BAPTÊME

1. L'A.T. ne contient aucune indication laissant supposer que le baptêmeexistait comme rite avant l'époque où Jean-Baptiste le pratiqua auJourdain. Mais le judaïsme ordonnait des ablutions et leur donnaitnon pas seulement une valeur d'ordre hygiénique, mais aussi un sensreligieux (Le 14:8,No 31:21-24); cf. aussi l'épisode de Naamanle Syrien (2Ro 5:8,14). La secte des Esséniens (voir ce mot)observait la purification par l'eau et il y avait une cérémonieanalogue imposée aux prosélytes (voir ce mot) au moment de leurentrée dans le judaïsme. En tout cas les mêmes termes grec (baptizeïn, etc.) sont employés dans le N.T. pour désigner lesablutions juives (Mr 7:4,Lu 11:38,Heb 9:10 6:2) et le baptême deJean ou plus tard le baptême chrétien. Les prophètes ont souventemployé l'image de l'eau quand ils parlaient du changement de vie etdu renouvellement du coeur qu'ils espéraient voir se réaliser chezles Israélites (Esa 1:16,Za 13:1,Eze 36:24-30); ils avaientl'habitude d'appuyer leurs prédications par une démonstrationconcrète et accompagnaient les images et paraboles dont ils seservaient de gestes et d'actes symboliques.Jean-Baptiste (voir ce mot) est bien à cet égard de la lignée desprophètes quand il ajoute à sa prédication le baptême. Mais que sonhabitude de baptiser ait pu faire ajouter à son nom de Jean le surnomde Baptiste, voilà qui semble prouver qu'il y avait cette fois danscet acte symbolique quelque chose de caractéristique et denouveau (Mr 1:4-8,Mt 3:1-12,Lu 3:3-17,Jn 1:19-28). Et cetteimpression ne peut pas être expliquée seulement par le fait queJean-Baptiste groupe autour de lui, en une sorte de confrérie,quelques disciples pour lesquels le baptême devait être un rited'initiation et qui pratiquaient, en outre, certaines formes deprières (Lu 11:1) et le jeûne: (Mt 9:14,Lu 5:33) il n'estpas douteux que pour les évangélistes «le baptême de Jean est un acteprophétique, accompli en vue d'un pardon des péchés qui ne seraréalisé que plus tard après l'achèvement de l'oeuvre rédemptrice duChrist» (Goguel). Le baptême de Jean n'est pas le baptêmechrétien (Ac 19:1-6); il en appelle à la conscienceindividuelle, y provoque la repentance, mais ne procure pas le pardondes péchés, ni une force de vie nouvelle. Il a, essentiellement, unesignification messianique. La prédication, aux accents si fortementmessianiques, qui l'accompagnait, indique nettement ce caractère dubaptême de Jean. En vue du jugement qu'effectuera le Messie, il fautque chacun, même l'Israélite le plus pieux et si fier de sesprivilèges religieux, prenne conscience de ses péchés et s'enrepente. A ce titre Jean-Baptiste est le précurseur de l'Agneau quiôte les péchés du monde (Jn 1:29). D'ailleurs Jean-Baptisteannonce lui-même qu'il y aura un autre baptême (Mr 1:8,Mt 3:11,Lu3:16). La différence est nettement établie entre les deux baptêmesdans Ac 1:5 11:16 13:24 19:1-6. 2. Cependant Jésus lui-même vient se faire baptiser par Jean-Baptiste.Or une difficulté se présente, car les baptisés confessaient leurspéchés (Mr 1:5,Mt 3:6). Jésus, en raison de son absoluesainteté, ne pouvait confesser ses péchés. L'émotion et le geste derefus de Jean-Baptiste (Mt 3:14) s'expliquent bien naturellementet font penser que Jean n'a pas exigé de Jésus la confessionhabituelle. Si Jésus demande à Jean le baptême, ce n'est pas parcequ'il a besoin de se repentir, mais c'est à cause du caractèremessianique du baptême de Jean. C'est une occasion pour Jésus de semanifester comme Messie et pour Dieu de consacrer Jésus comme sonFils bien-aimé (Mt 3:13-17, Marc 1:9-11, Lu 3:21 et suivant). Lebaptême de Jésus est accompagné de l'effusion de l'Esprit sur Jésus.Cependant il est inadmissible que Jésus ait été jusqu'à ce moment-làprivé de l'Esprit de Dieu; mais c'est à ce moment-là qu'est confirméeet proclamée la prise de possession de la personnalité de Jésus parl'Esprit. On comprend alors que le baptême chrétien ait été considérécomme impliquant le don de l'Esprit (Ac 1:5 11:16 19:1,6). Ilest probable que Jésus a voulu accomplir un acte de solidarité avecses frères, mais il y a aussi, de sa part, un acte d'obéissanceenvers Dieu (Mt 3:15). C'est son intronisation mystérieuse dansle ministère qu'il va commencer; c'est une consécration officielle.Signalons que l'Église romaine admet que, par sa sainteté, Jésus asanctifié l'eau dans laquelle il était plongé et l'a ainsi renduepropre à accomplir les merveilleux effets du sacrement. 3. Jésus baptisait-il? Il y a contradiction à ce sujet entre Jn 3:224:1 qui affirment que Jésus baptisait et Jn 4:2 qui dit: «cen'est pas Jésus qui baptisait, mais ses disciples», évidemment avecl'autorisation de leur Maître. Si lui-même a baptisé, ce ne put êtreque tout à fait au début de son ministère et pendant peu de temps:son baptême dut être analogue à celui de Jean-Baptiste. Il n'est pasmentionné qu'il ait baptisé ses disciples. En tout cas aucun texten'attribue à Jésus l'institution du baptême pendant son ministère.Dans ses instructions aux douze apôtres et aux soixante-dix disciplesenvoyés en mission, il n'en est pas question. Plus tard saint Pauldira que J.-C, ne l'a pas fait apôtre pour baptiser, mais pourprêcher l'Évangile (1Co 1:17). C'est seulement après sarésurrection que, selon Mt 28:19, Jésus a donné l'ordre debaptiser. Ni Jean, ni Luc ne rapportent cet ordre et Mr 16:18 faitpartie d'une conclusion ajoutée après.coup au 2 e évangile (voirMarc, évangile), qui était resté inachevé à Mr 16:8. On peutd'ailleurs se demander si la formule de Mt 28:19, «au nom duPère, du Fils et du Saint-Esprit», ne provient pas d'une modificationou d'une adjonction ultérieure, quand on constate que les passagesdu livre des Actes faisant allusion au baptême montrent que le baptêmeétait donné «au nom du Seigneur Jésus-Christ» (Ac 2:38 8:16 10:4819:5) cf aussi 1Co 1:13); nous avons là probablement la formela plus ancienne du baptême chrétien. Il n'est pas possible detrouver dans les évangiles, ni même dans le N.T. tout entier, unedoctrine systématique du baptême. Jésus, qui a réclamé pour Dieu desadorateurs en esprit et en vérité (Jn 4:23 et suivant), quivoulait une religion du coeur et de la conscience, qui a mis l'accentsur la pureté intérieure (Mr 7:1-23), n'a pu attribuer aubaptême qu'il ordonnait une vertu spéciale et magique. C'est pour luiun symbole. Il déclare ses disciples purs non pas à cause du baptême,que peut-être d'ailleurs ils n'ont pas reçu, mais «à cause de laparole» (Jn 15:3), c-à-d. de l'Évangile qu'ils ont reçu etaccepté. Quand il parle de sa mort prochaine, il l'appelle unbaptême, et c'est évidemment là encore une image (Lu 12:50,Mr10:38 Matthieu 20:22,23. 4. Dans l'Église primitive, le baptême chrétien ressemble, pour sa formeextérieure, au baptême de Jean, mais dans son sens profond et dansson essence il est tout autre chose: il est le symbole durenouvellement spirituel qui se produit dans l'âme du baptisé; ilmarque un attachement personnel à J.-C, il suppose la foi chrétienneet l'acceptation de la grâce de Dieu, du pardon. Il devient l'acteofficiel de l'entrée dans l'Église (Ac 2:41). Il est difficile,cependant, de se rendre compte de l'idée qu'apôtres et fidèles sefaisaient de l'efficacité du baptême; Ac 2:38 ne prouve pas quele don du Saint-Esprit était lié d'une façon absolue au baptême: carparfois ce don suit le baptême (Ac 8:16 19:5), d'autres fois, ille précède (Ac 10:48). Donc: autre était le baptême del'Esprit--baptême de feu--lié parfois à l'imposition desmains (Ac 8:17 19:6), autre était le baptême d'eau, cérémonied'introduction dans l'Église chrétienne. Jésus distingue l'un del'autre, tout en les rapprochant l'un de l'autre (Jn 3:5). Dumoins le baptême coïncidait-il avec le pardon des péchés? Ac 2:3822:16 le font penser; mais la question est de savoir si le baptêmeétait la condition du pardon des péchés ou un symbole de ce pardon.Dans le premier cas, le baptême deviendrait un rite magique. Or,Pierre s'exprime formellement contre cette idée: «le baptême quisauve n'est pas celui qui ôte les souillures du corps, maisl'aspiration d'une bonne conscience vers Dieu» (1Pi 3:21,Oltr.). Que le baptême fût dans l'Église primitive un symbole d'unchangement d'état d'âme et de vie, cela ressort surtout des imagesemployées par saint Paul dans ses épîtres. 5. St Paul, qui a la mission non de baptiser, mais de prêcherl'Évangile (1Co 1:17), a néanmoins baptisé Lydie et safamille (Ac 16:15), la famille de Stéphanas (1Co 1:16), legeôlier de Philippes et tous les siens (Ac 16:33), Gaïus etCrispus (1Co 1:14), en somme peu de personnes. Mais il se peutque cette énumération ne soit pas complète. Cependant il considèrecomme ayant été baptisés en Christ tous ceux qui sont devenuschrétiens par la foi en Jésus-Christ (Ga 3:27,Ro 6:3). S'agit-ildu baptême rituel qui marquait l'entrée dans l'Église, ou du baptêmede l'Esprit comme le laisse supposer 1Co 12:13? Peu importe, sile baptême rituel n'est qu'un symbole; il indique une transformationtotale du coeur et de la vie (1Co 6:11,Tit 3:5); c'est le seulbaptême valable (Eph 4:5). C'est la même idée que Paul exprimesous d'autres formes: dépouillement du vieil homme pour revêtir lenouvel homme (Col 3:10), ou pour revêtir Christ. «Quiconque esten Christ est une nouvelle créature» (2Co 5:17). Il compare lebaptême à la circoncision (Col 2:11). Dans un passage devenuclassique, il compare, enfin, le baptême à une mort, unensevelissement, et une résurrection; le fait que, dans l'Églisechrétienne primitive, le baptême était pratiqué par une totaleimmersion du corps dans l'eau facilitait cette comparaison (Ro6:3-11,Col 2:12). Le vieil homme a disparu sous l'eau, c'est unnouvel homme qui en sort; il est mort au péché; il vit d'une vienouvelle en Jésus-Christ. Mais le baptême n'agit pas d'une façonmagique, n'opère pas de lui-même cette révolution morale: car c'estpar la foi que l'on devient fils de Dieu et par la foi que l'on estsauvé (Ga 2:16 3:26,Eph 2:8). Le baptême suppose cette foi; lebaptême est l'affirmation et la traduction de ce qui se passe au fonddu coeur: les deux sont nécessaires (Ro 10:9 et suivant). Paulest bien ici dans la tradition évangélique: Jésus n'a-t-il pas ditque pour entrer dans le Royaume de Dieu il faut naître d'eau etd'esprit? (Jn 3:5) 6. St Paul fait allusion à une coutume étrange de l'Église primitivedans laquelle on doit peut-être discerner l'influence des mystèresgrecs: certains se faisaient baptiser pour les morts (1Co15:29). Parce qu'il en fait un argument en faveur de la résurrectiondes morts, cela ne prouve pas qu'il approuvait cet usage (qui secontinua assez longtemps dans certaines communautés dissidentes). Il ne discute pas si les Corinthiens ont raison, il signale cefait et il en profite pour dire l'inconséquence des chrétiens qui necroient pas à la résurrection et qui cependant sollicitent un baptêmepar procuration en faveur de personnes décédées sans avoir étébaptisées. Il apparaît bien ici que les chrétiens de Corinthe, enpratiquant ce rite, s'écartaient de la notion évangélique etapostolique du baptême telle que nous avons essayé de la dégager destextes. 7. Le baptême, administré par immersion et quelques fois suivi del'imposition des mains, n'était en général conféré qu'à des adultes:il était précédé d'une instruction religieuse; après un plus ou moinslong temps de préparation, le catéchumène recevait le baptême. Mais,tout à fait au début de l'Église chrétienne, les apôtres ont donné lebaptême sans qu'il y ait eu un très long enseignement: après uneréunion ou une conversation, il leur a suffi, de constater le désirde devenir chrétien pour qu'ils aient accordé le baptême: le geôlierde Philippes, l'Éthiopien, Corneille (Ac 16:33 8:36-3810:44-48); ils n'exigent aucune autre garantie. «On conçoit la hauteet merveilleuse idée qu'ils se faisaient de la grâce divine»(Fallot), offerte à tous ceux qui la recherchent. La foi ne constituepas un mérite, elle est un don de Dieu.Aucun texte, dans le N.T., ne prouve d'une façon formelle que lebaptême ait été conféré à des petits enfants. D'ailleurs, ce baptêmene devait pas paraître nécessaire à Paul puisqu'il considérait lesenfants comme purs du seul fait qu'ils avaient des parentschrétiens (1Co 7:14); ils appartenaient à l'Eglise en raison deleur origine et avant même d'avoir été introduits par une cérémoniespéciale. Il se peut cependant--mais c'est seulement une suppositionindémontrable--que les familles baptisées par Paul: celles deLydie (Ac 16:15), de Stéphanas (1Co 1:16), du geôlier dePhilippes (Ac 16:33), comprissent des enfants; s'il y en avait,ces enfants ont été baptisés sur le fondement de la foi de leursparents; s'il n'y en avait pas, le mot famille implique alors lecercle étendu des serviteurs et esclaves--c'était courant dansl'antiquité--et ceux-ci sont baptisés sur ce fondement: la foi deleurs maîtres. Il est probable, en tout cas, que le baptême futconféré aux enfants d'assez bonne heure dans l'Église chrétienne;ceci pour plusieurs raisons: a) Si devenir chrétien nous fait participer à lagrâce de Dieu, établit un lien entre Dieu et nous, et nous met aubénéfice de l'oeuvre rédemptrice du Christ, il est très naturel quedes parents aient voulu que leurs enfants aient part à ces privilègeset à ces richesses spirituelles; parlant du baptême des enfants,Fallot dit: «La femme chrétienne en trouva sans doute la premièreinspiration dans son coeur de mère.» b) Ne se rappelait-on pas l'accueil que Jésus faisaitaux enfants et sa parole: «Laissez venir à moi les petits enfants»? c) Paul compare le baptême à la circoncision dansCol 2:11: et suivant. Le judaïsme avait ce signe extérieur quidistinguait le Juif du païen et était comme le sceau de la raced'Abraham. Le baptême devient quelque chose d'analogue, le signevisible qui distingue le chrétien du Juif ou du païen, le sceau de larace des hommes nouveaux créés par le Christ. En résumé, si le N.T.n'institue pas le baptême des enfants, il ne le défend et ne lecontredit pas. Baptiser un enfant ne signifie pas forcément que l'onfait du baptême un rite magique accomplissant une opérationmiraculeuse dans l'enfant. Le baptême de l'enfant marque lecommencement de cet enfantement dont parle saint Paul: (Ga 4:19)«jusqu'à ce que le Christ soit formé» en lui. «C'est le sacrement del'éducation chrétienne» (Fallot). L'histoire de l'Église montre comment a évolué la notion dubaptême, à quelles discussions elle a donné lieu, quels schismes ellea provoqués au sein de la chrétienté, comment le baptême des enfantsa amené la confirmation du baptême, etc. C'est un des domaines surlesquels s'est livrée la bataille des dogmes. L'histoire du baptêmechrétien est celle de l'éternelle lutte entre le spiritualisme del'Évangile et le réalisme magique des religions formalistes. P. D.