VIGNE

I Extension géographique. La vigne paraît être originaire d'Asie. Elle a pour berceau supposéles bords de la mer Caspienne, entre l'Ararat, le Taurus et leCaucase; on y trouve encore, ainsi qu'en Arabie Heureuse, la vignesauvage en pleine exubérance. Par l'aspect de la vigne en France, on ne se fait guère d'idéedes dimensions qu'elle peut atteindre en pays chaud. Pline disait parhyperbole que les pampres croissent sans fin. L'escalier qui montaitaux combles du temple de Diane à Éphèse était d'un seul cep de vigneprovenant de Chypre; les colonnes du temple de Junon à Métaponteétaient en bois de vigne; une grande statue de Jupiter à Populoniaétait taillée dans un seul tronc de ce \égétal (Ed. Grimard). La viticulture a partout accompagné la civilisation. LesPhéniciens en dotèrent tous les rivages méditerranéens. Déjà vers lafondation de Rome (753 av. J-C). elle apparaît en Italie; le roiNuma permet aux prêtres les libations de vin dans les sacrifices. LesGaulois convoitent plus tard les vignobles d'Italie; certainsguerriers, comme moyen de propagande pour cette conquête, secontentaient d'envoyer des vases de vin à ceux qu'ils espéraientengager dans leurs troupes (comp, notre expression familière: unpot-de-vin). Quand Jules César envahit la Gaule, il trouva la vigneimportée dans le Midi: les environs de Marseille et de Narbonneétaient couverts de vignobles magnifiques. Au IV e et suivant., lavigne s'étend jusque dans l'Armorique et environne Lutèce. L'empereurDioclétien, la déclarant ennemie du blé, en avait décrétél'extirpation totale; partout arrachée, elle fut bientôt replantéepar les légions de Probus.II Description botanique. La vigne appartient à la fam. des Vitacées (ou Ampélidées), genre vitis (28 espèces), espèce v, vinifera L. Tout le mondeconnaît cet arbrisseau: tige noueuse, tortueuse (cep, ou souche), dont l'écorce grisâtre ou rougeâtre, crevassée, sedétache par filaments; rameaux alternes, noueux et flexueux (sarments) ; larges feuilles alternes, longuement pétiolées,échancrées en coeur à la base, palmées en 5 lobes sinueux et dentés,vert foncé et lisses en dessus, blanchâtres et duveteuses en dessous (pampres) ; opposés à certaines feuilles sont des appendices (vrilles), grappes avortées, devenues organes de préhension,ramifiées et tordues en tous sens, et s'accrochant aux appuisvoisins, tuteurs, échalas, arbres, pans de murs; fleurs petites etverdâtres donc peu apparentes, odorantes, (cf. Ca 2:13 6:117:13) groupées en grappes composées, très denses, opposées auxfeuilles, d'abord dressées puis pendantes; fruits en baies colorées,noirs, violets, blanchâtres ou jaunes, renfermant un petit nombre degraines (pépins) III Vocabulaire biblique. La vigne est désignée dans la Bible par l'hébreu gèfèn (54 fois)et le grec ampélos ; le vignoble cultivé, par l'hébreu kèreni (87 fois) et le grec ampélôn. Nos termes de cep ou soucheparaissent correspondre à l'hébreu zmôrâh (Esa 17:10) et soûr (Jer 2:21); celui de sarment, à sârîghv (Ge40:10,12,Joe 1:7), et celui de grappe, à echkôl (De32:32,Esa 65:8,Mic 7:1), appellation qui est devenue nom propre,Escol (voir ce mot), près d'Hébron (No 11:23 et suivant).Le nom du raisin est énâb (Ge 49:11,Le 25:5,No 13:20 23,Ne13:15,Os 3:1 9:10,Am 9:13); le raisin sauvage, beouchim (Esa5:2,4). La feuille, âlèh, n'est mentionnée que dans Esa34:4,Jer 8:13, à propos de sa chute quand elle est flétrie (voirpourtant Sir 24:17).Le sôréq (Ge 49:11,Esa 5:2,Jer 2:21), qui a donné son nom àla vallée de Sorek (voir ce mot), était un cru supérieur, qui devaitavoir des raisins rouges: son nom dérive d'une racine désignant cettecouleur; on l'appelle aujourd'hui au Maroc serki La «vigne de Sodome», à «raisins vénéneux» (De 32:32), n'estsans doute qu'une expression péjorative; s'il fallait y voir unecertaine plante, ce serait probablement la coloquinte (voirConcombre, 3).La désignation kèrem. (vignoble) implique une certaine idéede noblesse qui apparaît nettement dans le nom du Carmel (voir cemot), traduit parfois comme un nom commun (karmel =vigne deDieu), synonyme de jardin ou verger (Esa 32:15), et qui désignecomme nom propre la chaîne de montagnes célèbre par ses vignobles,entre Asser et Issacar. De kèrem on a tiré kôrém (vigneron).Vendanger se dit bâtsar, d'où bôtser-- vendangeur. Celui quifoule à la cuve est le dôrek-anâbim (écraseur de grappes); laBible nous a conservé le cri rythmant son travail.(hédâd, Esa16:9,Jer 48:33; trad. Reuss, hourrah! )IV Législation. Les articles de lois relatifs aux vignobles témoignent de leurimportance dans la vie israélite. Défenses: de mélanger des plantsdifférents dans le même vignoble (De 22:9), de semer entre lesceps (Le 19:19), d'épuiser prématurément la vigne en y faisantla vendange avant trois ans (Le 19:23).Dispense du service militaire pour les vignerons et pour ceux dont lavigne n'a pas encore produit (De 20:6,Jer 52:16, 1Ma 3:56);l'officier de Nébucadnetsar observe cette règle à l'égard desJérusalémites (2Ro 25:13).Repos de la vigne pendant les années sabbatiques et jubilaires.(Ex 23:11,Le 25:3)Dédommagement dû pour les dégâts occasionnés par les animaux dans lesvignes (Ex 22:5).Obligation de laisser aux pauvres de quoi grappiller après lavendange (De 24:21,Le 19:10).Droit pour le voyageur de manger du raisin en passant (De23:24). Job 24:6,11 dénonce parmi les infamies qu'ont à subirles indigents le fait qu'ils ne peuvent vivre que de grappillage etqu'ils souffrent de la soif tout en foulant au pressoir (comp,l'interdiction de museler le boeuf foulant le grain sur l'aire, De25:4).V Dans la vie palestinienne. Avec le figuier et l'olivier (voir ces mots), la vigne constitue latrilogie des produits palestiniens par excellence, choisie comme typedes arbres à bon fruit dans la fable des arbres à la recherche d'unroi (Jug 9:8).Comme le figuier et l'olivier, la vigne apparaît dès les premièrespages de la Bible: après le déluge, Noé en commence la culture,(Ge 9:20 et suivants) Abraham la trouve en Canaan (Ge14:18). Joseph la trouve en Egypte (Ge 40:9,Ps 78:47), lesHébreux la retrouvent en Canaan, et superbe: la fabuleuse grappe queles explorateurs cueillirent à Escol (=grappe) et qu'ils rapportèrentsuspendue à une perche (No 13:23).Des endroits seront aussi appelés Beth-Kérem [=lieu de vignobles],Abel-Kéramim [=prairie de vignobles] (Jer 6:1,Jug 11:33). Sans atteindre les dimensions exceptionnelles indiquées plushaut, la vigne trouva en Palestine des conditions particulièrementfavorables: (De 8:7 et suivant) soleil chaud, nuits de rosée.Elle poussait couramment en haute treille; d'où l'expression: «soussa vigne et sous son figuier» (1Ro 4:25,Mic 4:4,Za 3:10, 1Ma14:12).Les terres pierreuses ensoleillées des coteaux palestiniens,impropres aux céréales, permettaient aux grappes vermeillesd'acquérir toutes leurs qualités. Dans Esa 16:8-10 et Jer48:32, le vignoble de Juda est poétiquement représenté commetraversant la mer Morte pour se propager dans les vignobles de Pérée.L'Assyrie prétend rivaliser avec Juda comme pays de blé et de vignes.(Esa 36:16 et suivant) Toute la vendange n'était pas destinée à la fabrication du vin(voir ce mot) et des boissons analogues; on consommait aussi leraisin sur pied (De 23:21). Ce texte fait allusion augrappillage, qui était autorisé. (cf. Jer 6:9, Sir 33:16)On mangeait des raisins frais, mais aussi des raisins secs (No6:3); autrefois comme aujourd'hui, ceux-ci étaient préparés engrandes quantités; à cet effet, on plongeait les grappes dans unesolution de potasse avant de les faire sécher; on en faisait desgâteaux (1Sa 25:18 30:12,2Sa 16:1,1Ch 12:40).De tels gâteaux de raisins pressés, ou de raisins secs, furentparfois des offrandes dans certains cultes idolâtres (Os 3:1,cf. Jer 7:18 44:19). Malgré le climat propice, une vigne non entretenue aurait étéenvahie par les chardons (Pr 24:30 s). mais quelques travaux peucompliqués suffisaient à cet entretien; (cf. Le 25:3 et suivant)elle se propageait facilement; semis, marcottage, bouture, greffe,tout réussissait, avec des précautions élémentaires. Il ne semble pasqu'on eût déjà à combattre des maladies de la vigne, alors que l'onconnaissait des maladies des céréales (voir Nielle).Les soins tout particuliers qu'on pouvait apporter aux vignobles sonténumérés dans le cantique d'Ésaïe (Esa 5:1,6) et résumés dans laparabole des vignerons (Mr 12:1 et parallèle). Par précautioncontre les voleurs ou les animaux (Ca 2:15,Ps 80:14), vignes etvergers étaient entourés de haies (Esa 5:2) ou de murs (Pr24:31) et munis de postes de surveillance (Esa 1:8), enbranchages provisoires (voir Cabane, et fig. 50), ou construits enpierres sèches (voir Tour, et fig. 286); des gardiens s'y tenaientquand les fruits étaient mûrs.La tour est un endroit élevé, dit la Mischna, où se tient le vigneronpour surveiller sa vigne (Mt 21:33). David avait un intendantpour les vignes royales, et un autre pour ses provisions de vin.(1Ch 27:27)La fête des Tabernacles, qui marquait la fin de toutes les récoltes,était célébrée en automne, précisément à l'époque de la vendange; lesvignes retentissaient alors de chants et de cris de joie (Jug9:27,Esa 16:10 27:2,Jer 25:30 48:33). Le pressoir était toujoursdans le verger; il était formé d'une cuve en pierre, où l'on jetaitles grappes, qui étaient foulées aux pieds par les vendangeurs;(Esa 63:2,Joe 3:13) au fond, une ouverture grillée laissaitpasser le vin dans un réservoir creusé dans la terre et maçonné outaillé dans le roc.Les nombreux pressoirs taillés en plein roc, qui subsistent encoreaujourd'hui en Palestine, attestent l'importance de la culture de lavigne chez les Israélites. Voir descriptions et dessins dans Genset choses de Pal., pp. 74-76, 94, 95.VI Dans la littérature biblique. Son importance ressort aussi du grand nombre d'occasions où elleapparaît dans les divers livres de la Bible. Les vignes fournissentun cadre: à des épisodes, comme la lutte de Samson contre lelion (Jug 14:5), l'enlèvement des filles de Silo (Jug21:20 et suivant), et surtout comme le mémorable scandale del'affaire Naboth, sous Achab à Jizréel (1Ro 21); à des chants, comme ceux du Cantique des cantiques (Ca 1:6-14 7 138:11 et suivant, etc.); à des paraboles, comme celles desouvriers, des deux fils, des vignerons (Mt 20:1 21:28,33),du figuier stérile (Lu 13:6 et suivants); à de frappantes images, relatives surtout à ses fruits (Mt 7:16,1Co 9:7,Jas3:12 etc.).L'idée des efforts inutiles est souvent exprimée sous cette forme:planter une vigne et n'en pas manger le fruit (De 28:30,39,Am5:11,Sop 1:13 etc.); la formule inverse, positive, se trouve aussi.(De 6:11,Am 9:14,Esa 37:30 65:21 etc.) La vigne est en général, dans le langage biblique, le symbole dela fertilité (Ps 128:3); c'est une des principales ressources ducommun peuple, avec les champs (1Sa 8:14 22:7,Os 14:7,Ne5:3,5,11,Ps 107:37 etc.).Sa destruction est un désastre, le plus souvent interprété comme unchâtiment de Dieu (Os 2:12,Esa 7:23 24:7 32:10,12,Jer 8:13,Ps105:33 etc.), par l'instrument des sauterelles (Joe 1:5-7) oudes armées ennemies (Jer 5:17,Hab 3:16 et suivant, etc.); et leretour de la faveur de l'Éternel se marquera entre autres par lareconstitution de vignes florissantes: (Os 2:15,Joe 2:22,Ag2:19,Za 8:12,Mal 3:11 etc.) ce sera un signe de paix et desécurité (Jer 32:13,Eze 28:26 etc.). Véritable produit national de la Palestine, la vigne fut mêmeplacée comme emblème de la Judée sur certaines pièces de monnaie dutemps des Hérodes (le palmier y paraît aussi: fig. 178, 180). Lesrameaux de la vigne sont employés comme motif ornemental de quelquessynagogues.Le symbolisme scripturaire fait constamment de la vigne le type dupeuple de Dieu. Il se trouve dans le chant de tristesse sur la vignestérile (Esa 5:1,7), auquel ressemble le thème de Ps 80:9-17;voir encore Os 10:1,Esa 3:14,Jer 2:21 12:10, lesallégories de Eze 15:1-6 17:5 19:10-14. Dans le tableau de Ap14:18 et suivant, la «vigne de la terre» (comme la «moisson de laterre», v. 15) représente les ennemis du Christ, destinés àl'effroyable «vendange dans la grande cuve de la colère de Dieu»(voir Cuve). L'enseignement de Jésus approfondit celui des prophètes. Lasombre parabole des méchants vignerons, sinistre raccourci desefforts du Dieu de la révélation dans son peuple à travers lessiècles, montre que la. faute n'est pas imputable à la vigne, maisaux vignerons: allusion aux chefs d'Israël, dans la succession deleurs générations, au fur et à mesure des appels des envoyés de Dieu;de plus, il n'y a pas seulement refus de donner des fruits, maisassociation dans le crime contre le Fils (Mr 12:1,12,Mt21:33-44,Lu 20:9,19).En un contraste saisissant avec cette parabole,--celui de la grâce enface du péché,--le Seigneur dans le 4 e évang, décrit allégoriquementDieu son Père comme le Vigneron, lui-même étant le véritable cep devigne, et ses disciples fidèles étant les sarments, porteurs defruits grâce au cep, de qui leur vient la sève (Jn 15:1,8).VII Le vin. Le «soulagement» par lequel est interprété dans Ge 5:29 le nomde Noé (d'après l'hébreu nouakh =reposer) rappelle lamalédiction du sol par Dieu (Ge 3:17 et suivants) et fait sansdoute allusion à la vigne. Selon le récit de la Genèse, Noé est lepremier homme qui ait cultivé la vigne et éprouvé les effetsenivrants du vin (Ge 9:20 et suivant); ce récit en faitressortir le caractère dégradant, alors que les mythologies païennesattribuent souvent le vin à une révélation divine (Dionysos, Osiris),et que les religions naturelles voient souvent dans l'ivresse uneinspiration (voir Dionysos, Ivresse). 1. BOISSONS FERMENTEES.On connaît mal les anciens procédés de vinification. Le terme courantpour désigner le vin fermenté (141 fois dans l'A.T.) est yaïn: «Noé en but et s'enivra» (Ge 9:21). L'opinion que le yaïn n'était pas forcément fermenté ne se soutient pas; en fait, lesanciens ignoraient le moyens d'empêcher le moût (tîrôch) defermenter.Les amendes pour les dégâts commis dans les vignes se payaient en yaïn (Am 2:8), et si le prophète reproche ici aux Judéens de«boire le vin des amendes dans la maison de leur Dieu», ce n'est pasle fait de boire du vin qu'il condamne, mais l'injustice desexploiteurs qui font la fête--et la fête religieuse!--aux dépens despauvres durement taxés.Le vin des prémices (bikkourim et réchith, Ex 23:1934:26, cf. De 8:8) était du moût (tîrôch); mais à cause duclimat il fermentait vite en yaïn; la preuve, c'est que lesprêtres, qui ne récoltaient rien directement et n'avaient, en fait devin, que le moût des prémices, devaient s'abstenir de yaïn et de chékar (boisson forte;voir plus loin), «afin de pouvoirdistinguer entre ce qui est saint et ce qui ne l'est pas» (Le10:9 et suivant), ce qui fait bien entendre que ces deux genres devin étaient fermentés.De même le vin était interdit à Rome, au flamme (prêtre) de Jupiter.Le vin consommé pendant les années sabbatiques et jubilaires nepouvait qu'être fermenté, puisque ces années-là on ne devait pas plusvendanger que moissonner, la vigne étant alors tenue pour nazir (consacrée), et l'on devait vivre sur les récoltes des annéesprécédentes, Dieu ayant promis qu'elles suffiraient pour trois ans.(Le 25:5,11,21)Enfin, la couleur rouge du yain (Pr 23:31), --d'où lafigure: le «sang des grappes», ou «des raisins» (Ge 49:11,De32:14, cf. Sir 39:26 50:15,1Ma 6:34),-- indiqueformellement qu'il était fermenté, car cette couleur provient de lafermentation du moût avec la grappe.La Bible connaît plusieurs crus célèbres: ceux de Hesbon (Esa 15:416:8, le «vin royal» de Est 1:7), de Sibma (Esa 16:9,Jer48:33), d'Éléalé (Esa 16:9), du Liban (Os 14:7), d'Hébron,(Escol, No 13:23 et suivant) etc. Ésaïe, parlant de larestauration de Jérusalem, la dépeint sous l'image d'un «festin devins vieux, pris sur la lie et clarifiés» (Esa 25:6), pratique àlaquelle Jer 48:11 fait aussi allusion.Dans Sir 9:10, une comparaison porte sur le vin nouveau,qui s'améliore en vieillissant; dans 2Ma 15:39, une autreporte sur le vin mélangé d'eau bien préférable au vin pur ou à l'eaupure.Deux synonymes de yain sont plus rares: sôbè et khèmèrYain est le vin défini en fonction du procédé par lequel onl'obtient (fermentation du moût). Sôbè est le vin défini par sespropriétés enivrantes (de sâbâ, boire abondamment): Pr 23:20et suivant parle des «ivrognes de vin» (sôbeé-yain), Na 1:10compare les ivrognes ninivites imbibés de boisson à des épinesinextricables (sâbeâm-seboûim, sîrim-seboukim) ; ce sôbè devait être plus capiteux que le simple yain: Esa 1:22dénonce comme falsifié un sôbè coupé d'eau, ce qui, sans doute,le faisait ressembler au yatn Le khèmèr (De 32:14,Esa 27:2; araméen, khamar, Da5:1,4,23,Esd 6:9 7:22) désigne aussi un vin fermenté, maisprobablement amer ou aromatisé par un mélange destiné à le rendreplus fort; les anciens donnaient volontiers à leurs boissons un goûtde résine ou de bitume (hébreu khémâr), ce qui se pratique encorepour certains vins grecs ou italiens. En ce cas, les récipients,outres de peau de chèvre ou vases de pierre (Mr 2:22,Jn 2:6),étaient imprégnés de ce goût particulier. La boisson forte par excellence, c'est le chékar (28 foisdans l'A.T.), avec ses synonymes mések (Ps 75:9) et mèzeg (Ca 7:3). La base en est le yain (Pr 9:2,5),auquel on mélange des aromates comme la myrrhe, ou des jus de fruitscomme les dattes ou les grenades.Les vieilles traductions rendaient chékar par «Cervoise»,l'ancien nom de la bière (lat. cervisia, dérivé de Cérès, déesse des moissons) qu'Aristote nommait oinos krithinos =vind'orge (voir ce mot).Il se peut que la réprobation qui, dans la Bible, s'attache au chékar s'explique justement par le fait que c'était une mixture;la Loi prohibait, en général, les mélanges hétéroclites (De22:5,9,11). Une seule fois dans l'A.T., il est question d'unelibation (pour l'holocauste perpétuel) à faire avec du chékar ;(No 28:7) mais les traductions le rendent généralement par «vin»(Vers. Syn., vin pur), comme dans 28:14 où le texte dit bien yain Dans les nombreux textes où le yain et le chékar sontassociés (Le 10:9,No 6:3,De 14:26,Jug 13:4,7,14,1Sa 1:15,Pr 20:131:4,6,Esa 5:11,22 24:9 28:7), le parallélisme porte sur l'actionenivrante de l'un et de l'autre; mais leur double mention lesdistingue expressément l'un de l'autre, et le chékar étaitévidemment à dose d'alcool beaucoup plus forte. Parmi les boissons fermentées, il faut placer aussi le vinaigre (khômets), c'est-à-dire du yain ou du chékar aigri, donton distinguait les deux espèces: le kh. yaïn et le kh.chékar (No 6:3). On le buvait étendu d'eau, on s'en servaitaussi comme condiment;voir (Ru 2:14) plus loin, parag. 5. 2. BOISSONS NON FERMENTEES.Le tîrôch est le moût, ou jus de raisins frais (38 fois dansl'A.T.). Le parallélisme fréquent entre le blé, le tîrôch etl'huile indique assez un produit primaire: c'est la trilogieclassique des produits types de la Terre promise (No 18:12,De7:13 11:14 12:17 14:23,2Ch 31:5 32:28,Ne 5:11 10:39 13:5,Os 2:8,Jer31:12,Joe 1:10 2:19,24,Ag 1:11).Le tîrôch est le jus qui coule du pressoir (verbe yârach =prendre par force, expulser), appelé une fois «pleurs du raisin».(Ex 22:29; Vers. Syn., «prémices du pressoir») C'est ce genre devin doux que les lévites recevaient comme prémices du pressurage; ilétait réputé enivrant. (cf. Ac 2:13)Un produit analogue, mentionné plus rarement, âsîs (Esa49:26,Joe 1:5 3:18,Am 9:13,Ca 8:2), est un jus de fruits. DansEsa 63:3,6, le sang est comparé au jus découlant des grappes;dans No 6:3, il s'agit de raisins frais (anâbim lakhim) ;dans Ne 8:10, mamethâq est traduit par les «boissons douces»(Vers. Syn.). 3. INTEMPERANCE ET ABSTINENCE.Il semble que ce soit surtout le royaume du Nord (donc après 950 av.J.-C.) qui ait été contaminé par le vice de l'intempérance (Am4:1,Os 7:5,Esa 28:1, cf. Tob 4:15,Sir 9:9 31:25). Celapourrait expliquer pourquoi la Loi, avec ses nombreuses prescriptionssur l'usage du vin, ne mentionne guère l'ivrognerie. Le seul textequi prévoie une peine: lapidation et mort (De 21:20 et suivant),porte sur la rébellion d'un fils à l'égard de son père. Toutefoisl'abus est expressément condamné, notamment chez lesprophètes (Am 2:8 6:6,Esa 5:22 24:9 29:9,Hab 2:15,Joe 1:5).Les moralistes montrent dans cet abus un défaut de sagesse (Pr20:1 31:4,Ec 2:3-11, Sir 31:25,31), une source depauvreté (Pr 21:17 23:21) et de débauche (Pr 23:31,33,Sir 19:2); les prophètes en dénoncent la dégradation (Esa 28:7Os 4:11), qui porte l'homme à mépriser son Dieu (Esa 5: etsuivant). Mais, d'autre part, la Bible ne craint pas de parler de lajoie que procure le vin (Jug 9:13,Ps 104:15,Pr 31:6 et suivant,Eccl,9:7 10:19,Za 9:13 10:7, Sir 31:27 40:20). VoirIvresse, Tempérance. L'abstention du vin prescrite aux prêtres dans certainescirconstances (Le 10:8 et suivants, Eze 44:21) visait lemême but que la recommandation apostolique: «Soyez sages et sobres,afin de pouvoir prier» (1Pi 4:7). Les rabbins de l'époqueapostolique estimaient qu'un homme qui a bu plus d'un quart de log devin non mélangé d'eau, soit la valeur de six coquilles d'oeufs, nedoit pas enseigner (Talmud, Eroubin). On cite, comme exempled'abstinence en Israël, les nazirs ou naziréens (voir ce mot).D'après No 6 ils devaient, pendant le temps de leur voeu (voirce mot), s'abstenir non seulement de vin (yain et chékar) oumême de vinaigre, mais aussi bien de tout ce qui provient de lavigne, «depuis les pépins jusqu'à la peau du raisin». Ceux quin'étaient pas naziréens à vie devaient, le temps de leur voeu achevé,apporter au temple les offrandes prescrites et le vin nécessaire auxlibations; ensuite ils pouvaient boire du vin (No 6:15,20).On connaît les cas de Samson, de Samuel. On cite aussi l'abstinencede Daniel, qui avait résolu de ne pas se souiller avec les mets de latable royale (Da 1:8); mais il s'agissait là d'éviter uneidolâtrie, parce que les mets et boissons servis à table avaient étéconsacrés aux idoles. On trouve un cas semblable dans Jug 10:512:1 et suivant (comp., pour les chrétiens, le problème indiquédans 1Co 8). Le cas le plus absolu d'abstinence est celui desRécabites (voir ce mot), dont le principe n'était cependant pas celuide la tempérance, mais celui du nomadisme (Jer 35:1,11). 4. «LE LAIT ET LE MIEL».Le mot debâch, traduit par miel, entre autres dans la célèbreformule: «pays ruisselant de lait et de miel» (Ex 3:17 etc.),désigne quelquefois (comme l'arabe actuel dibs) un produit obtenuen chauffant et en évaporant le moût, donc un «miel de vin»correspondant à notre raisiné. On en exportait de Canaan en Egypte età Tyr (Ge 43:11,Eze 27:17).Il nous paraît certain que dans Ca 5:1, que l'on a parfoistraduit: «Je mange mon rayon de miel (yaar) avec mon miel (debâch) » (Sg.), si le premier terme désigne le miel d'abeilles,le second doit désigner autre chose, c'est-à-dire le raisiné (laVers. Syn. distingue ainsi: sucre et miel); voir Miel.D'après L. Schneller (Connais-tu..., ch. XII), ce sens deraisiné, ou moût cuit, serait celui de l'expression «pays découlantde miel», le miel d'abeilles ayant infiniment moins d'importance enPalestine, à côté du lait assuré par les pâturages, que le produit dela vigne.La bénédiction de Jacob annonce qu'en terre de Juda, la vigne seraaussi commune que les buissons et le vin aussi abondant que l'eau.(Ge 49:11 et suivant) Quand les prophètes prédisent lespunitions de l'Éternel sur son peuple infidèle, ils emploient souventl'image de vendanges déficitaires (Am 5:11,Os 9:4,Esa 16:1024:7,11 32:10 Mic 6:15,Sop 1:13,La 2:12,Joe 1:5 etc.). 5. DANS LE NOUVEAU TESTAMENT.Les termes grecs oïnos et sikéra correspondent à l'hébreu yaïn et chékar Le vin doux (tirôch) est appelé oïnos néos -vin nouveau (unefois, gleukos =doux; Ac 2:13).Le vinaigre (oxos) est nommé à propos du crucifiement (Mr15:36 et parallèle des 4 évangile); c'est la boisson dite en latin posca, en usage chez les soldats romains: mélange de vinaigre etd'eau (on dit aussi oxycrat). Il faut en distinguer le vinmélangé de myrrhe) (Mr 15:23 Matthieu 27:34 dit: de fiel [v. ce mot),qui fait penser au «vin des affligés» (Pr 31:6), sans doute unesorte de stupéfiant (voir aussi Baumes, parag. 5).Comme figure de langage, le vin évoque l'ivresse et l'impureté,(Ap 17:2) et les châtiments de Dieu sont comparés à la «vendangedans la cuve de sa colère» (Ap 14:19 et suivant). Mais pour lapiété chrétienne, le vin est devenu avant tout le symbole du sang duSauveur (cf. Mt 26:28 et suivant) et de la communion avec luidans la sainte Cène (voir ce mot). A l'excitation factice provoquéepar le vin, saint Paul oppose l'enthousiasme produit par l'effusionde l'Esprit (Eph 5:18 et suivant). Voir A. Westphal, Les dieux et l'alcool, 1903. Ch. Serfass, Le Vin dans la Bible, le Vin de la Pâque et de la sainte Cène, Saint-Biaise 1910. Ch.-Ed. M., Jn L., Ch. S.