VACHE ROUSSE

Parmi toutes les causes de souillure qui empêchaient un Israélite deprendre part au culte de la communauté, la loi lévitique mettait enpremier lieu le contact avec un cadavre humain et tout ce qui ytenait de près: la demeure du mort, les personnes et les chosesprésentes (sauf les vases pourvus d'un couvercle fermement attaché),les ossements rencontrés dans un champ, les sépulcres. Les raisonspour lesquelles la notion d'impureté était spécialement attachée à uncadavre humain ne sont pas indiquées (voir Pur et impur). La premièresans doute doit être cherchée dans la croyance ancienne que les âmesdes morts demeuraient pendant un certain temps auprès du cadavre etcherchaient à nuire aux survivants, mais elle remonte au delà destemps historiques en Israël. Plus tard, il faut penser àl'éloignement naturel qu'on éprouve pour tout ce qui touche à lamort, au processus de décomposition d'un corps autrefois vivant, à lacrainte de la contagion en cas d'épidémie, peu probablement à lapensée que la mort est le châtiment du péché. La souillure produite par le contact d'un cadavre devait êtreéloignée par l'eau de purification (proprement, d'expiation), quel'on obtenait en mêlant à de l'eau vive les cendres d'une vacherousse. La préparation de la cendre est indiquée dans No 19 Onchoisissait une jeune vache rousse, sans tache, sans défaut corporelet n'ayant jamais porté le joug. Cette génisse était amenée hors ducamp, c'est-à-dire dans un lieu éloigné du sanctuaire. Un prêtreautre que le grand-prêtre (qui ne devait jamais avoir de contact avecun mort: Le 21:11 et suivant) présidait à la cérémonie. Ilordonnait d'égorger la vache devant lui, lui prenait du sang avec ledoigt et en faisait sept fois aspersion du côté du sanctuaire. Lavaleur expiatrice du sang devait en quelque sorte se transmettre àtravers l'espace. Un autre personnage brûlait ensuite la vache sousses veux, la brûlait entière, y compris peau, chair, sang etexcréments, et le prêtre jetait sur le brasier du bois de cèdre, del'hysope et du cramoisi. Puis un homme pur recueillait la cendre etla déposait dans un lieu pur hors du camp. Donc trois personnagesétaient actifs: le prêtre, celui qui brûlait la vache, celui quirecueillait les cendres; les trois devenaient impurs par leurparticipation à la cérémonie. Le prêtre et celui qui avait brûlé!avache devaient laver leurs Vêtements et leur corps et restaientimpurs jusqu'au soir; celui qui avait recueilli les cendres ne lavaitque ses vêtements, et restait impur lui aussi jusqu'au soir. Ce rituel soulève bien des questions. Pourquoi une vache rousse? parce que la couleur est analogue à celle du sang,porteur de la vie, et qu'il s'agit de combattre la puissance de lamort? peut-être. Pourquoi une vache, ou génisse, et non pasun taureau? par analogie sans doute avec les sacrifices pour le péchédes individus, pour lesquels sont prévus des animaux femelles (Le4:28 5:6). Pourquoi la cérémonie entière a-t-elle lieu hors dusanctuaire, quoique l'immolation soit en fait un sacrificed'expiation? Pourquoi le sang est-il brûlé avec le reste de lavictime? Pourquoi les trois personnages actifs dans la cérémoniesont-ils impurs jusqu'au soir? A cela nous répondons: que lesanctuaire exclut tout ce qui est en rapport avec la mort, que lesang (voir ce mot) augmente la valeur purificatrice de la cendre,enfin que le contact d'une chose pure a, dans certains cas, les mêmesconséquences que le contact d'une chose impure: il confère à l'hommeun élément de contagion qui doit disparaître avant que l'homme rentredans la vie ordinaire. Ainsi, quand on avait offert un sacrificed'expiation, le vêtement sur lequel il était tombé du sang de lavictime devait être lavé, et les vases dans lesquels la chair avaitété cuite (pour l'usage du prêtre) devaient être brisés ousoigneusement purifiés. De même, plus tard, le contact des livressaints souillait les mains qui les avaient tenus. Le bois de cèdre,l'hysope et le cramoisi jetés sur le bûcher ajoutaient à la cendre dela vache des éléments de durée et de force qui en assuraientl'efficacité. Quand on voulait purifier les hommes et les objets souillés parle contact ou la promiscuité d'un cadavre humain, on prenait de l'eauvive (non pas de l'eau de citerne), on y mêlait un peu des cendres dela vache rousse; puis un homme pur (de race sacerdotale, d'après latradition) aspergeait de cette eau, avec une branche d'hysope, lademeure du mort, les ustensiles et toutes les personnes qui setrouvaient là. L'aspersion devait se faire deux fois, le troisième etle septième jour; à la fin du septième, l'homme impur devait en outrelaver ses vêtements et prendre un bain, et c'est alors seulementqu'il était rétabli en état de pureté. Le traité Para de la Mischna a développé les prescriptions deNo 19, relativement à la vache rousse et à l'eau depurification. Mais les données de ce traité sont sujettes à caution,ainsi que l'indication qu'il n'\ a eu que sept vaches roussesimmolées, une au temps de Moïse, la seconde au temps d'Esdras et lescinq autres depuis Esdras jusqu'à la seconde ruine de Jérusalem. Letraité Para ne dit pas plus que No 19 comment la cendre dela vache rousse était mise à la disposition de tous ceux qui, dans lasuite des temps, furent souillés par le contact d'un cadavre ou d'unsépulcre. Il est inutile de faire à ce sujet des suppositions sansréel appui nulle part. Tout ce qu'on peut dire c'est que l'eaulustrale servait surtout aux prêtres dans l'exercice de leursfonctions au sanctuaire central. L'eau mêlée de cendres se retrouvechez d'autres peuples comme moyen de purification. L. A.