II Versions. 1. ORIGINE ET IMPORTANCE DES TRADUCTIONS DE L'A.T.Il ne s'agit ici que des versions anciennes, nées à l'époque où leT.M. n'était pas encore définitivement fixé ni même complètementrédigé. Les versions modernes, à partir du Moyen âge, ne sont que destraductions du texte reçu, celui des Massorètes du IX e ou X esiècle, ou celui de Jacob Ben-Khovyim. La canonisation des livres de l'A.T, s'opéra très lentement; ilfallut des siècles pour qu'une autorité indiscutable leur fûtreconnue. Ce phénomène est tout à l'honneur de nos écrits. Devantcette expression si nette et si rude de la volonté de Dieu et devantles admonestations impitoyables de leurs auteurs, le coeur d'Israël alongtemps répugné à s'incliner. Mais c'est aussi tout à l'honneur dela piété postérieure d'avoir finalement reconnu cette autorité etconservé pieusement tant de pages douloureuses et amères pour sonpeuple. Cette abnégation et la cruelle franchise avec laquelle ilsnous ont transmis ces documents sont une des preuves les pluscertaines de la valeur religieuse et morale de ces pages et de leurpuissance de régénération. En même temps qu'on en reconnaissait l'autorité, on sentait lebesoin de les mettre à la portée de tous. On n'imaginait pas encorequ'il fût suffisant de lire ces pages, même dans une langueincompréhensible, pour que l'effet religieux et moral s'en fît sentiraux auditeurs. Le sens du texte avait encore toute son importance. Mais l'époque de la canonisation de nos livres coïncida aveccelle où l'hébreu disparut peu à peu comme langue vivante; beaucoupde fidèles étant incapables de rien comprendre au texte sacré, ilfallut songer à traduire ce texte dans l'idiome qui leur étaitfamilier. Cette nécessité se fit naturellement sentir tout d'aborddans les pays étrangers où l'usage et la connaissance de l'hébreudevaient fatalement disparaître, dès la seconde ou la troisièmegénération, chez les Juifs qui y étaient établis. Nous devrions donc,si nous suivions l'ordre strictement chronologique, commencer par là.Il est toutefois plus naturel de suivre l'ordre linguistique etgéographique et de voir d'abord les oeuvres qui sont plus proches duT.M. par l'idiome employé. Inutile d'insister sur l'importance de ces traductions. Le désirde posséder dans son intégrité le texte primitif de l'A.T, pousse lesavant à en chercher les traces partout et à solliciter de la façonla plus pressante les témoignages qui s'y rapportent. Comme cestraductions remontent à un temps où ce texte n'avait pas encore larigidité dans laquelle il se figea plus tard, il y a toutes chancesqu'elles nous fourniront des données du plus grand prix. Ce quin'exclut pas, certes, la prudence, car le traducteur, qui ignoraitencore le respect superstitieux de la lettre, a pu, ici et là,prendre quelque liberté avec la teneur de son verset: les Targums,par exemple, sont des paraphrases plus que des traductions, et ilconvient de passer au crible de la critique plus d'une de leursindications. 2. LES TEXTES SAMARITAINS.La communauté des Samaritains (voir ce mot) se constitua à la suitedes événements de Jérusalem des années 450 à 430, celles de larestauration de la nation et du culte juifs par Néhémie et Esdras, etde l'intransigeance avec laquelle ces deux hommes et leurssuccesseurs refusèrent de reconnaître pour leurs coreligionnaires lesIsraélites de sang mêlé mais de foi authentique qui habitaientSamarie. Cette intransigeance s'expliquait sans doute, elle pouvaitmême être nécessaire; elle n'en fut pas moins regrettable etcontribua à la création d'un schisme religieux dont la faiblesse descommunautés rivales n'avait nul besoin. Rejetés par les Juifs de Jérusalem, les fidèles de Samarieconstituèrent leur communauté, bâtirent un temple sur le Garizim, yinstallèrent un prand-prêtre et reconnurent solennellement commefondement et norme de leur foi le Pentateuque. C'est ce recueil seulqui constitue la Bible samaritaine, parce que seul il avait déjà, àce moment-là, valeur canonique, et cette circonstance est uneprécieuse indication pour la détermination de l'époque decanonisation de la Loi. Ce Pentateuque, les Samaritains l'écrivirent en caractèresarchaïques, avec la forme particulièrement contournée et ornementéequi caractérise leur écriture. Ce texte n'a aucune voyelle et neconnaît ni la division en chapitres, ni celle en versets; lesparaches ne correspondent pas non plus à celles des Juifs. On arelevé entre le Pentateuque hébreu et le Pentateuque samaritainenviron 6.000 divergences qui touchent pour la plupart àl'orthographe (plus souvent pleine que détective dans ledernier) et à la grammaire. Il y en a aussi cependant de naturedogmatique: ainsi, à plusieurs reprises, le Samaritain introduit «unange» de Dieu pour éviter les anthropomorphismes qui le choquent. Entout cela, ce texte samaritain s'avère plus jeune que le T.M. Il n'enreste pas moins un des meilleurs et des plus anciens témoins du texteprimitif. Il nous est conservé dans une quantité de manuscritsdéposés aux grandes bibliothèques de l'Occident et surtout dans le Rouleau de la Loi que possède la seule communauté encoreexistante des Samaritains, à Naplouse: ce rouleau est, de beaucoup,le plus ancien manuscrit du Pentateuque qui existe (fig. 233). A côté de ce Pentateuque samaritain (qui n'est donc pas autrechose que le texte hébreu transcrit en caractères particuliers à cegroupe linguistique), et sans parler d'une traduction en grec de cetexte, le Samareïtikon, dont il nous reste des fragments, ilexiste une traduction en dialecte samaritain, rameau de l'araméen:c'est le Targum samaritain. Les grandes différences que l'on constateentre les manuscrits existants de ce Targum permettent de conclureque ces traductions proviennent de mains différentes et qu'aucuned'entre elles ne fut reconnue définitivement comme traductionofficielle. Ce Targum, qui' n'est pas comme les Targums juifs uneparaphrase du texte mais une traduction mot à mot, est un précieuxmonument du dialecte samaritain presque complètement éteint etcontribue à rehausser l'autorité et la valeur du Pentateuquesamaritain. 3. LES TARGUMS ARAMEENS.Nous désignons ainsi, quoique le Targum samaritain soit aussi unTargum araméen, les traductions en langue araméenne faites à l'usagedu peuple de Palestine qui ne comprenait plus l'hébreu, et cela dèsle siècle qui a précédé l'ère chrétienne. Ces traductions dans lasynagogue, d'abord orales, ne devaient pas remplacer le texte sacré,mais le faire comprendre aux assistants; de là leur caractèreapproximatif; elles étaient en réalité plutôt des paraphrases. Ellesfurent bientôt accompagnées et soutenues par des traductions écrites:on ne pouvait, à la longue, laisser la fantaisie d'un interprète sedonner libre carrière dans une fonction aussi importante. C'est au temps de Jésus qu'apparaissent les premiers Targums, ouplutôt que leur existence est confirmée par les indications duTalmud. Il en existe pour tous les livres de l'A.T., à l'exception deDaniel et d'Esdras-Néhémie. Certains livres en ont plusieurs. Cestraductions, très diverses, proviennent sûrement de mainsdifférentes; l'histoire de leur rédaction est très difficile parcequ'elles n'avaient rien d'officiel, n'étaient faites que dans uneintention pieuse et ont été mises au point suivant les époques,phénomène tout à fait pareil à celui qui se produisit lors de larédaction définitive de nos livres sacrés. Cependant certains de ces Targums reçurent, à un certain moment,une sorte de consécration: on choisit le meilleur ou le plus répandupour le Targum officiel. Pour le Pentateuque, cet honneur échut auTargum d'un prosélyte nommé Onkélos (déformation probable du nom d 'Akilas), qui date du II e siècle de notre ère. Il suit assezexactement le T.M. tel que nous l'avons et ne devient para-phrastiqueque dans certaines parties; l'auteur évite soigneusement lesanthropomorphismes et idéalise dans la mesure du possible. Cettetraduction repose sur une tradition orale oui remonte certainement àl'époque pré-chrétienne. La date de sa rédaction est déterminée enpartie par la langue du document, encore assez voisine de l'araméenbiblique et différente de celle du Talmud. La rédaction définitive duTargum d'Onkélos a été probablement faite au IV e ou V e siècle denotre ère. Nous connaissons plusieurs autres Targums, complets oufragmentaires, mais d'époque postérieure et surchargés d'adjonctionssans grande valeur, le Targum de Jérusalem I, celui duPseudo-Jonathan ou Targum de Jérusalem II, etc. Le Targum des Nebivim, postérieur à celui du Pentateuque, estattribué à un élève de Hillel, Jonathan (1er siècle de notre ère),mais la rédaction définitive n'en remonte pas au delà du V e siècle.Cette traduction, assez littérale dans les livres historiques (Jos.,Rois), devient une simple paraphrase dans les livres des prophètesproprement dits. Des fragments d'un autre Targum des Prophètes(Targum de Jérusalem) existent encore. Quant aux Targums des «Ecrits», ils sont de nature très diverse,tantôt traductions assez exactes, tantôt paraphrases qui confinentaux Midraschim ou développements fantaisistes des rabbins. Ilssont aussi d'époques différentes; la plupart sont relativementrécents: les éléments anciens qu'ils renferment ont été retravailléset surchargés d'adjonctions par des savants d'un temps plus récent,et leur valeur pour l'établissement définitif du texte hébreu le pluscorrect est très approximative. Le texte de ces divers Targums se retrouve dans les Biblesrabbiniques, soit de Bomberg soit de Buxtorf, et dans lesPolyglottes. Voir Targum. 4. LES VERSIONS GRECQUES.Les versions grecques de l'A.T, ont précédé, dans le temps, lesversions araméennes: celles-ci, nées en Palestine où l'usage de lalangue hébraïque se maintint encore longtemps, étaient moinsnécessaires, tandis que les Juifs dispersés, obligés de s'adapter auxnécessités des contrées où ils se trouvaient, perdirent très vite cetusage. Or, en dehors de la Palestine, la langue du commerce et del'industrie, des arts et des sciences, c'était le grec. La populationjuive parlant exclusivement grec devint avec le temps plus nombreuseet plus influente que le groupe demeuré en Canaan, et cette influencedevint prédominante dans le monde israélite, même sur le terrain dela piété et de la foi. Cette colonie dispersée sur tout le pourtour de la Méditerranéeétait particulièrement nombreuse en Egypte, où son centre d'activitéétait Alexandrie. C'est là que se manifesta tout d'abord le besoin demettre les trésors de l'A.T, à la portée des coreligionnaires qui necomprenaient plus l'hébreu, et c'est là que fut réalisée l'entreprisemonumentale dont les témoignages nous sont parvenus dans la versionalexandrine dite des Septante, et dans les traductions postérieures,filles de celle-là ou rédigées en dehors de sa tradition.a) La version des Septante (LXX).Elle doit son nom à la légende que nous a conservée la Lettred'Aristée, Pseudépigraphe (voir ce mot) de la fin du III° siècle av.J.-C.: le roi d'Egypte Ptolémée II aurait, sur le conseil de sonbibliothécaire, fait faire une traduction de la Loi des Juifs par 72traducteurs de Palestine que le grand-prêtre Éléazar lui auraitenvoyés sur sa demande. En 72 jours ces savants exécutèrent leurmandat, chacun travaillant dans la solitude pendant le jour, tandisque le soir était consacré à une comparaison et à une mise au pointdes traductions individuelles, d'où devait sortir le texte définitif.Cette légende a passé de là chez Philon, Josèphe et les Pères del'Église, mais avec cette aggravation que le travail s'étendit à toutl'A.T, et que les traductions individuelles se trouvèrent en fin decompte absolument identiques, malgré la réclusion rigoureuse dechaque traducteur. Les investigations des savants ont confirmé l'exactitude deplusieurs données de cette légende. La traduction n'a sans doute pasété faite pour la bibliothèque royale mais pour les Juifs d'Egypte,dans ce pays, à l'époque indiquée, soit dans la première moitié duIII e siècle av. J.-C. (300-250): nous savons par cette même Lettred'Aristée qu'elle jouissait, vers l'an 200, d'une très grandeconsidération parmi les Juifs. Elle a été faite par des Alexandrinsdans le dialecte courant, la koïnê, et non dans la languelittéraire, ce qui exclut la rédaction par des Juifs de Palestine. Quant à la rédaction en une seule fois de tout cet A.T. en grec,elle est exclue par le simple fait qu'au moment où elle futentreprise le canon de l'A.T, n'était pas clôturé et que plusieursdes livres qu'il renferme n'étaient pas encore rédigés. Elle est doncune oeuvre de plusieurs générations, qui a suivi pas à pas laconfection du canon juif. La Loi, canonisée dès le V° siècle, futtraduite la première, précisément au cours de ce III° siècle. Latraduction des Prophètes suivit bientôt et était certainement achevéevers 150, peut-être même avant; le succès, dont nous avons despreuves, de la traduction de la Loi auprès des Juifs d'Egypte devaithâter cette rédaction: en tout cas le prologue de l'Ecclésiastique,rédigé en 132 par le petit-fils de l'auteur et qui désigne l'A.T, parla triple mention: «la Loi, les Prophètes et les autres Écrits»,prouve que cette traduction était oeuvre accomplie, même pour unebonne partie du 3 e recueil non encore clôturé ni canonisé. Ceci nousempêche de déterminer exactement quels livres de ce 3 e recueil yétaient déjà compris. Philon, contemporain de Jésus, cite tous leslivres de l'A.T., à l'exception, due au hasard, d'Ezéch., de Da etdes cinq Rouleaux; Josèphe de même. Le N.T. cite toujours l'A.T,d'après les LXX, jamais d'après l'original hébreu, et ses citationss'étendent à tous les livres, à part quelques petits prophètes,Esth., Eccl., Cant, et Esd.- Ne La plus grande partie de ces Ketoubim étaient déjà traduits dans le courant du II e siècle av.J.-C. Ceci n'exclut pas la possibilité, voire la certitude, quecertains livres aient été traduits après cette époque. Les LXX nous ont conservé un A.T. sensiblement différent de celuidu T.M., mais les différences portent sur des détails. Tout d'abordils répartissent les livres autrement, et telle a été l'autorité decette traduction que cette répartition a prévalu et que nous laretrouvons aujourd'hui dans toutes nos Bibles modernes. Elle est duesans doute à des motifs de piété et à des besoins pratiques; desrapprochements extérieurs et assez superficiels ont été parfoisprépondérants: ainsi l'intercalation du livre de Ruth entre Juges etSamuel à cause de Ru 1:1; celle des Chroniques etd'Esdras-Néhémie après le livre des Rois parce que traitant les mêmessujets; celle d'Esther à la suite de ceux-là parce qu'on croyait ytrouver une page de l'histoire des Juifs. Ils ont relégué lesProphètes proprement dits tout à la fin de leur canon parce que ceslivres leur paraissaient d'un tout autre contenu que les livres ditshistoriques, etc. Mais, même à l'intérieur de ces grandes divisions,l'ordre des livres diverge de celui du T.M.: ainsi le recueil desprophètes commence par la collection des douze petits (Michée est autroisième rang, Joël au quatrième), après quoi viennent Ésaïe,Jérémie, Ézéchiel et Daniel, ce dernier rangé parmi les prophètes àrencontre des indications du canon juif. Après quoi, ils ont réuni enun seul groupe les livres poétiques et sapientiaux, mais Job yprécède les Psaumes, au moins dans certains manuscrits, car cet ordren'est nullement fixe, etc. Ensuite la version des LXX répartit souvent le texte des livresautrement que l'hébreu; ainsi elle a deux livres de Samuel, deux desRois, deux des Chroniques là où le T.M. n'en avait qu'un: c'est de laBible grecque que cette division aujourd'hui usuelle est passée, auXVI e siècle seulement, dans les éditions du T.M. C'est la versiongrecque aussi qui a donné aux livres de l'A.T, de nouveaux noms tirésde leur contenu même, tandis que les Juifs les désignaient toutsimplement par le premier mot du livre; et c'est elle qui a créé etpopularisé les noms de Genèse, Exode, Lévitique, etc.; elle qui afait attribuer à Jérémie le petit livre des Lamentations, pour lequelelle a une introduction inconnue du texte massorétique. Ce n'est pas tout. La Bible grecque datant d'une époque où lecanon juif n'était pas clôturé, elle renferme toute une séried'oeuvres que la Bible hébraïque a rejetées et dont le texte hébreune nous est pas parvenu, quoique nous sachions, par les fragmentsretrouvés du plus important d'entre eux, que cet original a existé.Ce sont les livres dits apocryphes (c-à-d, inconnus, suspects, avec un sens péjoratif que ne comportait pas du tout leterme hébreu traduit par ce mot grec), de nature assez diverse, lesuns historiques comme les deux premiers livres des Macchabées, oufictions à base d'histoire comme 3 Macchabées, Judith, Tobit;d'autres prophétiques comme Baruch et la lettre de Jérémie; d'autresenfin poétiques et didactiques comme le livre de la Sagesse de Jésusfils de Sirach (appelé aussi Ecclésiastique), le livre de la Sapiencede Salomon et 4 Macchabées. Cette liste ne comprend pas lesadjonctions aux livres canoniques d' Es et surtout de Dan., qui sont,dans certaines Bibles, considérées comme des oeuvres indépendantes:ainsi l'histoire de Suzanne et celle de Bel et du Dragon (voirApocryphes). Mais le texte des LXX n'est pas non plus absolument identique auT.M. dans les livres canoniques: les divergences sont nombreuses etparfois considérables, dans 1Sa par exemple, 1 Rois, Ezéch., Jér.,plus court de 2.700 mots environ, soit de 1/8, que le texte hébreu.L'ordre des Ps 11 est pareil à celui du T.M. que pour les dixpremiers et les trois derniers, et cette répartition est encore cellede la Bible catholique, grâce à la Vulgate. Les suscriptions des Pssont assez différentes, etc. Tout cela sans préjudice desinnombrables variantes répandues sur toute l'étendue du texte del'A.T. La version des LXX, avons-nous dit, est en réalité une collectionde traductions faites à des époques et dans des conditions diverses.Le caractère et la qualité de ces traductions sont donc trèsdifférents et toutes ne méritent pas la même considération. Ainsi lePentateuque est traduit assez exactement, mais la version d'Esaïe estfort défectueuse, celle des Psaumes n'est pas non plus très réussie.Tantôt la traduction est juxta-verbale au point de faire de la phrasegrecque quelque chose de monstrueux, tantôt, comme dans lesProverbes, le traducteur use à l'égard de l'hébreu d'une liberté quirend son texte souvent inutilisable pour le rétablissement del'original altéré. Dans le livre de Daniel nous avons presque uneparaphrase. Certains mots ou certains noms ne sont pas toujoursrendus de même façon: tantôt le grec reproduit simplement l'hébreu,tantôt il traduit; ainsi (JHVH) Tsebaoth est rendu Esa 6:5par Sabaoth, Ps 80:15 par ton dunaméôn, Am 6:14 par Pantocratôr. Pour les noms propres, le grec semble avoir eu sousles yeux une autre lecture que celle que nous donne aujourd'hui leT.M., ou entendu prononcer ces noms autrement que nous ne les rendonsd'après l'hébreu. Là aussi l'araméen a exercé une certaine influence:le grec Samaria, par exemple, se rapproche de l'araméen Châmerîn plus que de l'hébreu Chômerôn Il est du reste difficile de rétablir le texte exact des LXX, quia été corrigé et souvent déformé sous l'influence d'autrestraductions grecques et dont aucun manuscrit ne nous offre la teneurprimitive: tous sont la reproduction de recensions postérieures. Laraison en est sans doute la même que celle qui nous prive d'un T.M.très ancien: on a utilisé ce texte grec pour les lectures de lasynagogue, à côté du T.M., et comme il s'agissait d'édification etnon de science, on adaptait le texte aux exigences de la piété dumoment. Très nombreuses ont été, au cours des siècles, les reproductionset les éditions du texte des LXX Cela n'a rien d'étonnant. Nonseulement cette traduction constitue le plus ancien monument de latransposition de toute une littérature dans une langue complètementétrangère, et cela sans aucun des moyens extérieurs dont disposeaujourd'hui la science pour des travaux de ce genre, mais c'est elleencore qui a légué l'A.T, à l'Église chrétienne, et que citent lesauteurs du N.T. auxquels elle était seule familière; elle encore quiest, avec le Pentateuque samaritain, le plus ancien témoin de cespages que la piété chrétienne, héritière de la piété juive, aappelées la Parole de Dieu. Ce texte grec est de plusieurs sièclesantérieur au T.M. tel que nous le possédons, et nous ne saurions enexagérer l'importance pour la reconstitution du texte primitif denombre de passages altérés. Cette importance a été si grande et les chrétiens des premierssiècles firent des LXX un usage si exclusif que les Juifs auprèsdesquels cette traduction avait eu d'abord la plus haute autoritéchangèrent complètement d'avis à son égard: les rabbins prétendirentqu'elle ne rendait pas le texte exact, que l'ordre où elle donnaitles livres n'était pas celui de la version primitive et que, parconséquent, son autorité était de beaucoup inférieure. Le Talmudraconte qu'au moment où la traduction fut achevée, une éclipseobscurcit le ciel pendant trois jours. Le jour de cette traduction,ajoutaient certains scribes, a été aussi funeste pour Israël quecelui où l'on a fabriqué le veau d'or! Cela ne diminue en rien leprix que la science et la piété ont toujours attaché à cette oeuvre,et, tout autant que le T.M. lui-même, la version des LXX a été depuisle XVI e siècle l'objet d'innombrables études non terminées encore. Les manuscrits des LXX sont extrêmement nombreux. Les pluscélèbres et les plus anciens sont le Vaticanus (à Rome) du IV esiècle, le Sinaïticus (à Londres) du IV e siècle et l' Alexandrinus (à Londres) du V e siècle, qui tous trois renfermentl'A.T, en entier, à côté du N.T. Les autres, dispersés dans presquetoutes les bibliothèques importantes d'Europe, n'ont que desfragments plus ou moins étendus de l'A.T, et sont de valeur etd'époques très diverses. Les premières éditions imprimées furent celles de laPolyglotte de Complut (1514-17), dont le texte a été reproduit dansles Polyglottes d'Anvers et de Paris; puis l'Aldine, de Venise(1518), et la Sixtine (1586) publiée sous le patronage deSixte-Quint, reproduite par la Polyglotte de Londres. Les éditionsles plus récentes, en particulier celle de H. Swete (Cambridge 1887 à1894), offrent un choix abondant de variantes mais n'essaient pas derétablir le texte tel qu'il a dû exister primitivement. L'édition encours de publication à Stuttgart, sous la direction du professeurRahlfs, tentera cette reconstitution d'après les meilleures Sources.b) Les autres traductions grecques et l'oeuvre d'Origène. De même que le T.M., avant d'être canonisé, a été maintes foisrecopié et modifié par la piété des scribes, de même beaucoup detraductions en grec furent entreprises avec des succès divers et dansune indépendance plus ou moins grande à l'égard des LXX Aucune nenous est parvenue en entier; nous les connaissons surtout par lesallusions des Pères de l'Église, Irénée, Jérôme, Épiphane, etc. Troisd'entre elles sont particulièrement intéressantes parce que desfragments nous en ont été conservés dans les débris des Hexapla d'Origène. La première est celle d'Aquilas, Grec du Pont, contemporain etpeut-être parent de l'empereur Adrien. Converti au christianisme,mais bientôt excommunié parce qu'adonné à l'astrologie, il passa aujudaïsme et devint un élève du célèbre R. Akiba (voir plus haut). Ilrésolut de traduire en grec le T.M. afin de faire ainsi échec à laversion des LXX dont les chrétiens faisaient le cas que nous avonsvu. Cette traduction date probablement des années 130 à 140 de notreère. Elle est strictement littérale, au mépris flagrant des règles dela grammaire et de la syntaxe grecques, et ceci non par ignorancemais par volonté de rendre scrupuleusement toutes les particularitésdu texte hébreu. Elle eut naturellement un grand succès auprès desJuifs; Origène et Jérôme rendent aussi hommage à la conscienced'Aquilas. Des fragments de son oeuvre ont été retrouvés dans unesynagogue du Caire, et Origène la cite dans ses Hexapla Symmaque (Symmakhos) était, au dire d'Épiphane, un Samaritainqui se convertit au judaïsme à l'époque de Marc-Aurèle (vers 170) oude Sévère (vers 200). C'est aussi probablement son zèle de néophytequi le poussa à entreprendre une nouvelle traduction de l'A.T. Ilpeut se trouver cité dans le Talmud sous le nom de Soumekos. Al'encontre d'Aquilas il s'efforce de rendre, dans le meilleur grecpossible, le sens de l'hébreu. Il ne reste de son oeuvre que lespassages conservés dans les Hexapla Théodotion d'Éphèse était aussi un prosélyte à peu prèscontemporain de Symmaque et dont la traduction fut faite vers la findu II e siècle (sous Commode). Elle peut avoir été une révision desLXX plutôt qu'une oeuvre absolument originale. Dans ses Hexapla Origène la place en sixième rang, et elle semble lui avoir servi àcombler les lacunes qu'il trouvait dans les LXX En tout cas satraduction du livre de Daniel a supplanté celle des LXX, et nouspouvons ainsi nous rendre compte beaucoup mieux de la valeur de sontravail, Théodotion a ceci de particulier qu'il transcrit simplement,sans en donner l'équivalent grec, les mots hébreux pour lesquels ilhésite, ce qui nous permet de constater quelle était alors laprononciation de l'hébreu. A côté de ces traductions-là, il en a existe d'autres dont nousconnaissons des fragments par l'oeuvre d'Origène, mais dont lesauteurs sont inconnus. Impossible de traiter ce sujet des traductions de l'A.T, en grecsans dire un mot du grand exégète alexandrin déjà souvent cité,Origène (Mort en 253 ou 254). Au moment où il entreprit ses travaux,une grande confusion régnait chez les Juifs et chez les chrétiensrelativement au texte de l'A.T. Le T.M. était bien à peu près fixédepuis les travaux de R. Akiba et de son école, mais les traductionsgrecques étaient nombreuses; celle des LXX, vieille de plus de cinqcents ans dans certaines parties, pouvait revendiquer le droit dedonner le texte exact des écrits hébreux; elle avait cependant étécorrigée de maintes façons et à toutes les époques; les traductionsrelativement récentes d'Aquilas, de Symmaque et de Théodotion, quiprétendaient à une plus grande exactitude, ne taisaient en définitivequ'ajouter à la confusion. Origène entreprit vers la fin de sa vie (232) de mettre quelqueordre dans ce chaos et dressa pour cela un grand ouvrage, les Hexapla. Comme le nom l'indique, il transcrivit tout l'A.T, sur six colonnes parallèles; dans la première il mit le texte hébreuen caractères hébraïques; dans la seconde, le même texte en lettresgrecques; dans la troisième, le texte d'Aquilas; dans la quatrième,celui de Symmaque; dans la cinquième, les LXX; et dans la sixième,Théodotion. Lorsqu'il se trouvait devant une variante indépendante deces traductions, il la rangeait dans une septième, voire dans unehuitième colonne (Heptapla ou Octapla). Tout ce texte étaitréparti dans chaque colonne en fragments très courts, de deux outrois mots. C'est la cinquième colonne qui nous intéresse le plusparce que c'est elle qui donne le texte des LXX le plus ancien, avecles corrections qu'Origène crut devoir lui faire subir d'aprèsl'hébreu. Il tenait celui-ci pour le plus exact, mais, ce vieux textegrec lui apparaissant à maintes reprises plus correct que le T.M., ilmarquait nettement sa préférence. Pour rendre tout cela clair à seslecteurs, il affubla de signes particuliers (obélos, astérisques,etc.) soit les mots des LXX que ne renferme pas le T.M., soitl'inverse (dans ce dernier cas, il comblait une lacune des LXX par unemprunt à d'autres traductions, surtout à Théodotion), soit encoreles divergences des deux textes dans l'ordre des mots, etc. Travailénorme, d'une inestimable valeur (quoique Origène n'ait pas toujoursappliqué avec rigueur sa méthode) et que l'on regrette de ne plusposséder entièrement. Il fut probablement détruit par les musulmanslors de la conquête de Césarée, où il était resté depuis la mort deson auteur. En 1896 le savant Mercati en a retrouvé, à laBibliothèque Ambrosienne de Milan, des fragments qui confirment toutà fait la description que nous en a laissée Eusèbe. Cet ouvrage nefut jamais reproduit dans son ensemble, mais la colonne des LXX,qu'Eusèbe considérait comme le meilleur texte de cette version, futsouvent recopiée, et beaucoup de manuscrits de cette version reposentprécisément sur cette rédaction d'Origène. Son autorité était sigrande qu'on en fit une traduction en syriaque qui reproduitexactement le texte grec: c'est la fameuse Syrohexaplaris, dudébut du VII e siècle, qui nous a été conservée mais quimalheureusement ne s'étend pas à tout l'A.T. Ces reproductions nerenfermaient pas les indications relatives aux modificationsintroduites par Origène; on eut ainsi bientôt un texte mélangé d'oùil était fort difficile de dégager soit le texte primitif des LXX,soit celui des traductions auxquelles on avait emprunté descorrections. Pour être complet, il faut encore mentionner les traductionsqu'Origène a employées pour certaines parties de l'A.T., les Psaumespar exemple, et qui constituent, à côté des quatre traductionsprincipales (LXX, Aquilas, Symmaque, Théodotion), les cinquième (Quinta), sixième (Sexta), voire septième. Il ne nous en estparvenu que des fragments. Ajoutons enfin que d'autres recensions des LXX furententreprises, entre autres par le prêtre Lucien d'Antioche, parHésychius en Egypte au IV e siècle, etc. 5. LES VERSIONS SYRIAQUES, LA PESHITO.Nous n'avons pas traité ce sujet en même temps que celui destraductions araméennes de l'A.T., malgré la parenté des dialectes,parce que la traduction en syriaque de l'A.T, a été faiteprobablement par des chrétiens et dans l'intérêt des Eglises de Syrie. La plus ancienne de ces traductions porte le nom de Peshîto (fém. de peshît =simple), avec l'article Peshîtto ou Pechitto =la simple, terme que l'on explique de diverses façons:la traduction littérale, sans paraphrase, ou bien la traductionordinaire, la plus répandue, ou encore, selon Steuernagel, latraduction unique, par opposition à la version quintuple ou sextupledes Hexapla. Ce ternie n'est pas très ancien et n'est courant quedepuis le VIII° siècle. La Peshîto de l'A.T, a été traduitedirectement de l'hébreu, on ne sait exactement à quel moment. Le plusancien manuscrit conservé date de 464, mais comme la Peshîto est déjàutilisée par les Pères de l'Église syrienne au IV e et suivant.(Éphrem) et que cette Église fut fondée vers l'an 100, nous ne noustrompons guère en plaçant la rédaction de cette oeuvre vers 150; latradition lui donne une origine plus ancienne encore: il faut retenirde là que la première communauté chrétienne syrienne comptait denombreux Juifs et pouvait être née d'une synagogue qui, probablement,possédait déjà une partie de l'A.T, en syriaque. Le caractère trèsjudaisant de la traduction confirme cette supposition. On ne peutdire si elle a été faite par un seul traducteur; c'est toutefois peuprobable. La méthode, au dire de certains savants, est partout lamême; d'autres y relèvent des divergences assez considérables, ce quiest en tout cas certain pour le livre des Chroniques. Elle est engénéral soigneusement faite et rend fidèlement l'original hébreu avecquelque liberté dans l'emploi de certaines formes. Si le T.M. est àla base de presque toute la traduction, on retrouve cependant ici etlà l'influence des LXX, ainsi chez Ésaïe et dans les Psaumes, mais ilest difficile de dire si le traducteur a utilisé la version grecque àcôté du T.M., ou bien si la Peshîto a été dans la suite corrigéed'après les LXX La traduction syriaque primitive renfermait tous leslivres de l'A.T, à l'exception des Chroniques, qui ne furent ajoutéesque plus tard et qui manquent dans le canon de plusieurs sectessyriennes. D'assez bonne heure les livres apocryphes qui en étaientd'abord exclus y furent réintroduits. L'importance de cette oeuvre pour l'établissement d'un textedéfinitif de l'A.T, est très grande, à cause de la parenté deslangues et de la fidélité de la plus grande partie de la traduction.Malheureusement, aucune édition critique de la Peshîto n'existeencore; les Polyglottes de Paris et de Londres ont donné pour lapremière fois le texte complet d'après des manuscrits orientaux, etce dernier a été reproduit dans la Bible syriaque publiée à Londresen 1824 par la Société Biblique britannique et étrangère. La dernièreédition de la Peshîto est celle des Dominicains de Mossoul (1888-92).1l n'existe d'édition critique que pour quelques livres isolés. Après la Peshîto, d'autres traductions en syriaque furententreprises sur le texte grec. La plus importante est celle que fiten 616-617 l'évêque Paul de Tella sur le texte des Hexapla (la Syrohexaplaris, voir plus haut). Elle est précieuse parce qu'ellesuit mot à mot son guide et permet de reconstituer celui-ci assezexactement. Il reste d'assez nombreux fragments d'autres traductionsdes V° et VI e siècle, mais toutes dépendantes du texte ordinaire desLXX 6. LES VERSIONS LATINES.Tandis que l'A.T, a été traduit en grec de très bonne heure, pourrépondre aux besoins religieux des Juifs établis en Egypte, aucunenécessité de ce genre n'existait dans les pays où le latin était lalangue dominante. Ce n'est que par l'expansion du christianisme enOccident que le besoin se fit sentir de donner aux fidèles, dans lalangue qui leur était familière, les livres qui constituaient lanorme de la foi: les écrits du N.T. et ceux de l'A.T., sur lesquelsles premiers reposaient d'aplomb. Ce travail de traduction n'a donccommencé en Occident qu'au I er siècle de notre ère, et l'histoiredes versions latines de la Bible et particulièrement de l'A.T, esttoute différente de celle des versions grecques. Elle s'y rattachepourtant étroitement parce que, comme nous l'avons dit, la versiondes LXX étant pour les chrétiens le texte courant de l'A.T., c'est dugrec que ces premières traductions latines ont été faites et c'estl'écho du texte grec que nous y retrouverons. (a) La Vetus latina. La plus ancienne dont il nousreste d'importants fragments est celle que l'on appelle la Vetuslatina, pour la distinguer de la version plus récente et pluscélèbre de Jérôme. On l'appelle aussi l' Itala: Augustin désigneainsi, dans un de ses écrits, l'édition latine de la Bible qu'ilavait rapportée d'Italie en Afrique, par opposition aux éditionsafricaines; mais ce terme n'a aucun sens scientifique. Il convientd'ajouter que les premières traductions latines de la Bible ont étéfaites très probablement en Afrique où le latin était seul parlé àcôté de la vieille langue punique, tandis qu'en Italie, à Rome toutspécialement, le grec fut longtemps la langue de la communautéchrétienne et ne fut supplanté qu'assez tard par le latin. La vieilletraduction latine, déjà citée peut-être par Tertullien, et en toutcas par Cyprien (Mort en 258), doit donc dater de la fin du II°siècle environ. Elle existait en plusieurs textes dont aucun n'avaitautorité prépondérante, si peu même qu'on ne craignait guère de lamodifier sans scrupule. La traduction est rigoureusement littérale:le rédacteur s'est tenu le plus près possible du texte grec sans selaisser détourner par rien de ce principe, au point même que sontexte fourmille d'erreurs de grammaire et de syntaxe. Au IV e siècle, le désordre était devenu si grand dans l'Égliselatine et les manuscrits de la Bible différaient tellement entre euxque le pape Damase (Mort en 384) chargea le savant dalmate Jérôme deréviser ce texte latin. Celui-ci s'y appliqua d'abord à Rome et,après avoir mis au point le N.T., donna deux éditions du Psautier,l'une à Rome même (psalterium romanum), la seconde en tenantcompte des Hexaples d'Origène, qu'il avait appris à connaître àCésarée (psalterium gallicanum). Son travail de révision sepoursuivit sur les autres livres de l'A.T. Plus tard, cependant,lorsqu'il eut appris l'hébreu, il entreprit une nouvelle traductiondirectement sur le texte original. Son oeuvre, sur laquelle nousallons revenir, relégua peu à peu dans l'ombre la vieille versiondont nous ne possédons plus qu'un petit nombre de manuscrits. A cetégard les citations des plus anciens Pères de l'Eglise latine sontd'un très grand prix parce qu'elles nous aident à reconstituer letexte primitif. Pour l'étude de la Vetus latina, le grand ouvragedu bénédictin P. Sabatier (1739-49) est encore indispensable: il y aréuni les fragments connus de cette traduction et les citations desPères. Aucune édition plus récente n'a remplacé celle-là, malgré lesbeaux travaux de nombreux savants. (b) La Vulgate de Jérôme. C'est vers l'an 390 queJérôme, tenant compte des expériences faites, entreprit l'oeuvrenouvelle; il commença par les livres de Samuel et des Rois etpoursuivit son propos jusqu'en l'an 405 où il traduisit le livre desPsaumes. Tout l'A.T, était compris dans cette nouvelle édition, àpart le livre de Baruch, la Sapience de Salomon, l'Ecclésiastique etles deux livres des Macchabées, ouvrages apocryphes qui continuèrentà figurer dans la Bible latine avec le texte de la Vetus latina L'oeuvre était fort belle quoique Jérôme l'eût, de son propreaveu, faite trop hâtivement parfois, et qu'il eût, à maint endroit,tenu trop grand compte de l'ancienne traduction. Il traduisaitd'après le T.M., et nous pouvons ainsi constater que ce texte hébreuétait presque exactement celui que nous possédons (voir plus haut);mais il avait aussi sous les yeux le texte des LXX et des autrestraductions grecques de l'A.T., et il ne négligeait point, au besoin,les données de l'exégèse des rabbins. Le principe qui le guidaitétait celui-ci: rendre non pas le mot à mot du texte hébreu, mais lesens exact de la phrase dans un latin aussi élégant que possible.C'était le contre-pied direct de l'ancienne traduction. Cependant sonvisible souci de respecter cette dernière, afin de ne pas tropdésorienter les lecteurs de la Bible en leur mettant sous les yeux untexte absolument nouveau, donne quelquefois à son travail l'apparenceet les faiblesses d'un compromis. Quoique ordonnée par le pape et donc couverte du prestige dusiège apostolique, la traduction de Jérôme ne fut pas accueillie avecla satisfaction que l'on penserait et que ferait supposer l'autoritéqu'elle acquit plus tard. Elle fut attaquée violemment par deschrétiens éminents comme Rufin (traducteur latin d'Origène); Augustinne s'en montra pas absolument content. On était trop habitué au vieuxtexte en usage dans le culte, et l'autorité de la Vetus latina était telle que jamais la traduction nouvelle des Psaumes que Jérômefit d'après le T.M. ne trouva accueil dans la Bible complète: c'estsa traduction révisée d'après les Hexaples (le psalteriumgallicanum), qui resta et reste encore aujourd'hui le texteofficiel de l'Église romaine. Les V e et VI° siècle sont remplis,dans ce domaine, de la compétition entre les textes de la Vetuslatina et de la traduction de Jérôme, celle-ci ne refoulant lapremière que très lentement. Le pape Grégoire le Grand (Mort en 604)nous apprend lui-même que de son temps le siège apostolique seservait encore des deux traductions. Dès cette époque, toutefois, letexte de Jérôme l'emporte; au IX e siècle 1l est presque seul enusage, si bien même que dès le XIII e siècle sa traduction reçoit lenom sous lequel elle est connue aujourd'hui: editio vulgata, la Vulgate Elle triomphait, mais la lutte avait trop duré pour que l'oeuvredu grand savant n'eût pas souffert beaucoup de ces contestations; dureste Jérôme lui-même nous avertit qu'il n'a pas «écrit» de sa propremain le texte de sa traduction mais qu'il l'a dictée à un secrétaire:première source d'erreurs dont il n'est naturellement pas possible demesurer l'étendue. Ensuite, comme elle n'était pas reconnue par touspour la version officielle, on ne se fit guère de scrupules d'yintroduire des corrections empruntées pour la plupart à la Vetuslatina. Il est donc difficile, en définitive, de se faire une idéeexacte du travail de Jérôme. La multiplication des manuscrits, qui tous avaient leursparticularités (si bien qu'il était impossible de savoir quel étaitle véritable texte), obligea assez tôt les docteurs de l'Église à untravail de révision pour l'établissement d'un texte officiel. Nous entrouvons les premières traces au VI° siècle (Cassiodore); plus tardCharlemagne chargea Alcuin d'une édition corrigée pour l'Églisefranque (801). D'autres savants poursuivirent plus tard ce labeurjusqu'au moment de l'invention de l'imprimerie, mais sans que ledommage fût corrigé: en 1267, Roger Bacon se plaignait au pape del'état désastreux (horribiliter corrupium) du texte latin de laBible et, sans succès du reste, suggérait au souverain pontife l'idéed'en ordonner une révision totale. Les premiers textes imprimés: le Psautier de Gutenberg (1457), laBible de Mavence (1462), firent éclater les déficits de cesmanuscrits. Les éditeurs de la Polyglotte de Complut, Robert Estienne(dès 1528 pour l'A.T.), d'autres encore s'efforcèrent, sur letémoignage des manuscrits les plus anciens et les meilleurs, dereconstituer le texte de Jérôme; mais seuls la décision du Concile deTrente et les travaux qui en résultèrent marquèrent une étapevéritablement nouvelle. Dans sa session du 8 avril 1546, la grandeassemblée décida que tous les livres de l'A.T, et du N.T. y comprisles Apocryphes constituaient le canon biblique de l'Église et que letexte officiel et obligatoire en était celui de la Vulgate; qu'à ceteffet une édition nouvelle et définitive de ce texte devait êtreconfectionnée par les soins du siège apostolique. Chose curieuse, cette décision ne fut suivie d'effet qu'undemi-siècle plus tard: en 1590 l'édition nouvelle, dont le papeSixte-Quint ordonna l'établissement, sortit enfin des presses duVatican: c'est la fameuse Sixtine, que les Jésuites attaquèrentavec violence, qu'ils réussirent à faire condamner par le papeClément VIII (il n'en reste que quelques exemplaires) et qu'ilsremplacèrent par une nouvelle édition, la Clémentine (1592).Celle-ci différait de la précédente en quelque 3.000 endroits; malgréces améliorations, elle était pleine de fautes; dans les éditionssuivantes encore du XVI e siècle, on s'appliqua à les corriger, maison se permit aussi nombre de modifications. Depuis lors, laClémentine a été reproduite sans grands changements et constitue letexte officiel de la Bible de l'Église romaine. Il y a plusieurs éditions modernes de la Vulgate, celles de: vanEss, 1822; Hetzenauer, 1906; Heyse et Tischendorf, 1873. Malgré lavaleur de ces travaux, surtout du dernier, aucune édition critiquen'existe encore, et cette absence d'un texte digne de confianceaffaiblit beaucoup l'autorité que cette vénérable traduction pourraitavoir dans l'élaboration d'un texte définitif de l'A.T. Cela n'enlèvedu reste rien au prix des lectures originales de beaucoup de passageset des corrections qu'elles suggèrent. Il est à craindre que lagrande édition critique que les bénédictins sont chargés de publierne soit pas encore l'édition définitive, vu les réserves quel'autorité supérieure de l'Église ne peut manquer de faire quant à laliberté des éditeurs. Les traductions latines assez nombreuses qui ont paru après cellede Jérôme en sont toutes dépendantes, à des degrés divers. 7. AUTRES VERSIONS ANCIENNES.Encore une fois il s'agit ici uniquement des traductions de l'A.T,faites aux premiers siècles de l'ère chrétienne, avant que le textede l'A.T, fût définitivement figé dans la tradition massorétique, etqui peuvent, par leurs lectures variées, nous aider à reconstituer untexte primitif plus exact. Malheureusement elles ont toutes étéfaites d'après les LXX et n'en sont que des échos, précieux tout demême étant donné que ce texte des LXX a subi lui aussi bien desretouches et que telle de ces traductions peut nous en révéler unautre que le texte traditionnel. (a) Versions coptes. Les LXX furent traduits trèstôt dans les divers dialectes parlés en Egypte et dérivés de l'ancienégyptien. On ne peut dire à quel moment ce travail commença:apparemment peu après que la version grecque eut été achevée, versl'an 300, au témoignage assez unanime des savants. Celles que nouspossédons, versions bohaïrique, sahidique, etc., et qui sontfragmentaires, reposent pour la plupart sur la recension des LXXfaite par Hésychius à la fin du III e ou au début du IV e siècle;telle d'entre elles cependant peut avoir été faite sur des textesplus anciens, même antérieurs à Origène. (b) Version éthiopienne. Celle-ci, qui sembleraitdevoir nous être de grand secours pour la reconstitution du texteprimitif à cause de la parenté des langues, n'a malheureusement vu lejour qu'assez tard. Une légende pieuse en attribue bien la rédactionà Frumentius, l'apôtre de l'Abyssinie au IV e siècle, mais cetteindication est suspecte. Il est probable qu'elle fut faite dans lesdernières décades de ce siècle, lorsque le christianisme eut pénétrépartout dans le pays. D'après une autre tradition, des missionnairessyriens traduisirent en éthiopien le texte des LXX dans la recensionde Lucien d'Antioche. Malheureusement cette première rédaction nenous est pas parvenue, car, après de longs siècles où elle subit degraves altérations, elle fut soumise, au XIV e siècle, à une révisiontotale ayant pour base non le texte hébreu primitif mais probablementla traduction arabe de Saadja (X e siècle). Cette rédaction-là sembleavoir encore subi d'assez nombreuses modifications, comme en font foiles manuscrits conservés qui ne remontent pas au delà du XIII esiècle; Ludolf au XVIII e siècle et Dillmann dès 1853 en ont publiéune grande partie, mais aucune édition critique de l'A.T, entiern'existe encore, et le secours qu'elle nous donne pour leredressement du texte hébreu de l'A.T, est assez minime. (c) Version arabe. On en peut dire autant de latraduction en arabe de l'A.T. Il y en eut probablement des fragmentsdès les premiers siècles de notre ère, car Juifs et chrétienss'étaient établis en assez grand nombre dans le sud de l'Arabie, etles générations nouvelles ne comprenant sans doute ni l'hébreu ni legrec, il fallut mettre les livres saints à leur portée dans la languedu pays, comme les LXX l'avaient fait pour les Juifs d'Egypte. Unepreuve de la diffusion de ces textes ou tout au moins de leurimportance auprès des Arabes pourrait être l'influence que Mahomet asubie et dont la trace se retrouve si nette dans sa doctrine et dansle Coran. Mais rien de tout cela ne nous est parvenu, sauf unfragment du VIII° siècle d'une traduction des Psaumes qui reproduittout à fait le texte grec. Il faut descendre au X e siècle pourtrouver une traduction faite directement du texte hébreu par lesavant juif Saadja (Mort en 942), et dont il reste des fragmentsconsidérables. L'attitude indépendante de ce savant nous est unegarantie de la valeur de son travail, et son aide nous permet decontrôler et de corriger maintes données des autres versions. Quantaux autres traductions, elles sont toutes postérieures et dépendantesen définitive du texte des LXX (d) Version arménienne. Nous la mentionnons àcause de son antiquité: les plus anciens témoignages de son existencela font dater du V e siècle; elle fut faite d'abord sur un originalsyriaque, puis sur un texte grec. La traduction conservée suitservilement les LXX d'Origène dans ses Hexapla. Elle est doncprécieuse parce qu'elle nous permet de déterminer exactement cequ'était cette recension grecque dont nous n'avons plus que desfragments. Ici et là cependant des variantes caractéristiquessemblent provenir des originaux syriaques. Ce bref résumé de l'histoire de ces traductions fait toucher dudoigt les vicissitudes du texte de la Bible et surtout de l'A.T. Bienloin d'avoir été donné en une seule fois de façon définitive, cetexte a passé par une longue période de gestation où il était exposéà toutes sortes de corrections, d'autant plus dangereuses qu'ellesétaient faites avec plus de sincérité et de piété. Ce sont bien leshommes qui ont fait la Bible, et leurs faiblesses et leur ignoranceen auraient sûrement compromis la merveilleuse mission si Dieun'avait veillé. L'histoire de ces transformations est donc, parcontre-coup, l'histoire de la sollicitude de Dieu pour les hommesauxquels Il voulait conserver sa Parole, et c'est encore sa gloireque nous voyons resplendir au travers des péripéties de la rédactionet de la conservation du texte sacré.