa le meurtrier s'en aller impuni. Quel est le nombre des autres crimes et délits qui sont demeurés impunis, ou qu'on a laissés passer inaperçus? nous ne le savons. Le gouverneur parlait vrai, dans sa déclaration, quand il disait que «les juges des États-Unis ne jugeraient jamais une cause, aussi longtemps qu'il pourrait l'empêcher»; car ils n'auraient pas eu à leur disposition un seul officier pour assigner un jury, exécuter une prise de corps, etc., excepté le cas où les États-Unis, prenant fait et cause, le maréchal serait obligé d'agir.

Le congrès avait consacré vingt mille dollars, pour être appliqués, sous la direction du gouverneur et de la législature, à l'érection de monuments publics. Le gouverneur n'eut pas plus tôt reçu cet argent qu'il se l'appropria, ou du moins la plus grande partie, pour payer des dettes contractées par l'église des Mormons; ainsi peu de jours après qu'il était arrivé à la Vallée, cet argent se trouvait en d'autres mains pour retourner aux États-Unis. Nous n'étions pas présents lors de ce paiement, mais ce fut un sujet de notoriété publique, et duquel parlaient les personnes qui l'avaient reçu. Ceux d'entre nous qui étaient dans ce territoire, se trouvant sans force et obligés d'être les observateurs silencieux de toutes ces choses, vu l'omnipotence de l'église et du gouverneur, ont déterminé de rapporter les faits en écrivant au Président des États-Unis...

[...] Les efforts du gouverneur pour se procurer de l'argent ne s'arrêtèrent pas là. Un homme faisant le juge de paix, mais qui, pour autant que nous l'apprîmes, n'avait jamais prêté le serment d'office, émit un mandat qu'il remit au prétendu constable, lui ordonnant d'appréhender et de saisir A.W. Babbit, ainsi que ses effets consistant en wagons, voitures et attelages, de fouiller les wagons et les femmes. La somme à recouvrer, de l'or sans doute, était dite de vingt-quatre mille dollars, plus le sceau du territoire d'Utah. L'ordre portait de ramener le tout devant lui à la cité du Grand Lac-Salé; il enjoignait aussi de fouiller toute personne et d'examiner tout objet qui serait suspect. M. Babbit (l'Honorable R.W. Babbit, précédemment délégué du territoire au Congrès) était parti de la Cité, un ou deux jours auparavant, avec sa famille et les gens attachés à sa maison, pour retourner aux États-Unis. Le mandat n'indiquait ni plaignant, ni serment, et n'alléguait aucun délit. Il fut remis au constable qui, avec une force de plus de trente hommes bien armés et montés, se mit à la poursuite du prévenu, ayant des instructions du gouverneur, d'après lesquelles ils devaient «ramener Babbit, mort ou vif». Ils atteignirent son camp à quarante milles de la Cité, dans la nuit, et le matin M. Babbit et ses femmes se trouvèrent entourés d'une troupe d'hommes armés. Les voitures et les wagons furent vidés, puis, après une fouille complète, rechargés et dirigés sur la Cité. M. Babbit réclama en faveur de sa famille la permission de garder des attelages et de continuer sa route attendu qu'un délai de quelques jours pouvait l'exposer à une tourmente de neige, et que des courses répétées dans les montagnes qu'ils avaient déjà traversées, seraient d'une grande fatigue pour tous et exténueraient les bêtes, ajoutant qu'à cette époque avancée de l'année, ce retard les mettrait lui et les siens sérieusement en danger, pour leur vie, en traversant les plaines. Il déclarait, en même temps, que pour lui-même il était tout disposé à retourner avec eux. Mais les ordres du gouverneur étant péremptoires, les agents le lui refusèrent. La tente fut brutalement arrachée sur la tête de sa femme qui, en ce moment, donnait le sein à un enfant malade; ses femmes furent replacées dans les voitures, et les attelages dirigés vers la cité. Ainsi qu'il est plus haut mentionné, cet ordre extraordinaire fut exécuté, après que l'injonction de la cour suprême défendant de se saisir ou de se mêler de l'argent des États-Unis, eut été émise. M. Babbit réclama et, sur un habeas corpus, fut libéré de l'emprisonnement par l'un des juges soussignés, qui ne put rien faire au-delà de cet élargissement. Il ne put obtenir, d'une communauté mormonne, aucune réparation pour ce dommage, d'autant moins que l'outrage avait été commis par l'ordre du gouverneur. Il ne sera pas hors de propos d'ajouter, que le secrétaire réussit à recouvrer cet argent, l'emporta au-delà des plaines, et, à son arrivée à Saint-Louis, aidé du Trésorier, le déposa au crédit des États-Unis.

Nous jugeons qu'il est de notre devoir de mentionner dans cette communication officielle, que la polygamie, ou la pluralité des femmes, est ouvertement avouée ou pratiquée dans le territoire, sous la sanction et le commandement direct de l'église. Cette pratique est si générale qu'il est peu de chefs de cette communauté n'ayant qu'une femme chacun, ce qui établit un monopole et présente un tableau pénible à supporter pour les officiers qui y résident. Les hommes proéminents dans l'église, ceux dont chacun, même le plus humble, désire suivre l'exemple ou partager le privilège, ont tous plusieurs femmes. Quelques-uns, d'après des informations que nous croyons exactes, en ont de vingt à trente, et Brigham Young le gouverneur, un nombre encore plus grand. Il y a peu de jours qu'on l'a vu parcourant les rues de la Cité en omnibus avec une nombreuse compagnie de ses femmes, et plus des deux tiers d'entre elles ayant des enfants au bras, — signe certain que le mal augmente. Il n'est pas rare de trouver deux ou plusieurs sœurs mariées au même homme; et dans un cas, finalement, une mère et ses deux filles faisant ensemble partie des femmes du même homme, l'un des chefs de l'église. Cette pratique, regardée et punie dans les pays civilisés comme un crime révoltant, ne sera nécessairement jamais déclarée contraire aux lois par la législature des Mormons, et, si on la juge comme un crime contre la loi commune, la cour se trouvera sans force, avec les jurys mormons.

La cité du Grand Lac-Salé (Salt Lack City) est un point important sur la route de l'Orégon à la Californie, où l'émigrant peut renouveler ses provisions, ou s'hiverner s'il est atteint par la saison froide. Mais l'intimidation causée par les rapports sur la conduite de l'église des Mormons envers les citoyens des États-Unis, est telle, que ceux qui y sont conduits par leurs affaires, évitent d'y passer s'ils le peuvent, ou, s'ils y résident, se soumettent sans murmure. Personne n'ose ouvrir la bouche en opposition à leurs exactions illégales, sans en ressentir les effets, dans sa liberté, dans ses affaires ou sa vie. Et ainsi, sur le sol des États-Unis et sous les étoiles et les plis de son étendard, qui protège ses droits dans tout le monde civilisé, il est un lieu où le citoyen n'ose pas exercer les droits de l'homme libre. On nous a dit que plusieurs des «Gentils» (comme ils appellent ceux qui ne sont pas de l'église mormonne et n'ont qu'une femme), ont été jugés, pour de légères offenses, à deux, à cinq et à dix ans de travaux forcés sur les grandes routes avec la chaîne et le boulet au pied, sans abri pour la nuit, si ce n'est des cavernes creusées dans la terre de leurs propres mains. Nous avons vu l'une de ces grandes routes taillées sur le flanc d'une montagne, et les cavernes au pied à une grande distance; mais l'approche des officiers fédéraux, fut, ainsi qu'on nous le dit, une occasion de soulagement pour ces condamnés, par le changement de leur peine en bannissement au Texas.

[...] Informés de la sollicitude du président pour que les officiers établis pour ce territoire, accomplissent leurs fonctions de manière à maintenir la confiance et la coopération amicale, comme aussi à favoriser le bien-être du peuple auquel ils sont envoyés, nous avons été soigneux de ne donner occasion à aucune injure, et lents à nous offenser du manque de courtoisie et de bonne volonté envers nous. En vue de ces considérations, ç'a été avec une grande répugnance que nous avons cédé à la conviction que nous ne pouvions rester sans donner lieu à un reproche mérité par nous comme citoyens et officiers du gouvernement, qui nous avait honorés d'un office auprès de ce peuple. Nous avons l'honneur, Tit., d'être très respectueusement, vos serviteurs obéissants,

LEMUEL G. BRANDEBURG,
Chef de la Cour suprême de justice des États-Unis, pour le territoire d'Utah.

PERRY A. BROCCHUS,
Adjoint de la Cour suprême de justice des États-Unis, pour le territoire d'Utah.

B.D. HARRIS,
Secrétaire du territoire d'Utah.

CITÉ DE WASHINGTON, 10 décembre 1851.»

Après ce rapport des juges d'Utah, il ne sera pas sans intérêt de lire des lettres d'émigrants. Celle dont voici un fragment, a été publiée dans le Swansea and Glamorgan Herald en Angleterre et reproduite par M. Gray, dans son écrit sur le Mormonisme.

«La lettre suivante a été reçue par M.J. Lewis, de Victoria Iron Works, Monmouthshire, de l'une des victimes de l'imposture mormonne. Nous espérons que les révélations qu'elle contient pourront servir d'avertissement à d'autres:

St-Louis, 7 décembre 1851. — Cher ami, — le profite de cette occasion pour vous écrire ce peu de lignes, et vous informer de l'état des affaires dans cette contrée. Nous avons tous été malades, ma femme, l'enfant et moi pendant cinq mois et maintenant je me trouve, moi, un peu mieux; mais j'ai perdu tout ce qui m'était cher, car, dans l'Illinois, j'ai enterré, dans la même fosse, femme et enfant. Je demeure maintenant dans le Missouri. C'est un lieu très malsain, et je vous prie d'user de toute votre influence pour persuader mes amis et les gens du pays à rester où ils sont, plutôt que de permettre qu'on leur bande les yeux pour les jeter dans un système de friponnerie et de pillage, tel que le Mormonisme. Ce n'est rien autre que du charlatanisme; je l'ai découvert au prix de bien des peines de cœur. Puissent les gens voir leur erreur. À la maison, tout est promesse de leur part; quand vous les avez suivis et qu'ils vous tiennent, ils vous rient au nez. Je ne dis pas ceci pour intimider personne, mais pour donner des informations sur le véritable état des choses ici, et afin que si, après avoir été avertis du danger, quelques-uns persistent à venir, ils s'attendent à en porter les conséquences.

Des 400 qui vinrent, 200 sont morts. Aucun de ceux du Pays de Galles n'est mort dans la traversée ou en remontant le fleuve, excepté quatre enfants. Je demeure maintenant avec William Davies, d'Abercarn, Monmouthshire, qui vint ici avec les Mormons; et cette écriture qui est de sa main, vous prouvera que je dis vrai. Mieux eût été pour nous de n'être pas nés, que de venir avec les Mormons. À la maison, ils vous dépouillent de tout et quand vous êtes arrivés, ils vous font mourir de faim s'ils le peuvent et vous enlèvent vos femmes.

Leur chef, Brigham Young, a vingt-quatre femmes; dix-neuf d'entre elles ont des enfants au bras. Ceux qui occupent des charges inférieures à la sienne en ont un moins grand nombre, en raison de leur office et de leur position. Quelques-uns en ont quatorze, d'autres sept, d'autres un nombre différent. Et maintenant ils essaient de faire de leur mieux pour insulter les officiers des États-Unis, qui ont laissé leurs places et sont retournés à Washington, où le Congrès siège en ce moment; nous verrons ce qu'on fera. Les Mormons sont très durs les uns envers les autres. J'ai été obligé de creuser moi-même la fosse de ma femme. Elle eut des funérailles convenables; mais les Mormons ne firent absolument rien pour m'aider. — Ceux qui leur donnèrent tant d'argent, avaient reçu des promesses de terrain et de bien d'autres choses, pour l'époque de leur arrivée; mais on les a laissés mourir dans l'atelier. Parmi eux sont Howells, Williams, et Wm. Rees; il en reste beaucoup dans l'atelier, desquels nous ne savons s'ils vivront ou mourront.

Votre ami qui vous souhaite du bien,

«EVAN POWEL.»

P.S. — Je désire encore vous dire que le Sabbat (le dimanche) n'est pas plus considéré qu'un autre jour. On le passe à jouer toute espèce de jeux, tels que courses à cheval, quilles, jeux de cartes, etc., et les chefs mormons tolèrent toutes ces choses, ainsi que les danses, les jurements et bien d'autres actes contraires à la pudeur.» — (Gray's, p. 68 à 70).

Ces lettres d'émigrants déçus sont nombreuses aujourd'hui. Il n'est pas étonnant que le mal étant porté à un tel excès, le cri s'en fasse entendre et vienne jusqu'à nous. Entre plusieurs lettres, j'ai choisi les deux suivantes qui nous donnent une relation récente. Elles montreront si les Mormons sont en progrès vers le mieux; car il est des personnes qui, ne pouvant nier ce qu'ils ont été, veulent cependant les voir devenant meilleurs avec le temps. Ces deux lettres (du mois de mai 1853) ont été données dans le Norfolk News, du 20 août de la même année. On remarquera que la paroisse de Old Buckenharn à laquelle appartenaient les auteurs de ces lettres, n'est éloignée que de quelques milles de Norwich où s'imprime le Journal. Voici l'article presque dans son entier:

«LES MORMONS ET LEURS DUPES. - Nous avons devant nous depuis quelques semaines, dit le rédacteur, deux lettres de personnes appartenant à la paroisse de Old Buckenham, dans ce Comté, lesquelles émigrèrent avec les Mormons. Nous n'avons nulle envie d'intervenir dans les opinions de personne; mais comme les auteurs de ces lettres attestent qu'ils ont été grossièrement trompés, et se plaignent de la conduite sans principes de ceux de leurs conducteurs à qui ils accordaient une confiance implicite, nous pensons que le public doit être informé du traitement qu'ils ont reçu. Les lettres sont datées de «Keokurk, Lee County, Oway, États-Unis, 28 et 29 mai 1853», — et les auteurs, nous en avons la certitude, sont des personnes sur la véracité desquelles nous pouvons compter en toute confiance. La lettre de Thomas Hardiman écrite, nous présumons, par sa femme est donnée presque entièrement mot pour mot. Nous n'y ajoutons que quelques explications (48).

«FRÈRE HARDIMAN. Je mets la main à la plume pour vous écrire quelques lignes; et j'ai à vous dire des choses auxquelles vous ne pensez guère; mais je veux que vous ayez une relation exacte et vraie, que vous la communiquiez à tous mes frères et mes sœurs, que vous l'annonciez et l'enseigniez à tous au loin et au près, en quelque endroit que vous alliez, afin que personne désormais ne soit trompé comme nous l'avons été.

Après qu'ils (les chefs Mormons) nous eurent mis à bord (du vaisseau) ils nous laissèrent presque mourir de faim. Mon garçon ne recevait par semaine que deux biscuits et une livre de farine; nous, nous en avions le double. Et vers la fin nous ne recevions presque rien; de telle manière que nous périssions de faim. Les Mormons sont la plus triste clique (set) que jamais j'aie vue ou connue. Loin de suivre l'Évangile, ils enseignent toute méchanceté, vol, mensonge, jurements, prostitution, ivrognerie, jeux de cartes, gageures.

Je ne doute pas que, dans cette affaire, vous ne soyez aussi honnête que je l'ai été; toutefois cela ne vous conduira pas à la Vallée (du Grand Lac-Salé); vous n'y arriverez qu'autant que vous serez fourni d'argent. Ils vous disent que vous pouvez y arriver avec 10 Livres sterlings; mais finalement personne n'y parvient, excepté ceux que les chefs emmènent pour leur propre usage et desquels ils font leurs esclaves quand ils sont arrivés. S— emmena avec lui deux jeunes hommes de Norwich qui s'enfuirent dès qu'ils purent toucher terre, car leurs yeux étaient ouverts. Ils avaient extrêmement souffert de la faim.

Parmi les Mormons, quelque chose qu'on fasse le jour du sabbat (le dimanche), c'est parfaitement égal et bon pour le salut. Je pouvais à peine distinguer le sabbat d'un autre jour: les sœurs cousaient, les frères fendaient du bois, d'autres cuisaient leur pain tout le jour. En même temps, les querelles ne manquaient point.

Lorsqu'ils nous embarquèrent en bateau-à-vapeur, on nous mit avec des bœufs et des porcs, sans nous donner une place pour reposer nos têtes. J'en fus malade. Nous manquions aussi de nourriture. Après être débarqués à Keokurk (49) nous dûmes loger dans nos tentes où, pendant un orage épouvantable, nous souffrîmes d'une pluie si forte que l'eau courait au travers. Nos fournitures de lit étaient mouillées et dégouttaient. Nous ne pûmes trouver de soulagement; il fallut nous résigner à souffrir. — Après trois semaines, me trouvant mieux, je demandai à mon mari que nous quittassions, car je souffrais aussi de ce que j'entendais et voyais. L'adultère n'est point en déshonneur ici. Frère Paresh a vu des hommes mariés... Si vous pouvez vous arranger de leurs épouses spirituelles c'est bien; si vous ne le pouvez; vous n'êtes d'aucune utilité pour eux, car c'est là ce qu'ils enseignent et pratiquent.

Mon mari se rendit dans la cité, où les Mormons se conduisirent envers nous comme des fripons. Ils nous enlevèrent nos provisions et nous empêchèrent de nous en procurer de nouveau. — [...] Ici l'on vole, on enlève la femme d'un autre, on se bat, on jure comme à la Nouvelle-Orléans et à St.-Louis. Je ne puis dire assez, combien ces cas sont fréquents.

D'entre les émigrants réunis à Keokurk, les Mormons en mirent en liberté cent cinquante, choisis parmi les plus jeunes et les plus intelligents. Après cela, nous ayant retiré presque toute la farine et la viande de porc, ils les mirent en route avec menace de les faire marcher s'ils refusaient... — Maintenant ce qui m'indigne plus que toute autre chose, c'est S—: quand il venait à Buckenham, il ne pouvait pas seulement payer sa place, et maintenant il possède deux paires de bœufs, une chaise de poste, deux beaux chevaux, un cocher et un wagon chargé des meilleures fournitures.»

Après diverses commissions pour les membres de sa famille en Angleterre, l'auteur ajoute: «Je pensais peu quand je quittai Old Buckenham, que j'allais avec de tels vampires; mais j'espère que ce peu de lignes sera un avertissement pour vous tous.»

Dites à frère Gage qu'il abandonne l'idée de se rendre à la Vallée (du Grand Lac-Salé) et qu'il cesse d'écouter des gens tels que S—; quand ils viennent avec leurs beaux contes, répondez-leur qu'ils sont des trompeurs comme le Démon, car lorsqu'ils ne peuvent plus sucer votre argent ils vous disent que vous êtes inutiles, et vous abandonnent dans les plaines. Nous les avons abandonnés nous-mêmes et nous avons acheté une ferme à quelque distance d'ici... Frère Matthews les a aussi laissés. Il y eut à son sujet une assemblée dans laquelle Matthews leur dit des choses auxquelles ils n'eurent rien à répondre. Les Mormons le prièrent de ne pas en écrire. Il leur répondit qu'il écrirait à Hockham, qu'il révélerait leur conduite envers lui et ferait savoir la vérité.»

Frère PARESH, l'écrivain de l'autre lettre et à qui Thomas Hardiman renvoie, confirme le rapport de son frère émigrant. Nous ne pouvons, continue le rédacteur, donner en entier cette lettre qui est adressée à sa sœur. L'auteur, après avoir déclaré sa conviction, que le seul objet des docteurs mormons est de tromper les simples, de se saisir de leur argent, puis de les laisser, ajoute:

«Nous arrivâmes le 8 d'avril, à Saint-Louis, où un bateau-à-vapeur était préparé pour nous transporter à Keokurk; mais, comme ma femme était très malade, je refusai d'aller à bord, parce que nous aurions dû être deux nuits et un jour, avec une centaine de personnes, sans avoir une place pour reposer. Je fis connaître au président l'état de ma femme, qui à toute heure attendait ses couches, et je lui demandai ce que j'avais à faire pour me procurer de la nourriture, car je n'avais ni argent ni vivres. Il me dit: «Vous auriez dû aller à bord; si vous restez en arrière, vous ferez comme vous pourrez.. Je fus donc laissé dans un lieu étranger sans un liard et entièrement privé de vivres. Mais néanmoins une bonne providence nous protégeait, car une femme de l'endroit offrit de nous recevoir dans sa maison et nous procura la nourriture et le logement. Le jour suivant ma femme accoucha; mais l'enfant ne vécut que quinze jours. Je me rendis alors auprès de S— et lui demandai s'il voulait m'aider à sortir de difficulté. Il me répondit qu'il ne pouvait rien faire pour moi, vu qu'il n'avait pas d'argent; cependant, quand il arriva à Keokurk, il put acheter trois wagons, des bœufs, des chevaux, une voiture et se fournir d'un cocher. Mais un pauvre frère, il ne pouvait l'aider! Ce sont des faits! Je vous prie de dire à mon frère Major qu'il n'ait plus rien à faire avec les Mormons...»

D'autres pièces sur le sujet pourraient encore être fournies. Celles-là suffisent, il me semble. Elles nous donnent un complément qui manque à l'histoire des Mormons écrite par eux-mêmes. Les faits qu'elles signalent, et les accusations qu'elles font retomber sur les saints des derniers jours, sont à la vérité fort graves. Mais ces accusations n'ont rien d'extraordinaire pour quiconque les a vus dans les lieux où ils sont librement établis. En novembre dernier, je me trouvais à Farsley, Yorkshire, dans la compagnie de quelques amis chrétiens. L'un d'eux, M. Pontefract, avait été en Amérique et avait résidé un an à St.-Louis, où les Mormons sont nombreux, attendu que cette ville est l'un des grands entrepôts de leur émigration. Sachant qu'il les avait vus dans leurs propres établissements, je lui demandai ce qu'il pensait des accusations graves portées contre eux dans un grand nombre de publications. — «Il n'y a là rien d'étonnant», me répondit-il; «on ne peut pas juger des Mormons d'Amérique par ceux d'Europe. En Europe, ils sont gênés par des lois et des usages; en Amérique on les voit dans leur vrai caractère. Quiconque les y a vus, dans les localités où ils sont rassemblés, peut facilement augmenter la liste des faits donnés dans ces publications.» — M. Pontefract ajouta, comme lui étant bien connus, divers exemples, tels que réjouissances mondaines, bals, vol, violence, infidélité conjugale, exploitation pécuniaire des chefs sur les membres de l'église.

Et c'est en parlant d'une telle population et de son heureux sort, qu'un apôtre mormon, M. Snow, écrivait: — «Tout y est en grande tranquillité; point de rapports de police, ni de meurtres, ni de guerres dans notre petit monde. Quelle paix, quel repos, quel bonheur, quelle solitude! nous vivons libres. (50)» Relation menteuse que les faits, confirmés par de nombreux témoignages, sont loin de justifier.

Ceci me conduit, en terminant, à mentionner les apôtres mormons. Eux qui disaient avoir connu personnellement Joseph Smith, qui par conséquent n'ignoraient point quelle a été sa vie sans principes et sans mœurs, se sont gardés de nous le dire. Ils sont venus dans notre Continent, lui faire une réputation de saint martyr. Eux qui, venant du Deseret, savaient quelle vie on y mène, nous l'ont caché avec soin, et nous en ont parlé comme d'un séjour de paix, et d'un refuge pour les opprimés de ce monde. Ils connaissaient la conduite des chefs mormons; ils savaient quelle pression ces maîtres exercent sur le peuple qui tombe en leur pouvoir, et néanmoins ils ont eu le courage de promettre la paix et le repos à ceux qui les suivraient.

Qui aurait supposé qu'ils pussent tromper, eux qui avaient à la bouche des noms chers aux âmes craignant Dieu? Ils nommaient Dieu le Père; ils nommaient Jésus-Christ. Puis avec leur baptême et des notions de ce genre, ils semblaient proposer des choses sérieuses. Mais, ô perfidie! toutes leurs doctrines, toutes leurs notions se trouvent être à deux sens. Le lecteur en aura remarqué des exemples dans les pages qui précèdent. J'en donnerai un de plus.

L'agence des Mormons à Lausanne, en publiant le premier numéro du Réflecteur, pour janvier 1853, repousse diverses accusations et donne sur le mariage un article ainsi conçu: «Nous croyons qu'il est légitime qu'un homme ait une femme et qu'ils sont unis l'un à l'autre jusqu'à ce que la mort les sépare (51).» Un lecteur non préoccupé, ne demande point si l'article est construit de bonne foi; il ne pense pas qu'une place pour la polygamie s'y trouve réservée. De son côté, le prêtre mormon ne se hâle point non plus d'avertir que l'article sous-entend des restrictions. Mais voici que la polygamie des Mormons finalement vient au jour. Que fait le prêtre ou le saint, à qui vous demandez raison de l'article du Réflecteur? Il vous répond, ainsi que cela a eu lieu, que l'article ne stipule point qu'un homme doive n'avoir qu'une femme à la fois. Et sa réponse doit vous suffire, pense-t-il.

Il est remarquable de voir que, dans le moment même où le Réflecteur à Lausanne annonçait que les règlements mormons statuent le mariage d'un homme et d'une femme unis jusqu'à la mort, l'Étoile milléniale du 1 Janvier 1853, imprimée à Liverpool, enseignait aux Mormons de l'Angleterre, qu'un homme peut, selon Dieu, obtenir dix femmes à la fois. Ces feuilles mormonnes ont paru l'une et l'autre à la même date. Pourquoi ces deux publications contradictoires paraissant en même temps? C'est facile à comprendre: à Lausanne, on ne devait point se compromettre; en Angleterre, des circonstances urgentes obligeaient de faire un aveu. Mais par cette conduite, les apôtres mormons nous montrent, par un exemple de plus, ce que doit être la cause qu'ils soutiennent.

Un prochain numéro de ces Fragments donnera, si Dieu le permet, un aperçu des notions que les Mormons proposent comme étant le complément de l'Évangile.



Notes

36 Voir Fragments, No II.
37 Voir Fragments, No II.
38 Millenial Star, Vol. VI.
39 Doctrine and Covenants, p. 324.
40 Publiée dans le Seer et reproduite dans le New-York Tribune du 5 Novembre 1853.
41 Doctrine and Covenants, p. 331.
42 The Millenial Star.
43 Voir Fragments, No II.
44 The Seer, p. 110.
45 Mérimée, Moniteur du 26 mars 1853.
46 Voici un ordre du jour émané du général Joseph Smith: —

Quartier général. Légion de Nauvoo.
Cité de Nauvoo, 25 Mai 1841.

La première compagnie de carabiniers du 1er Bataillon, 2e Régiment, 3e Cohorte, sera attachée à l'escorte désignée dans l'ordre général du 4 courant, pour le 3 Juillet prochain. En formant la légion, l'adjudant observera le rang des compagnies comme suit:

Première Cohorte. — L'artillerie volante en premier, puis les lanciers et les carabiniers. Les compagnies détachées de dragons, à la suite des lanciers et la cavalerie à la suite des dragons.

Deuxième Cohorte. — L'artillerie volante en premier, puis les lanciers, les carabiniers et l'infanterie légère. Les compagnies détachées, à leurs places respectives, à la droite des troupes de leurs propre grade: les compagnies de rang de la première cohorte seront formées à la droite de la dite cohorte et les compagnies de rang de la seconde, seront formées à la gauche de la dite cohorte et ainsi de suite jusqu'au centre. L'escorte sera formée à la droite des forces.

JOHN C. BENNET.
Major Général.
    JOSEPH SMITH.
Lieutenant Général.»
(Caswall's, M.A. Three Days at Nauvoo, p. 75.)
47 Le prédicateur mormon ignorait, il parait, qu'on trouve des mouettes marines jusques au-delà des plaines et que en 1845, deux ans avant que les Mormons pensassent à s'établir dans cette vallée, les mouettes y furent vues pour la première fois par le colonel Fremont. (The Mormons, p. 270)
48 La lettre originale n'a pas d'orthographe; le Journal la donne telle quelle, en y joignant quelques explications pour aider le lecteur.
49 Keokurk est situé sur la rive droite du Mississipi à 200 milles plus haut que Saint-Louis; ce lieu fut, l'an dernier, le point de ralliement, d'où partirent les émigrants mormons pour traverser les Savannes. — (New-York Tribune du 5 Novembre 1853.)
50 Voix de Joseph, p. 73.
51 Le Réflecteur, p. 5.


Appendice

La version française du Livre de Mormon fait disparaître les fautes de langage qui, dans le volume anglais, trahissent la main de Joseph Smith. Néanmoins, les additions bibliques dont ce dernier a intercalé le roman de M. Spaulding, sont assez nombreuses et assez longues pour qu'on n'ait aucune difficulté à les distinguer dans le volume français. Le lecteur en jugera par le fragment suivant, d'un discours de Jésus aux Néphites, à qui, dit ce livre, il serait apparu en Amérique après sa résurrection:

«Quand Jésus eut dit ces paroles à Néphi et à ceux qui avaient été appelés (or le nombre de ceux qui avaient été appelés et avaient reçu le pouvoir et l'autorité de baptiser était de douze), voici, il étendit sa main vers la multitude et leur cria, disant: Vous serez bénis, si vous êtes attentifs aux paroles de ces douze que j'ai choisis parmi vous, pour vous administrer et pour être vos serviteurs; je leur ai donné le pouvoir de vous baptiser d'eau, et après que vous aurez été baptisés d'eau, voici je vous baptiserai avec le feu et avec le Saint-Esprit. C'est pourquoi vous serez bénis, si vous croyez en moi et si vous êtes baptisés, après m'avoir vu et avoir connu que je suis. Oui, bénis seront ceux qui croiront en vos paroles, et s'abaisseront dans les profondeurs de l'humilité et seront baptisés; car ils seront visités par le feu et le Saint-Esprit, et ils recevront la rémission de leurs péchés. Oui, bénis sont les pauvres d'esprit qui viendront à moi, car le royaume des cieux leur appartient. Bénis sont ceux qui se lamentent, car ils seront consolés; et bénis sont les débonnaires, car ils hériteront la terre. Bénis sont ceux qui sont altérés et affamés de justice et de sainteté, car ils seront rassasiés par le Saint-Esprit. Bénis sont les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Bénis sont les purs d'esprit, car ils verront Dieu. Bénis sont les hommes de paix, car ils seront appelés les enfants de Dieu. Bénis sont tous ceux qui seront persécutés à cause de mon nom, car à eux sera le royaume du ciel. Et bénis serez-vous alors que les hommes vous insulteront et vous persécuteront et diront faussement toutes sortes de méchancetés contre vous, à cause de moi; car vous serez comblés de joie et remplis d'allégresse, et grande sera votre récompense au ciel; car ainsi ont-ils persécuté les prophètes qui étaient avant vous.

En vérité, en vérité, je vous le dis, je vous donne d'être le sel de la terre; mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la terre sera-telle salée? Le sel désormais ne serait plus bon à rien, qu'à être jeté et foulé aux pieds des hommes (52)

Le Livre de Mormon continue, du même train, à reproduire le sermon sur la montagne dans son entier avec l'addition de mots intercalés. — Dans les 90 premières pages, ce livre contient 16 chapitres d'Ésaïe ainsi placés: de la page 43 à 67, les chapitres 48 à 51; de la page 75 à 89, les chapitres 2 à 13. En d'autres endroits (p. 442 et 512), on trouve des portions tirées du prophète Malachie et de l'Épître aux Corinthiens, etc.

FIN


La gloire soit à Christ seul aux siècles des siècles.



Notes

52 Livre de Mormon, p. 419 et 420.

Autres lectures connexes

Lettre sur les Mormons de la Californie, par Louis Favez, 1851
     
(46 pages au format Acrobat: PDF)

Le mormonisme jugé d'après ses doctrines, par Louis Favez, 1856
     (exposé succinct des notions mormonnes et de leur valeur relativement à la sainte écriture)
     
(81 pages au format Acrobat: PDF)

Le livre de Mormon, par Joseph Smith et John Taylor, 1852
     (récit écrit de la main de Mormon sur des plaques prises des plaques de Néphi)
     
(519 pages au format Acrobat: PDF)

Le livre de Mormon, par Joseph Smith et John Taylor, 2010
     (en ligne - Écritures officielles de l'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours)



Source: Jean leDuc — LeVigilant.com