1. LA LOI DU TALION, cette conception rudimentaire de la justice quiexige que le coupable soit traité de la même manière qu'il a traitéou voulu traiter les autres, se trouve dans les textes législatifs del'A.T. Les plus anciens sont ceux du livre de l'Alliance ,(Ex 20:24-23:19) qui n'est pas un code applicable par un tribunaldûment constitué, mais plutôt un recueil de préceptes fixant lacoutume que le législateur place sous la sauvegarde de la divinité.Il prévoit bien, cependant, l'existence d'un embryon de tribunal: lesanciens de la tribu ou du clan qui disent le droit (Ex 21:22);mais ce tribunal ne semble pas être permanent. A ce stade de lacivilisation, l'individu est en réalité son propre juge et son proprejusticier. Tout naturellement son clan prend fait et cause pour lui,et la querelle personnelle peut devenir celle de tout un groupecontre un autre groupe. L'époque du Deutéronome (VII° siècle) marque un progrès; cerecueil de sentences est proclamé sous Josias loi de l'État, code duroi, dont une instance établie surveille l'application. Ici lacommunauté constituée impose à l'individu son autorité, en matière dejustice comme ailleurs, et il ne peut plus, au même degré, poursuivrecomme il l'entend le redressement du tort qui lui a été fait. Même conception dans le Code sacerdotal (VI° siècle).L'autorité royale a disparu, mais la communauté plus forte impose savolonté au demandeur comme au coupable. 2. L'APPLICATION DU TALION n'apparaît guère dans les cas d'atteinte àla propriété. Voir toutefois Ex 21:36: si un boeuf réputévicieux tue celui du voisin, son maître rendra boeuf pour boeuf. Cf.aussi Le 24:18. Dans d'autres cas il y avait arrangementpossible et compensations prévues. Le Deutéronome et le Codesacerdotal sont muets sur ce point. Le talion s'affirme davantage dans le cas de blessures et lésions corporelles. Ex 21:12,14 en estl'article classique: si un homme tue son prochain, il sera mis àmort; s'il l'a fait involontairement, l'autel de la divinité luioffrira un refuge; s'il y a eu préméditation, rien ne pourrasoustraire le coupable au châtiment. La loi deutéronomique (De 19:1-13) confirme la vieillecoutume de la justice que l'individu et son clan poursuivent parleurs propres moyens; elle parle du gôel haddâm, le «vengeur dusang» (voir art.), c'est-à-dire du plus proche parent de la victime,auquel appartient le droit, et même incombe le devoir, de punir lemeurtre en versant le sang du meurtrier. Elle cherche à adoucir larigueur de ce droit; le vengeur du sang peut tuer le meurtrierinvolontaire; mais si celui-ci parvient à se sauver dans une desvilles de refuge (voir ce mot) que la loi établit, il y demeureradésormais à l'abri des coups du justicier. Quant au meurtrier qui aprémédité son acte, les magistrats de la ville de refuge où ilpourrait avoir cherché asile le saisiront et le livrerontimpitoyablement au vengeur du sang qui le fera mourir. Le Codesacerdotal formule très sévèrement ce principe: (Ge 9:5 etsuivant) si quelqu'un verse le sang de l'homme, par l'homme son sangsera versé; cf. No 35:16,21 et surtout v. 33: il ne sera faitpour le pays aucune expiation du sang qui y sera répandu, que par lesang de celui qui l'aura répandu. Cf. aussi Le 24:17 et Mt26:52: celui qui prendra l'épée périra par l'épée. Cependant la loi deutéronomique, rédigée sous l'influence desprophètes contemporains, enregistre un progrès à cet égard; tandisque la vengeance du sang s'exerçait, à l'origine, et sur le meurtrieret sur sa famille, Jérémie (Jer 31:29) et Ézéchiel (Eze18:2), rappelant le proverbe: «les pères ont mangé des raisins vertset les dents des enfants en ont été agacées», s'élèvent contre cetteconception exagérée de la responsabilité; et le Deutéronome (De 24:16)formule ce précepte: on ne fera point mourir les pères pour lesenfants ni les enfants pour les pères; on fera mourir chacun pour sonpéché. C'est une tentative de mettre fin aux vendettas, quiaffaiblissent les sociétés primitives. Les querelles ne se terminent pas toujours par la mort de l'undes combattants, mais souvent par des blessures qui le rendentincapable de travailler. Le livre de l'Alliance (Ex 21:19)condamne l'auteur des coups à indemniser sa victime pour tout letemps qu'elle devra se soigner. S'il y a eu quelque-dommageinguérissable, le talion intervient rigoureusement: oeil pour oeil,dent pour dent, main pour main, blessure pour blessure, etc. (Ex21:23,25, disposition absente du Deutéronome mais confirmée par le Codesacerdotal, Le 24:19 et suivant: il sera fait [à l'homme qui afrappé] la même blessure qu'il a faite à son prochain). Dans les cas où le livre de l'Alliance prévoit la mort commepunition d'un accident mortel par suite de la négligence du coupable,une amende pouvait être substituée à la sentence capitale (Ex21:29 et suivant). Le Deutéronome ni le Code sacerdotal ne disentrien à cet égard. Cette loi du talion dans son principe se retrouve dans laconception de la culpabilité du membre du corps qui a commis la fauteet qui doit être puni comme tel. (cf. De 25:12) 3. L'histoire d'Israël nous offrirait maint exemple de l'applicationrigoureuse de cette loi. Citons seulement deux cas où elle apparaîtparticulièrement sévère: 1° David mourant impose à son successeur la tâched'appliquer le talion à Joab pour le meurtre d'Abner et d'Amasa quece général avait tués en dehors des lois de la guerre (1Ro 2:5et suivant); 2° Jéhu, après avoir tué le roi Joram d'Israël, filsd'Achab, fait jeter son cadavre dans le champ de Naboth de Jizréel,en punition rigoureusement exacte du crime d'Achab (2Ro 9:26). Voir Vengeance. E. G.