LA VIE DE
JÉSUS
CHAPITRE II
L'activité publique de
Jésus.
B. L'activité de
Jésus en Galilée.
44. Jésus et la pécheresse.
(Luc
VII, 36-50.)
Le nom de la pécheresse mentionnée dans ce récit,
ne nous est pas connu d'une manière certaine. On
croit que c'était Marie de Magdala. Dans cette
période de la vie de Jésus, nous voyons les
pharisiens chercher plus fréquemment qu'auparavant à
se mettre en rapport avec lui. Ils avaient
probablement un sentiment plus clair de
l'antagonisme qui les séparait de lui, et
l'opposition hostile qu'ils lui faisaient
s'accentuait de plus en plus. Toutefois le pharisien
Simon, qui a invité le Seigneur à sa table, ne
semble pas partager ces mauvais sentiments à son
égard. Il l'a souvent entendu et a vu ses miracles,
et il ne sait pas encore quelle position il doit
prendre vis-à-vis de lui. Une telle personnalité lui
parait trop puissante et trop grande pour ne devoir
pas être prise en sérieuse considération. D'un autre
côté, il y a dans la conduite de Jésus beaucoup de
choses que Simon ne peut faire accorder avec les
idées qu'il s'est faites du Messie. C'est pourquoi
il désire s'entretenir tranquillement avec lui, dans
sa propre maison. De là l'invitation qu'il lui
adresse, et que Jésus accepte. Il reconnaît en lui
le pharisien. Il ne voit dans le coeur de Simon
aucun besoin du salut ; mais il n'y remarque non
plus aucun sentiment hostile. Il espère donc pouvoir
placer quelques paroles salutaires dans le coeur de
son hôte et des autres convives.
Simon reçoit le Sauveur d'une manière qui
répond parfaitement ses sentiments. Cette réception
n'est ni grossière ni impolie ; mais elle n'est pas
cordiale. L'usage exigeait que Simon saluât Jésus
par un baiser, qu'il lui offrit de l'eau pour se
laver les pieds, de l'huile pour s'oindre la tète ;
mais évidemment il ne veut pas faire à Jésus un
accueil trop empressé. Il le traite avec une
politesse de grand seigneur, qui est de nature à le
tenir à distance plutôt qu'à l'attirer.
Et une femme de
la ville, qui avait été de mauvaise vie, ayant su
qu'il était à table dans la maison du pharisien,
elle y apporta un vase d'albâtre, plein d'une huile
odoriférante. Et se tenant derrière,aux pieds de
Jésus, elle se mit à pleurer ; elle lui couvrait les
pieds de ses larmes et les essayait avec ses
cheveux, et elle lui baisait les pieds et les
oignait de cette huile. Cette femme était
désignée dans toute la ville par l'épithète de
pécheresse, parce que ses péchés étaient
généralement connus. Peut-être s'était-elle attiré
cette honte par une vie de débauches. Mais ses
péchés pèsent sur sa conscience comme un lourd
fardeau. Elle est confuse et éprouve le besoin de la
grâce de Dieu. Elle avait ouï parler de Jésus ; elle
savait comment il consolait les coeurs angoissés.
Elle croit fermement qu'il peut lui enlever le
fardeau qui pèse sur sa conscience. Elle l'a
peut-être entendu lui-même, et elle veut qu'il lui
dise, à elle en particulier, ce qu'il a si souvent
proclamé devant les multitudes. Elle s'approche de
lui et se tient à ses pieds. Elle le voit et
reconnaît en lui la bonté et l'amour de Dieu. Ce
regard, joint à celui qu'elle jette dans son propre
coeur souillé, fait couler ses larmes, qui tombent
sur les pieds de Jésus. Comme elle doit être
intimidée ! Que doit-elle faire ? Quel service
peut-elle lui rendre ? Promptement décidée, et
n'avant rien d'autre sous la main, elle dénoue ses
cheveux et en essuie les pieds du Seigneur. Et comme
elle remarque qu'il ne s'irrite point, qu'il ne se
montre nullement choqué, mais qu'au contraire il lui
laisse entendre qu'il a compris le désir de son
coeur, elle lui baise les pieds et les oint avec
l'huile qu'elle a apportée.
À la vérité, cette conduite est déplacée
dans cette société aristocratique. Aussi Simon la
prend-il en mauvaise part. N'y aurait-il pas dans
notre coeur des sentiments semblables à ceux de
Simon ? N'aurions-nous pas adressé à cette pauvre
pécheresse quelques paroles sévères ? Ne lui
aurions-nous peut-être pas montré la porte en lui
disant : « Nous ne voulons avoir aucune
communication avec des gens comme toi » ? Mais
Jésus, plein de cet amour qui cherche les pécheurs,
reconnaît le coeur brisé qui cherche le pardon en
toute sincérité.Le
pharisien qui l'avait convié, voyant cela, se dit en
lui-même : Si cet homme était prophète, il saurait
sans doute qui est celle femme qui le touche et
qu'elle est de mauvaise vie. Ici, c'est
le pharisien qui a la haute main dans le coeur de
Simon. Jusqu'à présent il était encore dans le doute
si Jésus était un prophète ; mais maintenant il est
parfaitement au clair. Si Jésus était prophète,
pense-t-il, il saurait quelle espèce de femme le
touche, et il ne souffrirait par ce contact impur.
Il est tiré de ces réflexions par cette
question de Jésus : Simon,
j'ai quelque chose à te dire : Et il dit : Maître,
dis-le. - Un créancier avait deux débiteurs, dont
l'un lui devait cinq cents deniers, l'autre
cinquante. Et comme ils n'avaient pas de quoi payer,
il leur quitta à tous deux leur dette. Dis-moi donc
lequel des deux l'aimera le plus. - Simon lui
répondit : J'estime que c'est celui auquel il a le
plus quitté. Jésus lui dit : Tu as bien jugé. Alors,
se tournant vers la femme, il dit à Simon : Vois-tu
celle femme ? Je suis entré dans la maison, et tu ne
m'as point donné d'eau pour me laver les pieds ;
mais elle a arrosé mes pieds de ses larmes et les a
essuyés avec ses cheveux ; tu ne m'as pas donné de
baiser, mais elle, depuis qu'elle est entrée, n'a
cessé de me baiser les pieds ; tu n'as pas oint ma
tête d'huile, mais elle a oint mes pieds d'une huile
odoriférante. En parlant ainsi, Jésus
prouve à Simon qu'il connaît sa pensée, et que par
conséquent il est prophète. Mais il ne l'est pas
seulement pour Simon, il l'est aussi pour toi et
pour moi, cher lecteur. Puissions-nous donc, en tout
temps, faire sérieusement attention à ce qu'il a à
nous dire !
Cette parabole est parfaitement claire et
transparente. Simon a bien jugé, absolument comme
David devant le prophète Nathan, sans le moindre
pressentiment qu'en parlant ainsi, il se jugeait
lui-même. Car le créancier, c'est le Seigneur, et
les deux débiteurs, c'est lui-même et la femme.
Cette femme a ardemment témoigné son amour au
Seigneur. Chez Simon, au contraire, bien qu'il eût
invité Jésus à sa table, ce sentiment fait
complètement défaut : il n'a pas même été poli
envers lui. D'où vient à cette femme cet ardent
amour ? D'où vient qu'il est totalement absent du
coeur de Simon ? Le pardon des péchés est la source
de l'amour.C'est pourquoi
je te dis que ses péchés, qui sont en grand nombre,
lui sont pardonnés ; et c'est à cause de cela
qu'elle a beaucoup aimé ; mais celui à qui on
pardonne moins, aime moins. L'amour de
cette femme est le fruit, c'est-à-dire le signe, et
non la cause, du pardon qu'elle a obtenu..
Comme Jésus invite amicalement Simon, et
par lui, nous tous, à chercher auprès de lui le
pardon de nos péchés, afin que nousapprenions à
beaucoup aimer ! Lors donc que nous nous surprenons
le coeur froid et vide d'amour, ce récit doit être
pour nous une preuve que nous n'avons pas éprouvé la
joie du pardon, que quelque péché non pardonné pèse
encore sur notre conscience.
Ce que cette femme avait espéré dans la
foi, Jésus le lui déclare clairement :
Tes péchés te sont pardonnés,
ta foi t'a sauvée ; va-t'en en paix. Le
Seigneur a rendu Simon attentif à l'amour de la
femme et à la source de cet amour. Mais il ne faut
pas qu'elle s'imagine avoir mérité le pardon de ses
péchés par son amour. Voilà pourquoi le Seigneur lui
déclare qu'elle l'a obtenu seulement par la foi. Et
ainsi son âme est délivrée et son coeur est en paix.
Cependant, examinons plus en détail la situation de
cette femme. Lorsque la douleur causée par ses
péchés l'amène baignée de pleurs aux pieds de Jésus,
ses larmes parlent assez haut, mais elle n'articule
pas une parole, pas une plainte. Lorsqu'elle se voit
traitée avec mépris par le pharisien, elle ne dit
pas un mot pour se justifier. Même lorsque le
Seigneur la regarde avec tendresse et lui parle de
consolation et de paix, aucune expression de joie ou
de reconnaissance ne sort de sa bouche, mais son
coeur est en repos dans l'amour de Jésus.
Puissions-nous, nous aussi, être en état de dire en
tout temps Quoi qu'il en soit, mon âme se repose en
Dieu qui est ma délivrance (Ps.
LXII, 2).
.
45. Jésus guérit un possédé aveugle et sourd. Le
péché contre le Saint-Esprit.
(Luc
XI, 15-28 ;Matth.
XII, 15-45.)
Jésus continue à déployer une infatigable
activité à guérir les malades, tandis que les
pharisiens tiennent conseil pour le faire mourir.
Mais il leur échappe toujours, parce que son heure
n'est pas encore venue. Au surplus, il ne se laisse
pas intimider. Il défend à ceux qu'il a guéris de
le faire connaître ; car il ne recherche pas la
popularité. Ésaïe
a très bien décrit son caractère lorsqu'il a dit de
lui : Il ne contestera
point, il ne criera point, et on n'entendra point sa
voix dans les rues. Il ne rompra pas tout à fait le
roseau froissé, etn'éteindra pas le lumignon qui
fume encore. Ce qui importe à Jésus, ce
n'est pas d'être loué et glorifié, mais de soulager
ceux qui sont travaillés et chargés, de guérir les
consciences troublées, et de consoler les coeurs
brisés. Ne dit-il pas qu'il est venu non pour juger,
mais pour sauver ? Le marteau de la loi a-t-il
frappé et blessé un coeur ? Aussitôt le Sauveur
vient avec une sainte joie guérir et consoler. Une
conscience est-elle alarmée ? Lui semble-t-il en se
jugeant elle-même douloureusement, que tout est
perdu, qu'elle est sous le coup d'une condamnation
sans miséricorde ? Voici le Seigneur qui vient, se
fait connaître comme le Sauveur qui délivre son
peuple de ses péchés. La source de la vie intérieure
nous paraît-elle tarie, la lumière de la foi
éteinte, ou couve-t-elle tout au plus comme une
faible étincelle sous la cendre ? Ne nous
décourageons pas, regardons à Jésus ; il sait qu'une
goutte d'eau est encore de l'eau, qu'une faible
étincelle est encore du feu et qu'une foi tremblante
et courbée dans la poussière est encore de la foi.
Le souffle de ses lèvres divines rallume le lumignon
qui fume encore, et lui fait jeter une joyeuse
flamme.
Jésus chassa
aussi un démon qui était muet. Matthieu
ajoute un détail à la parole de Luc, en nous
apprenant que ce malheureux était non seulement
muet, mais encore aveugle. Jésus le guérit,en
sorte que celui qui avait été aveugle et muet,
parlait et voyait. Le démon n'use pas de
sa puissance envers tous les hommes de la même
manière. Il rend les uns muets, afin qu'ils ne
puissent pas reprendre le pécheur, ni confesser le
nom de Jésus, ni faire entendre ses louanges dans la
famille, ni faire monter des prières communes au
trône de la grâce. Il rend les autres verbeux et
loquaces, tellement que leur langue est comme
enflammée du feu de la géhenne (Jacq.
III, 6). Lorsque le Seigneur guérit ces malades,
on peut dire que Satan sort, et alors le muet parle,
et le babillard devient silencieux.
Ce pouvoir de Jésus sur les malins
esprits, les pharisiens ne pouvaient le nier.
D'innombrables faits parlaient trop haut. Alors,
pour ne pas être obligés de reconnaître le Sauveur
comme le dépositaire de la puissance du Dieu vivant,
et pouvoir cependant expliquer les expulsions de
démons qu'il opérait, ils disaient : Cet homme ne
chasse les démons que par Béelzébul le prince des
démons, comme s'il était lui-même en relation
avec ces anges de ténèbres. C'est ainsi que la haine
furieuse, que les pharisiens avaient contenue
jusqu'ici, éclate publiquement. À partir de ce
moment, ils se déclarent devant tout le peuple comme
les ennemis de Jésus. Et Jésus profite de cette
occasion pour s'expliquer plus clairement sur le
règne de Satan. Le diable a sous sa domination un
royaume organisé, qu'il gouverne comme prince des
ténèbres. Depuis qu'il s'est écarté de la vérité, il
est, lui et ses sujets, en lutte incessante avec
Dieu et son royaume. Cette lutte se continue à
travers les siècles, et constitue la véritable trame
de l'histoire de l'humanité. Elle prendra fin avec
la défaite définitive de Satan, lorsqu'il sera
plongé avec la mort et le sépulcre, dans l'étang
ardent de feu et de soufre (Apoc.
XX, 14). C'est pour cela que le Fils de Dieu est
apparu. Il est venu pour détruire les oeuvres du
diable. Dès lors, quelle chose insensée de dire que
le Fils de Dieu peut aider à l'accomplissement des
oeuvres de Satan ! Le Fils de Dieu au service du
diable ! Il faudrait d'abord admettre que le diable
a vaincu le Fils de Dieu, l'a soumis à son autorité
et qu'il veut détruire son propre règne pour mieux
le faire fleurir.
Le Sauveur fait justice de cette absurde
calomnie lorsqu'il dit :
Tout royaume divisé contre lui-même sera réduit en
désert, et toute maison divisée contre elle-même
tombera en ruine. Si donc Satan est divisé contre
lui-même, comment son royaume subsistera-t-il ?
puisque vous dites que c'est par Béelzébul que je
chasse les démons ? Les disciples vinrent
un jour à Jésus et lui dirent : « Maître, nous avons
vu un homme chasser les démons en ton nom et nous
nous y sommes opposés, parce qu'il ne nous suit pas.
» Et Jésus leur dit : « Ne vous y opposez pas, car
il n'y a personne qui fasse des miracles en mon nom,
et qui puisse en même temps parler mal de moi. Celui
qui n'est pas contre nous est pour nous. » Ceci
semble être arrivé plus d'une fois. Et les
pharisiens étaient heureux de pouvoir dire que leurs
disciples avaient la même puissance que ceux de
Jésus sur le royaume des ténèbres. C'est à ces faits
que le Sauveur en appelle lorsqu'il dit :Si
je chasse les démons par Béelzébul, vos fils, par
qui les chassent-ils ? C'est pourquoi ils seront vos
juges. Mais si je chasse les démons par le doigt de
Dieu, il est dont, vrai que le règne de Dieu est
venu à vous. Les pharisiens tenaient pour
des oeuvres de Dieu les expulsions de démons opérées
par leurs disciples, tandis qu'ils attribuaient à
Béelzébul les mêmes actions lorsqu'elles étaient
accomplies par Jésus. C'est ce qu'on appelle
résister volontairement à la vérité.
Alors le Seigneur, qui cherche aussi avec
une infinie compassion les âmes des pharisiens, se
voit forcé de les avertir sérieusement du danger
auquel ils sont exposés. C'était le but de ces
paroles : Quand un homme
fort et bien armé garde l'entrée de sa maison, tout
ce qu'il a est en sûreté. La maison, la
résidence du diable, c'est le monde d'après cette
parole de St-Jean : Nous savons que tout le monde
est plongé dans le mal (I
Jean V, 19). Cependant, celte résidence est plus
particulièrement le coeur du pécheur, aussi
longtemps qu'il ne s'est pas donné au Seigneur Jésus
par la foi et par un amour plein de reconnaissance.
L'homme fort et bien armé a un grand intérêt à ce
que sa maison soit en repos. Car alors, sa
domination n'est pas menacée. C'est pourquoi le
diable veille avec le plus grand soin à ce que le
coeur du pécheur ne fasse aucune réflexion sérieuse
sur la sainte loi de Dieu, et repousse
continuellement la pensée de l'éternité. Il
maintient cet état de sécurité des coeurs, afin
qu'ils soient toujours satisfaits d'eux-mêmes, et ne
reconnaissent que quelques fautes ou quelques
faiblesses, mais jamais des péchés qui puissent
attirer la colère de Dieu. Dès lors, il n'y a ni
inquiétudes ni soucis relativement au salut, ni
recherches , ni méditation de la Parole de Dieu, ni
aspiration à la grâce et au pardon des péchés.
Une telle paix est la paix du cimetière,
la mort dans le péché, qui ne peut être détruite que
par Celui qui est plus fort que l'homme fort. Cela
arrive lorsque l'amour de Jésus passe de la croix
dans un coeur, l'arrache à son sommeil et lui fait
connaître son état. L'homme de douleur exerce sa
puissance par le bras de son amour, qui est plus
fort que le pouvoir de celui qui est à la fois le
tentateur et l'accusateur.Mais
s'il en vient un plus fort que lui, qui vainque, il
lui ôte toutes les armes auxquelles il se confiait,
et partage ses dépouilles. Ces armes sont
les péchés non confesséset non pardonnés. Le Sauveur
ôte à Satan ses armes, en pardonnant les péchés. Il
affranchit ainsi l'âme asservie et la place dans la
lumière du royaume de Dieu. Telle est l'oeuvre du
Sauveur dans les possédés et les autres pécheurs.
Hors de Jésus, il ne peut pas plus être
question de fonder le royaume de Dieu ou de
recueillir les âmes pour lui, que de détruire le
royaume de Satan.« Celui qui n'est pas avec moi est
contre moi ; celui qui n'assemble pas avec moi
dissipe. » Vis-à-vis de Jésus, on ne peut rester
neutre. Il est mis, pour être aux uns une occasion
de chute et aux autres une occasion de relèvement.
Dans son royaume, il n'y a de place ni pour
l'indifférence ni pour l'indécision. Quiconque ne se
donne pas à lui, montre par cela même son inimitié.
Les pharisiens croyaient, à la vérité, servir Dieu
et fonder son royaume sans Jésus ; mais le Sauveur
leur déclare de la manière la plus sérieuse que leur
prétendue piété n'apporte aucune bénédiction, mais
ne fait au contraire que les séparer et les éloigner
de Dieu pour l'éternité. La maxime qui reconnaît le
juste milieu, peut avoir sa valeur dans les choses
de la terre ; mais dans celles de la foi, elle est
désastreuse. En présence du règne de Dieu, il faut
se décider : Christ ou Satan, l'amour ou l'inimitié,
le ciel ou l'enfer, la vie ou la mort, la lumière ou
les ténèbres, le salut ou la condamnation !
En rapportant le même discours, saint
Matthieu reproduit cette parole de Jésus touchant le
péché contre le Saint-Esprit, dont il exhorte les
pharisiens à se garder :
C'est pourquoi je vous dis que tout péché et tout
blasphème sera pardonné aux hommes; mais le
blasphème contre le Saint-Esprit ne leur sera point
pardonné. Et si quelqu'un a parlé contre le Fils de
l'homme, il pourra lui être pardonné ; mais celui
qui aura parlé contre le Saint-Esprit, n'en
obtiendra le pardon ni dans ce siècle ni dans celui
qui est à venir. Le péché contre le
Saint-Esprit ne consiste pas dans un certain acte ou
dans une certaine parole, mais dans la résistance
intérieure à l'action qu'il doit exercer. C'est le
péché des incrédules, qui, comme Caïphe, ferment
leur coeur à la foi en Jésus, et qui résistent
obstinément à l'impulsion du Saint-Esprit. Mais
c'est aussi le péché de ceux qui ont goûté et connu
combien le Seigneurest bon, qui ont été remplis des
puissances du siècle à venir, mais qui ont cessé de
veiller et de prier, et dans lesquels le péché a
ressaisi son pouvoir comme dans Judas ; de ceux qui,
au mépris de leur expérience intime, repoussent le
Seigneur Jésus volontairement et en pleine
connaissance de cause, et refoulent les gracieux
attraits de l'Esprit de Dieu.
D'après cette explication, on peut
comprendre que tout péché, même le blasphème contre
Dieu puisse être pardonné, mais que le péché contre
le Saint-Esprit soit irrémissible. On a voulu voir
dans cette déclaration de Jésus, contrairement aux
données de l'Écriture, une suprématie du
Saint-Esprit sur le Père et sur le Fils. Elle ne
renferme absolument rien de pareil. Si quelqu'un
prononçait une parole blasphématoire contre la
personne du Saint-Esprit, elle pourrait lui être,
pardonnée tout aussi bien qu'un blasphème contre la
personne du Père ou contre celle du Fils, si le
blasphémateur se convertissait à Jésus. Si donc le
blasphème contre le Saint-Esprit ne peut être
pardonné, ce n'est pas que cet Agent divin soit plus
excellent que le Père et le Fils, mais parce que
l'oeuvre du Saint-Esprit est d'une telle nature,
qu'elle met nécessairement l'âme en demeure de se
décider définitivement, soit pour la vie, soit pour
la mort.
La révélation du Père et du Fils témoigne
sans doute de l'insondable amour de Dieu pour les
pécheurs ; mais, sans le Saint-Esprit, elle demeure
hors de nous, tandis que le Saint-Esprit
glorifie Jésus en nous, en ce que d'un côté,
il nous montre nos péchés dans toute leur effrayante
gravité, et de l'autre, nous donne l'assurance
qu'ils sont pardonnés par la mort sanglante et la
résurrection de Christ. Ce n'est pas là une
connaissance qui nous vienne du dehors ; c'est une
expérience que nous faisons nous-mêmes dans les plus
intimes profondeurs de notre être moral. Sans la
repentance et sans la foi au Sauveur, il n'y a point
de rémission de péché : c'est ce que proclame toute
l'Écriture. Mais lorsqu'un coeur s'attache à Jésus,
c'est là l'oeuvre du Saint-Esprit. Si donc quelqu'un
résiste à son action, il s'exclut lui-même du
bénéfice du pardon, pour cette vie, et pour
l'éternité. Cependant, chaque résistance à l'action
de l'Esprit ne constitue pas le péché dont Jésus
parleici. Si le coeur est attiré et alléché par la
convoitise et succombe à la tentation, cela ne peut
sans doute avoir lieu sans une résistance aux
sollicitations de l'Esprit. Cependant, ce coeur n'a
fait encore quecontrister l'Esprit. Ce n'est
pas encore le péché contre le Saint-Esprit. Ceci est
une consolation pour ceux qui croient avoir commis
ce péché.
Là où il y a encore une trace de
tristesse selon Dieu, et un sincère désir d'aller au
Sauveur, la porte du coeur n'est pas encore fermée
au Saint-Esprit. Toutefois que chacun se garde de
l'attrister à la légère ! Car chaque désobéissance,
chaque acte de résistance à ses impulsions, éloigne
du Sauveur et est un pas de plus dans la voie qui,
par l'endurcissement et l'incrédulité, sépare l'âme
de Dieu pour l'éternité.
La sévère parole de Jésus avait pénétré
comme une épée à deux tranchants dans le coeur des
pharisiens. Ils étaient là confus devant celui qui
sonde les coeurs, d'autant plus que le peuple avait
tout entendu. Afin d'affaiblir les paroles du
Seigneur et d'inspirer des doutes sur le droit qu'il
s'arrogeait de prononcer contre eux une pareille
sentence de condamnation, ils lui demandent de
justifier ce droit par quelque prodige.
Alors quelques-uns des scribes
et des pharisiens lui dirent : Maître, nous
voudrions te voir faire quelque miracle,
comme s'ils ne venaient pas d'être témoins du
miracle accompli sur le possédé ! ou comme si ce
miracle était le premier que Jésus eût fait ! Que ne
demandaient-ils un miracle pour fortifier leur foi !
Alors Jésus n'eût certainement pas manqué de le
faire. Mais le désir qu'ils manifestent, n'est que
l'expression de leur incrédulité. Aussi le Seigneur
les appelle-t-il une race méchante et adultère
parce que, par leur incrédulité, ils ont rompu le
lien qui les rattachait au Dieu vivant, et il les
renvoie au miracle du prophète Jonas.Car
comme Jonas fut dans le ventre d'un grand poisson
trois jours et trois nuits, de même le Fils de
l'homme sera dans le sein de la terre trois jours et
trois nuits. Les trois jours sont
mentionnés pour désigner l'événement qui s'accomplit
dans trois jours, savoir le séjour de Jésus dans le
tombeau. Sa résurrection est le plus éclatant de
tous les miracles, une confirmation de tous les
autres, et le sceau de la mission qu'il a remplie de
la part de Dieu. Sans doute, les miracles ne
produisent pas toujours la foi ; mais ils montrent à
ceux qui ont déjà cru oui qui sont disposés à
croire, que leur foi repose sur un bon fondement.
Quant aux incrédules, lorsqu'ils verront ce à quoi
ils ont refusé de croire, le signe du Fils de
l'homme sera pour eux le signe de la condamnation.
En attendant, le Ressuscité n'apparaîtra pas à tout
le peuple, mais la résurrection sera annoncée à tous
les hommes, afin que tous puissent parvenir à la
foi.
Les Ninivites
s'élèveront au jour du jugement contre cette nation
et la condamneront, parce qu'ils s'amendèrent à la
prédication de Jonas, et il y a ici plus que Jonas.
La reine du Midi s'élèvera au jour du jugement
contre celle nation et la condamnera, parce qu'elle
vint d'un pays éloigné pour entendre la sagesse de
Salomon, et il y a ici plus que Salomon.
Chaque âme convertie est pour l'âme inconvertie un
exemple qui la juge et la condamne. Beaucoup de
chrétiens seront un jour confondus et condamnés par
des païens convertis.
Lorsqu'un esprit impur est sorti d'un homme, il va
par des lieux déserts, cherchant du repos et il n'en
trouve point. Alors il dit : Je retournerai dans ma
maison d'où je suis sorti, et étant revenu, il la
trouve vide et ornée. Alors il s'en va et prend avec
lui sept autres esprits plus méchants que lui,
lesquels y étant entrés, habitent là, et la dernière
condition de cet homme est pire que la première : il
en arrivera ainsi à cette méchante race.
Une rechute est tout ce qu'il y a de plus funeste.
Les pires ennemis de la croix de Christ et du règne
de Dieu, sont toujours ceux qui ont été une fois
arrachés à la puissance des ténèbres, qui s'étaient
donnés au Seigneur Jésus dans la foi, et qui sont
retombés. Alors on ne retourne pas seulement à
l'indifférence où l'on était précédemment, mais on
tombe dans un état beaucoup pire. On est rempli
d'une haine mortelle et d'une fureur persécutrice
contre le Sauveur et contre tous ceux qui croient en
son nom. Seigneur, ne nous induis pas en tentation !
Et comme Jésus
parlait encore au peuple, sa mère et ses frères qui
étaient dehors, demandèrent à lui parler. Et
quelqu'un lui dit : Voilà, ta mère et tes frères
sont là dehors et demandent à te parler.
Les frères de Jésus ne croyaient pas en lui. Ils ne
reconnaissaient pas en lui le Fils unique de Dieu.
Toutefois, l'amour pour lui,comme membre de la même
famille, leur inspirait des inquiétudes à son sujet.
Ils craignaient qu'il ne se fatiguât trop. C'est
pourquoi ils viennent, accompagnés de Marie,
l'engager à se ménager.
Nous trouvons ici pour la première fois
les frères de Jésus. L'Église romaine n'admet pas
que le Seigneur ait eu des frères consanguins. Elle
enseigne que ceux qui sont mentionnés dans
l'Écriture comme frères de Jésus, n'étaient que ses
cousins. Cette doctrine a pour but d'exalter la
gloire de Marie et d'établir sa virginité. Cette
Église croit qu'il ne convenait pas à la mère du
Sauveur de s'être mariée après la naissance de Jésus
et d'avoir vécu avec un homme. D'après elle, Marie
est réellement restée vierge. Mais ceci ne s'accorde
pas avec la Sainte-Écriture. Les évangélistes
nomment l'enfant Jésus nouvellement né le premier-né
de Marie (Luc
II, 7). Il résulte de cette expression que les
évangélistes ont connu d'autres enfants de Marie.
Autrement ils l'auraient appelé son fils unique
ou tout simplement son fils. L'expression sonpremier-né
indique évidemment qu'elle eut d'autres enfants. De
plus, saint Matthieu dit que Joseph ne connut point
sa femme jusqu'à ce qu'elle eut enfanté son fils
premier-né (Matth.
I, 25). Cette expression : jusqu'à ce que n'aurait
pas de sens, si Joseph n'eût pas connu sa femme,
après la naissance de ce fils. Au surplus, soutenir
que le célibat est un état plus excellent devant
Dieu que la vie conjugale, c'est se mettre en
contradiction avec l'Écriture sainte. Saint Paul
appelle la doctrine de ceux qui défendent de se
marier, une doctrine des démons (1
Tim. IV, 1. 2).
Mais Jésus
répondit à celui qui lui avait dit cela : Qui est ma
mère et qui sont mes frères ? Et étendant sa main
vers ses disciples, il dit : Voici ma mère et mes
frères. Car quiconque fait la volonté de mon Père
qui est aux cieux, c'est celui-là qui est mon frère,
ma soeur et ma mère. Le Sauveur avait un
ardent amour et un profond respect pour sa mère. Il
l'a maintes fois prouvé, et encore en dernier lieu,
lorsque, sur la croix, il lui donne un soutien dans
la personne de son disciple bien-aimé. Mais, dans
les travaux de sa vocation, il ne se laisse déranger
ni par sa mère ni par ses frères. Car il faut qu'il
soit occupé aux affaires de son Père. Ce ne sont pas
ses parents terrestres qui sont le plus près de son
coeur de Sauveur. Ce sont ceux qui font la volonté de
son Père céleste en se donnant à lui dans la foi (Jean
VI, 40). Ainsi Jésus veut se tenir près de nous
comme un enfant près de sa mère, comme un frère près
de son frère ! Oh ! quelle précieuse consolation !
Mon ami est à moi ! |