TENTATION, ÉPREUVE

Dans l'A.T, le verbe nissàh signifie: éprouver, mettre àl'épreuve (Ge 22:1,Ex 15:25 16:4,De 8:2,Jug 2:22,1Ro 10:1,etc.). Il est alors synonyme de bâkhan que nous trouvons dansJob 23:10,Ps 81:8,Za 13:9,Mal 3:10, etc. Mais il est renduquelquefois par: tenter, pour désigner l'attitude de l'homme qui, parson manque de confiance ou sa désobéissance, met à l'épreuve la bontéet la patience de Dieu: «Les Israélites tentèrent le Dieu Très-Haut;ils se révoltèrent contre lui» (Ps 78:56, cf. Ex 17:2-7,No14:22,De 6:16,Esa 7:12 etc.). Dans le N.T. le mot peirasmos signifie tantôt: épreuve(Lu 22:28,Ac 20:19,Ga 4:14,Ja 1:2-12,1Pi 1:6 4:12,Ap 3:10), etc.;le synonyme dokimê se trouve dans (Ro 5:4,2Co 2:9,Php 2:22,etc.), tantôt: tentation (Mt 6:13 et parallèle, Mt26:41 et parallèle, Lu 4:13,1Co 10:13,1Ti 6:9,Heb 3:8). Il en va de même du verbe peiraein (cf. Mt 16:1 19:3,Lu 10:25,Jn 6:6 d'une part, et Mt 4:1et parallèle, 1Co 7:5, Ga 6:1,1Th 3:5,Heb 2:18 4:13,Jas1:13 et suivant d'autre part). Seul le contexte permet de fairela discrimination; encore faut-il remarquer que, dans certains cas,il est très difficile de se prononcer. Cela vient de ce que le termegrec employé met en relief ce que l'épreuve et la tentation ont decommun et non ce qui les distingue l'une de l'autre. Or, c'estprécisément la différence qu'il nous faut nettement marquer. Une épreuve est une expérience ayant pour but de faire connaîtrela valeur d'une chose ou d'une personne (ex.: éprouver la soliditéd'un pont; mettre à l'épreuve le dévouement d'un ami). Ainsientendue, l'épreuve est intentionnelle; mais, le plus souvent, elleest occasionnelle, car ce sont les circonstances de la vie et toutparticulièrement l'adversité qui permettent d'apprécier la forced'âme de chacun. L'épreuve, quels que soient les événements heureux ou malheureuxqui en sont l'occasion, est bonne en soi et nécessaire à l'exercicede la liberté humaine et, pour ceux qui la supportentvictorieusement, elle est une cause d'affermissement er de progrès.La tentation, elle, est mauvaise en soi, car elle est un entraînementau mal. Sans doute, elle joue le rôle d'épreuve puisqu'elle est aussipour l'homme une occasion de montrer ce qu'il vaut (de là l'emploi dumot peirasmos pour la désigner); mais ce n'est pas là sa finvéritable, car son but est de séduire et de faire tomber. Etant donné ce qu'est la tentation, comment comprendre la demandede la prière dominicale: «Ne nous induis pas en tentation»? On peut²tourner la difficulté en disant: «Ne nous soumets pas à l'épreuve»,mais cette traduction nous paraît contestable. En effet, si l'épreuveest nécessaire à notre développement spirituel, comment Jésuspourrait-il nous apprendre à demander à Dieu qu'elle nous soitépargnée? De plus, la suite du texte: «mais délivre-nous du mal» (ou,plus exactement: du Malin), montre qu'il s'agit bien de la tentation.Ce qui nous arrête, c'est le mot: induire, car il semble indiquer queDieu peut nous tenter. Mais il est évident que Dieu n'est jamaisl'auteur de la tentation. L'épître de saint Jacques le montre d'unefaçon péremptoire: «Que personne, lorsqu'il est tenté, ne dise: C'estDieu qui me tente, car Dieu ne peut être tenté par le mal et lui-mêmene tente personne» (Jas 1:13). Pour éviter toute équivoque, ilnous paraît donc légitime d'accepter la formule: «Ne nous laisse passuccomber à la tentation», bien qu'elle soit plus une interprétationqu'une traduction du texte original qui signifie littéralement: «Nenous introduis pas en tentation.» On peut d'autant moins considérer Dieu comme le promoteur de latentation que, dans plusieurs passages (Mt 4:1 et parallèle,1Co 7:5, 1Th 3:5), celle-ci est présentée comme venant deSatan (voir ce mot) qui, pour cette raison, est appelé le Tentateur.Mais si Satan est habile pour tenter les hommes, il trouve en eux descomplices, car, à l'attrait du fruit défendu, répond intérieurementl'inclination au mal: «Lorsqu'on est tenté, c'est qu'on est entraînéet séduit par sa propre convoitise; ensuite la convoitise, qui aconçu, donne naissance au péché...» (Jas 1:14 et suivant). D'oùla nécessité de la vigilance et de la prière pour résister à cettesollicitation et à cet entraînement: «Veillez et priez, afin de nepas succomber à la tentation» (Mt 26:41).Les tentations de Jésus. Jésus étant entré complètement dans la condition humaine, a dû passerpar l'épreuve de la liberté. Il a aussi été tenté; mais la tentationn'a trouvé en lui aucune complicité et il est resté sanspéché (Heb 4:13). Comme le montrent les récits de Mt 4:1 et suivant et deLu 4:1 et suivants, les tentations dont il a triomphé au débutde son ministère ont un caractère nettement messianique. La première,en lui suggérant de changer les pierres en pain pour assouvir safaim, a pour but de faire de lui un Messie de rêve, affranchi desdures nécessités de la vie ordinaire, et de le mettre ainsi hors del'humanité. La seconde (d'après Matthieu), en le poussant à accomplir unprodige sans nécessité, par goût de l'extraordinaire, du merveilleux,uniquement pour montrer sa puissance, l'incite à se mettre hors deslois de la nature. La troisième, en faisant miroiter à ses yeux lagloire et la grandeur d'un messianisme charnel, essaie de ledétourner de sa mission véritable qui ne peut être que spirituelle,et, en lui proposant le compromis d'un double service, cherche à lemettre hors de Dieu. Le récit de saint Luc se termine ainsi: «Toute espèce detentation étant achevée, le Diable s'éloigna de lui jusqu'à une autreoccasion» (Lu 4:13). Bien que les évangiles ne nous relatentaucune de ces occasions, il nous est permis de penser que Jésus a euà repousser bien des fois la tentation d'une royauté terrestre,jusqu'à ce qu'il l'ait définitivement vaincue lors de la crise de lafoi en Galilée (Jn 6:1,15 et parallèle). A partir de ce moment,la tentation change de caractère. Elle ne porte plus sur l'attitude àprendre, mais sur les conséquences à accepter. L'Ennemi s'efforce defaire sortir Jésus du chemin étroit sur lequel il s'est résolumentengagé et au bout duquel il voit déjà se dresser une croix (Mt16:21,23 et parallèle). C'est à Gethsémané que sera livré le dernierassaut pour empêcher le Sauveur d'être fidèle jusqu'au bout et quesera remportée la suprême victoire du sacrifice librement consenti.«Il s'est rendu obéissant jusqu'à la mort, même jusqu'à la mort de lacroix» (Php 2:8). ALb. D.