1. Nom. Le terme grec sunagôgê désigne, chez les Juifs de l'antiquité, àla fois la maison destinée à l'étude de la Bible et à la prière, etla communauté qui s'y réunit. Dans le N.T. (Ac 16:13), dans le 3e livre des Mac, chez l'historien Josèphe et chez Philon, noustrouvons le synonyme proseukhê, qui primitivement signifie«prière». L'équivalent araméen des deux termes est bèthakk'nischta ou bien simplement k'nischta (voir la Mischna). 2. Histoire. Josèphe et Philon attribuent la fondation de la synagogue à Moïse. Ilest certain que cette indication est dénuée de valeur historique etqu'elle a pour seul but de rehausser encore le prestige de cetteinstitution qui, à l'époque du N.T., était considérée comme unélément essentiel de la religion juive. D'après le livre desActes (Ac 15:21), c'est aussi «depuis les temps anciens» que«Moïse est lu dans les synagogues tous les jours de sabbat». Enréalité, nous trouvons la première mention de la synagogue seulementdans les môadéh El (=lieux saints de réunion) de Ps 74:8.Dans la Guerre Juive de Josèphe (VII, 3:3), elle n'apparaît qu'àl'époque d'Antiochus Épiphane. Pourtant elle remonte probablementplus haut, aux premiers temps postexiliques. La situation extérieure dans laquelle se trouvaient les exilés etles Juifs de la Diaspora (voir ce mot) d'une part, l'évolution de lareligion juive d'autre part, expliquent l'origine de la synagogue. En dehors de la Palestine, les Juifs n'avaient pas de temple; ilsfurent donc réduits à manifester leur vie religieuse sous une autreforme. Comme ils ne pouvaient pas se réunir pour l'adoration et lesacrifice, l'instruction, l'étude de la loi, devint le centre deleurs pratiques religieuses. A cette orientation nouvelle due auxcirconstances correspondait la tendance générale du judaïsmepostexilique vers une conception purement légaliste de lareligion. Le rôle de la synagogue ne pouvait donc que grandir aprèsl'exil; et même après la restauration du temple, son existencedemeura indispensable à la religion. En Palestine, chaque ville avait au moins une synagogue (p. ex.Nazareth, Mr 6:2 et parallèle; Capernaüm, Mr 1:21,Lu 7:5,Jn6:59). A Jérusalem il y en avait plusieurs; il est vrai que lechiffre de 480 indiqué par le Talmud est démesurément exagéré, maisle livre des Actes (Ac 6:9, voir aussi Ac 24:12) nous faitconnaître au moins cinq d'entre les synagogues de Jérusalem: cellesdes Libertins, des Cyrénéens, des Alexandrins, des Ciliciens et desAsiates. Cette énumération prouve que chaque groupe important deJuifs de la Diaspora établi à Jérusalem formait une synagogue à part.Dans la Diaspora elle-même, la vie religieuse se concentra autour dela synagogue dans chaque ville où il y avait quelque agglomération deJuifs (d'après le Talmud, une synagogue devait être fondée dans toutlieu où il y avait au moins 10 Israélites). Dans certaines villesimportantes, il y en avait, comme à Jérusalem, plusieurs. Il en étaitainsi par exemple à Damas (Ac 9:2-20), à Alexandrie (Philon, De Leg. ad Caj., ch. 20) et à Rome (Philon, id., ch. 23). 3. Le bâtiment. Les bâtiments de la synagogue étaient généralement construits sur lepoint le plus élevé de la ville, mais souvent aussi en dehors desvilles, au bord d'un fleuve (Ac 16:13, la synagogue dePhilippes), sans doute pour faciliter les lustra-tions prescrites. Al'intérieur, il y avait le coffre sacré contenant les Écrituresconservées en rouleaux (Lu 4:17-20). Une sorte de tribune avecun pupitre était aménagée pour celui qui lisait ou interprétaitl'Écriture. Généralement, la communauté se chargeait de laconstruction, mais il arrivait aussi qu'un membre riche de lasynagogue la faisait construire, à ses frais, comme ce fut le cas àCapernaüm par exemple (Lu 7:5). 4. L'organisation. La direction de la synagogue était entre les mains d'un collèged'anciens. Celui-ci avait le droit d'excommunier les membresindésirables de la synagogue (Lu 6:22,Jn 9:22 12:42 16:2). Dansles villes palestiniennes exclusivement juives, ce collège coïncidaitavec le conseil des anciens de la commune. Mais dans les villes oùles Juifs étaient mêlés à la population païenne, la synagogue avaitson propre conseil d'anciens; il en était de même à Jérusalem, où ily avait plusieurs synagogues. Outre les anciens, il y avait dans toutes les synagogues des employés chargés d'assurer l'ordre extérieur des réunionscultuelles. La surveillance générale de l'organisation du culte étaitconfiée à l'arkhisunagogos (=chef de la synagogue), quidésignait les membres devant prononcer la prière et en exhortaitd'autres à la prédication (p. ex. Paul et Barnabas à Antioche dePisidie, Ac 13:15); il avait pour charge d'empêcher toutes lesirrégularités (Lu 13:14). Généralement, il était élu parmi lesanciens; il n'y en avait qu'un dans chaque synagogue, l'existence deplusieurs arkhisunagogoi (Ac 13:15) paraît avoir été uneexception. Le «serviteur», en grec hupèrétès ,(Lu 4:20) enhébreu khaszan, remplissait le rôle d'un sacristain: ils'occupait du nettoyage et de l'éclairage de la synagogue et devaittendre les Écritures à ceux qui faisaient la lecture biblique. Enoutre, il donnait, d'après la Mischna, l'instruction aux enfants, etadministrait les coups aux gens condamnés à la fustigation, peine quel'on exécutait dans la synagogue (Mt 10:17 23:34,Mr 13:9,Ac22:19). Enfin il y avait des employés spéciaux chargés de faire la collecte pour les pauvres. 5. L'ordre du culte. Les fonctions cultuelles proprement dites n'étaient pas réservées àdes personnes déterminées. Tout Juif présent dans la synagoguepouvait prononcer la prière et interpréter l'A.T, (cf. Jésus etPaul). Le culte principal avait lieu le matin du jour du sabbat;d'autres, moins importants et célébrés d'une manière analogue, maisplus simple, avaient lieu l'après-midi du sabbat, et les deuxième etcinquième jours de la semaine. Voici, d'après la Mischna et d'après Philon, l'ordre du culteprincipal qui était sans doute en vigueur du temps de Jésus, (a) La prière comprenant le Schéma, sorte deconfession de foi tirée de De 6:4,9 11:13,21,No 15:37-41, et laprière proprement dite. L'assemblée qui, pendant le reste du culte,était assise (cf. les «premières places dans les synagogues», Mt23:6), se levait pour la prière, la face tournée du côté deJérusalem. La prière était récitée par un membre majeur de lasynagogue désigné par l'archisynagogue. Les autres fidèles sebornaient à dire «Amen». (b) La lecture biblique était faite debout parl'un des assistants, qui pouvait même être mineur (excepté pour lalecture du livre d'Esther). Elle comprenait deux parties: 1° La loi, divisée en 154 morceaux (parschijjot) pour une lecture cursive répartie sur trois ans. A chaque lecture dela loi, introduite et terminée par une doxologie, devaient prendrepart au moins sept personnes dont chacune avait à lire un minimum detrois versets. Il était défendu de les réciter par coeur. 2° La partie de l'A.T, appelée «prophètes» (voirCanon de l'A.T.). Pour cette partie, il n'y avait pas de lecturecursive, et les morceaux pouvaient être choisis librement. C'estainsi que Jésus lut à Capernaüm un passage d'Ésaïe (Lu 4:17).Les lectures étaient faites en hébreu; il fallait donc traduire lestextes en araméen, car l'hébreu était devenu langue morte. Pour lestextes du Pentateuque, tout verset devait être traduit immédiatementaprès avoir été lu; pour les prophètes, il était permis d'en lire ettraduire chaque fois trois. (c) La prédication était une exégèse pratique dutexte lu (Mr 1:21-39 et parallèle, Mr 6:2 et parallèle,Lu 4:20 6:6 13:10,Jn 6:59 18:20,Ac 13:5). Tout assistant avaitle droit de prêcher. Le prédicateur restait assis (Lu 4:20). (d) La bénédiction sacerdotale, à laquellel'assemblée répondait par «Amen». Régulièrement, elle devait êtreprononcée par un prêtre; s'il n'y en avait pas dans l'assemblée, onse bornait à implorer la bénédiction. Cet ordre du culte synagogal a une importance particulière pourl'histoire du culte chrétien. En effet, les communautés chrétiennesl'ont adopté dans les grandes lignes, en ajoutant plus tard lalecture du N.T. à celle de l'A.T. Le culte chrétien, en tant qu'ilest culte de la parole, remonte directement à celui de la synagoguejuive. Voir Culte. Sous un autre rapport, la synagogue a eu une influence décisivesur l'origine même de l'Église chrétienne. L'existence des synagoguesa facilité au plus haut degré l'oeuvre missionnaire de l'apôtre Paul.Le livre des Actes nous montre que dans toutes les villes de l'empireromain qu'il a traversées, à Salamine (Ac 13:5), à Antioche dePisidie (Ac 13:14), à Iconie (Ac 14:1), àThessalonique (Ac 17:1), à Bérée (Ac 17:10), àAthènes (Ac 17:17), à Corinthe (Ac 18:4) et àÉphèse (Ac 18:19 19:8), l'apôtre est entré d'abord dans lessynagogues juives. C'est là qu'il a trouvé un auditoire auquel il apu prêcher l'Évangile. Elles ont ainsi contribué grandement, quoiqueindirectement, à l'expansion du christianisme. O. C.