SERMON SUR LA MONTAGNE

1. Introduction. On donne le nom de sermon ou discours sur la montagne au contenudes chap. 5, 6 et 7 de Matthieu On admet généralement que cet évangile de Matthieureproduit l'ensemble de celui de Marc qui est surtout anecdotique, enintercalant dans le cours du récit plusieurs groupes de discours deJésus provenant de la source des Logia (voir Évang, synopt.). Lesermon sur la montagne est le premier et le plus important de cesdiscours. D'après la tradition, la colline de Karn Hattîn, entre Tibériadeet Nazareth, serait le site du sermon sur la montagne (fig. 187).Cette tradition, assez récente, n'est pas invraisemblable; elleconcilierait assez bien les données en apparence contradictoires despassages de Matthieu (Mt 5:1) et de Luc (Lu 6:17) qui serventd'introduction à ce premier discours de Jésus. 2. Sermon ou compilation? Un des problèmes les plus importants que pose ce long passage estcelui de savoir si nous sommes en présence d'un discours prononcé telquel en un même endroit et au cours d'une même réunion, ou d'unecompilation de paroles de Jésus, originairement éparses, mais réuniesaprès coup par l'auteur de la source ou par l'évangéliste. (a) Généralement les exhortations de Jésus dégagentune idée centrale très précise et très frappante; or ici noustrouvons diversité et multiplicité des sujets traités, sans lienentre les diverses parties. Il semble que l'attention des auditeursde Jésus a dû se disperser si le sermon a été prononcé tel quel. Onpeut, il est vrai, découvrir un certain plan dans le, sermon sur lamontagne; le fait qu'on a proposé des plans assez différents les unsdes autres prouve bien qu'il s'agit de plans à propos du discoursplutôt que de plans du discours. Qu'on ait pu établir ces plansmontre simplement qu'il y a analogie entre les morceaux qui composentle discours. (b) La présomption de compilation s'accentue si l'oncompare le texte de Matthieu avec les passages parallèles de Luc. (On peutfaire abstraction des passages parallèles de Marc qui sont peunombreux et peu significatifs). Une grande partie du «sermon» de Matthieu se retrouve dans Lc; mais, àpart l'important fragment (Lu 6:20,49) qui constitue ce qu'on aimproprement appelé le sermon dans la plaine et qui, prononcé dansdes circonstances analogues à celles du sermon sur la montagne, enest le parallèle beaucoup plus bref, le reste se retrouve disséminédans l'évangile de Luc en dix ou douze fragments. Si la source primitiveavait contenu le discours tel qu'il nous est parvenu dans Matthieu, on sedemande pourquoi Luc l'aurait ainsi coupé en petits tronçons. De plus, ces passages semblent mieux situés dans Luc que dans MatthieuPar exemple, le «Notre Père» de Matthieu est introduit d'une manière assezartificielle dans un passage sur la sincérité de la prière, tandisque dans Lu 11 répond très naturellement à une question desdisciples. Le passage relatif aux soucis (voir ce mot) n'a pas dansMatthieu de rapport direct avec le reste du sermon, tandis que dans Lu11 fait logiquement suite à la parabole du riche insensé. (c) Nous sommes ainsi amenés à penser: Qu'il y a dans le «sermon» de Matthieu des paroles quine faisaient pas partie originairement du discours de Jésus, maisqui, prononcées par lui en d'autres circonstances, ont été réunies àce discours à cause de certaines analogies. Ces groupementscaractérisent précisément la manière de composer de Matthieu Le discours original, ou en tout cas la sourceprimitive, devait contenir les passages communs à Lu 6 et au«sermon» de Matthieu, que les deux évang, présentent dans le même ordre.Il devait s'ouvrir par les béatitudes, continuer par un appel àl'amour fraternel et une exhortation à mettre en pratique la viechrétienne, et s'achever par la parabole de la maison bâtie sur leroc. Réduit à ces éléments, le discours ne manque pas d'unité. Certains passages propres à Matthieu ont pu aussi enfaire partie, notamment Mt 5:21-24,33-37 qui entreraient biendans le plan primitif, mais que Luc écrivant pour des païens a pulaisser tomber parce qu'ils faisaient allusion à des coutumesstrictement juives. Ainsi la source primitive devait être à la foisplus courte que le discours de Matthieu et p!us longue que celui de Luc. Il va sans dire que le fait de ne pas avoir appartenu au discoursoriginal n'enlève rien à la valeur des paroles prononcées par Jésusen d'autres circonstances. Les deux principales intercalations, le«Notre Père» et le passage sur les soucis, sont au contraire parmiles plus beaux enseignements du Seigneur et constituent un deséléments essentiels de son message. 3. Forme originale. Dans l'ensemble, la forme de Matthieu est assez voisine de celle despassages parallèles de Luc. Toutefois on constate sur certains pointsdes divergences assez sensibles, et comme il s'agit justement depassages très importants, on se demande souvent quel est le texte leplus proche de l'original. Il est impossible d'affirmer qu'en blocl'un des deux évangiles doit être préféré à l'autre. C'est unequestion d'espèce. Il faut étudier à part chaque cas. On trouveracette étude dans les articles spéciaux (voir Béatitudes, Oraisondominicale, etc.). 4. Considérations générales. Le sermon sur la montagne, c'est le «discours programme» de Jésus, ousi l'on veut la «charte du Royaume» qu'il promulgue au début de sonministère. Ces paroles s'adressent à des disciples. Les «foules» ont pu setrouver là au moment où parlait Jésus (Mt 7:28), mais il estévident que ce message ne pouvait avoir de sens que pour des hommesdéjà convertis. Pour l'homme naturel un pareil enseignement est de lafolie. Avant de manifester par sa vie ce que c'est qu'un hommenouveau, Jésus en fait en quelques formules une peinture saisissante. On a vu parfois dans le sermon sur la montagne un résumé sublimede l'Évangile, et l'on n'a pas craint, l'étudiant en lui-même, de leséparer du reste de l'Évangile et de le considérer en dehors de lapersonne de Jésus. C'est une erreur. Il ne couvre pas à lui seul toutl'Évangile. Isolé, il ne serait plus qu'une loi, une loi encore plusécrasante dans ses exigences que celle de l'A.T, et qui, malgré sonton d'allégresse, laisserait l'homme désespéré en face de la réalitétragique de son péché. Le sermon doit être complété par les autresparties de l'Évangile, qui apportent au croyant, en même temps que lemessage de la croix, celui du pardon, de la grâce et de l'Esprit deDieu. Mais la loi (voir ce mot) est un des aspects essentiels de larévélation. Nous avons besoin de savoir ce que Dieu attend de nous.Ici nous le trouvons exprimé d'une manière parfaite (les indicationsdu Décalogue y sont approfondies et développées), et surtout d'unemanière positive. Il ne s'agit plus à proprement parler d'une loi;nous y trouvons moins l'énoncé de commandements nouveaux, que lapeinture du caractère de l'homme nouveau. Jésus le premier proclamedans le sermon sur la montagne cette haute vérité, que saint Paul etplus tard les réformateurs devaient remettre en lumière: ce qui sauvel'homme, ce qui fait sa valeur, ce qui le juge, ce n'est pas ce qu'ilfait, mais ce qu'il est. J. M.