LA VIE DE
JÉSUS
CHAPITRE II
L'activité publique de
Jésus.
B. L'activité de
Jésus en Galilée.
61. Guérison du lunatique.
(Matth.
XVII, -14-21 ;Marc
IX, 14-29.)
Au pied de la montagne, Jésus trouve les neuf
disciples qu'il y avait laissés. Ils étaient
entourés d'une foule tumultueuse et disputaient avec
des scribes, que leur impuissance à guérir un
possédé remplissait de joie. Jésus ayant demandé
quel était le sujet de cette dispute, le père de
l'enfant malade s'avança et dit :Maître,
je t'ai amené mon fils qui est possédé d'un esprit
muet, qui l'agite par des convulsions partout où il
le saisit. Alors il écume et grince les dents et
devient tout sec ; et j'ai prié les disciples de le
chasser, mais ils n'ont pu le faire. Le
Sauveur, qui au sommet de la montagne, avait respiré
l'air du ciel et goûté la gloire divine, se voit de
nouveau enfoncé dans les profondeurs des détresses
terrestres, et son coeur se heurte aux misères de
l'incrédulité. Ce qui ne l'empêche pas d'être
immédiatement prêt à accorder son secours dès qu'on
le réclame. Mais ce qu'il y a de plus douloureux
pour lui, c'est l'incrédulité de ses disciples.0
race incrédule, leur dit-il, jusqu'à quand serai-je
avec vous ? Jusqu'à quand vous supporterai-je ?
Il ne devait plus être longtemps avec eux, puisqu'il
avait déjà parlé avec Moïse et Élie, sur la
montagne, « de la mort qu'il devait subir à
Jérusalem »(Luc
IX, 31). Ses disciples lui causent, par leur
manque de foi, une vive et profonde douleur, qui
arrache cette plainte à son coeur péniblement ému.
Véritablement il faut bien peu connaître ce coeur
pour voir dans cette plainte, comme le veut
l'incrédulité, un signe d'impatience. Au contraire,
nous voyons partout, pour notre consolation, que le
Sauveur n'est jamais importuné. Toutes les fois que
sa sainte indignation est excitée, c'est toujours
parce qu'on n'a pas assez de confiance dans son
secours, c'est-à-dire, parce qu'on ne croit pas en
lui.
Amenez-le moi,
dit-il avant même que le père l'eût prié de lui
venir en aide. Évidemment cet homme, en voyant
l'impuissance des disciples pour guérir son fils,
est devenu défiant et n'ose plus rien demander. Près
de Jésus, l'esprit matin s'irrite dans sa rage
impuissante, en voyant que sa proie va lui échapper.
Alors Jésus, plein de compassion, demande au père
combien il y a de temps que ceci arrive à son fils.
Le père lui dit :Dès son
enfance. Et l'esprit l'a souvent jeté dans l'eau et
dans le feu pour le faire périr. L'état
de ce jeune garçon présente une grande analogie avec
celui de nos épileptiques, comme les possédés en
général nous rappellent nos aliénés. Ces sortes de
maladies mentales étaient alors, et sont encore
quelquefois aujourd'hui, dues à l'action des
puissances des ténèbres, mais ce n'est pas toujours
le cas.
À la vue de son malheureux enfant, le
père perd presque tout courage. Il a bien la volonté
de se confier au Sauveur, et c'est pour cela qu'il
implore son secours ; mais il n'est pas sûr que
Jésus ait la puissance de guérir son fils.
L'incrédulité des disciples l'a gagné ; le doute
perce dans ces paroles : Si
tu y peux quelque chose, aide-nous et aie compassion
de nous. La prière de ce malheureux père
est presque le contraire de celle du lépreux : «
Seigneur, si tu le veux, tu peux me nettoyer. » Le
Seigneur se trouve ici dans une situation
embarrassante. La présence de ce possédé avait
attiré l'attention du peuple. Les scribes étaient
aux aguets. Si Jésus n'avait pas pu délivrer ce
jeune homme, toutes ses guérisons précédentes
auraient été remises en question. Dès lors on aurait
pu douter qu'il fût réellement le Fils de Dieu, venu
pour détruire les oeuvres du diable. Or, le Seigneur
n'aurait pas pu opérer ce miracle, s'il n'eût pas
trouvé dans ce père au moins un faible vestige de
foi ; à Nazareth il ne put faire aucun miracle à
cause de l'incrédulité des habitants (Marc
VI. 5). Jusqu'à présent il n'y a encore que de
la défiance dans le coeur de cet homme.
Avec quelles tendres précautions le
Seigneur procède à son égard ! Comme il sait
rallumer dans ce coeur hésitant le lumignon qui fume
encore ! Il lui dit : Si tu
le peux croire, toutes choses sont possibles à celui
qui croit. C'est comme s'il lui disait :
« La question n'est pas de savoir si je puis te
secourir, mais si tu peux croire. » Comme je
voudrais que tu pusses croire ! Car alors je
pourrais guérir ton enfant. Et j'aimerais tant le
guérir ! C'est ainsi que le Sauveur fait naître la
foi dans ce coeur tremblant. Cet homme voit très
bien l'ardent amour de Jésus, et il est honteux.
Comme celui qui se noie saisit la corde de secours
qu'on lui jette, de même ce malheureux père s'empare
de l'amour que le Seigneur lui offre, et s'écrie,
dans une sincère humilité et avec larmes :
Je crois, Seigneur, aide-moi
dans mon incrédulité !
Comme il révèle clairement l'état de son
âme par ce peu de mots ! Aussi longtemps qu'il
pensait ne plus avoir d'espoir, il ne songeait pas à
croire ; mais maintenant qu'il entrevoit la
possibilité du secours, oh ! comme il voudrait
pouvoir croire !« Seigneur, semble-t-il dire,
veuille considérer le désir de la foi comme la foi
elle-même. » Plus d'un coeur chrétien peut sans
hésiter s'approcher de Jésus en lui disant
sincèrement : « Je crois, cher Sauveur », sans avoir
besoin d'ajouter, comme ce malheureux :« Aide-moi
dans mon incrédulité. » Ce sont ceux qui, depuis
leur enfance, ont grandi dans une famille animée
d'une piété simple et profonde, qui ont persévéré
dans la grâce de leur baptême, et qui n'ont jamais
abandonné la foi naïve puisée dans la maison
paternelle. Mais en dehors de ces rares exceptions,
la plupart deschrétiens seront dans le cas de
répéter : « Je crois, Seigneur, aide-moi dans mon
incrédulité. »
Maintenant Jésus peut opérer. Il reprit
sévèrement l'esprit immonde et lui dit :
Esprit muet et sourd, je te le
commande, moi, sors de lui et ne rentre plus en lui.
Et l'esprit sortit de cet enfant, et dès cette
heure-là il fût guéri. Alors les disciples vinrent à
Jésus en particulier et lui dirent : Pourquoi
n'avons-nous pas pu chasser ce démon ? Et Jésus leur
répondit C'est à cause de voire incrédulité. Car je
vous dis en vérité que si vous aviez de la foi gros
comme un grain de moutarde, vous diriez à celte
montagne : Transporte-toi d'ici là, et elle s'y
transporterait, et rien ne vous serait impossible.
Que l'incrédulité des disciples fût la cause de leur
impuissance, c'est ce que le Sauveur nous dit
clairement, et expressément ; mais nous le
reconnaîtrons mieux encore, lorsque nous nous
rappellerons qu'alors déjà il leur avait donné toute
puissance sur les malins esprits.
La foi qui n'aurait que la grosseur d'un
grain de moutarde, pourrait transporter les
montagnes. Quelle promesse encourageante pour nous ?
Mais devons-nous prendre la parole du
Sauveur au pied de la lettre, ou bien veut-il
seulement nous dire que si nous avions la foi, nous
pourrions faire des choses en apparence impossibles
? En interprétant ainsi l'assertion de Jésus, nous
l'affaiblissons. Ses déclarations doivent toujours
être comprises telles qu'il les a faites, et nous
n'avons pas le droit de limiter ses promesses.
Seulement, quant à la foi qui transporte les
montagnes, la question n'est pas de savoir si nous
pouvons croire jusqu'à opérer ce miracle, mais si
cela nous est permis. Car la foi ne consiste pas
seulement à croire à la parole du Seigneur de
manière à la recevoir comme vraie ; elle est une
communion vivante avec lui, une assurance que si
nous demandons quelque chose selon sa volonté, il
nous exaucera. Pour tout ce que le Seigneur veut,
pour tout ce qui contribue à l'avancement de son
règne, la foi peut, en toute sécurité, tendre la
main. S'il entrait dans lés plans de Dieu, ou si sa
gloire exigeait que nos montagnes se jetassent dans
la mer, il serait donné à l'un ou à l'autre de ses
enfants d'en être pleinement
convaincuintérieurement, et cela serait accordé à la
prière de la foi. Mais pour que nous puissions voir
et expérimenter de si grandes choses, il faut que
nous nous montrions fidèles dans les petites.
Travaillons donc d'abord à écarter les montagnes de
nos péchés par la foi au sang de Jésus.
Jésus ajoute :
Celle sorte de démon ne sort que par la prière et
par le jeûne. D'après celle réponse du
Seigneur, il parait que dans le royaume des
ténèbres, il règne aussi une riche diversité,
puisqu'il distingue entre les différents degrés de
cette puissance. Cet esprit muet avait un pouvoir
tout particulier, attendu que pour le vaincre, il
fallait une préparation spéciale. Le jeûne a son
utilité en ceci, c'est qu'il excite l'ardeur de la
prière. Dans les temps de grande affliction, dans
les heures d'amer chagrin, on perd l'envie de manger
et de boire, c'est là un jeûne tout naturel. Mais le
Sauveur parle ici d'un jeûne libre et volontaire,
que le chrétien s'impose, lorsqu'il se trouve en
face de ces montagnes de souffrances provenant du
royaume des ténèbres. Alors il prend à coeur ces
souffrances avec une compassion pleine d'amour. Et
la douleur que lui cause cet amour chasse l'envie de
manger et de boire, tellement qu'il se borne au
strict nécessaire. Or, lorsque nous nous plaçons
ainsi, avec toutes nos jouissances et toutes nos
joies légitimes sous la discipline du Saint-Esprit,
le nouvel homme se trouve fortifié et affranchi de
la poussière de la terre.
De plus, Christ met la foi de ce père
dans un rapport intime avec la guérison du fils.
Ceci nous donne une idée de la responsabilité que
nous assumons pour les nôtres devant le Seigneur.
Elle doit nous pousser à nous sanctifier, puisque la
faiblesse et la langueur de notre foi peuvent causer
un tel dommage à nos bien-aimés.
.
62. Jésus annonce de nouveau ses souffrances. - Le
statère.
(Matth.
XVII, 22-27.)
Et comme ils étaient
dans la Galilée, Jésus leur dit : Le Fils de l'homme
doit être livré entre les mains des hommes, ils le
feront mourir, mais, le troisième jour, il
ressuscitera. Le Sauveur ne cesse de
rendre ses disciples attentifs à la nécessité de ses
souffrances, mais ils ne la comprennent pas. La
pensée que le Fils de Dieu doive mourir, leur parait
tellement extraordinaire, qu'ils regardent comme
impossibles les déclarations du Seigneur sur ce
sujet. Cependant, comme ils les entendent répéter
toujours de nouveau, ils sont forcés d'en conclure
qu'elles renferment quelque chose de réel.Et
ils en furent attristés. Leur conscience
leur disait assez qu'ils devaient savoir ces choses,
mais ils pressentaient que tous les éclaircissements
que le Seigneur pouvait leur donner, augmenteraient
encore leur tristesse. Le vrai motif de leur manque
d'intelligence, était d'abord l'horreur que tout
homme éprouve pour la souffrance. Celles de Christ
devaient leur mettre devant les yeux celles qu'ils
auraient eux-mêmes à supporter. C'était ensuite le
fait que l'amour réparateur de Jésus, aussi bien que
le rapport entre cet amour et les péchés du monde,
leur était encore caché.
Jésus clôt son activité en Galilée par
une nouvelle visite à Capernaüm. Là, ceux qui
percevaient les impôts pour l'entretien du temple
s'adressèrent à Pierre et lui dirent :
Votre maître ne paye-t-il pas
les deux drachmes ? Oui, dit-il. Ces gens
ne s'adressent pas à Jésus lui-même, car, s'ils ne
reconnaissent pas encore en lui le Fils de Dieu, ils
le regardent cependant comme un prophète, et peuvent
bien penser qu'un envoyé de Dieu ne doit pas être
astreint à payer l'impôt du temple. Le Seigneur
n'avait pas entendu cette réclamation. Pierre,
l'ayant rejoint, allait la lui communiquer, lorsque
Jésus le prévint en lui disant :
Que t'en semble, Simon ? Les
rois de la terre ; de qui tirent-ils les tributs ou
les impôts ? Est-ce de leurs enfants on des
étrangers ? Pierre dit : C'est des étrangers. Jésus
lui répondit : Les enfants en sont donc exempts.
Par ces paroles, Jésus se pose ici comme le Fils du
Dieu vivant, engendré du Père de toute éternité, et
par conséquent libre de l'obligation de payer
l'impôt du temple comme les princes des maisons
royales sont exempts des impôts dus par les sujets
des royaumes terrestres.
Cependant, afin de ne pas scandaliser
ceux qui ne le reconnaissaient pas encore pour ce
qu'il était, Jésus dit à Pierre :
Va-t'en à la mer, jette
l'hameçon et tire le premier poisson qui seprendra ;
et quand tu lui auras ouvert la bouche, tu trouveras
un statère, prends-le, et le leur donne pour moi et
pour toi. Pour ne pas scandaliser ceux
qui percevaient les impôts, Jésus paie le tribut ;
pour ne pas scandaliser Pierre, il se procure le
montant de la contribution au moyen d'un miracle. Le
pouvoir que le Fils du Roi vient d'exercer sur la
nature, doit prouver à Pierre que s'il paie le
tribut qu'il a le droit de refuser, cette concession
n'est de sa part qu'un acte de profonde humilité.
D'un autre côté, de même qu'il se rend tributaire de
l'ordre de choses humain, de même il force un
poisson à devenir tributaire de l'ordre de choses
divin.
.
63. De l'humilité et du scandale.
(Matth.
XVIII, 1-14 ;Marc
IX, 33-50.)
Pendant que Jésus se rendait à Capernaüm avec ses
disciples, ceux-ci débattaient entre eux la question
de savoir : Qui est le plus grand dans le royaume
des cieux ? Lorsqu'ils furent entrés dans la maison,
Jésus leur demanda :De quoi
discouriez-vous ensemble en chemin ? Ils
le confessèrent en lui demandant :Qui
est le plus grand dans le royaume des cieux ?
Un jour le Seigneur nous demandera aussi : De
quoi discouriez-vous en chemin ? Chaque parole
inutile viendra en jugement (Matth.
XII, 36. 37 ;1
Tim. IV, 12 ;Jacques
III, 2). C'est pourquoi, que chacun s'éprouve
soi-même tous les jours.
Dans le royaume de celui qui est venu,
non pour être servi, mais pour servir, il ne s'agit
pas d'aspirer aux choses élevées. La mesure des
choses du ciel ne saurait être appliquée à celles de
la terre. C'est pourquoi
quiconque voudra être le plus grand parmi vous,
qu'il soit votre serviteur ; et quiconque voudra
être le premier parmi vous, qu'il soit votre esclave.
Le chemin qui conduit aux grandeurs du ciel, est la
pratique d'un amour humble et dévoué. Et ayant pris
un petit enfant, il le mit au milieu d'eux. Jésus
veut que nous devenions comme de petits enfants.
Puisse personne n'avoir honte de cet abaissement !
Les qualités de l'enfant sont : l'humilité, la
simplicité, la candeur, l'oubli de soi-même, la
modestie, la tranquillité, la confiance. Combien ne
sont-ils pas coupables envers les enfants, ceux qui
leur inspirent déjà de bonne heure l'orgueil, en les
louant et en admirant leurs qualités, qui excitent
leur vanité par de beaux habits et les amènent ainsi
à avoir une haute opinion d'eux-mêmes !
Quiconque reçoit
un de ces petits enfants en mon nom, me reçoit
moi-même, et quiconque me reçoit, reçoit non pas
moi, mais Celui qui m'a envoyé. C'est
ainsi que le Seigneur se déclare uni au plus chétif
des enfants, comme il se sait uni au Père. Cette
parole concerne tous ceux qui adoptent, par amour,
un petit enfant qui n'est pas leur chair et leur
sang. Quelles riches bénédictions, plus d'un d'entre
eux n'a-t-il pas reçues du coeur de Jésus par le
moyen d'un tel enfant, dont la candeur et la
simplicité le couvraient de confusion, dont la foi
naïve l'encourageait et l'attirait au Sauveur ! Mais
cette promesse s'applique aussi aux maisons de
refuge. C'est de là qu'elles tirent journellement
les forces vitales dont elles ont besoin. C'est en
s'appuyant sur elle qu'elles peuvent accepter
continuellement de nouveaux enfants. Et cela est
bien nécessaire, car il y a encore dans les sociétés
prétendues chrétiennes, des centaines et des
milliers d'enfants qui ne trouvent pas un coeur
animé de l'amour de Jésus pour les aimer, pas une
main pour les recueillir au nom du Seigneur. Si
cette parole de Jésus allait réellement au coeur de
ceux qui prétendent l'aimer, on trouverait
certainement peu à peu, même dans la moindre
paroisse, les moyens d'envoyer les enfants dans les
salles d'asile ou dans les écoles du dimanche, afin
de les conduire à Jésus.
Cette parole du Sauveur rappelle à Jean
une chose qu'il vient de faire, sans être certain
qu'elle soit conforme à l'esprit de son Maître. Il
lui dit :Maître, nous avons
vu quelqu'un chasser les démons en ton nom, et nous
nous y sommes opposés parce qu'il ne nous suit pas.
Les disciples exigent que ceux qui accomplissent au
nom de Jésus des actes d'une charité secourable, se
joignent à eux extérieurement, et ils préfèrent que
ces actes soient supprimés si leurs auteurs ne les
suivent pas. Une pareille étroitesse de coeur est
complètement étrangère à l'esprit du Sauveur.
Ne vous y opposez pas, leur
dit-il, car il n'y a personne qui fasse des miracles
en mon nom et qui puisse en même temps parler mal de
moi. Il y abeaucoup
d'âmes dans lesquelles agissent les puissances du
siècle à venir, sans qu'elles se déclarent
ostensiblement pour Christ, ni se joignent
extérieurement aux croyants. Ces âmes aussi,
qu'elles le sachent ou non, sont utiles au règne de
Dieu.
Car, qui n'est
pas contre nous est pour nous. Le Sauveur
a prononcé une parole analogue à l'occasion de la
guérison du démoniaque aveugle et muet :
Celui qui n'est pas avec moi,
est contre moi, celui qui n'assemble pas avec moi,
disperse (Matth.
XII, 40). Cette parole fait paraître au grand
jour la secrète inimitié, à l'égard de Jésus. Dans
le règne de Dieu, l'indifférence n'est pas possible
; il faut se décider. On est ami ou ennemi.
Seulement, les disciples voulaient que cette
décision se manifestât par une marque extérieure.
Quiconque ne se joignait pas à eux et ne marchait
pas dans leurs rangs, n'avait, selon eux, aucun
droit de combattre le royaume des ténèbres, et
devait être considéré, non comme un ami, mais comme
un ennemi. Mais le Seigneur regarde au coeur. Il
prend sous sa protection l'étincelle cachée sous la
cendre. Il sait que ceux qui opèrent en son nom des
miracles de charité, lui sont unis, ne fût-ce que
par un faible lien, et il ne veut pas que ce lien
soit déchiré par une main trop rude. Il veut plutôt
en prendre soin, afin que les âmes arrivent à vivre
ouvertement dans sa communion.
Mais si
quelqu'un scandalise un de ces petits qui croient en
moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attachât
au cou une meule, et qu'on le jetât au fond de la
mer. Scandaliser, c'est exciter quelqu'un
au péché ou à l'incrédulité. Lorsque nous remontons
le cours de notre vie, cette pensée brûle notre âme.
Attacher une meule au cou ! Comme cette menace doit
nous pousser à la vigilance et à la prière, afin que
nous ne détournions pas un coeur croyant du coeur de
Jésus, que nous ne lui inspirions pas l'amour du
monde et la défiance à l'égard du Sauveur ! Que
celui qui se sent coupable à cet égard, se repente,
et se souvienne que si la justice de Dieu a
précipité Jonas au fond de la mer, sa miséricorde
l'a délivré, afin qu'il devint une bénédiction pour
un grand nombre d'âmes, qui, sans sa prédication,
seraient tombées sous le jugement de Dieu. La
sainteté de Jésus condamne le péché, mais son amour
sauve le pécheur.
Malheur au monde
à cause des scandales ! car il est nécessaire qu'il
arrive des scandales ; mais malheur à l'homme par
qui le scandale arrive ! Le monde entier
est un théâtre de séduction. Pas un enfant qui ne
soit scandalisé. Sa simplicité est partout en
danger. Combien de parents scandalisent leurs
enfants en ne leur enseignant qu'à amasser, et en
négligeant de déposer dans leur coeur le trésor des
trésors, et de les exhorter selon le Seigneur ! Il
faut nécessairement qu'il y ait du scandale dans ce
monde de péché, qui ne subsiste que par la patience
de Dieu. Car le péché, quelque forme qu'il révèle,
renferme une puissance de contagion et porte en soi
le poison de la tentation. Toutefois cette nécessité
ne peut être une excuse pour personne. Car depuis
que le Fils de Dieu est apparu pour détruire les
oeuvres du diable, quiconque a reçu de l'amour de
Jésus la semence de la vie éternelle, doit pouvoir
résister au torrent de la séduction. Lorsque Jésus
ouvre sa bouche pour dire : Heureux ! ce mot
comprend toutes les félicités du ciel. Lorsqu'au
contraire il dit :Malheur ! alors s'ouvre
devant nous l'abîme des peines éternelles.
Voulons-nous être préservés de ce Malheur !
qui frappera tous ceux qui donnent du scandale ?
Détruisons en nous la source de tous les scandales :
le vieil homme avec toutes ses passions et ses
mauvaises convoitises (Col.
III, 5).
Si ta main te
fait tomber dans le péché, coupe-la ; il vaut mieux
pour toi que tu entres dans la vie n'ayant qu'une
main, que d'avoir les deux mains et d'aller dans la
géhenne, dans le feu qui ne s'éteint point, où le
ver ne meurt point et où le feu ne s'éteint point.
Et si ton pied te fait tomber dans le péché,
coupe-le, car il vaut mieux pour toi que tu entres
dans la vie n'ayant qu'un pied, que d'avoir les deux
pieds et d'être jeté dans la géhenne, dans le feu
qui ne s'éteint point, où le ver ne meurt point et
où le feu ne s'éteint point. Et si ton oeil te fait
tomber dans le péché, arrache-le, car il vaut mieux
pour toi que tu entres au royaume des cieux n'ayant
qu'un oeil, que d'avoir tes deux yeux et d'être jeté
dans la géhenne du feu, où le ver ne meurt point et
où le feu ne s'éteint point (Marc
IX, 43-48). Si, pour parvenir au royaume des
cieux, un chrétien doit donner sa vie corporelle
plutôt que de la conserver en reniant la
foi,beaucoup moins encore doit-il hésiter à perdre
un de ses membres, si par ce sacrifice il peut être
mis en possession de la vie éternelle. Nous savons
ce que fit le Romain Mucius Scaevola, qui, par amour
pour sa patrie, tint sa main dans le feu jusqu'à ce
quelle fût carbonisée. Or, ce qu'un païen a fait,
paraîtrait-il impossible, ou même étrange à un
chrétien qui aime son Sauveur ?
Cette amputation des membres n'était
exigée littéralement que dans les temps de
persécution. Mais il y a une amputation de la main,
du pied, une extraction de l'oeil, qui doivent se
faire dans la vie de tout chrétien. La main, le
pied, l'oeil, ne sont pas seulement les membres de
notre corps ; ils sont aussi les organes de nos
pensées, et comme tels, les instruments de notre
activité spirituelle. L'Écriture parle de membres
qui ont servi à l'impureté dans l'injustice, et qui
doivent servir à la justice dans la sainteté. (Rom.
VI, 19). Mais elle va plus loin. L'apôtre exige
que le corps du péché, le vieil homme, soit crucifié
avec Christ (Rom.
VI, 6 ;Col.
II, 20). Et ce vieil homme a aussi ses membres,
qui doivent être coupés et cloués à la croix, pour
que le nouvel homme puisse parvenir à la vie
éternelle. La main qui va trop loin et qui trompe un
frère dans le commerce, le pied qui nous porte vers
les vains plaisirs du monde et non vers la maison de
Dieu, l'oeil qui se moque d'un père, qui témoigne du
mépris pour les ordres d'une mère, qui regarde une
femme pour la convoiter : voilà ce que l'Écriture
appelle les membres du vieil homme, qui doivent être
coupés et arrachés, pour que l'âme soit préservée de
l'enfer, et ne devienne pas la proie du feu qui ne
s'éteint point et du ver qui ne meurt point, pour
qu'elle ne soit pas livrée aux tourments extérieurs
et aux angoisses intérieures. C'est ainsi que la vie
chrétienne est un continuel sacrifice.
Car chacun sera
salé de feu, et toute oblation sera salée. C'est une
bonne chose que le sel ; mais si le sel perd sa
saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? Ayez du sel
en vous-mêmes et soyez en paix entre vous.Notre
Dieu est un feu consumant (Héb.
XII, 29). Son coeur est rempli d'une ardente
colère contre le péché, d'un ardent amour pour le
pécheur. Quiconque veut éviter le feu de la colère,
doit se laisser purifier par le feu de son amour, et
nettoyer soncoeur de toute impureté. Ce feu
purificateur, comme le sel, ronge, préserve,
assaisonne. Il fait mal, mais il nous sauve pour la
vie éternelle, et nous rend agréables à Dieu par la
saveur qu'il nous donne. Dès que ce feu céleste du
Saint-Esprit a salé tout notre être, nous devenons
purs, saints, avec tous ceux qui aiment l'avènement
de notre Seigneur Jésus-Christ. Le sel de l'Esprit
unit les croyants. « Ainsi, si nous marchons dans la
lumière, comme il est lui-même dans la lumière, nous
avons une communion mutuelle »(I
Jean 1,7).
Le céleste ami des enfants parle encore
une fois d'eux. Prenez
garde de mépriser aucun de ces petits, car je vous
dis que leurs anges, dans le ciel, voient sans cesse
la face de mon Père qui est aux cieux.
Les enfants, et ceux qui leur ressemblent, sont en
grand honneur devant Dieu, car il leur a donné des
anges chargés de les protéger et de les garder. « Ce
sont des esprits destinés à servir, et qui sont
envoyés pour exercer leur ministère en faveur de
ceux qui doivent avoir l'héritage du salut (Héb.
I, 14). » Croyons fermement que ces célestes
messagers de Dieu nous environnent et nous
protègent, nous et surtout nos enfants ! |