Page 377 - Dictionnaire de la Bible J.A. Bost

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rabbins appuient cette manière de voir en expliquant Kohéleth par un homme doué d'une âme réintégrée.
Entre ces deux explications principales, dont l'une fait de l'auteur un maître qui enseigne, et de l'autre un
fidèle qui se repent et s'humilie, on peut choisir; la seconde a peut-être quelque chose de plus séduisant;
la première réclame en sa faveur un plus grand nombre d'autorités et l'analogie de la langue.
Quant à la personne désignée par le nom d'Ecclésiaste, il est difficile de s'y méprendre, et il faut beaucoup
de bonne volonté pour y voir autre chose que Salomon. Ceux mêmes qui veulent, comme Luther, n'y voir
qu'une collection, reconnaissent que les paroles sont des sentences prononcées par ce sage monarque,
quoique recueillies par d'autres; rien ne justifie, du reste, ce système. Au premier verset, l'Ecclésiaste se
donne comme roi de Jérusalem et fils de David; ailleurs (2:4; sq. 1:46; cf. 1 Rois 4,), il parle de ses richesses
immenses, de ses maisons, de ses campagnes, de ses vignes, des aqueducs qu'il a fait bâtir, de ses viviers,
de ses esclaves, de ses trésors en or et en joyaux, de sa grandeur, qui a été plus élevée que celle de tous
ceux qui ont été à Jérusalem avant lui, de sa sagesse divine; il parle encore des sentences et des proverbes
qu'il a mis en ordre, Ecclésiaste 12:11-12; cf. 1 Rois 4:32, etc.; il n'y a qu'un type qui réponde à tous ces
caractères. Toutefois, nous devons mentionner pour mémoire l'opinion des Talmudistes, qui attribuent
cet ouvrage au roi Ézéchias; celle de Grotius, qui l'attribué à Zorobabel; celle de Kimchi, qui l'attribue à
Ésaïe.
Au dire des rabbins, confirmé par saint Jérôme, quelques-uns de ceux qui recueillirent les livres saints
après la captivité, furent d'avis de ne pas insérer l'Ecclésiaste dans le Canon, de peur que des esprits
faibles ne fussent scandalisés de certains passages obscurs qui s'y trouvent, et qu'ils pourraient mal
interpréter, par exemple, 3:18-22; 4:1-3; 9:2, etc. Effectivement, ces versets trahissent un matérialisme et un
athéisme révoltants; ils rappellent dans leur genre ce passage des Romains 6:1: «Péchons, afin que la
grâce abonde»; et ces paroles du même apôtre, 1 Corinthiens 15:32: «Mangeons et buvons, car demain
nous mourrons»; si les unes et les autres de ces paroles impies se trouvent dans l'Écriture, celles du
Nouveau Testament pourront nous expliquer celles de l'Ancien; dans l'un et l'autre cas, ce„ sont les
raisonnements du pécheur reproduits par l'Esprit saint pour être combattus. Le but de l'auteur a été de
démontrer la vanité des choses de la terre comme telles, et l'excellence de la sagesse et de la vraie religion;
son ouvrage présente une espèce de dialogue dont les rôles sont quelquefois assez difficiles à distinguer,
parce que les interlocuteurs se rencontrent en plusieurs points, et que celui qui relève la grandeur divine
s'accorde avec l'autre à dire que tout n'est que vanité. On peut supposer avec Grotius un homme de bien
discutant avec un impie ou un Sadducéen; c'était une forme qu'affectionnaient volontiers les anciens,
Platon, Xénophon, etc.; cependant le dialogue n'est pas aussi marqué que dans les ouvrages de ces
philosophes. Il paraîtrait plutôt que Salomon discute avec lui-même, soit qu'il reproduise les arguments
sadducéens que sa profonde science lui avait certainement fait connaître, soit aussi que le roi pénitent
raconte ses erreurs passées, et le matérialisme insensé qui avait été pour lui le fruit de ses débauches et de
son idolâtrie. Quoi qu'il en soit, on voit dans ce livre des opinions contraires mises en présence; il y a donc
deux hommes qui parlent, fictifs peut-être, et les doutes de l'un ne sauraient pas plus être comptés au
nombre des paroles sacrées, que les discours des rois impies, des faux prophètes, et de Satan lui-même,
qui sont reproduits en maint endroit par l'Esprit saint.
On a souvent remarqué la solennité avec laquelle s'ouvre le chapitre 5e; l'impie, dégoûté, mais non
désabusé, a critiqué tout ce qui se fait sur la terre; il s'est plaint de voir prospérer le méchant, le faible
tomber sans consolateur; le Sage lui répond: «Quand tu entreras dans la maison de Dieu, prends garde à
ton pied; ne te précipite pas à parler; Dieu est au ciel et toi sur la terre; c'est pourquoi use de peu de
paroles.» Homme chétif! tu veux critiquer cet univers, qui marche, conduit par la puissante main de Dieu;
tu veux aborder le temple mystérieux de la Providence; tu veux sonder la profonde sagesse; eh bien, sois
au moins prudent, ne te hâte pas de juger, et regarde.
Il est difficile de donner une idée exacte du plan de cet ouvrage; on peut le diviser en trois parties:
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