Disciple et collaborateur de saint Paul et destinataire des deuxépîtres à Timothée (voir Pastorales). Fils d'un païen et d'une Juive,il habitait la ville de Lystres, en Lycaonie. Les Actes des apôtresfont mention de lui pour la première fois à propos du deuxième voyagemissionnaire de Paul et en des termes qui prouvent qu'alors déjà ilétait devenu chrétien, ainsi que sa mère (Ac 16:1 et suivant).Sa conversion, oeuvre du grand apôtre, qui l'appelle son «enfantbien-aimé et fidèle dans le Seigneur» (1Co 4:17), son «véritableenfant dans la foi» (1Ti 1:2), doit donc dater de la premièremission à Lystres et dans les villes voisines (Ac 14), missionmarquée par des incidents bien propres à frapper un jeune esprit (cf.2Ti 3:10) Le nom du père de Timothée, qui apparemment ne vivait plus àcette époque, nous est inconnu. En revanche, nous savons que sa mères'appelait Eunice et sa grand'mère maternelle Loïs (2Ti 1:5).Ces deux noms sont grecs, comme celui de Timothée (formé de timê =honneur, et de Théos =Dieu), mais ne doivent pas donner àpenser que le futur compagnon de saint Paul eût pour mère uneprosélyte plutôt qu'une Juive de race, car beaucoup de Juifs, en payshelléniques, portaient des noms grecs. Dans le texte où Eunice et Loïs sont nommées, Paul, louant la foisérieuse et sincère de son correspondant, lui rappelle que cette foia d'abord été celle de son aïeule et de sa mère. Il semble ainsiqu'elles aient devancé Timothée dans la profession de l'Évangile.Cependant la notice des Actes, sans s'opposer directement à cetteconclusion, la favorise peu. Si la mère de Timothée (Luc ne dit riende la grand'mère) vivait à Lystres avec son fils, on ne voit pasquelle occasion elle aurait eue de se convertir avant que Timothéefût gagné au Christ par la prédication de Paul. A moins de supposerqu'elle eût séjourné auparavant dans une ville où le christianismeavait pénétré plus tôt (c'est le cas en particulier d'Antioche deSyrie). D'après une autre interprétation du même passage, la foichrétienne du jeune homme serait présentée comme continuant la piétéjuive de son ascendance maternelle, cette piété étant fondée, en cequ'elle avait de meilleur, sur les promesses que Jésus devaitaccomplir. (cf. Ro 9:4 et suivant) Une chose ressort en tout casassez clairement de ce que Paul dit plus loin de l'éducationreligieuse de Timothée (2Ti 3:15), c'est qu'Eunice, avant saconversion, était une Israélite attachée à la religion de ses pères.On s'est étonné que, fidèle et pratiquante, elle ait pu épouser unpaïen, et l'on s'est donné la peine de conjecturer que la foi juives'était réveillée chez elle après son mariage. Mais ce genre d'unionn'était pas formellement interdit comme le mariage d'un Juif avec unepaïenne (Esd 10:2), et alors comme aujourd'hui le judaïsmepénétrait souvent dans les familles et les sociétés par le moyen desfemmes. L'histoire d'Esther fournissait un exemple classique. Dès son enfance, Timothée avait été instruit dans la connaissancedes» saintes lettres», c'est-à-dire de l'A.T., que la version des LXXmettait à la portée des lecteurs de langue grecque; mais il n'avaitpas été circoncis. Une fois converti au christianisme, il ne tardapas à montrer pour le service du Christ les heureuses dispositionsdont les chrétiens de Lystres et d'Iconium rendirent témoignage àPaul (Ac 16:2). Celui-ci, à ce moment-là, s'était séparé deBarnabas, qui avait emmené Jean Marc (Ac 16:37 et suivants).Silas ayant déjà remplacé Barnabas, Paul jugea bon de donner unremplaçant à Jean Marc en la personne de Timothée. «Et l'ayant pris»,ajoute l'auteur sacré, «il le circoncit, à cause des Juifs quiétaient dans ces lieux-là, car tous savaient que son père étaitgrec» (Ac 16:3). Dans le fait rapporté en ces termes, lescritiques non encore libérés de l'influence de Baur ne veulent voirqu'une invention tendancieuse. Ils ne peuvent admettre que Paul aitordonné (sinon opéré lui-même) la circoncision de Timothée: cettedécision leur paraît inconciliable avec son attitude à la conférencede Jérusalem, où il ne voulut pas entendre parler de la circoncisionde Tite (Ga 2:3 et suivants). Mais le cas est tout autre.Soumettre Tite, cet authentique helléno-chrétien, au rite d'Israël,comme s'il eût fallu cela pour valider son entrée dans l'Église,c'aurait été créer un précédent ruineux pour l'autonomie duchristianisme. Timothée était Juif par sa mère et d'éducation juive;on savait toutefois, dans les milieux synagogaux de la contrée, qu'iln'avait pas été marqué du sceau de l'alliance patriarcale, son pèrepaïen s'y étant sans doute opposé. Paul vit les inconvénients decette situation mal définie. Il voulut que son nouveau compagnon pûtcomme lui-même frayer librement avec les Juifs toutes les fois quecela serait utile au progrès de l'Évangile. Ici la règle générale,qui veut que chacun reste dans l'état où il était lorsqu'il a reçul'appel du Seigneur (1Co 7:17,24), devait souffrir uneexception, la principale chose étant toujours de pourvoir au salut duplus grand nombre (1Co 9:19, 10:32 et suivant). Avant de quitter Lystres à la suite de Paul, Timothée futconsacré à sa tâche d'auxiliaire apostolique par l'imposition desmains, qu'il reçut de Paul lui-même et des anciens de la communauté.Des prophéties se firent entendre: l'Esprit ratifiait le choix quiavait été fait de ce jeune homme pour seconder l'apôtre dans sontravail (1Ti 1:18 4:14,2Ti 1:6). Dès lors l'histoire de Timothée se lie étroitement à celle dePaul. Avec lui il passe d'Asie en Macédoine. Nous le voyons à Bérée,où il reste quelque temps avec Silas après que Paul a quitté cetteville (Ac 17:14). Mandé par l'apôtre à Athènes, ainsi que soncompagnon, il s'y rend, mais bientôt Paul le renvoie en Macédoinepour porter de sa part un message à l'Église deThessalonique (1Th 3:1 et suivant). Lui et Silas (Silvain)rejoignent ensuite l'apôtre à Corinthe (Ac 18:5,1Th 3:6) et lesecondent dans la prédication de l'Évangile (2Co 1:19). La1re aux Cor. nous apprend que Timothée, ayant suivi son maître àÉphèse, dut retourner en Achaie, chargé par lui d'une mission (2Co 4:1716:10). Lors de l'envoi de 2 Cor., il est en Macédoine aux côtés dePaul (2Co 1:1). Un peu plus tard, il est à Corinthe quand Paul ydicte l'épître aux Romains (Ro 16:21). Il fut du voyage qui menal'apôtre de Corinthe à Jérusalem en passant par la Macédoine etl'Asie (Ac 20:3 et suivants). Les suscriptions des épîtres auxColossiens, à Philémon, aux Philippiens nous le font voir à Romeauprès de son maître. D'après un passage de cette dernière lettre,Paul se proposait, si l'issue de son procès était favorable,d'envoyer son fidèle collaborateur à Philippes avant d'y allerlui-même (Php 2:19 et suivants). A quelques années de là, profitant de sa liberté recouvrée,l'apôtre a repris la route du Levant, vraisemblablement après avoirvisité l'Espagne. Timothée se trouve à Éphèse et préside, commedélégué apostolique, au gouvernement de l'Église de cette grandecité. Il a reçu de Paul, partant pour la Macédoine, l'ordre de resterà son poste, afin de s'opposer à la propagation de certainesdoctrines qui jettent le trouble dans les esprits (1Ti 1:3;voirl'épître en entier). C'est encore à Éphèse, selon toute probabilité,qu'il recevra la nouvelle lettre où son maître, de nouveau prisonnierà Rome, l'appellera instamment auprès de lui (2Ti 4:9,21).L'auteur de l'épître aux Hébreux annonce à ses lecteurs que Timothéevient d'être relâché (Heb 13:23). Il avait donc été emprisonné,mais nous ne savons où, ni quand, ni dans quelles circonstances. Sur le reste de sa carrière et sur sa mort, nous n'avons que desrenseignements de valeur douteuse. Eusèbe (H.E., III, 4:5) faitde lui le premier évêque d'Éphèse, et l'on a supposé qu'à ce titre ildevait avoir été le destinataire de la première des sept lettres del'Apocalypse (Ap 2:1,7). Que l'Église d'Éphèse lui ait confié,après la mort de saint Paul, cette charge sédentaire et permanente,c'est possible assurément. Mais son ministère éphésien, tel qu'ilnous est connu par les Pastorales, ne peut pas être confondu aveccelui d'un évêque, sa qualité de mandataire de Paul lui donnant lasuprématie sur l'épiscopat local (1Ti 3:1). Un écrit tardif, les Actes de Timothée, veut qu'il soit mort martyr sous l'empereurNerva. Comme on célébrait la fête païenne des Catagogies, quis'accompagnait, selon la coutume, de force excès sanglants, il auraitapostrophé la foule en délire, la conjurant de reconnaître le vraiDieu, et aurait été alors assommé à coups de pierres et de bâtons.Les chroniques ecclésiastiques notent qu'en 356 ses ossements furenttransférés d'Éphèse à Constantinople (Lipsius, Die apokr.Apostelgesch., II, 2, pp. 372SS). Ce n'est pas pour rien que, dans six de nos épîtres pauliniennes,le nom de Timothée est honorifiquement associé à celui de l'auteur.Paul n'avait pas de disciple plus cher. Agé de quelque vingt ans, onpeut le supposer, quand l'apôtre l'attacha à sa personne, il devaitêtre assez avancé dans la trentaine lorsque furent écrites leslettres dites Pastorales, dont deux sur trois sont adressées à lui.Cet âge proche de la maturité n'empêchait pas certaines gens deprétexter sa jeunesse (1Ti 4:12) pour battre en brèchel'autorité qu'il tenait de Paul. Il faut dire que, dévoué etconsciencieux, enclin à des austérités dont sa complexion délicates'accommodait mal (1Ti 5:23,4:8), Timothée paraît avoir eu àlutter contre une timidité qui pouvait nuire à son prestige (1Co16:10 et suivant, 2Ti 1:6 et suivant). Peut-être cettedisposition de caractère a-t-elle été pour quelque chose dans le peude succès de sa mission à Corinthe, que suivit de près un graverenforcement de l'opposition contre Paul (2 Cor., pass.). Aussil'apôtre s'efforçait-il de soutenir sa résolution, d'exalter soncourage, en le prenant par le point d'honneur. Il lui écrivait, parexemple: «Combats le bon combat de la foi, saisis la vie éternelle, àlaquelle tu as été appelé et [pour laquelle] tu as fait la bonneconfession en présence de nombreux témoins» (1Ti 6:12). La bonne ou la belle confession: très probablement la formule,déjà arrêtée quant à ses éléments essentiels, par laquelle toutnouveau chrétien proclamait sa foi lors de son baptême. Il était bonque Timothée eût présente à l'esprit cette déclaration solennelle,qui l'avait engagé devant l'Église et devant Dieu. Mais si l'apôtre avait à combattre, chez ce bien-aimé disciple,un penchant naturel à la défiance de soi, il trouvait en luil'attachement le plus filial, il le savait plus capable qu'aucunautre d'entrer dans l'intimité de ses préoccupations, de ses joies etde ses peines. «Je n'ai personne comme lui», écrivait-il auxPhilippiens, «pour partager en toute sincérité mes soucis en ce quivous concerne...Vous connaissez sa valeur éprouvée, vous savez que,comme un enfant avec son père, il s'est voué avec moi au service del'Évangile» (Php 2:20 et suivants). A celui qui fut l'objet d'untel éloge, la vénération de l'Église universelle ne saurait manquer.Em. L.