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de la confusion de leur langage, furent dispersés avec lui sur la surface de la terre
et quittèrent la ville et la tour qu'ils avaient commencé de bâtir, Babylone,
comme cité, n'existait pas avant que Nemrod, en y établissant son pouvoir, en fît
le fondement, et le point de départ de sa grandeur. À ce point de vue donc,
l'histoire de Ninus et celle de Nemrod s'accordent exactement. La manière dont
Ninus obtint son pouvoir est aussi la même dont Nemrod éleva le sien. Il est hors
de doute que ce fut en endurcissant ses partisans aux fatigues et aux dangers de la
guerre, qu'il les forma peu à peu au métier des armes et qu'il les prépara à l'aider
dans l'établissement de sa souveraineté absolument comme Ninus, en
accoutumant ses compagnons pendant longtemps à des exercices pénibles et à de
durs travaux, les rendit propres à faire de lui le premier roi des Assyriens.
Les conclusions que nous tirons de ces témoignages de l'histoire se trouvent
puissamment confirmées par d'autres considérations. Nous avons dans
un passage qui, bien compris, jette une vive lumière sur le sujet. Voici ce
passage tel que le donne la version ordinaire :
"De ce pays-là sortit Asshur, et il
bâtit Ninive."
Il y est dit comme si c'était une chose extraordinaire, qu'Asshur
sortit du pays de Schinar, tandis que la race humaine en général venait du même
pays. Cette version se fonde sur cette hypothèse qu'Asshur avait une sorte de
droit divin sur ce pays, et qu'il en avait été en quelque sorte chassé par Nemrod :
mais aucun autre passage du contexte ne fait la moindre allusion à ce droit divin
et je ne crois pas qu'on puisse le prouver. De plus, cette traduction représente
Asshur comme établissant dans le voisinage immédiat de Nemrod un royaume
aussi puissant que celui de Nemrod lui-même : Asshur bâtit quatre cités, dont
l'une est appelée par emphase
"la grande"
. Nemrod d'après cette
interprétation, bâtit exactement le même nombre de villes, dont aucune n'est
caractérisée comme
"grande"
. – Or, il est tout à fait invraisemblable que Nemrod
ait supporté patiemment près de lui un rival si puissant !
Pour résoudre ces difficultés, on a proposé de traduire aussi :
"Il (Nemrod) sortit
de ce pays et vint à Asshur"
, ou en Assyrie. – Mais alors, selon la grammaire, il
faudrait qu'il y eût dans le texte
"Assurah"
, avec le signe de mouvement vers un
lieu, tandis qu'il y a simplement Asshur, sans suffixe. Je suis persuadé que la
perplexité des commentateurs, à propos de ce passage, vient de la supposition
qu'il y a là un nom propre, tandis qu'en réalité il n'y en a pas du tout. Asshur est
le participe passif d'un verbe qui en Chaldéen signifie rendre fort
et veut par
conséquent dire : rendu fort, ou fortifié. Si on lit ainsi ce passage il devient clair