LA VIE DE
JÉSUS
CHAPITRE II
L'activité publique de
Jésus.
B. L'activité de
Jésus en Galilée.
46. Jésus parle en paraboles.
e) La parabole du levain.
(Matth.
XIII, 33 ;Luc
XIII, 21.)
Il leur dit une autre
similitude : Le royaume des cieux est semblable à du
levain qu'une femme met parmi trois mesures de
farine, jusqu'à ce que la pâte soit toute levée.
Tandis que la parabole du grain de moutarde nous
montre le royaume des cieux se répandant par toute
la terre, celle du levain nous représente la vertu
de ce royaume pénétrant l'ordre de choses actuel
tout entier, toutes les relations de la vie humaine,
et les sanctifiant. L'une indique à l'Église
chrétienne la marche de la mission extérieure,
l'autre lui décrit le travail intime, régénérateur,
de la mission intérieure.
Là où l'Esprit de Christ et l'Évangile de
la croix pénètrent dans un coeur, toute la vie
intérieure de l'homme, ses pensées, ses sentiments,
sa volonté, est soumise à un travail de fermentation
spirituelle, et peu à peu saisie et renouvelée par
cet Esprit et cetÉvangile. Et lorsque ces deux
puissances se sont emparées de la vie de la famille
ou de la communauté, elles la sanctifient. Alors on
ne regarde pas chacun à son intérêt particulier,
mais on a aussi égard à celui des autres (Philip.
II, 4). Et lorsque la vie des peuples sera
pénétrée de la vertu divine de la Parole de Dieu,
elle se montrera aussi dans cette sphère comme un
levain, par lequel toute la vie publique sera
transfigurée, et la religion, la politique, les
arts, les sciences seront régénérés. Elle détachera
de la terre les coeurs, les intentions, les
affections, et les élèvera vers le ciel. Là où cette
vertu du levain de l'Évangile fait défaut, les
hommes se corrompent de plus en plus, les uns les
autres. En revanche, chaque chrétien, à la condition
d'être fermement attaché à son Sauveur par la foi,
est un levain qui, par une piété intime, attire les
coeurs à la croix de Christ.
f et g) Les paraboles du trésor caché et
de la perle de grand prix.
(Matth.
XIII, 44-46.)
Le royaume des cieux est
encore semblable à un trésor caché dans un champ,
qu'un homme a trouvé et qu'il cache, et de la joie
qu'il en a, il s'en va et vend tout ce qu'il a et
achète ce champ-là. Le royaume des cieux est encore
semblable à un marchand qui cherchait de belles
perles. Et qui, ayant trouvé une perle de grand
prix, s'en va et vend tout ce qu'il a et l'achète.
Ces deux paraboles font ressortir la valeur et la
gloire du royaume des cieux. Elles diffèrent entre
elles en ceci : que la première montre comment on
trouve ce royaume sans le chercher, et la
seconde, comment ceux qui le cherchent avec
zèle ne manqueront pas de le trouver. Dans la
première, le royaume des cieux s'approche de
l'homme, qui le saisit et s'en empare au moyen de la
faculté deréceptivité dont il est doué ; dans
la seconde il cherche, il déploie sa force
d'activité. Mais dans les deux cas il ne peut
posséder le trésor caché et la perle de grand prix,
qu'en se dépouillant de tout ce qu'il a,
c'est-à-dire en renonçant à lui-même.
Le trésor est cachédans un champ.
Sans doute, une ville situéesur une montagne ne peut
être cachée, et les précieux biens du royaume des
cieux : la justice, la paix, la joie du
Saint-Esprit, le pardon des péchés, la vie et le
salut sont de nature à être hautement reconnus et
estimés de chacun. Mais comme notre sens moral et
notre intelligence sont obscurcis de ténèbres ;
comme le prince de ce monde a aveuglé le coeur des
incrédules, ils ne distinguent pas ce que voient
clairement les yeux illuminés par ]'Esprit de Dieu.
L'homme animal ne comprend
point les choses qui sont de l'Esprit de Dieu (1
Cor. II, 14). Le champ, c'est l'Église visible,
avec ses moyens de grâce : la Parole et les
sacrements. Mais la Bible, l'Église, avec toute son
organisation extérieure, sont pour le monde quelque
chose de suranné, de traditionnel, d'usé. Il n'a pas
l'idée qu'il puisse y avoir là un trésor. L'enfant
est resté caché dans ses langes. Or, cet enfant
n'est autre que Jésus lui-même, le trésor des
trésors.
En apparence, l'homme trouve le trésor
par hasard. Mais le hasard n'existe pas dans le
règne de Dieu, qui a compté les cheveux de notre
tête, et sans la volonté duquel pas un passereau ne
tombe à terre. La circonstance la plus insignifiante
: un mot d'un ami prononcé au cours d'une
conversation, un livre qui nous est tombé dans les
mains, une maxime qu'on a entendue, un certain
événement survenu dans la vie, peuvent être, pour le
Père céleste, des moyens d'attirer une âme à Jésus.
Que l'homme ait seulement un oeil bien ouvert, un
regard sûr, pour reconnaître dans ces circonstances
le coeur et la main de Dieu, et il parviendra à la
possession du trésor. Après l'avoir trouvé, il le
cache dans le champ même où il l'a découvert,
afin de pouvoir toujours l'y retrouver. Celui qui
voudrait trop montrer le trésor de son coeur, ne
tarderait pas à le perdre.« Les croyants trouvent ce
qui est caché et cachent ce qu'ils ont trouvé »
(Bengel). Quiconque a rencontré Christ dans le champ
de l'Église, dans la Parole et les sacrements, ne
s'éloigne pas de ce champ, comme s'il voulait se
réjouir dans le Seigneur, loin de son Église et de
sa Parole ; il le laisse là où il est ; mais il
achète ce champ afin de pouvoir en tout temps et
librement s'approcher de son trésor. On apprécie
l'Église, la Parole, les sacrements, à cause du
trésor qu'ils renferment. Pour le posséder, on
donnevolontiers et avec plaisir tout ce qui est
terrestre, vain, passager. On regarde toutes choses
comme une perte, pourvu qu'on gagne Christ (Philip.
III, 8).
À la joie de celui qui a trouvé, se
joint, dans la parabole de la perle de grand prix,
la satisfaction du chercheur ingénieux et
circonspect. Un marchand met son honneur à fonder
une maison solide. Celui de notre parabole avait
évidemment cette ambition, puisqu'il ne cherchait
que de belles perles. Il avait aussi un oeil de
connaisseur, de manière à distinguer une vraie perle
d'une fausse. Il profite également de l'occasion qui
s'offre à lui de faire une bonne affaire, en vendant
tout ce qu'il a pour se procurer la perle de grand
prix. Ce marchand représente les âmes qui aspirent à
tout ce qui est bon et noble, qui cherchent ce qui
peut les satisfaire parfaitement, les rendre
vraiment heureuses. La vie humaine offre beaucoup de
choses bonnes et précieuses : la vie de famille, les
joies de l'amitié, les beautés de la nature, les
oeuvres de l'art et de la science. Les hommes se
procurent ces biens et s'en réjouissent ; mais ils
n'y trouvent cependant pas ce qu'ils cherchaient. Le
vide de leur pauvre coeur n'en est pas comblé ; la
faim et la soif de leur âme faite pour Dieu n'en
sont point apaisées.
Mais lorsqu'ils trouvent la perle de
grand prix, ils sentent immédiatement un feu divin
brûler dans leur âme, comme les disciples d'Emmaüs.
L'âme dévorée d'une soif ardente, sait parfaitement
ce qui peut la désaltérer et procurer à sa vie une
parfaite satisfaction. Christ en nous, voilà la
perle de grand prix, avec laquelle nous pouvons
jouir de tous les plaisirs célestes. Du moment que
le bienfaiteur nous appartient, tous ses bienfaits
sont à nous. Cette précieuse perle ne peut ni
s'acheter, ni se payer, ni se gagner. Dans le
royaume des cieux, la devise est : « Venez, achetez
sans argent et sans aucun prix » (Ésaïe
LV, 1). Le salut est un libre et gracieux
présent de notre Dieu. Seulement, il faut que le
coeur qui veut s'enrichir de ce trésor et se parer
de cette perle, la seule vraiment précieuse, se
dépouille d'abord de tout autre trésor et de toute
autre parure. Le trésor et la perle ne peuvent
devenir le partage que du coeur qui renonce à
lui-même.
h) La parabole du filet.
(Matth.
XIII, 43-50.)
Le royaume des cieux est
encore semblable à un filet, qui, étant jeté dans la
mer, ramasse toutes sortes de choses. Quand il est
rempli, les pécheurs le tirent sur le rivage, et,
s'étant assis, ils mettent ce qu'il y a de bon à
part dans leurs vaisseaux, et ils jettent ce qui ne
vaut rien. Il en sera de même à la fin du monde ;
les anges viendront et sépareront les méchants du
milieu des justes. Et ils jetteront les méchants
dans la fournaise ardente. C'est là qu'il y aura des
pleurs et des grincements de dents. Cette
parabole exprime à peu près la même pensée que celle
du bon grain et de l'ivraie. Le temps de la grâce
est le temps où tout est confondu. C'est seulement
le jugement qui opérera la séparation. Jusque-là les
enfants de Dieu et les enfants du monde seront mêlés
dans le royaume de Dieu. Dans la parabole du bon
grain et de l'ivraie, on distingue dès l'abord le
bon grain de l'ivraie. Dans celle-ci, on ne peut
faire la différence entre les bons et les mauvais
poissons, aussi longtemps que le filet est dans la
mer. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés.
C'est pourquoi tous sont invités. Tous ceux qui sont
pris, sont attirés par le filet, quoi qu'il y ait
dans le nombre beaucoup. de mauvais poissons.
Dans chaque communauté particulière de
l'Église chrétienne, le filet est jeté. Mais tous
ces petits filets se réunissent et forment un seul
grand filet, qui est promené dans la mer du monde,
pour prendre les âmes et en faire la propriété du
Seigneur Jésus. Il faut permettre aux mauvais de
rester avec les bons, jusqu'à ce que le filet soit
tiré sur l'autre rivage, afin que par l'usage des
moyens de grâce et par l'influence qu'exercent les
croyants, ils soient guéris de leur incrédulité.
Lorsque le filet sera plein, il sera procédé au
choix des bons poissons et à la réjection des
mauvais. Dans cette parabole, nous voyons que le
Seigneur confie de nouveau aux anges l'oeuvre de la
sélection et de la séparation, tandis que les
serviteurs de Jésus sont chargés pendant le temps de
la grâce, d'appeler et de rassembler. Cette parabole
indique le travail plutôt. d'une manière générale,
tandis que celles de la brebis égarée et de la
drachme perdue, nous font penser au soin à donner à
chaque âme en particulier, à la charge spéciale du
pasteur.
Et Jésus dit à
ses disciples : Avez-vous compris toutes ces choses
? Ils répondirent : Oui, Seigneur.Comme
cela arriva plus tard, les disciples avaient sans
doute à peine compris les paroles de leur Maître.
Jésus parlait clairement pour quiconque désirait
sincèrement s'approprier sa parole ; mais pour les
incrédules, la Parole de Dieu était un livre scellé
de sept sceaux. On conseille souvent la lecture
suivie de la Bible. Cependant, il faut que le
lecteur fasse bien attention à cette question de
Jésus :Avez-vous compris
toutes ces choses ? En tout cas, il. est
plus utile au commencement de lire un seul vers et
de bien l'examiner sous toutes ses faces avec
l'intelligence du coeur, afin d'en saisir le
contenu, que de lire à la file plusieurs chapitres
sans les comprendre. - Et
il leur dit : C'est pourquoi tout docteur, qui est
bien instruit dans les choses qui regardent le
royaume des cieux, est semblable à un père de
famille qui tire de son trésor des choses nouvelles
et des choses vieilles. Un docteur
instruit dans les choses qui regardent le royaume
des cieux !
C'est ce que doit être tout théologien,
aussi bien ceux qui enseignent dans les Facultés que
ceux qui montent dans la chaire chrétienne. C'est ce
que doivent également être tous les instituteurs,
les pères de famille, en un mot tous ceux qui ont
des âmes à conduire dans les voies du salut. Il faut
qu'à l'exemple de Jésus, ils distribuent et
communiquent le trésor qu'ils ont recueilli dans la
Parole de Dieu. Ils ne doivent pas seulement répéter
de mémoire ce que Jésus et ses apôtres ont dit, mais
chacun fait part de son trésor. Et ce trésor se
compose de tout ce que nous avons acquis par la
prière, par l'étude et la méditation et par notre
expérience.
Des choses
nouvelles et des choses vieilles !Si nous
nous sommes approprié les choses nouvelles,
c'est-à-dire l'Évangile, les choses anciennes,
c'est-à-dire la loi, nous seront aussi en
bénédiction. Dans la prédication comme dans
l'exhortation individuelle, il faut que la lettre de
la loi qui commande et qui tue, soit mise en
lumière, pour faire mieux ressortir la puissance de
grâce contenue dans l'Évangile. Nous pouvons parler
le vieux langage de lacréation, mais il faut qu'il
soit rendit intelligible par la langue nouvelle de
la Rédemption. Nous ne devons jamais nous lasser
d'annoncer l'Évangile, seul capable de rendre
heureux, et ceux qui l'écoutent ne doivent pas
s'impatienter d'entendre toujours de nouveau ce qui
a une fois restauré leur coeur. Ce qui est vieux ne
doit pas vieillir. L'Évangile est toujours une eau
limpide et fraîche ; il n'est jamais une eau
stagnante. Quiconque saisit chaque jour, par la foi,
la puissance de grâce qu'il renferme, en
reconnaissant chaque jour et en sentant
douloureusement ses péchés, chantera aussi chaque
jour au Seigneur un nouveau cantique et se trouvera
de nouveau restauré et consolé par son amour. Des
choses nouvelles ! Mais non comme les Athéniens,
qui n'étaient occupés qu'à écouter et à dire quelque
nouvelle (Act.
XVII, 21) ; mais la vieille et cependant
toujours nouvelle Parole de Dieu, qui était au
commencement, qui est apparue, que nous avons vue,
et dont nous rendons témoignage, parce que chaque
jour nous faisons de son efficacité une bienheureuse
expérience.
.
47. Jésus revient à Nazareth.
(Matth.
XIII, 53-58.)
Il arriva que quand
Jésus eut achevé toutes ces similitudes, il se
retira de ce lieu-là. Jésus était
généralement appelé le fils du charpentier, mais à
Nazareth, où il avait passé sa jeunesse, on disait
de lui : N'est-ce pas là le
charpentier ? (Marc
VI, 3) ce qui prouve qu'il avait travaillé avec
Joseph. Les habitants reconnaissaient sa sagesse ;
mais ils savaient qu'il n'avait fréquenté aucune des
nombreuses écoles rabbiniques. C'est pourquoi ils
demandaient avec étonnement :
D'où vient à cet homme celle
sagesse ? Ils admiraient aussi ses
miracles, mais ils en restaient là. Ils ne croyaient
pas en lui, et se scandalisaient de la bassesse de
son origine. Ils auraient accepté la parole d'un
sage de ce monde qui aurait beaucoup voyagé. Quant à
Jésus, ils le regardaient comme leur égal, et ne
voulaient se laisser ni éclairer ni reprendre par
lui. Un prophète n'est méprisé que dans son pays
et dans sa maison. La supériorité morale est
toujours pénible et difficile à supporter pour
l'orgueil mesquin. Ils se
scandalisaient de lui. Ceci est un
avertissement pour les chrétiens de tous les temps.
Le disciple n'est pas plus que son Maître. Il faut
par conséquent qu'il soit préparé au mépris et à
l'opprobre. - Ce n'est pas à Jésus que nuit ce
traitement ignominieux, mais aux Nazaréens
eux-mêmes. Car il ne fit là
que peu de miracles à cause de leur incrédulité.
Là où la main de la foi n'est pas ouverte, le
Seigneur ne peut distribuer ni les dons de sa grâce,
ni ses faits miraculeux. Il ne faut donc pas
s'étonner si aujourd'hui il s'accomplit si peu de
signes et de miracles, puisqu'ils ne sont promis
qu'à la foi. Seigneur, nous croyons ; aide-nous dans
notre incrédulité !
.
48. Décapitation de Jean-Baptiste.
(Matth.
XIV, 1-12 ;Marc
VI, 14-29 ;Luc
IX, 7-9.)
Jean-Baptiste avait courageusement repris Hérode
au sujet d'Hérodias, femme de son frère Philippe,
qu'il avait épousée. Il. lui avait dit :
Il ne t'est pas permis de l'avoir pour femme.
Ses paroles n'étaient pas plus douces que son
vêtement.
Et il aurait
voulu le faire mourir, mais il craignait le peuple,
parce qu'on regardait Jean comme un prophète.
Hérode était un caractère extrêmement vacillant. Il
veillait sur Jean-Baptiste afin de le soustraire aux
persécutions d'Hérodias (Marc
VI, 20), et d'un autre côté, il l'aurait
volontiers fait mourir pour ne plus entendre les
paroles piquantes de cette femme. Il fit jeter
Jean-Baptiste en prison, et cependant il aimait à
l'écouter, sachant que c'était un homme juste et
saint, et faisait même beaucoup de choses d'après
ses conseils (Marc VI, 20). Malgré cela, il refusait
de se laisser reprendre par lui dès qu'il s'agissait
de la chose principale.
Mais un jour vint à propos, auquel Hérode faisait le
festin du jour de sa naissance aux grands de sa
cour, aux officiers de son armée et aux principaux
de la Galilée. La fille d'Hérodias dansa au milieu
de l'assemblée et plut à Hérode. Que les
chrétiens apprennent ici à ne pas célébrer le jour
anniversaire de leur naissance par des plaisirs
coupables. Il est permis, ce jour-là, d'inviter les
amis et de leur dire : Réjouissez-vous avec moi ;
mais il n'est pas permis de perdre devue
l'instruction que ce jour renferme. Il nous rappelle
chaque année la fuite de la vie, le sérieux de la
mort, la proximité de l'éternité. Il doit remplir
nos coeurs d'une humble reconnaissance et d'une
ferme confiance, et nous porter à réfléchir sur
l'emploi du temps de grâce qui nous est accordé.
Dans ces conditions, on peut se réjouir
d'une joie qui est sanctifiée par les pensées de
l'éternité. La danse voluptueuse de la jeune fille
avait charmé Hérode. Aussi
lui promit-il avec serment de lui donner tout ce
qu'elle lui demanderait, jusqu'à la moitié de son
royaume. Promesse irréfléchie et
insensée, corroborée par un serment impie.
Elle donc, étant poussée par
sa mère, lui dit : Donne-moi, ici, dans un plat, la
tête de Jean-Baptiste.
L'histoire du règne de Dieu nous offre
beaucoup d'exemples de l'influence bénie que de
pieuses mères ont exercée sur leurs filles. Mais
cette bénédiction se change en malédiction lorsque
le coeur de la mère, au lieu d'être rempli de piété
et de crainte de Dieu, est dominé par l'amour du
péché. Mère, qui lis ces lignes, demande-toi si tu
es pour les tiens une malédiction ou une
bénédiction. Et le roi fut
fâché ; mais à cause du serment qu'il avait fait et
de ceux qui étaient à table avec lui, il commanda
qu'on la lui donnât. Et il envoya couper la tête à
Jean dans la prison. Et on apporta la tête dans un
plat, et on la donna à la fille, et elle la présenta
à sa mère.
La conscience du roi se soulève encore
une fois ; mais chaque péché que l'on n'a pas
confessé et dont on n'a pas obtenu le pardon, pousse
toujours à de nouveaux péchés. Un serment impie ne
lie point. Aussi le serment seul n'aurait-il pas lié
Hérode, mais il avait honte devant ses convives de
violer la promesse qu'il avait faite. - On s'est
souvent, scandalisé de ce que Jean-Baptiste, un
serviteur de Dieu si éminent, soit mort d'une
manière si ignominieuse. Cependant cette mort est en
parfait accord avec sa vocation de précurseur de
Jésus. L'Époux devant subir la mort la plus
ignominieuse, il ne doit point paraître étrange que
l'ami de l'Époux eût eu le même sort. Au surplus, le
funeste anniversaire de la naissance d'Hérode devait
procurer à Jean-Baptiste le glorieux jour de
naissance à la vie éternelle. Les disciples de
Jean-Baptiste vinrent inhumer son corps et
annoncèrent cet événement au Seigneur.
Jésus avait depuis longtemps attiré sur
lui l'attention publique par ses miracles, lorsque
le bruit en vint à la cour du roi Hérode. Là on
s'était occupé avant tout des affaires de ce monde,
d'expéditions guerrières, de la politique de
l'empereur romain. Les questions religieuses qui
préoccupaient le peuple n'y avaient pénétré que plus
tard. Toutefois, le fait seul que ce prince, qui
vivait au milieu des voluptés mondaines et dans une
incrédulité railleuse, soit parvenu à la
connaissance des oeuvres du Seigneur, prouve que le
peuple les suivait avec attention, et que Jésus
était devenu l'objet de tous les entretiens.
Alors le roi Hérode dit à ses
serviteurs : C'est Jean-Baptiste ! Il est ressuscité
des morts ; c'est pour cela qu'il se fait des
miracles par lui. Hérode avait fait mourir
Jean ; mais il n'avait pu tuer la voix du prophète,
qui résonnait encore dans son coeur. Sa mauvaise
conscience lui avait causé plus d'une nuit
d'insomnie. Dès qu'il entend parler de Jésus, il
croit que Jean-Baptiste est ressuscité. Dans son
incrédulité, il est tourmenté par une frayeur
superstitieuse.
Ce phénomène s'est produit à toutes les
époques, et on le retrouve encore aujourd'hui. La
superstition confine à l'incrédulité. Lorsque le
monde, enflé de ses propres lumières, ne croit plus
en Dieu, il croit d'autant plus facilement aux
fantômes. Dès que le coeur n'est plus appuyé sur le
Dieu vivant et sur sa Parole, il est accessible aux
superstitions les plus absurdes. Les meurtriers
croient voir partout les esprits de leurs victimes.
Plus la voix de la conscience a été longtemps
étouffée et réduite au silence, plus ses accusations
sont cruelles, lorsqu'elle parvient à se faire
entendre.
Un cultivateur avait vécu sciemment dans
le péché depuis l'âge de 15 ans. Pendant longtemps
sa conscience ne lui laissa aucun repos. Parfois
l'angoisse de son âme l'empêchait de travailler. De
guerre lasse, il abandonna sa charrue et chercha,
par de nombreux verres d'eau-de-vie, à imposer
silence à sa conscience. Ce fut seulement à l'âge de
65 ans, que la voix de la grâce put se faire
entendre dans son âme. Mais le malheureux avait été
obligé de l'implorer pendant six ans, au milieu de
mortelles angoisses. Et ce fut seulement après ce
laps de temps qu'il put enfin croire que Dieu lui
pardonnait ses péchés.
.
49. Le miracle des cinq pains et des deux poissons.
(Matth.
XIV, 13-21 ;Marc
VI, 30-43 ;Jean
VI, 4-13.
Les apôtres étaient de retour de la tournée
d'évangélisation que Jésus leur avait assignée pour
les préparer à leur vocation future. Ils lui
racontèrent tout ce qu'ils avaient fait et enseigné
(Marc
VI, 30). Et il leur dit
: Venez vous-en à l'écart, dans un lieu désert, et
prenez un peu de repos. Et il se dirigea
avec eux vers le désert de Bethsaïda, sur le bord
oriental de la mer de Galilée. Mais ce repos ne
devait pas être de longue durée, ni pour lui ni pour
ses disciples. En effet, aussitôt qu'ils eurent
débarqué, le peuple qui les avait précédés à pied
attendait déjà le Seigneur.
Et Jésus, étant sorti de la
barque, vit une grande multitude, et fut ému de
compassion envers eux et guérit leurs malades.
Il eût bien voulu prendre quelque repos, mais la
pitié que cette foule lui inspirait ne le lui permit
pas. Ces âmes, semblables à des brebis abandonnées,
périssaient sans pasteurs, et sans direction
spirituelle. Un désir secret, peut-être inconscient
d'une pareille direction, sommeillait sans doute en
elles ; comment Jésus eût-il pu ne pas y répondre ?
Il se mit à leur enseigner
plusieurs choses (Marc
VI, 34). Il leur annonça que la porte des cieux
leur était largement ouverte, et les invita à y
entrer. Le soir, ses
disciples vinrent à lui et lui dirent : Ce lieu est
désert et l'heure est déjà avancée ; renvoie ce
peuple, afin qu'ils aillent dans les bourgades et
qu'ils y achètent des vivres. Les
disciples trouvaient la prédication du Sauveur trop
longue. Ils étaient inquiets en voyant Jésus
s'enfoncer dans les intérêts du ciel au point
d'oublier les choses de la terre, et ils croient de
leur devoir de le lui rappeler. Ils sont d'ailleurs
poussés à le faire par la nuit qui tombe.
Mais Jésus leur dit :Il
n'est pas nécessaire qu'ils y aillent : donnez-leur
vous-mêmes à manger. Il s'adressa
particulièrement à Philippe et lui dit pour
l'éprouver : D'où achèterons-nous du pain afin que
ces gens-là aient à manger ? Celui-ci répondit :
Pour deux cents deniers de pain ne suffirait pas
pour en donner un peu à chacun. Un autre de ses
disciples, savoir André, frère de Simon Pierre,
luidit : Il y a ici un jeune garçon qui a cinq pains
d'orge et deux poissons, mais qu'est-ce que cela
pour tant de gens ? (Jean
VI, 5-9). Les disciples ne soutiennent pas
l'épreuve ; ils calculent à la manière des hommes,
et ils ne peuvent comprendre que le Seigneur puisse
rassasier ces milliers avec si peu de nourriture.
Jésus se montre ici, à ces multitudes affamées,
comme celui qui leur donne aussi le pain terrestre,
afin qu'elles sachent que la piété est utile à
toutes choses, ayant les promesses de la vie
présente et de celle qui est à venir (I
Tim. IV, 8). Il leur
dit : Apportez-les moi ici. Et après avoir commandé
que le peuple s'assît sur l'herbe, par rangées de
centaines et de cinquantaines (Marc),
il prît les cinq pains et les
deux poissons, et ayant levé les yeux au ciel, il
rendit grâces ; et ayant rompu les pains, il les
donna aux disciples, et les disciples les donnèrent
au peuple.
Jésus nous montre, par son exemple, que
la prière que nous faisons avant le repas sera
exaucée, et il nous invite à rendre grâces pour
notre pain quotidien. Lorsqu'au désert Satan engage
Jésus à changer des pierres en pains, il refusa de
faire usage de sa puissance divine pour apaiser sa
faim ; ici, au contraire, il la met au service de
son miséricordieux amour. Comme les yeux de tous
devaient attendre qu'il leur donnât à manger,
lorsqu'il ouvrit cette main qui avait rompu les
pains, et rassasia ces milliers de l'abondance de sa
puissance divine ! Ce pain, arrosé de sa
bénédiction, se multiplie dans ses mains, en sorte
que plus il donnait, plus il pouvait donner.
Les disciples eurent sans doute un moment
d'inquiétude en voyant cette foule et l'exiguïté de
ses provisions. Mais le Seigneur veut nous montrer
qu'en tout temps il peut restaurer ceux qui
viendront à lui, quel que soit leur nombre. Il ne
méprise pas ce peu de pain ; il le prend dans ses
mains, le donne aux disciples, et ceux-ci le
présentent au peuple, morceaux par morceaux, au fur
et à mesure que le Seigneur le leur distribue. Et, à
la fin, il arrive que cette faible provision non
seulement a suffi, de manière que tous furent
rassasiés, mais qu'il y eut
encore douze corbeilles remplies des morceaux qui
restèrent, et cependant ceux qui avaient mangé
étaient environ cinq mille hommes sans compter les
femmes etdes enfants. Jésus recommanda de
recueillir les morceaux, afin que rien ne se perdit.
Ainsi il y avait plus après le repas qu'auparavant.
Les disciples purent apprendre à cette occasion
qu'on ne s'appauvrit pas en donnant ce qu'on a reçu
des mains de Jésus.
Ce qui arriva alors au désert, arrive
encore aujourd'hui spirituellement dans tous les
lieux de la chrétienté. Le Seigneur a commandé à ses
serviteurs de distribuer à ces milliers qui viennent
à lui le pain vivant de la Parole, dans laquelle il
se trouve lui-même. Lorsque ces serviteurs regardent
leurs provisions, ils ne peuvent que s'écrier avec
André : Qu'est-ce que cela pour tant de gens ?
Mais ils les déposent entre les mains de Jésus et
les reçoivent de nouveau avec sa bénédiction, et
alors ils s'étonnent de voir que le peu qu'ils
avaient est devenu, par la puissance de cette
bénédiction, suffisant pour rassasier la foule, et
qu'il leur en reste encore assez pour nourrir leur
propre âme. Ce ne sont pas les serviteurs qui
nourrissent les âmes ; ils leur distribuent le pain
que Jésus leur donne. Il est en même temps le
pourvoyeur et le pain de vie. L'aliment qu'il donne,
c'est lui-même. Il est venu pour que nous ayons la
vie et que nous l'ayons même avec abondance.
Lorsque le pain de vie est distribué
parmi nous, dans nos services religieux, personne ne
devrait en sortir à vide. Tous doivent quitter la
maison de Dieu, restaurés et fortifiés dans l'homme
intérieur. Lorsque les fidèles rentrent dans leurs
demeures, aussi vides qu'ils en sont sortis ;
lorsqu'aucune faim n'a été apaisée, aucune plaie n'a
été bandée, aucun genou chancelant n'a été raffermi,
aucune main affaiblie n'a été fortifiée, c'est
qu'alors, ou bien le serviteur de Dieu a négligé de
déposer sa provision entre les mains de Jésus, ou
bien les coeurs étaient déjà rassasiés et
n'éprouvaient nul besoin de nourriture. Ils ont
méprisé le repas que le Seigneur leur avait préparé,
et disent en eux-mêmes : « Nous sommes dégoûtés de
cet insipide aliment ! » - Quelle n'est pas la
richesse de Jésus ! Sa seule pauvreté consiste en ce
que si peu viennent se rassasier de sa plénitude. Il
a rempli de biens ceux qui souffraient la faim, et
il a renvoyé les riches à vide (Luc
I, 53).
Cette multiplication miraculeuse des
pains avait profondément impressionné le peuple.
Et ces gens, ayant vu le
miracle que Jésusavait fait, disaient : Celui-ci est
véritablement le prophète qui devait venir au monde.
Jésus est le Messie promis, telle fut la pensée qui
saisit la foule avec la rapidité de l'éclair. Un roi
qui pourvoit ses sujets d'une nourriture
miraculeuse, était tout à fait conforme aux
espérances d'un peuple dominé par des vues
terrestres. C'est pourquoi ils voulaient élever
Jésus à la dignité royale. Mais telle n'était point
la voie que le Sauveur voulait suivre. Ces appétits
populaires lui rappelèrent sans doute les paroles du
tentateur au désert : « Je te donnerai toutes ces
choses, si en le prosternant devant moi, tu
m'adores. » Le tentateur avait alors été repoussé
pour toujours.
Aussitôt après,
il obligea ses disciples d'entrer dans une barque,
et de partir avant lui de l'autre côté pendant qu'il
congédierait le peuple. Il fut obligé de
les forcer, car ils ne se séparaient certainement
pas volontiers de leur Maître bien-aimé. Mais Jésus
hâta leur départ, car, en présence des dispositions
du peuple, il n'était pas bon pour eux de demeurer
plus longtemps sur le théâtre du miracle. Leurs
coeurs ne pouvaient pas se familiariser avec la
pensée que Jésus allait entrer très prochainement
dans la voie douloureuse, comme l'Agneau de Dieu qui
ôte le péché du monde, et qu'il ne prendrait
possession de la gloire céleste qu'après avoir
consommé son sacrifice.
Après qu'il eut
renvoyé le peuple, il se retira sur une montagne à
part pour prier. Et la nuit étant venue,
il était là seul. Là, il s'entretint avec son Père
céleste par la prière. Quel fut le sujet de cet
entretien ? Nous pouvons en avoir une idée par le
long discours sur le pain de vie que le Seigneur
prononça le lendemain dans la synagogue de
Capernaüm. Mais certainement, à cette occasion, il
répandit son coeur dans le sein de son Père céleste.
Les disciples venaient de terminer leur tournée
d'évangélisation, et ils lui avaient fait leur
rapport. Il venait d'apprendre la nouvelle de la
mort de Jean-Baptiste. Il avait prêché devant le
peuple assemblé ; il avait rassasié ceux qui avaient
faim, et il avait dû faire l'expérience que son
amour de Sauveur n'éveillait que des désirs
charnels. Autant d'objets à porter devant Dieu.
Aussi la prière de notre souverain Sacrificateur
fut-elle sûrement trempée de larmes. Elle avait, à
la vérité, pour objet l'avancement du règne de Dieu
engénéral ; mais plus spécialement, sans doute, ceux
qui avaient été miraculeusement rassasiés, et
certainement aussi ses bien-aimés disciples ne
furent pas oubliés. |