VOEU

C'était un usage tout à fait général dans l'antiquité que de se lierpar un voeu, par une promesse (voir ce mot) faite solennellement, enpublic ou dans l'intimité du coeur, à quelque divinité pour enobtenir une faveur, ou une délivrance dans une circonstance critique,ou encore pour l'en remercier quand on l'avait obtenue. Ons'engageait à lui offrir en sacrifice quelque chose, ou mêmequelqu'un, ou bien à accomplir tel acte de renoncement à soi-mêmeplus ou moins pénible, douloureux parfois, qu'on estimait devoir luiêtre agréable. D'autres fois on se vouait soi-même tout entier à sonservice. Ainsi conçu, le voeu apparaît comme une très louablemanifestation de la piété du fidèle: il procède du sentiment, plus oumoins conscient d'ailleurs, de sa dépendance à l'égard de ladivinité, de qui il faut attendre tout bien et toute délivrance, etdu sentiment que tout, en définitive, lui doit revenir. Mais il fautreconnaître que la disposition à faire des voeux s'inspirait biensouvent d'une conception très égoïste et terre à terre des rapportsdu fidèle avec son dieu. Et bien des voeux qu'on formulait en Israëlne différaient en rien à cet égard de ceux de beaucoup de païens. La plupart des exemples bibliques sont bien connus.--Jacob serendant en Mésopotamie promet à l'Éternel de le servir fidèlements'il veut bien le garder pendant son voyage et lui assurer lanourriture et le vêtement; il lui bâtira un sanctuaire et luiréservera la dîme de tout ce qu'il aura reçu de lui.--Plus (Ge28:20,22) frappant encore, à cause de son caractère émouvant ettragique, est le voeu de Jephté (voir Serment). Le chef hébreus'engage solennellement à offrir en holocauste à l'Éternel, s'il luiaccorde la victoire, la première personne de sa maison qu'il verravenir à lui à son retour du champ de bataille; or il se trouva que cefut sa propre fille, son unique enfant. --Dans (Jug 11:30,40) 1Sa 1:11, il est question du voeuque fit Anne, la mère de Samuel, avant la naissance de son enfant. --Dans 1Sa 14:24, le roi Saül, avant de livrer bataille,invite le peuple à s'engager par un voeu à ne prendre aucunenourriture jusqu'au soir. --Dans 2Sa 15:7 et suivant, Absalom prend prétexte d'un voeuqu'il a fait à l'Éternel pour obtenir de David l'autorisation de serendre à Hébron, avec l'arrière-pensée d'y organiser sa révoltecontre son père. --Si les différents voeux rappelés jusqu'ici proviennent tousplus ou moins d'un mobile intéressé, puisqu'il s'agit dans chacun deces cas d'obtenir une faveur, une grâce, une délivrance, il convientd'ajouter que tous les voeux n'avaient pas ce caractère: le plusremarquable des voeux désintéressés paraît avoir été celui du


naziréat (voir ce mot). Celui qui faisait ce voeu, sans doutepour protester contre un genre de vie très répandu et imité del'exemple des Cananéens, s'engageait à vivre sans aucune défaillanced'une vie de simplicité et même d'austérité telle qu'avait dû êtrecelle des patriarches, et vraiment conforme à la volonté de Dieu; le nazir s'engageait, pour un temps déterminé, à s'abstenir de vinet de toute autre boisson fermentée, à se laisser pousser les cheveuxet à ne pas s'approcher d'un mort, ce qui était considéré comme unecause de souillure (voir No 6:1,21, cf. Jug 13:3,5,1Sa1:11). A l'expiration du voeu, ses cheveux devaient être coupés parun prêtre et brûlés sur l'autel. C'est un voeu de cette nature que,d'après Ac 18:18 21:23 et suivant, paraît avoir fait saint Paul(à moins que ce ne soit Aquilas: voir Paul [ses voyages], p. 345),sans qu'on en sache la raison déterminante: peut-être unemanifestation de sa gratitude envers Dieu à l'occasion de quelquebénédiction particulière. D'après d'autres interprètes, il n'y auraitlà qu'une marque de déférence à l'égard d'une antique coutume juive. --Si fréquent que semble avoir été l'usage de formuler des voeuxen Israël, à toutes les époques de son histoire, la Loi n'en a jamaisfait une obligation (De 12:6); elle déclare explicitement ques'en abstenir ne constitue pas un péché (De 23:22). Mais unefois le voeu formulé, l'obligation de l'accomplir était absolue(De 23:21,No 30:2 et suivant, Jug 11:35); d'oùl'avertissement solennel des Proverbes (Pr 20:25). Toutefois,d'après la Loi, la validité du voeu de renoncer au mariage, fait parune fille non encore mariée, dépendait de l'assentiment de son père,et celle de certains voeux faits par une femme mariée étaitsubordonnée au consentement de son mari. --La réalisation des voeux était très souvent accompagnée d'unsacrifice, et le fidèle pouvait disposer à cette intention de quoique ce fût qui lui appartînt en propre: bétail même impur, champs,maisons, esclaves, ou même enfants; mais il ne pouvait offrir ce quiétait déjà considéré par la Loi comme appartenant de droit à Dieu:premier-né, dîme, etc (Le 27:26-29). En certains cas, le rachatde l'animal ou de l'objet voué à l'Éternel était admis, à desconditions précises (Le 27:13-15,19-27,31). Dans la suite,l'usage de faire des voeux se ressentit de la décadence de la piétéjuive: le sentiment inspirateur des voeux paraît s'être profondémentaltéré (voir, par ex., Mal 1:14). Le traité du Talmud intitulé Nedarim (=voeux) est tout entier consacré à la casuistique juivesur les voeux. Jésus a condamné sévèrement ceux qui vouaient auTemple, en le déclarant «corban» (=offrande: c'était le terme hébreuservant alors de formule de consécration), de l'argent qui eût dûservir à l'entretien de parents âgés et dénués de ressources (Mr7:11-13,Mt 15:5 et suivants, cf. 1Ti 5:8). Pour les personnesou les objets voués à l'interdit, voir ce mot. M. M.