Venus «de l'Est», les hommes s'établissent dans la plaine de Sinéar(basse Babylonie), et décident d'y construire une ville et une tourpour se faire un nom et prévenir leur dispersion. La brique d'argileleur servira de pierre. Leur entreprise attire l'attention de Dieu:redoutant la puissance des hommes qui forment un seul peuple parlantune seule langue, JHVH met la confusion dans leur langage et lesdisperse sur la surface de la terre. La ville, inachevée, reçoit lenom de Babel (Ge 11:1-9). Ce récit, tiré de la source jéhoviste (J), renferme en réalitédeux narrations racontant, l'une la construction d'une ville quidoit témoigner de la puissance des hommes et leur servir derefuge (Ge 11:1,3,4,6-9) l'autre d'une tour qui s'élèverajusqu'au ciel et servira de point de ralliement (Ge 11:2-9) Cesont là très probablement, deux recensions de la même légende.L'aboutissement des deux récits étant identique, c-à-d. l'échec del'entreprise et la dispersion des constructeurs, le rédacteur finalles a combinés, sans parvenir, toutefois, à supprimer toutes lesincohérences. Le point de départ en est un double fait déjà remarqué de ceslointains ancêtres: celui, d'abord, de la diversité des groupeshumains, accusée par la différence de leurs langages et incompatibleavec la conviction du conteur de l'unité de la race humaine, issued'un couple unique. Comment les membres de cette famille en sont-ilsvenus à parler des idiomes si étrangers les uns aux autres? Mais, etc'est le second fait, l'auteur a mesuré aussi la conséquence de cettediversité: la faiblesse douloureuse des hommes en face du monde.Pourquoi n'ont-ils pas réuni leurs forces pour s'assurer ladomination facile et définitive de la terre? Le double récit répond à ces questions: l'Éternel l'a vouluainsi. Mais tandis que le récit de la tour donne une raisonreligieuse qui trahit une conception très primitive de la divinité,celle-ci redoutant (verset 6b) que les hommes devenus trop puissantsne s'approprient ses prérogatives, (cf. Ge 3:22) le récit de la ville constate simplement le fait, mais le met en rapport avec unautre phénomène. Frappé de l'assonance des mots Babel et balai (en hébreu mêler, confondre), il tente d'expliquer lepremier par le second, et donne ainsi l'étymologie populaire du nomde la métropole de l'Euphrate. Il va de soi que le nom de Babel n'estpas d'origine israélite, mais babylonienne, et s'explique par lalangue de la Caldée (Bab-îlou =porte du dieu; pluriel Bab-ilâni =porte des dieux, d'où sans doute le nom grec Babylôn) Cette légende est certainement née en Caldée. D'abord Babel y estconsidérée comme le siège de la première famille humaine, ou comme lepremier établissement durable de cette famille. Autre indice, lamention d'une tour: dans cette plaine sans bornes, les hommes ne sesont jamais lassés d'élever des monticules au sommet desquels ilsplaçaient, aussi près du ciel que possible, le sanctuaire de leursdieux; de même la mention de l'argile (verset 3a), matière ordinairedes briques de construction en Babylonie. Enfin certains savants(Frd. Delitzsch) ont cru retrouver le nom de Sinéar dans unidéogramme suméro-accadien. De Babylone, cette légende a passé en Palestine avant l'arrivéedes Israélites. Ceux-ci la reçurent des Cananéens et l'adoptèrent enl'imprégnant de leur piété. La remarque du verset 3b: «la brique leurservit de pierre et l'asphalte de mortier» est d'un Cananéen qui neconstruit qu'en moellons de calcaire. Ensuite, tandis que la légendebabyl. parlait sans doute des dieux que préoccupe l'entreprise deshommes (voir verset 7: descendons), notre texte ne connaît que leseul JHVH: le lecteur israélite entendait cette 1 re personne dupluriel comme une apostrophe à la cour céleste de JHVH. Ce trait desverset 4 et 6b: les hommes dressent contre la divinité leur orgueilhostile et coupable, paraît aussi bien spécifiquement israélite.Enfin l'étymologie du nom de Babel trahit un mépris pour cette ville,incompréhensible sous la plume d'un Babylonien. Chercher dans cettepage des renseignements historiques et des lumières sur l'origine del'humanité et de la diversité des langues, c'est la dépouiller de sabeauté poétique et restreindre sa valeur religieuse. Il suffitqu'elle nous montre, dans l'âme de ces primitifs, le désir d'uneexplication de ces graves phénomènes, et la piété qui la leur faittrouver en Dieu. E. G.