VÉRITÉ

I Ancien Testament. Les deux termes hébreux èmeth et èmounâh sont traduits enfrançais par «vérité» ou «foi»; il y a en effet un lien étroit entreles deux notions: la vérité fait naître la foi, et la foi n'a de basesolide que dans la vérité. Le sens primitif des deux mots de l'A.T,est celui de «fermeté» (Ex 17:12); ils désignent ce qui estfixe, inébranlable. D'où le sens moral: constance, fidélité, loyauté,probité (De 32:4,Pr 28:20). Ces qualités font naître au coeur decelui qui les rencontre un sentiment de confiance, desécurité (Esa 39:8). L'immutabilité de Dieu, sa fidélité, étant un de ses attributsessentiels, son peuple a pleinement raison d'avoir confiance enLui (Ne 9:33). On peut compter sur Celui qui est fidèle, il estun refuge pour les siens. Cette fidélité de Dieu s'allie à sabonté (Ps 25:10) aussi bien qu'à sa justice (Ps 45:5). LeDieu de vérité est celui auquel on peut se fier (Ps 31:6), quitient loyalement ses promesses (Esa 65:16); il s'oppose ainsiaux faux dieux et aux idoles qui ne sont que mensonge etvanité (Jer 10:10). Sa parole seule est digne de foi: (Esa45:23) connaître par elle sa pensée et sa volonté, c'est saisir lavérité (Ps 25:5 26:3). Pourtant la vérité ne se présente pas dans l'A.T. avec un sensabstrait ou philosophique; c'est la vérité pratique, orientation dela conduite humaine. Dieu veut la voir chez ses serviteurs, chez le juge et leroi (Ex 18:21,Pr 20:28); elle sera en particulier la vertuessentielle du Messie promis (Ps 45:4 et suivant, Esa42:3). Car le Dieu fidèle réclame des siens la fidélité et la foi.C'est cette pensée qu'exprime le célèbre passage Hab 2:4, citédans les ép. aux Romains, aux Galates et aux Hébreux, et qui devaitêtre pour Luther la parole libératrice (voir Foi). Dans l'A.T, la vérité reste donc quelque chose de moral; ce n'estque dans un de ses livres les plus tardifs qu'elle revêt le sens deréalité abstraite (Da 8:12 9:13); peut-être faut-il mentionnerégalement Pr 23:23, où elle équivaut à la sagesse. Ces deux sensdeviennent fréquents dans les livres apocryphes, sous l'influence dela philosophie grecque (Sir 4:25,28, Sag 3:9 5:6 6:2215:1, 1Ma 7:18,Tob 1:3 etc.). La traduction grecque des LXX rend les deux termes de l'hébreutantôt par pistis (confiance, foi), tantôt par alêthéia (vérité).II Nouveau Testament. 1. LIVRES HISTORIQUES.Ce sont les deux termes des LXX qu'emploie le N.T., et avec la mêmevaleur. Mais alêthéia (vérité, réalité s'opposant à l'apparence,à l'erreur et au mensonge) n'apparaît guère que dans les écritspauliniens et johanniques; il ne se trouve que trois fois dans lesSynoptiques (Mr 5:33 12:14 parallèle Mt 22:16) et une foisdans les Actes (Ac 26:25); deux autres fois il appartient à unelocution adverbiale (Lu 22:59,Ac 4:27). Notons aussi le mot araméen Amen, qui donne un caractère desolennité aux affirmations de Jésus: les Synopt, l'ont 29 fois, dansl'expression: «Je vous dis en vérité...»; le 4 e évang, l'a 15 foissous sa forme redoublée: «En vérité, en vérité, je vous le dis...»(voir Amen). 2. ÉCRITS PAULINIENS.Chez saint Paul comme dans l'A.T., le même terme a tantôt le sens defidélité divine (Ro 3:7 15:8), tantôt celui de véracité (1Co5:8,Eph 4:15-25). Mais souvent aussi alêthéia désigne la penséede Dieu révélée aux hommes pour leur salut, tantôt par le moyen del'intelligence et de la conscience (Ro 1:18,25), tantôt par lemoyen de l'Évangile (2Co 4:2,Ga 2:5-14). Ainsi, la véritédevient synonyme d'Évangile (Eph 1:13). Dans les épîtres pastorales, la vérité, la parole de vérités'appliquent à la doctrine chrétienne (1Ti 3:15,2Ti 2:15). Cesens se retrouve dans les autres épîtres du N.T (Heb 10:26 Jas1:18 3:14,1Pi 1:22,2Pi 1:12 2:2). 3. ÉCRITS JOHANNIQUES.C'est dans ces livres que le mot alêthéïa désigne, comme dans legrec classique, la vérité opposée à l'erreur. L'homme naturel estdominé par un esprit d'erreur (Jn 8:44), qui le rend incapablede reconnaître et de saisir la vérité: l'esprit de mensonge fait delui l'esclave du péché; l'homme ne peut ainsi s'approcher de Dieu enqui tout est vérité. Jésus est venu rendre témoignage à lavérité (Jn 18:37), quiconque est pour la vérité écoute sa voixet reconnaît en lui l'envoyé de Dieu (Jn 14:11). Uni à son Pèrede telle façon qu'il peut dire: «Le Père et moi nous sommesun» (Jn 10:30), il est la Parole faite chair, pleine de grâce etde vérité (Jn 1:14), c'est par lui que la grâce et la véritéviennent à l'homme (Jn 11:7); voilà pourquoi il peut dire: «Jesuis la vérité» (Jn 14:6). Il communique aux siens la vérité quiest en lui; avant de les quitter, il promet de leur envoyer l'Espritde vérité qui les conduira dans toute la vérité (Jn 16:7).Révélation et communication de réalités spirituelles, cette vérité aune action directe sur la conduite humaine. Pour la saisir il fautêtre déjà né de Dieu (Jn 1:13), sa possession rend l'hommedéfinitivement libre à l'égard du péché (Jn 8:32), elle lesanctifie (Jn 17:17). Cet enrichissement de l'être moral a pourconséquence une illumination intérieure qui entraîne lacertitude (Jn 3:21). Voilà pourquoi la venue du Christ estl'occasion d'un solennel jugement prononcé sur le monde: écouter saparole, c'est aller des ténèbres à la lumière, du péché à lasainteté, de Terreur criminelle à la possession de la vérité, à lapossession de Dieu Lui-même; le repousser, c'est enfoncer toujoursplus dans le péché et dans les ténèbres. D'où la valeur particulière,dans les écrits johanniques, de l'adjectif alêthinos =vrai,véritable, qui exprime les réalités spirituelles: le vrai pain duciel, le vrai cep, le seul vrai Dieu, le témoin fidèle et véritable,etc (Jn 6:32,55 15:1 17:3,1Jn 5:20,Ap 3:7,14). La profonde originalité de la notion de vérité que présentent lesécrits johanniques, c'est de montrer la vérité comme un objet deconnaissance, puis comme une vie qui pénètre l'individu (1Jn3:19), enfin comme un chemin que suit le fidèle (2Jn 1:1,2,4,3Jn1:3). Théologie, morale, certitudes de la foi, tout le christianismeest enfermé dans cette conception de la vérité que Dieu communiqueaux simples et aux petits enfants par la personne de Jésus (voirConnaissance, Révélation). Voir aussi Mensonge, Hypocrisie. R. R.