SIDON

Aujourd'hui Saïda, petite ville de la côte phénicienne, entre Tyr (Soûr) et Beyrouth. L'ancienne cité, bâtie sur un cap rocheux,avec ses deux ports, l'un au Nord, l'autre au Sud, fut l'une des pluscélèbres de toute l'antiquité. Ses habitants avaient une réputationde navigateurs et d'artisans incomparables. Il est à remarquer queleur nom de Sidoniens fut appliqué pendant longtemps à toute lapopulation phénicienne méridionale. (cf. Jug 10:12,1Ro 5:6) Atrès haute époque, aucune mention de Sidon n'est faite dans lestextes égyptiens. Dans les tablettes d'el-Amarna, la ville estappelée Zi-du-na, Si-du-na ou Zi-tu-na. Au XII e siècle av.J.-C, les «Peuples de la Mer», qui avaient tout submergé en Syrie duN., durent dévaster Sidon, mais furent arrêtés un peu plus au Sud parRamsès III On ne saurait donc s'étonner que Sidon soit mentionnéedans l'A.T., dès qu'en Palestine arrivent les Hébreux. Si la listedes peuples rattache Sidon à Canaan (Ge 10:15), la ville échappatoujours aux Israélites (Jug 1:31), qui guerroyèrent parfoisjusqu'à son territoire. D'une inscription de Sanchérib qui,détaillant sa campagne contre Jérusalem (701 av. J.-C), nomme «Sidonla grande» et «Sidon la petite», on peut rapprocher la mentionbiblique de «Sidon la grande» (Jos 11:8 19:28), par où.il fautentendre à peu près certainement le territoire au Sud de la ville, leterme de «Sidon la petite» s'appliquant à la ville même et à sonport. (Dans des inscriptions trouvées à Sidon, au temple d'Eshmoun,sont aussi distinguées Sidon-Yam =Sidon-maritime, et Sidon-Sadé =Sidon-campagne.) La cité phénicienne, célébrée par Homère pour l'habiletéextraordinaire de ses orfèvres (II, XXIII, 743-748), la rapiditéde ses bateaux (Od., xv), avait fondé de nombreux comptoirs surles rives du bassin méditerranéen et dans les îles (Citium, Malte);mais sa rivale, Tyr, la supplanta rapidement et, dès l'époque deSalomon, son roi Hiram représentait les Sidoniens (1Ro 5:6).Cependant cette hégémonie dut bientôt compter avec la puissanceassyrienne. Sidon paya tribut à Assournazirpal, 884-860 (stèle au Nahr el-Kelb), à Salmanasar III (reliefs de Balawat), àTiglath-Piléser (le Pul biblique, 2Ro 15:19), à Salmanasar V(727-722 av. J.-C.). Lors de sa marche vers Jérusalem (701 av. J.-C),Sanchérib soumit une fois de plus les villes phéniciennes et installaroi à Sidon, à la place de Luli, un certain Tubaalu (Ithobaal). Sonsuccesseur Abdmilkut se révolta contre Assarhaddon qui réprimaénergiquement le soulèvement. Sidon fut détruite et le roi de Sidon eut la tête tranchée (676av. J.-C). Deux stèles trouvées, l'une à Sendjerli, l'autre à TellAhmar (en 1927, campagne Thureau-Dangin), commémorent cetterépression. Le roi Assarhaddon tient en laisse deux captifs, dontl'un est précisément Abdmilkut. Assarhaddon fonda plus loin une villequ'il appela Kar-ashour-aha-iddina et qu'il peupla de Caldéens. Sidonse releva pourtant de ses ruines, profitant du déclin de la puissanceassyrienne. La ville entra très certainement dans la ligue qui seforma contre Babylone (Jer 27:3,8), mais Nébucadnetsar entriompha et Sidon fut une fois de plus frappée (Eze 28:21 etsuivants). La période perse qui suivit fut d'abord une ère de paix etde grande prospérité pour Sidon, qui commit la faute de se révoltercontre Artaxerxès III Trahie par son propre roi Tennès, Sidon fut brûlée, 40.000personnes périrent dans les flammes et le célèbre paradeisos (parc) fut saccagé (351 av. J.-C). Cette ville, très grécisée(Straton Philhellène) déjà à l'époque perse, s'ouvrit à Alexandre etelle fut tour à tour en la possession des Ptolémées ou desSéleucides. Plus tard, république indépendante (III av. J.-C), puissoumise à l'arménien Tigrane (de 83 à 69 av. J.-C), elle tomba sousla domination romaine, mais jouit de toutes ses franchises. Le N.T.mentionne Sidon à plusieurs reprises et en compagnie de Tyr (Mr3:8,Mt 11:21 15:21). Jésus parcourut cette région (Mr 7:24,Mt15:21) et peut-être vint-il à Sidon (Mr 7:31). Le christianisme y fit bientôt des adeptes (est-ce pour cela queles Sidoniens n'agréaient pas à Hérode Agrippa? Ac 12:20), etsaint Paul s'y arrêta, alors qu'on l'emmenait à Rome (Ac 27:3).Éclipsée sans doute par Tyr, Sidon fut pourtant le siège d'un évêchédont le titulaire est mentionné au concile de Nicée (325 ap. J.-C).La suite des siècles ne fut pour Sidon qu'une longue tribulation:soumise aux musulmans (VII e siècle), prise par les Croisés, reprisepar Saladin, à nouveau aux mains des Francs qui la reperdirent (XII esiècle), la ville changea encore de maîtres: Eïyoub, saint Louis, lesTempliers, les Mongols, les Musulmans (XIII e siècle). Elle ne se releva vraiment qu'au XVII° siècle, avec l'émir desDruses, Fakhreddin, qui lui rendit un peu de son ancienne prospérité.La ville moderne (12.000 hab. aux deux tiers musulmans), entourée deses verdoyants «jardins», n'offre plus guère qu'un intérêtrétrospectif: celui qui s'attache au site antique. Les deux châteaux,celui de l'Acropole et celui «de la mer» (Kalat el-Mezzé, Kalatel-Bahar), sont du XIII e siècle (fig. 244); mais les fouilles ontdégagé des documents de beaucoup antérieurs. Après la découverte fortuite en 1855 du sarcophage du roi deSidon Eshmounazar II (au Louvre; il possède, gravée sur soncouvercle, la plus longue inscription phénicienne, 22 lignes), Renanconsacra à Sidon, en 1861, une exploration qui, poursuivie parGaillardot, fut particulièrement riche (la plupart des documents,inscriptions, sarcophages, au Louvre). En 1887, Hamdy Bey découvritla nécropole royale, d'où l'on retira 18 sarcophages, l'un au nom deTabnit, père d'Eshmounazar II, sarcophage égyptien réemployé (moulageau Louvre), d'autres du type dit anthropoïde, surtout les quatrecélèbres, grecs d'influence sinon d'exécution, dits «d'Alexandre»,des «Pleureuses», du «Satrape» et «du Lycien» (musée deConstantinople). Macridy Bey explora ensuite le site du temple d'Eshmoun, l'Adonisphénicien. Enfin, en 1914 puis en 1920, le docteur Contenau, à lasuite de diverses recherches, a mis au jour divers documents de grandintérêt: ivoires gréco-romains, statuette de Vénus, sarcophage avecla représentation d'un navire phénicien, un de ces bateaux «au longcours» que la Bible dénomme «navire de Tarsis» (1Ro 10:22), etde la céramique qui permet de remonter au XII e siècle; jusqu'alors,les trouvailles ne dépassaient pas l'époque perse (VI e siècle), etles fouilles du docteur Contenau nous font désormais remonter autemps de la grande migration des Peuples de la Mer et au sac de Sidonpar les Philistins. D'innombrables antiquités, qui remplissent les salles des muséeset proviennent de Sidon, attestent la prospérité de cette ville quijoua un tel rôle sur la côte phénicienne. Ce qui est encore cachédépasse peut-être en importance ce qui déjà est connu, carantérieurement au VI° siècle nous n'avons guère que des vestiges. Dela cité célébrée par Homère, bien des trésors sont encoreenfouis.--Voir Phénicie. A. P.