UR ou OUR

Our Kasdim (=Our des Caldéens)est célèbre dans l'histoire despatriarches, comme ayant été le point de départ de la migration deTérach (voir ce mot) ou Tharé (Ge 11:28-31 15:7). Traditionsolide, puisqu'elle reparaît chez Néhémie (Ne 9:7) et qu'elledure encore à l'époque du N.T (Ac 7:2,4). Où chercher Our des Caldéens? Certains savants ont voulu lalocaliser en Haute-Mésopotamie sous prétexte qu'une tradition trèsnette aussi en Israël plaçait la patrie des pères aux environs de «laville de Nacor», vraisemblablement Caran, (voir ce mot). Et l'ons'appuie de même avec insistance sur le texte du De: (De 26:5)«Mon père était un Araméen nomade», pour étayer la même localisationdans cette Syrie du Nord, pays de Aram-Naharaïm. C'est aller pourtant à l'encontre des données bibliques et desdocuments extrêmement abondants fournis par les fouilles deMésopotamie. Si les textes bibliques mentionnés plus haut donnent,comme lieu d'origine du clan de Térach, «Our des Caldéens», c'estqu'ils conservent une tradition onomastique (c-à-d, sur un nompropre) dont il faut tenir compte. A l'époque où ils furent rédigés(que ce soit J ou P), on savait parfaitement comment désignergéographiquement une ville ou une contrée de Mésopotamie. Dès leIX°s.,les textes cunéiformes distinguent nettement, en effet, le paysd' Aramou (Araméens de Haute-Mésopotamie) du pays de Kaldou ou de Kaldi (les Caldéens qui habitent dans la région «de la merdu lever du soleil» =golfe Persique). Dès lors qu'on avait gardé le souvenir d'un Our Kasdim, il lefallait chercher en Basse-Mésopotamie et, sans aucune hésitation, ondoit l'identifier avec la ville sumérienne d'Ur (aujourd'hui el-Moughair), en cours d'exploration. Voir Sumer. On comprend alors plus facilement pourquoi un clan, ayant quittéUr, viendra se fixer à Caran (Ge 11:31), puisqu'on saitmaintenant par les résultats des fouilles que Caran était,littéralement parlant, une véritable «filiale» d'Ur, avec le mêmedieu (Nannar-Sin =dieu lune), la même déesse (Nin-gal), un templeidentique pour cette dernière et dénommé à Ur et à Caran bît-gipân (=maison de campagne). Il est bien difficile de ne pasadmettre que ce culte strictement similaire n'ait pas été établi àCaran par un groupe sorti d'Ur. En tout cas, Caran, centre religieux, était un relais d'étape surla grande voie qui réunissait «la mer Inférieure» (golfe Persique) à«la mer Supérieure» (Méditerranée) et, quand Térach quitta Ur avecAbraham et Lot, il arriva tout naturellement à Caran. Caldéens etAraméens étaient d'ailleurs très proches les uns des autres tant parla race que par le mode de vie. Semi-nomades, ils associèrent leursefforts pour résister aux Assyriens, et parfois les textes assyriensde haute époque les englobent dans le terme d'Ahlamou (=lescompagnons). On ne s'étonnera nullement que de cette parenté ethnique etgéographique il soit resté quelque souvenir aussi dans un textebiblique (Ge 22:20) où Nacor frère d'Abraham a pour fils, entreautres, Kémuel père d'Aram (Araméens) et Késed (évidemmentl'épo-nyme des Caldéens: Kasdim). Originaire d'Ur des Caldéens(=el-Moughair) le clan de Térach quitta la grande villesumérienne, remonta l'Euphrate et le Balih jusques à Caran, où ilhabita. Si Abraham et Lot arrivèrent finalement au pays de Canaan, lereste du clan (Nacor) resta en Haute-Mésopotamie et y fit souche. Lepays d'Aram devenait ainsi, par la force des choses, le berceaufamilial du clan patriarcal. Ur était trop loin, et Laban s'appelleradésormais l'Araméen (Ge 28:5). El-Moughaïr fut visité en 1850 par l'Anglais Loftus, mais lapremière fouille ne commença qu'en 1854, sous la direction de Taylor,consul à Bassora, qui eut la chance de découvrir des cylindres du roibabylonien Nabonide (VI e siècle av. J.-C.) permettantl'identification du site avec la ville sumérienne d'Ur. Les recherches vraiment systématiques ne commencèrent qu'aprèsles sondages de Hall (1919), en 1922, et depuis elles se sontpoursuivies sans interruption et avec le plus grand succès. M. CL.Woolley, qui en a la responsabilité, explore la ville avec uneméthode que les trouvailles sensationnelles des tombeaux royaux(3500-3200 av. J.-C.) ont consacrée définitivement. Mais outre les merveilles sorties de ces tombes, la cité estd'année en année un peu plus dégagée, avec ses palais, ses temples,sa tour à étages (ziggourat), ses remparts, avec toute unecivilisation dont on suit le développement dès avant le Délugejusqu'aux jours d'Alexandre le Grand. L'apogée semble bien avoir étéau temps de la m° dynastie (2300-2180 av. J.-C.) qui succomba sousles coups des Élamites et après laquelle la ville connut les jourstroublés des guerres contre Isin, Larsa et enfin Babylone. Ce serait à cette époque que l'on placerait l'exode de Térach,qui s'enfuit pour échapper aux terribles représailles deSinmouballit, roi de Babylone et prédécesseur de Hammourabi. Enrestituant quasi intacts des quartiers complets de la ville «du tempsd'Abraham», les fouilles d'Ur fournissent une documentation parfaitepour comprendre le cadre de la vie patriarcale. En 1928 et 1930, M.Woolley a signalé, en outre, des couches de sédiments (diluvium) qu'il rapproche sans hésiter du grand cataclysme dont la Genèse nousa conservé l'écho dans les récits du Déluge (Ge 6-8). Des dépôtssemblables ont été retrouvés sur un autre chantier, près de Babylone,à Kish (el-Oheïmir). A. P.