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6.2 Un exemple: le livre d'Amos

Souvent il est plus facile de comprendre une chose quand on en a expérience plutôt que par des descriptions seules. Dans notre cas un exemple peut éclairer là où la description reste encore ténébreuse. Voyons donc l'approche de Childs dans l'exemple de sa présentation du livre du prophète Amos.

Fig. 41 Soldat assyrien

Childs reconnaît au début de son étude (ou au moins de sa présentation) que le texte actuel d'Amos est composé de plusieurs couches/138, mais selon lui la question qui nous incombe consiste à savoir comment comprendre un tel texte composé, plutôt que de raffiner notre conception du processus de sa composition, et encore moins la recherche d'Amos le prophète historique. On ne comprendra pas ce texte, résultat comme il se présente de plusieurs époques, en faisant une reconstruction du message historique d'Amos, par contraste le but doit être de voir l'appropriation et l'utilisation scripturaire de ce message ayant autorité dans la communauté croyante/139. Ainsi en contraste avec les historico-critiques son attention est plus attirée par les parties qui sont vues comme des additions que par le noyau "authentique". Pour Amos ce sont les fragments hymniques et quelques sections des chs. 1-2 et 9; et une autre partie souvent négligée, le titre (1.1); qui l'intéressent. Car ces parties du livre sont les signes de son appropriation par la communauté confessionnelle.

Pour lui le titre (1.1) a deux 'fonctions canoniques' importantes dans le livre. Premièrement on reconnait que son langage et son contenu sont semblables au ch. 7 et vraisemblablement influencés par lui. Par conséquent le titre dans sa forme actuelle intègre ce chapitre dans le reste du livre. Ainsi et par son propre contenu "paroles dont il eut la vision" ce verset montre que les visions et les paroles sont pour ce livre inséparables. Deuxièmement par son insistance que la parole d'Amos est contre Israël (dans le cotexte du chapitre 2 ceci veut dire "le royaume du nord" car là on mentionne Israël et Judâ séparément 2.4,5 et 2.6), il préserve explicitement la référence historique au royaume du nord avec toute sa force./140 Cependant, notons que cette assertion sera nuancée en bas.

C'est l'appropriation d'un texte, fait en plusieurs étapes pendant parfois des siècles, qui a donné à ce texte son utilité permanente à la communauté et donc l'a rendu autoritaire, canonique. Si ils sont les textes aptes à l'appropriation et sujet aux demandes de l'adaptation qu'on a canonisés une approche canonique doit nécessairement s'intéresser aux adaptations subies par le texte d'étude. Car c'est en partie grâce à ces additions que le texte devient canonique. Le texte original à supposer qu'on puisse le reconstruire n'est pas le texte canonique, mais il était quand même un texte en voie de canonicité.

Concernant les oracles contre les nations (chs.1-2), Childs s'intéresse ainsi plus particulièrement à l'addition de l'oracle contre Judâ (car il accepte que ces versets sont à voir comme tardifs) en tant que limitation sur l'interprétation du ch.9. Selon lui, dans le contexte canonique de l'oracle contre Judâ (2.4-5), chapitre 9 versets 11ss ne peut plus être compris comme une référence à l'existence prolongée de Judâ après l'exil/141. L'addition de l'oracle contre Judâ au chapitre 2 sert de limitation sur l'interprétation possible dans chapitre 9. Ainsi une addition dans un endroit forme le sens canonique d'une autre péricope (9.11ss).

Fig. 42 Ici des gens de la Palestine offrent du butin aux égyptiens. Mieux vaut qu'Israël offre la justice au SEIGNEUR.

On peut particulièrement bien observer ce processus de formation canonique du sens du texte dans les additions au chapitre 9. Le majeur problème exégétique de ce chapitre est d'expliquer le changement soudain entre le message de jugement total (du reste du livre) et la promesse qui se trouve ici. Ce changement se situe précisément dans la dernière moitié du verset 8: "Voici les yeux du Seigneur, mon DIEU, sur le royaume coupable: je vais le supprimer de la surface du sol, toutefois je ne supprimerai pas entièrement la maison de Jacob." En reconnaissant la charnière ici (avec le mot אֶפֶס toutefois) Childs donne les raisons pour considérer la deuxième partie comme une addition liée aux vv.11-15. Le résultat de cette addition est de limiter encore l'interprétation. Le cotexte du v.8b (y compris v.8a, et vv.9-10?) parle de la destruction totale, ni le v.8b ni les promesses des vv.11-15 ne peuvent le contredire (car le texte canonique est cohérent), ainsi ils ne concernent donc que l'époque (eschatologique) après cette destruction. Le message historique d'Amos n'est pas rendu caduque par une vision du "reste pieux" qui échappe à la destruction. Ses paroles sont cependant formées et même refaites par l'action de les mettre avec un cotexte qui met en évidence les buts eschatologiques divins/142.

De cet exemple de la présentation du livre d'Amos par Childs, on peut voir combien l'analyse canonique est semblable d'une part à l'analyse de la rédaction, et d'autre part on constate des ressemblances à une approche synchronique/143.

Prochaine section: 6.3 Quelques 'règles' pratiques


Ce manuel a été rédigé par le Dr Tim Bulkeley à l'intention des étudiants africains de théologie de l'Université protestante du Congo. Il est mis en forme électronique hypertexte par lui en 2003-4.

Toute partie de cet ouvrage peut être copiée par quelque moyen que ce soit, à la seule condition de retenir cette mention intacte sur chaque page.

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