Collaborateur de saint Paul et destinataire de l'épître à Tite (voirPastorales). Comme il n'est pas nommé dans les Actes, certainsexégètes ont voulu l'identifier soit avec Silas, soit avec le Titiusou Titus Justus de Ac 18:7, que certains manuscrits appellentsimplement Justus. Ces identifications sont sans fondement. On ignored'où Tite était originaire; son nom latin ne signifie rien à cet égard.Nous lisons dans l'épître aux Galates (Gal 2:3) qu'il était«grec», c'est-à-dire païen de naissance. Paul, qui l'avaitconverti, (cf. Tit 1:4: «mon véritable enfant dans notre communefoi») se fit accompagner par lui à la conférence de Jérusalem (Ga2:1). La présence de cet incirconcis gagné à l'Évangile avait en celieu et en cette circonstance une grande signification. Elle prit uneimportance capitale aux yeux de Paul par le fait que, comme il le ditdans une phrase fort claire (verset 3) quoique d'une liaisondifficile avec ce qui suit (le v. 4 présente une constructioninachevée), on n'exigea pas même que Tite fût circoncis. Celasuppose qu'il avait été question d'exiger la circoncision deshelléno-chrétiens, et tout d'abord, ou tout au moins, celle de Tite.Mais Paul s'étant montré bien résolu à ne rien céder sur ce point,les «colonnes» de la judéo-chrétienté n'insistèrent pas, décevant parlà l'attente des «faux frères» ennemis de la liberté chrétienne(verset 4 et suivant, cf. Ac 15:1). La conduite de l'apôtre des Gentils en celte affaire a sembléêtre en contradiction avec la décision prise par lui, d'après Ac16:3, de faire circoncire Timothée (voir ce mot). C'estprobablement à ce sentiment qu'est due l'absence, dans le ms. D(première main) et chez quelques autres anciens témoins du texte, dece qui donne sa signification négative à Ga 2:5. On a ainsi:«nous cédâmes...», au lieu de: «nous n'avons pas cédé». Tite auraitbien été circoncis, non il est vrai par contrainte, mais par gain depaix. Ce sens, admis par certains interprètes, est en désaccordflagrant avec le contexte et avec la logique de la situation. Pauldirait avoir fait à ses adversaires, sans y être obligé, cette graveconcession, «afin que la vérité de l'Évangile subsistât» parmi lesÉglises fondées en terre païenne! C'est l'absurdité même. S'il tientà relever, dans un exposé historique dont l'intention polémique estsi marquée, que Tite fut à ses côtés à Jérusalem, c'est parce qu'on yvit triompher le principe de l'indépendance de la foi chrétienne àl'égard de la loi juive, principe qui s'affirmait en la personne dece représentant de la gentilité. Pendant la période dite des deuxième et troisième voyagesmissionnaires de Paul, Tite ne semble pas avoir comme Timothéesecondé régulièrement l'apôtre dans ses travaux. Mais il eutl'occasion de lui rendre, à lui et à la cause de l'Évangile, designalés services. Son nom revient à plusieurs reprises dans 2Co etparaît intimement mêlé à l'histoire de ce qu'on peut appeler la crisecorinthienne. Paul l'envoya d'Éphèse à Corinthe (2Co 12:18),probablement avec la lettre sévère qui se placerait entre nos deuxépîtres aux Corinthiens (2Co 2:3 7:8,12). Le trouble était granddans la communauté, et l'autorité de Paul sérieusement ébranlée. L'influence personnelle de Tite doit avoir beaucoup contribué àramener la majorité des membres de l'Église à de meilleuresdispositions. Il put apporter des nouvelles rassurantes à l'apôtre,qui après avoir espéré le rencontrer à Troas (2Co 2:12 etsuivant) et l'avoir anxieusement attendu en Macédoine, eut la joie dele voir arriver et d'apprendre de sa bouche l'heureux résultat de samission (2Co 7:5,13). Mais l'activité de Tite à Corinthe n'étaitpas terminée. Paul, qui n'allait pas tarder à s'y rendre lui-même,lui fit un devoir de prendre les devants, afin de porter àdestination la lettre qui est pour nous la seconde aux Corinthiens etde s'occuper en Achaie, avec deux frères dont les noms ne nous sontpas connus, de l'achèvement de la collecte pour les chrétiens deJérusalem (2Co 8:6-16 et suivants). L'épître adressée à Tite nous apprend qu'il est en Crète, investides mêmes pouvoirs que Timothée à Éphèse. Mais il n'y est plus pourbien longtemps. Paul va envoyer soit Artémas, soit Tychique, sansdoute pour prendre la place de Tite chez les Crétois; et sitôt quel'un ou l'autre sera arrivé, il devra, lui, Tite, rejoindre Paul, quicompte passer l'hiver à Nicopolis (Tit 3:12). Quoiqu'il y eûtplusieurs villes de ce nom dans le monde antique, on a tout lieud'admettre qu'il s'agit de Nicopolis en Épire. De là, Tite doit avoiraccompagné ou suivi Paul à Rome. Mais il n'y était plus au moment dela composition de 2Ti: l'apôtre, expliquant au destinataire de cetteépître comme quoi il n'a plus personne auprès de lui, sauf Luc,mentionne entre autres départs celui de Tite pour la Dalmatie (2Ti4:10). La Dalmatie, partie méridionale de l'Illyrie, est voisine del'Épire. Il se peut qu'en quittant Rome pour le pays dalmate, Titen'ait tait que regagner un champ de mission où il avait déjàtravaillé. Le N.T. ne nous apprend rien de plus sur la destinée de cethomme, dont nous pouvons dire cependant que le rôle dans lachrétienté apostolique ne fut pas petit. A la façon dont Paul parlede lui, louant son dévouement (2Co 8:16), l'appelant soncompagnon et son collaborateur (2Co 8:23), n'hésitant pas à ledonner pour garant de sa propre conduite (2Co 12:18), on voitquel cas faisait le grand apôtre de ce serviteur du Christ. Et lesuccès de son intervention dans les affaires de Corinthe est bien lapreuve que l'habileté et le savoir-faire s'unissaient en sa personneà l'énergie du caractère et à la fermeté des convictions. Sans douteaussi était-il servi par son origine païenne quand il avait à parlerà des helléno-chrétiens. Moins intime avec Paul que Timothée, maisvraisemblablement plus âgé et surtout mieux doué pour l'action, il apu dans certaines circonstances difficiles prêter à l'apôtre unconcours sinon plus fidèle, du moins plus expert et plus efficace. Une tradition fait de Tite le premier évêque des Églises de Crète(Eusèbe, H.E., III, 4:5). Elle peut provenir simplement del'épître qui lui est adressée, quoique le rôle qu'on l'y voit tenirsoit celui d'un représentant attitré de Paul, et non en réalité celuidu titulaire d'une chaire épiscopale. On montrait son tombeau àGortyne, ville de Crète aujourd'hui ruinée, où il passait pour êtremort à un âge avancé. Sa légende a été racontée dans un écrit qu'onne possède plus, attribué à Zénas, ce juriste dont le nom apparaîtdans l'épître (Tit 3:13) à côté de celui d'Apollos (Lipsius, Die apokr. Apostelgesch., II, 2, pp. 401SS). Em. L.