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5.2 2 L’analyse des sources: son application

L'analyse des sources demande une bonne connaissance de la syntaxe et de la stylistique hébraïque, et assez de temps pour une recherche et une réflexion profonde sur le texte. Elle est difficilement praticable par le débutant en études vétérotestementaires. Il incombe à l'étudiant cependant de bien comprendre le raisonnement de ceux qui ont écrit les travaux qui l'utilisent, et de les soumettre à une critique sérieuse (au moins en comparant l'argumentation d'un auteur avec celle d'un autre).

Quand on étudie un texte ancien, il faut premièrement le mettre dans son contexte. Un contexte important sera l'époque de son origine, c.à d. de la rédaction de la source qui le contient. Son contexte littéraire également n'est pas seulement celui du livre dont il fait partie actuellement, mais aussi (et certains historico-critiques le souligneront davantage) celui du document ou de la tradition de son origine (la source dont il est le composant).

Prenons l'exemple du mot "Jérusalem" dans Es 40.2; dans le contexte du livre d'Esaïe on pensera d'abord à la ville où habitait Esaïe, parfois prise ensemble avec le peuple et le roi qui y vivaient. Mais dans Es 40.2, cette compréhension semble étrange, car en essayant de réconforter "Jérusalem", il parle d'un retour en Judâ. Cf. 52.9-12:

...il rachète Jérusalem... Partez, partez, sortez de là; l'impur, n'y touchez pas; sortez du milieu de Babylone, purifiez vous...

Jérusalem devient clairement dans les chapitres 40-55 du livre d'Esaïe non seulement la ville lointaine (44.26), mais aussi un terme pour le peuple de Dieu ceux qui doivent habiter à Jérusalem.

Dans la pratique/88 l'analyse des sources comprend deux phases:

Phase I, La recherche des signes

Une fois que l'on a établi le texte à étudier ("établi" a ici deux sens la délimitation du texte/89 et son établissement par la critique textuelle/90), on peut commencer à préparer l'analyse des sources sans autre étude préalable. On cherche les détails qui peuvent indiquer la présence possible de sources ou d'auteurs distincts./91

Les signes reconnus comme révélateurs sont:

[1] La présence de phrases rédactionnelles indiquant un changement d'auteur ou de source voir /note 80 surtout les références et 5.21 supra.

[2] La présence de deux versions d'un même événement (Gn 12.10-20 cf. 20.1-18 cf. 26.1-11; 2 S 7.11-16 cf. 2 Ch 17.10-14) ou la répétition d'un même texte (Jr 52.12-27 cf. 2 R 25.8-21 [texte]; Jr 39.8-10 cf. 2 Ch 36.17-21 [versions]).

[3] Des coupures dans le texte (Gn 2.4a cf. 2.4b; 4.25-6 cf. 5.1ss).

Fig. 30 Les barbes assyriens (en haut)
et egyptiens (en bas) suivaient des modes differentes.

[4] La répétition de formules et de termes (Gn 2.4a cf.: 5.1; 6.9; 11.10,27; 25.12,19; 36.1; 37.2; cf. Nb 3.1; l'exemple Jg 2.11 cf. 3.7,12; 4.1; 6.1; 13.1 servira de meilleur exemple pour l'analyse de la rédaction que pour l'analyse des sources).

Ou des usages verbaux particuliers (יהוה, SEIGNEUR, cf. אֱלֹהִים, Dieu, dans la Genèse; Sinaï ou Horeb pour la montagne de la révélation).

[5] D'abrupts changements stylistiques (le verset 29 de Gn 5 saute aux yeux dans ce chapitre sec et plein de formules, n.b. la référence à la malédiction de la terre se réfère à 3.17).

[6] Les digressions (Gn 2.10-14); il faut cependant garder à l'esprit la possibilité d'un style naturellement digressif, cf. l'apôtre Paul.

[7] La répétition thématique (La théologie du sabbat dans Gn 2.2-3; Ex 16.22-30; 20.8-11 cf. Dt 5.12-15; 31.12-17).

[8] Des contradictions thématiques (Jr 6.13-15 cf. 33.17-18); seulement, restons attentifs à la possibilité de deux périodes différentes dans la vie d'un même auteur.

[9] La présence de deux récits combinés (Noé voir 5.21 supra).

Phase II, L'identification des sources/auteurs

Les "signes" découverts pendant la première phase permettent une identification éventuelle de la présence des sources, ou d'une pluralité d'auteurs, au sein de l'unité d'étude. Ils permettent aussi parfois leur identification avec une source, ou un auteur, déjà identifié(e).

Exemple: Gn 5.1s

Phase I

N.b. ici on ne verra pas tous les points repris en "Phase I" supra, mais on trouvera la même numérotation.

[1] זֶה סֵפֶר תּוֹלְדֹת "Voici la liste des descendants..." cf. Gn 2.4; 6.9; 10.1; 11.10,27; 25.12,19; 36.1,9; 37.2; Nb 3.1 on peut voir ces expressions comme des commencements ou comme des résumés/92, c'est en tout cas une indication d'un point de rupture dans le récit.

Fig. 31 La monnaie juive, tel le Shekel asmonéen (en haut) ne portait pas d'image humaine
cf. le Darique perse (en bas).

[4] cf. 1, et ajoute: בְּיוֹם בְּרֹא אֱלֹהִים "Le jour où Dieu créa..." cf. 2.4b et 2.3 l'expression ressemble à J, mais le mot ברא créer est typique de P (+ II Es); בִּדְמוּת אֱלֹהִים "à la ressemblance de Dieu..." זָכָר וּנְקֵבָה בְּרָאָם "il les créa mâle et femelle" cf. 1.26,27 (P); וַיְבָרֶךְ אֹתָם "il les bénit" cf.1.22,28 (P); et cf. la présence et le style des autres généalogies dans P.

[5 6] cf. le style du récit qui précède et le style sec de la généalogie.

[7] "ressemblance ... mâle et femelle" voir [4].

Phase II

De ces signes on peut proposer donc que

(i) le chapitre 5.1s se distingue du chapitre 4 et

(ii) qu'il vient probablement de P.

Prochaine section: 5.2 3 L'analyse des sources et les autres approches


Ce manuel a été rédigé par le Dr Tim Bulkeley à l'intention des étudiants africains de théologie de l'Université protestante du Congo. Il est mis en forme électronique hypertexte par lui en 2003-4.

Toute partie de cet ouvrage peut être copiée par quelque moyen que ce soit, à la seule condition de retenir cette mention intacte sur chaque page.

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