BIBLE (Commentaires sur la)

Un commentaire (lat. commentarius, de commentari-- méditer)est un ensemble continu de notes et d'explications sur toutes lesparties d'un ouvrage; on peut aussi l'entendre d'une expositiondéveloppée des vérités qui y sont contenues. Plus un livre estimportant, plus il est ancien, surtout quand il a été composé dans unmilieu étranger et différent de nous par les moeurs comme par lalangue, et plus les commentaires sont nécessaires pour expliquer lestermes employés, ou pour nous ramener au cadre dans lequel l'ouvragea été conçu. On comprend dès lors que la Bible, le livre importantentre tous parmi ceux que l'antiquité nous a légués, et dont les deuxparties ont été écrites loin de nos contrées, dans des langues mortesou transformées, ait inspiré d'innombrables commentaires fournissantdes éclaircissements sur les langues hébraïque, araméenne et grecque,ainsi que sur les lieux, les faits, les usages, les notions du peupledont la Bible nous parle et des nations avec lesquelles ce peupleétait entré en contact. Négliger ce que les commentaires bibliquesnous apprennent, c'est se vouer à une ignorance qui ouvre la voie àla superstition. Le commentaire peut s'appliquer aux questions dephilologie et d'histoire, ou se proposer un but pratiqued'édification. Ses moyens sont l'exégèse (du grec exêgesis, explication), science qui s'occupe de l'étude grammaticale destextes, du sens des termes, de la construction des phrases, de lalinguistique comparée, et la critique (voir ce mot). Avant la venue de J.-C, la Bible hébraïque ayant dû être traduiteen araméen, les Juifs entreprirent des commentaires sur nos livressaints, qui donnèrent naissance aux Targums (voir ce mot). LesPères de l'Église commentèrent aussi le N.T. sous forme d'homélies.Le premier commentaire proprement dit, expliquant chaque livre,verset par verset, fut celui d'Origène (185-253), dans les milieuxchrétiens le grand maître de l'interprétation allégorique desEcritures. (cf. Ga 4:24) Il y fut entraîné par ses étudesphilosophiques, bien qu'il ne se réclame pas de Philon. L'origine decette forme de commentaire est dans la croyance que «sous le senslittéral du récit se cache un autre sens», et que «la narration ditautre chose que ce que les termes signifient» (Mangenot). Telle étaitla conviction de siècle Thomas (Sont. Théol., 1 q. 19, a. 10). Onsaisit aisément combien le souci de trouver partout dans l'Écritureun sens typique, prophétique ou caché pouvait détourner lescommentateurs de l'interprétation littérale, naturelle, historique,et les égarer dans la fantaisie. Cette recherche du sens allégorique,très en honneur déjà chez les rabbins et chez plusieurs Pères del'Église, a nui pendant longtemps à une sainte connaissance de laBible. Siècle après siècle, les savants rabbins et les docteurschrétiens rivalisèrent de science pour résoudre les problèmes decomposition, d'histoire et de doctrines que pose le texte sacré. Chezles Juifs, la Mischna, interprétation de la loi mosaïque, estcommentée à son tour et devient le Talmud (voir ce mot). Plustard, le rabbin Aben-Esra (Mort en 1165), les grands philologues dela Provence et du Languedoc au XIII e siècle, les Kimchi, les Jarchi,Samuel Tibbon, etc., et le rabbin Isaac Abra-banel (Mort en 1509)furent d'illustres commentateurs des Écritures. La critique bibliquequi, chez eux, faisait ses premiers pas, est poursuivie parl'Espagnol Bento Pereira (Comment, sur la Gen., 1589), par JeanMorin, de l'Oratoire, ci-devant protestant (Exercitationesbïblicoe, 1633), par le pasteur et professeur Louis Cappel, deSaumur, vrai fondateur de la critique biblique (Critica sacra, etc., 1650), par Richard Simon, prêtre de l'Oratoire (Hist. Crit.du VT., 1678). Alors vinrent les Commentaires de Jean Le Clerc (Clericus, 1657-1736), dont l'importance aujourd'hui n'est pasassez aperçue. Né à Genève d'une famille de réfugiés françaisoriginaire de Beauvais, Le Clerc se fixe à Amsterdam, où il déploieune grande activité théologique, prodigieuse d'érudition. Il se livreà un examen serré de l'oeuvre de Richard Simon (Sentiments dequelques théologiens de Hollande sur l'histoire critique du VT.composée par M. Richard Simon, Amst. 1685). Simon ayant âprementrépliqué sous le pseudonyme «prieur de Bolleville», Le Clerc écrivitune réponse digne et concluante sous le titre: Défense dessentiments de quelques théologiens de Hollande contre le prieur deBolleville (Amst., 1686); il reproche à Simon son injustice et soningratitude à l'égard des protestants, ses maîtres, dont il empruntela science sans prévenir ses lecteurs. Reprenant ensuite lesquestions traitées, il examine les écrits de l'A.T. avec unehardiesse de vues et une rigueur historique qui l'amènent à dégagerle principe où la critique des commentateurs modernes trouvera sonmeilleur point d'appui: «Faire l'histoire d'un livre, écrit-il, n'est pas simplement direquand et par qui il a été fait, quels copistes l'ont transcrit etquelles fautes ils ont commises en le transcrivant. Il ne suffit pasde nous dire qui l'a traduit et de nous faire remarquer les défautsde sa version, ni même de nous apprendre qui l'a commenté et ce qu'ily a de défectueux dans ses commentaires. Il faut encore nousdécouvrir, si cela se peut, dans quel dessein l'auteur l'a composé,quelle occasion lui a fait prendre la plume, et à quelles opinions ouà quels événements il peut faire allusion dans cet ouvrage, surtoutlorsqu'une s'agit pas d'un livre qui contienne des réflexionsgénérales ou des vérités éternelles, qui sont les mêmes dans tous lessiècles et parmi tous les peuples du monde...mais lorsqu'il s'agitd'histoires et de prophéties qui regardent spécialement un certainpeuple: on voit bien qu'on ne saurait bien entendre un livre de cettenature, sans savoir quelque chose du dessein de l'auteur et del'occasion qui a fait naître l'ouvrage.» (Cf., sur la manièred'interpréter la Bible, son commentaire: Genesis, sive Mosisprophètes, etc., 1693). Voir Critique, Nouveau Testament(interprétation du). Alex. W.