BIBLE (la)

-1. Nom.--2. Parties.--3. Contenu.--4 Divisions.--5. Langues.--6.Texte.--7. Composition.--8. Valeur.1. NOM. Le mot Bible désigna d'abord le recueil des Écrits sacrés de lareligion juive; puis, quand le Nouveau Testament eut été constitué,il fut appliqué à l'ensemble des saintes Écritures, document normatifde la religion chrétienne et plus spécialement des Églises issues dela Réforme. Le mot Bible dérive du grec biblos qui désignel'écorce intérieure du papyrus, avec laquelle on faisait le papier.Les livres écrits sur ce papier s'appelaient biblia. L'Églisechrétienne, qui considérait les documents de l'A.T. et du N.T. commeles livres par excellence, les nomma, au V e siècle biblia, lesBibles =la collection des livres. Jérôme les avait déjà appelés une«bibliothèque divine» ou sacrée. Le terme grec biblia, neutrepluriel transporté en latin, fut peu à peu regardé comme un singulierfém., et «les livres» devinrent «le Livre»: la Bible. C'est ainsiqu'un titre destiné à faire ressortir la diversité des Écrits sacrésperdit sa signification première et parut au contraire avoir étéchoisi pour faire ressortir l'unité des saintes Écritures.Insensiblement la masse des chrétiens oublia, avec la multiplicitédes ouvrages que renferme la Bible, la diversité de leur origine etla grande variété de leurs auteurs. On ne vit plus qu'un livre donttoutes les pages avaient la même inspiration, la même intention, avecun seul auteur: Dieu. Cette transposition, due à une assonanceverbale, est intéressante à noter, parce qu'elle nous explique lacause première de toutes les résistances opposées par l'ensemble del'Église à la science historique qui cherche à remettre chaque livredans son milieu et à l'expliquer par son époque. On retrouve déjàl'expression «la Bible» en français au XIII e siècle chez Joinville.Wiclef s'en servit, et, par Luther, elle devint le mot qui désignadans la Réforme les saintes Écritures. Les anciens Juifs disaient toujours pour la Bible hébraïque «leslivres» (Da 9:2), ou, quand il s'agissait du Pentateuque, leslivres de la loi, ou les livres de Moïse: (Ne 9:3 13:1) puis,les Écritures. Le mot grec biblia n'apparaît qu'avec le prologuedu Siracide, et sa façon de désigner la troisième partie de l'A.T.par l'expression «le reste des livres» montre que, pour lui, la Loiet les Prophètes étaient aussi des collections de livres. Cependantla tendance de faire ressortir l'unité et la divinité du recueilsacré faisait déjà employer aux Juifs du temps de Jésus l'expression«l'Écriture», lorsqu'il s'agissait de citations de l'A.T.2. PARTIES. La Bible chrétienne est divisée en deux parties, deux ouvragesd'inégale longueur, l'Ancien Testament et le Nouveau Testament. Lemot testament a besoin, lui aussi, d'être expliqué par son origine.Le terme latin testamentum, traduit en français par testament,désigne l'acte authentique dans lequel une personne exprime sesdernières volontés. Mais le mot grec diathèkè, traduit en latinpar testamentum, a le double sens de testament et d'alliance. Ilnous est venu par les LXX, qui traduisent ainsi le mot hébreu berith : alliance, contrat de Dieu avec son peuple. La traductionlatine et l'usage ecclésiastique ont donc détourné l'expressionprimitive de son sens propre. Par abréviation, on s'est mis à direl'Ancien Testament au lieu de «les livres de l'Ancien Testament»; etc'est ainsi qu'on est arrivé à désigner la Bible hébraïque par un motque Lucien Gautier a raison d'appeler «énigmatique», mot qui achèved'enlever à la Bible hébraïque son titre à caractère historique: les livres de l'Ancienne Alliance. Le mot testament, substituant,comme le mot Bible, l'idée d'unité à celle de diversité, y ajoute parsurcroît l'idée d'immutabilité. Avec lui la collection d'écrits,ayant chacun son auteur, son milieu, son caractère historique et sonintention religieuse, devient un texte unique, un tout d'une seulevenue, composé de phrases et de mots sacrés et intangibles,expression d'une dernière volonté: la volonté de Dieu lui-même. A luiseul, le mot a contribué plus qu'on ne le pense à rendre la critiquebiblique impopulaire dans les Églises, et à la faire considérerd'instinct comme une entreprise profane, attentatoire au caractèremême des saintes Écritures: on ne touche pas à un testament.3. CONTENU. L'Ancien Testament, la Bible hébraïque, dont Jésus se servait ainsique ses compatriotes de Palestine, groupait les livres en troisrecueils: la Loi, les Prophètes, les Écrits ou le Reste deslivres 1. Le premier recueil, constitué vers la fin du V esiècle av. J.-C, renferme les cinq livres dits de Moïse: Genèse,Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome. C'était le recueilessentiel, celui de thôrâ ; grec nomos) servit plus tard pour désigner la Bible hébraïque tout entière. Lesécrivains du N.T. donnent la Loi comme référence pour leurs citationstirées de l'A.T., même quand elles ne font pas partie du Pentateuque (mot dérivé du grec et employé pour la première foispar Tertullien pour indiquer les cinq livres de Moïse; il signifielitt. les cinq étuis renfermant les rouleaux de la Loi). La Loi étaitla seule partie de l'Ancien Testament acceptée comme charte divinepar les Samaritains. 2. Le second recueil, les Prophètes (hébreu nebiim), se divise en deux sections: Prophètes antérieurs etProphètes postérieurs. La première section renferme les livres de Josué, Juges, Samuel, Rois. Elle parle du temps où les premiersprophètes façonnèrent le peuple élu. La seconde section renferme lesoeuvres des prophètes, dont les écrits nous ont été conservés: Ésaïe, Jérémie, Ézéchiel, et le recueil des Douze (les petitsprophètes). Il comptait ainsi huit livres. Cette seconde partie de laBible hébraïque a été constituée et ajoutée à la première dans laseconde moitié du III e siècle av. J.-C. 3. Le troisième recueil, les Écrits (hébreu ketoubim), renfermait d'abord trois livres qui composent entreeux une sorte de triade: Psaumes, Proverbes, Job ; puis un recueilappelé Megillôt =les rouleaux, qu'on lisait au moment des fêteset qui renfermait le Cantique, Ruth, les Lamentations,l'Ecclésiaste, Esther. Enfin venaient Daniel, Esdras, les Chroniques. En tout onze livres. Cette troisième partie montrecomment l'âme humaine a réagi en face des commandements et despromesses de Dieu. Elle n'avait pas l'autorité normative de la Loi, ni le caractère de message divin comme les Prophètes. LeSiracide les appelait «les autres livres de nos pères». Ce recueiln'était pas exactement fixé au temps de Jésus. Il ne jouit del'autorité canonique qu'à partir du I er siècle de l'ère chrétienne.On eut beaucoup de peine à y faire entrer Esther, le Cantique etl'Ecclésiaste. Ce qui n'a pas empêché les rabbins postérieurs dediviniser l'ensemble du Canon et d'imaginer au profit de tout l'A.T.la doctrine de l'inspiration verbale qui est d'origine juive et qui,de la synagogue, a passé en certains milieux de l'Église chrétienne.Il est regrettable que la Bible protestante ne soit pas restée fidèleà l'ordre de la Bible hébraïque, la Bible dont se servait Jésus. Lasolution de bien des problèmes d'histoire et de critique en eût étéfacilitée. L'Ancien Testament palestinien ne renfermait pas les livresappelés apocryphes (voir Apocryphes). On les trouve dans la Biblegrecque des LXX (voir Textes et versions de l'A.T.), qui n'était pasà proprement parler un livre fermé, un canon (voir Canon) intangibleet divin. Les Apocryphes (1 et 2 Esdras, Tobit, Judith, Additions àEsther, Sagesse de Salomon, Siracide, Baruch, Lettre de Jérémie,Cantique des trois jeunes Hébreux, Suzanne, Bel et le Dragon, [laPrière de Manassé], 1 et 2 Macchabées, en tout quatorze livres) ontpassé dans les traductions latines, et, par la Vulgate de Jérôme,soit entrés dans le canon de l'Église catholique. Celle-ci lesintercale parmi les livres de l'A.T. comme s'ils en faisaient partieintégralement, et le Concile de Trente (1546) rendit leur usageobligatoire. Les Protestants refusent aux Apocr. l'autoritécanonique. Toutefois la Bible de Luther les maintient à titredocumentaire et les place entre l'A.T. et le N.T. Il est regrettableque la Bible réformée n'en ait pas conservé au moins des extraits. Les livres du N.T. ont été écrits, à une ou deux exceptions près,dans le siècle même de Jésus. Vers la fin du siècle suivant, le N.T.,tel que nous le possédons, était fixé. Son premier recueil fut, selontoute apparence, une juxtaposition des trois év. synoptiques,Matthieu, Marc, Luc, ce que Justin Martyr appelle «les Mémoires desApôtres». L'év. de Jean vint plus tard compléter ce volume. Oncollectionna ensuite les lettres de l'apôtre Paul: Romains, 1 et 2Corinthiens, Galates, Éphésiens, Philippiens, Colossiens, 1 et 2Thessaloniciens, 1 et 2 Timothée, Tite, Philémon; c'est sans doute àce volume que la 2 e ép. de Pierre fait allusion quand elle parle de«toutes les lettres du bien-aimé frère Paul, dont les ignorantstordent le sens, comme ils le font à l'égard des autresécritures» (2Pi 3:16). Enfin, le reste des écrits, Actes,Hébreux, Jacques, 1 et 2 Pierre, 1, 2 et 3 Jean, Jude, vintcompléter, parfois non sans discussions, le canon du N.T., avec,comme pendant à Daniel, l'Apocalypse. On peut donc dire que le N.T.fut formé progressivement de trois recueils comme l'A.T.: lesévangiles, les épîtres de Paul, le reste des livres. On a faitremarquer que la ressemblance va encore plus loin: le premier recueilayant la grande valeur normative puisqu'il renferme la loi du Christ,et le troisième ayant eu plus de peine que les deux autres à établirson autorité à cause des contestations qu'avait soulevées l'admissionde certains livres. Une fois le canon fixé, le Nouveau Testament netarda pas à suivre les destinées de l'Ancien: recueil des révélationsdivines et charte du peuple de Dieu, il fut bientôt considéré en bloccomme la Parole de Dieu.4. DIVISIONS. A l'origine, les livres de la Bible ne renfermaient pas de divisions,sauf dans les cas exceptionnels des Psaumes ou de petits poèmesmarqués par un titre spécial: Cantique de Débora, Paroles d'Agur,etc. La synagogue juive, pour faciliter les lectures du sabbat,divisa la loi en sections appelées paracha. Elle constitua aussidans les livres des prophètes toute une série de fragmentscorrespondant aux sections de la loi, et qu'on appelait: haphtarah Il semble bien que l'apologiste Tatien, au II e siècle, ait lepremier marqué dans le N.T. un certain nombre de divisionsmarginales. Au III e siècle, Ammonien d'Alexandrie divisa le texte ensections dont Eusèbe se servit pour son Harmonie. Ces sectionsétaient beaucoup plus courtes que nos chapitres. On en trouve 355dans Matthieu, 236 dans Marc etc. Au V e siècle, un diacre d'Alexandrie,Euthale, établit des chapitres dans les Actes et les Épîtres. Il y enavait 40 dans les Actes, 19 dans les Romains, etc. Ces chap. étaientdivisés en lignes (grec stichoï) ou stiches (le terme est restédans le français hémistiche), qui servaient pour calculer le paiementdû aux copistes et aussi pour rythmer la voix des lecteurs. Il yavait 2.560 stiches dans Matthieu; on a calculé que le N.T., qui renfermeactuellement 7.959 versets, comptait 19.241 stiches.La division actuelle en chapitres paraît remonter à Lanfranc (Mort en1089), grand érudit et conseiller intime du duc de Normandie,Guillaume le Conquérant. C'est sans doute à lui que l'auraitempruntée Etienne Langton (Mort en 1238), archevêque de Cantor-bérv.On la retrouve au XIII e siècle dans l'index de la Bible du cardinalHugues de Saint-Cher. Pour ce qui est de la division en versets, quin'a jamais été admise dans les rouleaux de la synagogue, elle estsans doute due, pour l'A.T., au labeur des docteurs juifs quifixèrent définitivement le texte hébreu (voir plus loin). Ellen'apparut qu'au XV e siècle, dans la Bible hébraïque du rabbinNathan. Henri Estienne l'introduisit dans le PsalteriumQuintuplex de Lefèvre d'Étaples (Paris 1508 et 1513), en lamarquant par des chiffres. Son fils, Robert Estienne (1503-1559),vulgarisa l'usage de la numérotation pour toute la Bible. D'après ceque raconte le fils de celui-ci, Robert Estienne aurait composé ladistribution en versets du N.T. pendant les arrêts d'un voyage àcheval entre Paris et Lyon. Cette numérotation parut pour la premièrefois dans le N.T. que Robert Estienne publia en 1551, aussitôt aprèsla première impression du catéchisma ds Calvin.5. LANGUES. Les langues de la Bible sont, pour l'A.T., l'hébreu et l'araméen;pour le N.T., le grec. L'A.T., dans son ensemble, fut écrit en hébreuet sans points-voyelles, c-à-d. avec les consonnes seulement, qui sesuivaient de façon continue. On voit déjà par ce seul trait combienles chances d'erreurs furent grandes pour les copistes qui eurent àtranscrire, ou pour les savants qui eurent à fixer le sens du texteoriginal. L'hébreu, dialecte cananéen de la famille sémitique et trèsvoisin de l'araméen, c-à-d. de la langue des Syriens, fut parlé dèsles temps les plus reculés jusqu'à l'exil à Babylone, qui mit fin àla vie d'Israël comme peuple. Après leur retour sur les ruines deJérusalem (538 av. J.-C), les Israélites, devenus la communautéjuive, cessèrent de parler leur langue originelle pour adopterl'araméen qui avait cours dans toute l'Asie sud-orientale. L'hébreune fut plus conservé que comme langue sacrée, la langue des livressaints. On trouve cependant dans la Bible hébraïque quelques partiesaraméennes: Daniel (Da 2:4-7:28), Esdras (Esd 4:8-6:18 7:12-26),un verset dans Jérémie (Jer 10:11) et deux mots dans Ge31:47. Au temps de Jésus, on parlait en Palestine un dialecte araméen,et certainement ce fut en cette langue que le Messie donna sesenseignements. Les premiers documents qui fixèrent les souvenirs dela vie du Seigneur durent être rédigés en araméen. Quand Papias ditque Matthieu écrivit en hébreu la collection des discours de Jésus (logia), il n'entend sans doute pas autre chose que l'araméen,car il serait fort étonnant que l'apôtre eût publié en languearchaïque des propos qu'il avait entendus de son Maître en languepopulaire. Le souci de l'exactitude lui commandait de rendre lesparoles de Jésus dans les termes où il les avait dites. Mais c'ests'avancer trop que de prétendre que tel ou tel livre du N.T., sous laforme où nous le possédons, a été écrit d'abord en araméen, puis misen grec. L'auteur de l'év. de Matthieu, qui traduisit en grec et encadrade récits les logia de l'apôtre (voir Évangiles synoptiques),fait par ailleurs des citations tirées des LXX, ce qui prouve qu'ilmaniait fort bien le grec. Quelque regret que l'on en puisse avoir,il faut reconnaître que les paroles que nous possédons de Jésus nesont parvenues jusqu'à nous qu'à travers une traduction, latraduction dans une langue d'un tout autre génie que la sienne. Cecidoit nous amener, dans les cas difficiles, à nous attacher à l'espritplutôt qu'à la lettre. On a prétendu, jusqu'à ces derniers temps, quele N.T. avait été écrit dans un dialecte spécial, qu'on appelait legrec hellénistique, différent du grec courant par des particularitésqu'on attribuait surtout à l'influence de l'A.T. et des formes de lapensée sémitique. Les papyrus et les inscriptions que l'on adécouverts en ces dernières années prouvent que le grec du N.T. étaitbien la langue en usage au I er siècle de notre ère dans tout lebassin de la Méditerranée. On appelle aujourd'hui ce grec la languecommune (koïnè). Il a donc fallu refaire toutes les grammaires dugrec du N.T. pour le ramener à cette langue commune, sans toutefoisméconnaître les traces occasionnelles des habitudes littérairesjuives, mais en renonçant à voir dans celles-ci une influenceprépondérante. Les auteurs de tel évangile ou de telle épîtrepensaient sans doute en araméen et pouvaient à l'occasion chercher àrester le plus près possible du texte hébreu de l'A.T.; ils n'enétaient pas moins capables, en général, de fort bien écrire le grecde leur temps. Il est probable aussi que, dans plus d'un cas, telrécit évangélique n'est que la traduction plus ou moins libre d'unesource provenant de Palestine et écrite dans la langue de cepays.--Voir Langue PARLÉE PAR JÉSUS.6. TEXTE. Il est difficile, pour ne pas dire impossible, de se faire une idéede l'histoire du texte de la Bible dans ses origines. Nous ignoronsce qui, dès les premiers temps, a été fait pour sauvegarder dans leurteneur primitive les manuscrits des auteurs; d'autre part, lesprocédés littéraires du milieu où l'A.T. a vu le jour donnent àpenser que les matériaux bibliques furent collationnés, fondusensemble, remaniés par les rabbins avant et après l'exil jusqu'aumoment, dont nous ne pouvons fixer la date, où le texte fut établi ne varietur et considéré comme sacré. Il est aisé de constaterpar la traduction grecque des LXX, commencée sous Ptolémée II (285-247av. J.-C), achevée, semble-t-il, avant l'ère chrétienne, que le textehébreu dont ses auteurs se servirent différait sensiblement en maintsendroits du texte fixé par les Massorètes, savants juifs quisoumirent les manuscrits de la Bible hébreu à une étude minutieuseentre les VI e et IX e siècle ap. J.-C, et qui s'entendirent pouréditer un texte uniforme, le seul que nous possédions aujourd'hui. Iln'est donc plus à notre portée d'atteindre au texte hébreu primitif,sur lequel, toutefois, les Hexaples d'Origène (Mort en 254 ap.J.-C)--édition en six colonnes de l'A.T. dont la première reproduitle texte hébreu en caractères carrés--et la Vulgate, traduction latinde Jérôme (Mort 420 ap. J.-C), nous fournissent, comme la traductiondes LXX, de précieux renseignements. Les origines du texte du N.T. ne sont guère plus claires quecelles du texte de l'A.T. Les autographes écrits sur papyrus étaientfragiles, ils disparurent bientôt. Disparurent aussi toutes lescopies faites pendant les trois premiers siècles. Les plus ancienstémoins du N.T. que nous connaissions sont deux traductions, l'unesyriaque et l'autre latine, qui devaient remonter, sous leur formepremière, à la fin du II e siècle de notre ère. A la fin du IV esiècle (382) Jérôme, sur la demande de Damase, évêque de Rome,traduisit la Bible en latin d'après les originaux hébreu et grec;cette traduction éclipsa les versions latines précédentes et reçut lenom de Vulgate =[version] répandue. Malgré ses défectuosités,elle a été adoptée par le Concile de Trente en 1546 comme la Bibleofficielle, interprétation définitive et infaillible du texte desÉcritures. Quant au texte grec lui-même, nous ne l'atteignons quevers l'époque où Jérôme préparait sa traduction latine au IV esiècle, dans deux manuscrits alexandrins rédigés en quelques-unes deleurs parties par le même copiste et qui portent le nom de Vaticanus et de Sinaïticus (voir Texte du N.T.). Ces copieset celles des siècles suivants, qui sont presque toutesfragmentaires, ne paraissent pas avoir été faites avec beaucoup deméthode. Elles ont souvent souffert de la négligence ou del'incompétence, de la fatigue ou même des préoccupations dogmatiquesdes scribes, souffert aussi dans bien des cas de l'ignorance descorrecteurs qui, croyant améliorer le texte ou le clarifier, enréalité l'altéraient. A mesure que l'Église s'étendit et gagna enculture, on s'efforça d'assurer la pureté du texte. Mais lesdifférences sensibles entre les manuscrits rendent la tâche fortardue, en sorte que les ressources de la science moderne elle-mêmen'excluent ni les occasions de doute, ni les chances d'erreurs. C'estpourquoi, malgré l'abondance des anciens documents, on ne peutreconstituer le texte primitif qu'approximativement.7. COMPOSITION. Nous avons vu que la Bible était non un livre, mais une bibliothèquede livres, écrits en des temps et par des hommes les plus divers. Lespages qu'elle renferme ont été composées au cours de plus de milleans. Les documents ou les traditions qu'elle met en oeuvre peuventremonter bien plus haut encore. Pour comprendre ses origines etentrer dans l'esprit de sa composition, il faut se souvenir qu'autemps où la masse des Orientaux ne pouvaient pas lire, les conteurset les chantres, s'inspirant de récits ignorés de la foule, s'enallaient aux jours et aux lieux de fête ou de grand marché etracontaient aux peuples leur histoire. Ils le faisaient en un stylerythmé qui n'était souvent ni poésie ni prose; et, sous l'inspirationd'un génie à la fois naïf et pathétique, l'épisode touchant devenaitune idylle, le geste héroïque une épopée. Puis vinrent les lettrés,prophètes, prêtres, scribes, annalistes nationaux qui transcrivirentces oeuvres populaires, les retravaillèrent et en fondirent lesdiverses sources en une seule narration. Mais ils ne parvinrentjamais à dépersonnaliser tout à fait l'oeuvre des rhapsodes ni àsupprimer leurs phrases cadencées. La Genèse, les livres des Juges,de Samuel, des Rois même, dans beaucoup de leurs parties narratives,sont en style rythmé, et l'on y rencontre des tableaux, desbiographies, qui se détachent de l'ensemble comme un tout et qui sontd'un art achevé. Les oeuvres historiques qui sortirent les premièresde cette élaboration littéraire furent les deux grands documents del'histoire sainte: le Jéhoviste et l'Élohiste, fondus en un seulrécit au cours du VII e siècle par un rédacteur qui appartenait aumilieu des prophètes. A cause de ce caractère, on a appelé cesannales primitives, dont on retrouve des fragments jusque dans leslivres des Rois: l'Écrit prophétique (JE). Après la ruine du royaumed'Israël, en 722, les prophètes se remirent à l'oeuvre dans leroyaume de Juda et rédigèrent les écrits du cycle deutéronomique (D)pour essayer d'épargner à Jérusalem le sort de Samarie que sadésobéissance avait perdue. A ce travail de rédaction appartiennentle Deutéronome et la composition définitive des livres de Josué,Juges, Samuel, Rois. Plus tard, après la chute de Sion, pendant etaprès l'exil, l'histoire d'Israël reçut un troisième apport: lalittérature composée par les prêtres (P). L'auteur principal, qui miten oeuvre les archives du Temple et composa le code sacerdotal,fondit les documents qui venaient de l'école des prophètes avec ceuxqu'il tenait des traditions du sanctuaire et donna vers le milieu duV e siècle au livre de la Loi, le Pentateuque, sa forme définitive.Ce livre, composé sans doute sur les bords de l'Euphrate pendantl'exil, fut apporté par Esdras à Jérusalem et adopté par lacommunauté juive comme la charte définitive de sa religion. L'écoledes prêtres ne s'en tint pas là et rédigea plus tard, au cours du IIIe siècle, le livre des Chroniques, ouvrage conçu dans un tout autreesprit que le livre des Rois, et une histoire de la restaurationopérée par Esdras et Néhémie. On voit par ces brèves indications àtravers combien de remaniements et par quelle quantité et quellevariété d'auteurs nous sont parvenues les pages qui racontent dansnotre Bible l'histoire du peuple élu. Les découvertes modernes relatives aux archives de l'ancien mondesémitique, notamment celle du code d'Hammourapi, contemporaind'Abraham, nous interdisent d'exclure la possibilité que les Hébreuxétablis en Egypte aient eu entre les mains des documents écrits,fixant au moins quelques points du passé de leur race et de lalégislation patriarcale. Aucune raison scientifique ne s'oppose nonplus à ce qu'un certain nombre de lois fixant l'alliance de Jéhovahavec son peuple, et certaines données concernant l'hygiène des tribusou les péripéties de leur marche au désert, remontent à Moïselui-même. Les critiques s'accordent généralement à reconnaître dansle cantique de Débora un morceau poétique contemporain des faitsqu'il exalte. Israël avait donc au temps des Juges, c-à-d. bien avantl'an 1000 av. J.-C, la pleine maîtrise de sa langue et de son génielittéraire. Parmi les livres prophétiques rédigés tantôt par le prophètelui-même, tantôt par ses disciples, le plus ancien est celui d'Amosqui est probablement le plus vieux livre de la Bible et qui date dumilieu du VIII e siècle; puis vinrent Osée, Ésaïe, Michée...Le VIII esiècle fut le siècle d'or des lettres hébraïques. Au VII e siècleappartiennent Jérémie, Nahum, Habacuc, Sophonie; au VI e siècleÉzéchiel en Babylonie, Abdias, le deuxième Ésaïe, resté probablementsur les ruines de Sion, Aggée, Zacharie (1-8). Malachie date du V esiècle Quant à Daniel, qui est avant tout une Apocalypse et que laBible hébraïque ne compte pas parmi les prophètes, il a vu le jourvers le milieu du II e siècle av. J.-C. Des articles spéciauxmarqueront la place des ketoubim dans la Bible. Disons seulementque les livres des Psaumes et des Proverbes, tout en étant de daterelativement récente, renferment des matériaux de toutes les époques,dont les plus anciens peuvent fort bien remonter à David et à Salomon. La composition du N.T. n'offre pas les mêmes difficultés quecelle de l'A.T. Comme le dit Harnack: «Entre les années 30 et 70, etsur le sol de Palestine, tout ce qui s'épanouit dans la suiteexistait et était fixé.» L'extraordinaire commotion causée par leministère, par la mort et la résurrection de Jésus avait certainementprovoqué dans son entourage et parmi ses disciples toute unefloraison de petits écrits et de lettres, où ceux qui l'avaient aiméavaient ordonné leurs souvenirs et par lesquels ses premiers adeptess'efforcèrent de gagner les autres à leur croyance. Nous en avons lapreuve par le prologue de Luc et par les épîtres de Paul. Le plusancien ouvrage du N.T. est, selon toutes probabilités, la premièreépître aux Thessaloniciens, écrite une vingtaine d'années après lamort de Jésus. Puis vinrent la deuxième ép. aux Thessaloniciens, lalettre aux Galates, celles aux Corinthiens, celle aux Romains quidoit dater du printemps 56. La lettre de Jacques est aussi parmi lesplus anciennes. Quand parurent les évangiles de Marc, disciple dePaul et de Pierre, de Luc, le seul parmi les auteurs du N.T. qui nesoit pas juif de naissance, et de Matthieu, dont le premier noyau estun recueil de discours de Jésus collationnés par l'apôtre Matthieului-même, toute une littérature chrétienne, écrite dans les annéesqui suivirent le ministère du Christ, pouvait fournir à leurs auteursune documentation inestimable. Les derniers ouvrages apostoliquesfurent les écrits de Jean, qui datent de la fin du siècle de Jésus.Seules les deux petites lettres de l'Ancien (probablement Jean lePresbytre, disciple et successeur de Jean à Ephèse) et la deuxième dePierre, sous sa forme actuelle, doivent avoir vu le jour au cours duII e siècle Comme on le voit, la presque totalité des ouvrages quinous documentent sur l'oeuvre et l'enseignement de Jésus date dutemps où ceux de ses contemporains dont la vie avait duré normalementexistaient encore et étaient en état de contrôler ce qui était dit delui. La composition du N.T. nous permet donc d'affirmer qu'il n'estaucun fondateur de religion, parmi ceux qui n'ont rien écriteux-mêmes, dont l'histoire ait été entourée de garanties aussi sûres.8. VALEUR. Un coup d'oeil sur la composition de la Bible a suffi pour nousprouver que la Bible est un livre unique en son genre, unique parl'étendue des siècles qui ont vu naître sa littérature, unique par ladiversité de ses auteurs, pâtres sans culture et historiens versésdans la science des généalogies, prêtres et prophètes, législateurset moralistes, rois et philosophes, réformateurs et docteurs; tousles ordres de préoccupations, toutes les intuitions du génie, toutesles formes de l'inspiration jusqu'aux discours du divin Fils del'homme sont représentés dans ses pages; unique enfin en ce sens quetout le monde de pensées qui s'y agite et y palpite tourne autourd'un seul objet: le dessein de Dieu, et se déroule constamment surl'écran de l'histoire. D'abord c'est la vie aventureuse du nomadesémite, puis les moeurs sédentaires de la vie agricole avec lesluttes mesquines entre tribus d'Israël. On assiste à la naissance deJérusalem. A l'arrière-plan apparaît peu à peu la haute civilisationbabylonienne. On suit la terreur qu'inspire l'approche des premiersconquérants. On voit passer et repasser sur le sol de la Palestineles armées formidables de l'Assyrie, de la Caldée, de la Perse, de laMacédoine et de Rome..., frémir et se révolter l'orgueil juif sous laférule des Césars, jusqu'au jour où, pour avoir crucifié son Messie,Jérusalem, livrée aux discordes, est emportée dans la tourmente. Toutce drame vivant dont les scènes se succèdent et s'enchaînent avec unelogique impressionnante et vraie, certifié siècle après siècle parles documents des milieux où il a été vécu, voilà ce qui élève laBible à une hauteur dont n'approche aucun des autres livres religieuxde l'humanité. La Bible n'apporte pas seulement une révélation deDieu, elle expose une expérience humaine; elle donne le précepte etl'exemple. Ceci nous amène à une importante constatation: on ditvolontiers dans nos milieux protestants que les religions juive etchrétienne sont des religions qui ont à l'origine un livre porteur dela révélation de Dieu parmi les hommes. Dans un cas comme dansl'autre, cette manière de voir est erronée; elle est périlleuseaussi. Quand une autorité extérieure est envisagée comme lamanifestation directe, comme l'expression de la révélation divine, lalogique humaine exige que cette autorité se présente sous le signe del'infaillibilité. Or, il est aussi dangereux d'en venir à proclamerl'infaillibilité d'un livre écrit par deshommes, que de décréterl'infaillibilité d'un pontife qui participe lui aussi à l'infirmitéde la créature. Mais Dieu n'a pas donné à son interventionrédemptrice dans l'histoire des fondements aussi fragiles. Pour cequi est de la Bible dans toutes ses parties, elle n'a pas été unecause, mais un résultat. La révélation à laquelle elle rendtémoignage a existé avant elle dans la vie et dans l'histoire. Quand l'A.T. a fixé la biographie des patriarches, ceux-ciavaient vécu, répondu à l'appel divin; ils étaient déjà si loin dansle passé que l'historien qui nous les fait connaître a mélangé, sanss'en douter, à leur biographie personnelle des traditions ethniques.Quand les annalistes hébreux nous racontent la constitution du peupleélu par Moïse, toute la vie de Moïse, son action, les révélationsqu'il a reçues, sont déjà dans le passé, au point que l'un de sesbiographes nous décrit le tabernacle à travers les splendeurs dutemple de Salomon. Le temps des rois nous est narré par un rédacteurqui leur reproche comme un crime la pluralité des sanctuaires, parcequ'il est déjà trop loin d'eux pour se rendre compte qu'avant ladécouverte du Deutéronome sous Josias, l'érection des sanctuairesétait libre au point que de grands réformateurs comme Élie élevaientdes autels loin de Jérusalem. Les livres des Prophètes ne sont que larédaction, par eux-mêmes ou par leurs disciples, de résumés plus oumoins étendus de quelques-uns des discours où s'exprima l'actionardente de leur ministère. En bien des cas, ils ont été recueillissans ordre et dans des conditions qui nous rendent difficile, parfoismême impossible, de nous faire une idée de ce que fut la vie de ceshommes de Dieu. Le livre des Psaumes, recueil des cantiques du peuplejuif, n'est que la réunion de plusieurs collections de chants oùs'était exprimée depuis le temps de David, à travers tous lessiècles, la piété individuelle et collective. Il va sans dire que ceslivres, une fois écrits, ont eu une action souvent très grande sur ledéveloppement religieux d'Israël. Il n'en demeure pas moins quepartout et toujours la révélation de Dieu, la réaction du peuple,l'expérience des croyants, la religion vivante du peuple élu dans sesmilieux fidèles, ont précédé et provoqué le livre que nous lisonsdans l'A.T. Ceci est un fait capital qui nous explique comment il sefait que ce Livre renferme en même temps que la part de Dieu:manifestation divine dans l'histoire, la part de l'homme:interprétation parfois erronée donnée par l'écrivain à l'interventiond'En-haut. Le N.T. a eu la même origine et le même développement que l'A.T.Jésus, à notre connaissance, n'a rien écrit. Il n'a laissé aucun codereligieux à ses disciples. Il a fondé ici-bas le Royaume de Dieu parsa parole révélatrice (voir Révélation) et par son exemple, par lebaptême et par la Cène, puis il a ordonné à ses disciples de luiservir de témoins «jusqu'aux extrémités de la terre». Jésus a vécu,il a exercé son ministère, il a été crucifié et il est ressuscité. Ila lancé ses apôtres à la conquête du monde, et ceux-ci ont entreprisleur tâche, soutenus par l'Esprit que Jésus leur avait promis, alorsqu'il n'existait aucun des livres du N.T. La plus ancienne page duN.T. que nous possédions, la première lettre de Paul, est postérieured'au moins deux ans au Synode de Jérusalem, c-à-d. à l'assemblée quidonne à l'Eglise universelle sa première organisation. Ce n'est doncpas le N.T. mais la révélation du Christ qui a fait l'Église, uneÉglise vivante, agissante, progressive, réalisée sur terre juivecomme sur terre païenne en des types divers, parfois contradictoires,Église qui mettait peu à peu en oeuvre toutes les ressources del'Évangile sous l'impulsion de l'Esprit, mais qui n'était pas pourcela exempte de tâtonnements et d'erreurs. Cette Église apostoliqueprêchait l'Évangile, mais n'avait pas pour loi des documents qui nevinrent qu'après, expressions de la foi et recueils providentiels dela révélation. Ainsi s'explique que les livres du N.T. ne se donnentpas comme la charte constitutive de l'Église, mais apparaissent dansla plupart des cas très clairement comme des ouvrages occasionnels,des oeuvres épistolaires nées de circonstances locales et destinées àrépondre aux besoins particuliers des individus ou des communautés.Quand leurs auteurs tenaient la plume, il n'entrait en rien dans leurintention de légiférer pour toutes les Églises de tous les temps.Lorsqu'on a compris cet ensemble de faits et replacé les écrits duN.T., comme ceux de l'A.T., dans le cadre qui les a vus naître, unetriple conclusion s'impose: 1. que la religion dont la Bible est le document sacré n'est pas néede la Bible qui lui rend témoignage et dont la composition estinséparable du mouvement de vie et du développement progressif del'histoire humaine; 2. que la religion de la Bible, existant avant la Bible et ayantfait ses preuves dans l'histoire avant l'apparition de la Bible, apour origine une puissance divine, une intervention régénératrice deDieu au sein de l'humanité. Cette puissance, cette intervention quicontinuent à s'exercer et à porter leurs fruits individuels etcollectifs d'âge en âge, présentent un ensemble de faits contrôlablesà l'expérience, lesquels constituent la véritable et seuleindubitable preuve que Dieu a parlé par les prophètes d'Israël, parle Christ et par ses apôtres; ce sont ces faits qui donnent à laBible son crédit et lui assurent une valeur permanente, normative,quels que soient par ailleurs les égarements et les fautes del'Église; 3. que la Bible, expression humaine et document historique de lareligion dont elle est le témoin, demande à être étudiée avec toutesles ressources de la foi et de la science, afin que nous ne soyonspas exposés à confondre la Parole de Dieu et la parole de l'homme, lasource jaillissante de l'Esprit avec le canal que lui ont creusé desmains fidèles mais parfois inexpertes. Jésus a dit: «Si quelqu'unveut faire la volonté de mon Père, il connaîtra...» Dans le domainereligieux, l'expérience est donc le fondement de la connaissance.Quand la critique biblique est éclairée par l'expérience de la viespirituelle, non seulement elle n'est pas une enquête sceptique etprofane, mais on doit la considérer comme une oeuvre de foi, comme lamarque du plus haut respect pour la révélation de Dieu renfermée dansla Bible, et comme le seul moyen qui soit à notre portée d'établir ladifférence morale essentielle entre la religion qui a produit laBible et les religions naturelles nées de livres sacrés réputésmiraculeux. L'ancienne théorie de l'inspiration verbale des textes dela Bible, léguée par la théologie des rabbins juifs à la théologiechrétienne, est une méconnaissance des vraies origines de la religionrévélée; elle rabaisse celle-ci au niveau des religions nonchrétiennes qui ont à leur base des livres sacrés, livres que,toutes, elles prétendent infaillibles et de dictée divine.Ce qui fait l'originalité et la divinité de la religion évangélique,c'est que précisément elle ne dépend pas d'un livre, mais d'unepersonne, et que même des erreurs trouvées dans ce livre n'atteignenten rien l'autorité de cette personne, sa sainteté et son actionrégénératrice dans le monde. Ce ne sont pas les textes d'un livre,c'est la vie d'un chrétien qui est la preuve souveraine que Jésus estle Fils de Dieu, Sauveur de l'humanité perdue. Cette vérité, mise enévidence par Luther, nous explique son indépendance à l'égard ducanon biblique et sa courageuse déclaration: «L'Écriture n'est qu'unserviteur de Christ; pour moi, je ne me donne pas au serviteur, maisau maître qui est aussi le maître de la Parole; il m'a acquis lafélicité par sa mort et sa résurrection; c'est lui que je possède etc'est lui que je garde.»A qui s'effraierait de la hardiesse de cette attitude, il fautrappeler que l'homme qui a pris cette attitude est l'homme qui arendu la Bible à l'Église, l'homme qui, brandissant l'autoritésouveraine de la Bible à la face d'une Europe qui retournait aupaganisme, a brisé par cette autorité les décrets des princes, despapes et des conciles, et donné le branle au mouvement d'où toute laRéforme est sortie. Il y a là de quoi faire réfléchir. Luther n'a paseu la superstition de la lettre de la Bible, mais il a trouvé dans larévélation biblique l'esclavage du Christ et la sainte liberté desenfants de Dieu. L'expérience que son génie a fait rayonner parmi sescontemporains s'est perpétuée de siècle en siècle. Elle a fixé lavraie notion de la Bible. Savants ou ignorants, ceux-là seuls qui,dans la communion du Christ, vivent la Parole de Dieu, savent la partque cette Parole a dans la Bible et font à la Bible elle-même laplace qui lui est due. Alex. W.