TEMPÉRANCE

En son sens général, ce terme désigne la possession de soi, dansl'éloignement des excès et la modération des passions: idéal auquelse ramenait presque toute la morale païenne (voir PERFECTION, Vertu),notamment celle des Stoïciens. Cette notion est exprimée dans le N.T. par les mots grecs ephrateïa, egkratès, dont la racine kratem évoque l'idée depuissance (Ac 24:25,Ga 5:22,Tit 1:8,2Pi 1:6, cf. Sir26:15: retenue). Elle se distingue de la notion toute négative d'abstinence ou decontinence, exprimée par le verbe de même racine egkrateuesthai (1Co 7:9 9:25). De même, l'intempérance peut avoir le sens général:

manque de maîtrise sur soi-même (2Ti 3:3),esclavage de divers excès (Mt 23:25),ou s'appliquer à des cas particuliers, comme l'incontinence (1Co 7:5).
Enfin, les termes nèphein, nèphalios désignent la sobriété,la modération dans l'usage du vin en particulier (1Th 5:6,8,1Ti3:2,11,2Ti 4:5,Tit 2:2,1Pi 1:13 4:7 5:8). Les deux verbes composés ehnèphein, ananèpheïn, qui désignentle réveil de l'ivresse et le retour à la raison, sont employés aufiguré par saint Paul dans 1Co 15:34 et 2Ti 2:26. Enfin, le terme sophrôn et ses dérivés, employés surtout dansles épîtres pastorales, désignent le plus souvent la maîtrise desoi-même, que nos versions rendent par des traductions variées:tempérance, sagesse, sobriété, modestie, prudence, etc. (1Ti2:9,15,2Ti 1:7,Tit 1:8 2:2 5,6,1Pi 4:7); le sens en est très clairdans la formule de Tit 2:12: «vivre dans la tempérance, lajustice et la piété», accomplissement des devoirs envers soi-même,envers le prochain et envers Dieu,--d'où l'emploi de cette formulecompréhensive dans certaines de nos liturgies. Le devoir de la tempérance n'est point inconnu à l'A.T., quoiquele terme ne s'y trouve pas. Il est implicitement indiqué dans lesrécits qu'il fait de l'ivresse de Noé (Ge 9) ou de Lot (Ge19) et de leurs suites humiliantes ou dégradantes, dansl'abstinence prescrite aux lévites (Le 10:8) et auxnazirs; (No 6:3,Jug 13:4) voir Naziréen. Il est explicite dans les nombreux préceptes des Proverbes surles conséquences fâcheuses de l'abus du vin (Pr 4:17 20:1 21:1723:21 31:6, cf. Sir 18:32 et suivants Sir 31:2537:27,31), et dans les vigoureuses apostrophes des prophètes contreles excès (Am 6:3-7,Os 4:11,Esa 28,Mic 2:11 etc.). Voir Ivresse. La tempérance, au sens large comme au sens étroit, estnaturellement une vertu chrétienne. Elle doit être exigée des frèresqui dirigent les communautés (1Ti 3:2 et suivant, Tit 1:8et suivant, etc.). Elle est un fruit de l'Esprit, dans les vieslibérées de l'esclavage de la chair par la grâce de l'Espritsaint (Ga 5:20-22). Celui qui est en Christ, ayant été appelé à la liberté, n'est pasdestiné à l'ascétisme: il peut user de tout, car «tout ce que Dieu acréé est bon, et rien ne doit être rejeté pourvu qu'on le prenne avecactions de grâces» (1Ti 4:4); Mais cette liberté est limitée par:
l'amour fraternel (Ro 14,1Co 8),par le désir de ne pas scandaliser les petits (1Co 10:23), et surtoutpar la crainte qu'elle ne soit «un prétexte pour vivre de façon charnelle» (Ga 5:13).
En effet, la liberté du chrétien peut être un piège, et s'il metsa confiance en lui-même, il risque de retomber dans l'esclavagehonteux des sens. D'où la nécessité:
d'user de ce monde comme n'en usant pas (1Co 7:31),de prendre garde (1Co 10:12),de veiller (Mt 24:42-51), car si «l'esprit est prompt, la chair est faible» (Mt 26:41).
La tempérance suppose en effet la maîtrise de soi, qui est unegrâce, fille de la foi (2Pi 1:5,8); l'Évangile n'admet pas descission entre la vie spirituelle du chrétien et sa vie habituelle:«Si nous vivons par l'Esprit, que notre conduite aussi soit inspiréede l'Esprit» (Ga 5:25). R. H.