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8.2 3 Point de vue

Les narrateurs des récits bibliques sont normalement omniscients, sérieux et disent la vérité. Les études historico critiques, surtout celles informées par l'esprit de l'approche matérialiste, ne mettront en doute cette assertion que si on la lit comme une référence à l'auteur (réel, historique). Cependant l'assertion ne parle pas de lui mais du narrateur ou de l'auteur implicite (c. à d. le "personnage" qui raconte le récit dans le texte, et la "personne" que le texte présente comme son auteur (voir le chapitre suivant).

Les narratifs bibliques ne sont pas plats ou unidimensionnels, ils sont tendus par des tensions internes; sinon ils auraient peu d'intérêt pour le lecteur. Ces tensions ne peuvent pas être internes à l'auteur implicite, qui est omniscient etc., mais doivent se situer au niveau de sa narration. En fait cette tension et vivacité vient des multiples points de vues qui sont présents dans chaque texte biblique. La narration n'est jamais racontée seulement à travers les yeux et la bouche de l'auteur implicite. Souvent on doit comparer la présentation biblique avec un film la "caméra" nous présente plusieurs scènes, et parfois une même scène de plusieurs "points de vues".

Fig. 64 Dans le monde ancien on portait les sandales

Berlin/205 nous donne l'exemple de 2 S 18.19-32, après l'assassinat d'Absalom (fils bien aimé mais rebelle de David), Ahimaaç demande de "courir porter au roi la bonne nouvelle", mais Joab ne le veut pas, il temporise (v.20) et envoi un ’Koushite’ (v.21). Quand celui ci part la ’caméra’ reste avec Joab, où Ahimaaç renouvelle sa demande, Joab encore essaie de le persuader de ne pas y aller (22) mais finalement doit agréer sa demande (23).
La ’caméra’ prend le chemin avec lui et le voit dépasser le Koushite mais aussitôt saute à David "entre les deux portes" qui attend les nouvelles (24). Avec le roi on écoute les rapports du guetteur, et sa conclusion qu'Ahimaaç n'apportera qu'une bonne nouvelle (24 27). Les machinations de Joab ne réussiront pas, Ahimaaç arrivera le premier mais ironiquement il a réussit quand même car le coureur rapide ne peut pas raconter au roi la mort de son fils bien aimé! Le Koushite par contre ne cache pas sa joie à la mort du fils rebelle (32). Cette scène se termine à la porte mais la caméra reste sur David qui "monta dans la chambre... et se mit à pleurer" (19.1).

Fig. 65 Les portes de Hazor (du temps de Salomon)

A son plus simple le terme ’point de vue’ décrit la perspective ou la position à partir desquelles le récit est raconté, c'est le cas de notre ’caméra’ dans la description de 2 S 18.19ss. Mais on peut nuancer et ajouter des précisions à cette analyse, Chatman/206 décrit trois niveaux de point de vue: perspectif (ce que nous venons de décrire), conceptuel (les attitudes, les conceptions et la vision de choses d'un personnage) et d'intérêt (l'intérêt ou l'avantage de quelqu'un).

On peut donc nuancer l'analyse de ce récit en ajoutant cette distinction de Chatman. Les perspectives sont bien présentées par Berlin, mais pour ce récit elle n'a pas rendu explicite le niveau d'intérêt. Les paroles de Joab, et surtout le fait que cet homme d'action décisif semble incertain et change d'avis (20 cf.21; 22 cf.23), nous montre indirectement son point de vue d'intérêt. Il vient de protéger son maître en tuant son fils (14) contre ses ordres (12), son équivoque dans les versets 20-23 nous montre son intérêt de faire venir au roi cette information par un messager sympathique./207

La présentation du point de vue de l'intérêt de David est plus complète.

Prochaine section: 8.2 4 Un exemple Am 7.10-17


Ce manuel a été rédigé par le Dr Tim Bulkeley à l'intention des étudiants africains de théologie de l'Université protestante du Congo. Il est mis en forme électronique hypertexte par lui en 2003-4.

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