1. L'art préhistorique palestinien est beaucoup moinsdéveloppé que d'autres, par ex. celui du Languedoc. On y trouvecependant un outillage paléolithique très primitif: des coups depoing analogues à ceux du chelléen, des racloirs, des perçoirs et deslames tranchantes pour travailler les peaux de bêtes (cf.moustérien). Ces outils se perfectionnent peu à peu (cf.magdalénien): des formes nouvelles (scies, poinçons, aiguilles)apparaissent, «mais l'art du Palestinien de ces temps reculés paraîtêtre orienté tout entier vers la fabrication des objets de parure; ilperce et orne des coquilles actuelles ou fossiles (prédilection pourles oursins fossiles), dont il fabrique des amulettes ou descolliers» (L. Perrier, la Préhistoire de la Palestine et laBible, p. 11). Quoique la Palestine soit riche en argiles rouges,le Palestinien du néolithique, habile à polir les haches, l'estbeaucoup moins dans le travail de la poterie: vases lourds, en pâtemal cuite, ornés ultérieurement d'incrustations de coquilles et destries faites avec des pointes de silex. «L'industrie et les arts cananéens marquent un sérieux progrès sur la période néolithique.Les potiers connaissent l'usage du tour. La céramique devient trèsrégulière, ses formes sont symétriques et élégantes» (L. Perrier, id., p. 23, cf. H. Vincent, Canaan) 2. Les premières préoccupations artistiques des Hébreuxfurent donc d'ordre pratique; on pourrait en trouver aussi dans lecostume. Mais quant aux beaux-arts proprement dits, lesIsraélites ne les ont cultivés que très tard et dans une mesure trèslimitée. Ceux des peuples leurs voisins étant comme le véhicule del'idolâtrie (voir ce mot), l'interdiction par la Loi des imagestaillées et figures des choses du ciel et de la terre risquant dedevenir objet de culte (Ex 20:4 et suivant, De 5:8 etsuivant) les empêcha de se livrer à la sculpture et à la peinture(voir Bertholet, Hist. Civ. Isr., p. 339). Le besoin ne s'en fitguère sentir, d'ailleurs, dans ce peuple agricole, jusqu'à ce que laroyauté commençât les constructions de luxe. C'est trèsexceptionnellement qu'on voit des Israélites adopter les théraphimcananéens: (Ge 31:19,Jug 17:5,1Sa 19:13) fétiches ou idolesdomestiques, primitivement en calcaire, plus tard en terre cuite ouen bois, de forme allongée à tête sphérique, les membres marqués pardes incisions. Le culte israélite ne devait pas du reste exclured'une façon absolue toute espèce de reproduction plastique. Lesfouilles de Thaanac et de Méguiddo ont livré des spécimens desculptures israélites: lions, chérubins, etc. Dans les palais royauxet le temple de Salomon s'exercent les influences assyrienne etégyptienne par l'intermédiaire des artistes phéniciens auxquelsIsraël a recours, faute d'art original. Ils introduisent desrevêtements de bois et d'or travaillés dont les bas-reliefs nereprésentent pas seulement des motifs végétaux: palmes, coloquintes,etc., mais aussi des chérubins (1Ro 6:18,29); ce motif(personnages humains ailés) paraissait sans doute autorisé par laplace d'honneur accordée aux deux chérubins d'or disposés sur l'archede l'alliance (Ex 25:18-22) et aux deux autres dressés dans lelieu très saint (1Ro 6:23-28,2Ch 3:10-13), symboles de laprésence invisible de l'Éternel. Le bassin de métal, appelé mer defonte ou d'airain, était posé sur douze statues de boeufs (2Ch4:4). Un grand rôle est aussi attribué par les textes sacerdotaux àBetsaléel dans les oeuvres artistiques intéressant le Tabernacle(Ex 31:1-6 35:30-35); comp. les descriptions élaborées de (Ex 25:1128:11 39:3-7). A part ces éléments d'art où lescréatures, toujours représentées comme subalternes, ne risquaient pasde provoquer à l'idolâtrie, les auteurs sacrés condamnent sansréserve toute image (voir ce mot), objet de culte: le veau d'ord'Aaron (Ex 32), ceux de Jéroboam (1Ro 12:26-32,Am 8:14),les statues détruites par Josias (2Ro 23:12-15), même le serpentde Moïse lorsqu'il fut adoré (2Ro 18:4). Ézéchiel exprime sonhorreur pour les figures ciselées et peintes de vermillon que sesvisions lui montrent dans le Temple (Eze 23:14, cf. Eze8:10). Cette aversion Israélite pour l'image taillée s'exprimeénergiquement dans l'apocryphe Sapience ou Sagesse de Salomon, quitout en proscrivant les idoles artistiques ou non artistiques (Sag13:10), semble voir dans les beaux-arts la propre cause del'idolâtrie (Sag 14:12 15:4 et suivants). Le droit rabbiniqueautorisa l'introduction de formes animales dans l'ornementation dessynagogues, mais à certaines époques les autorités juives en firentdétruire (Dalman, Itin., p. 190); le rigorisme varia beaucoup àcet égard. Lorsque saint Paul se trouve dans Athènes, la ville del'art par excellence, son impression dominante est l'indignationcontre les innombrables idoles, et dans son discours au pied del'Acropole il oppose le vrai Dieu aux sculptures de l'art et du géniehumains (Ac 17:16,29). On peut donc dire que sans avoir étécomplètement réfractaire aux arts plastiques, le peuple juif y a vubeaucoup moins un objet d'intérêt qu'un risque pour la piété, puisquel'art de son temps c'était surtout le culte des faux dieux. Dans undomaine où l'on pourrait penser que l'esprit juif devrait trouverquelque compensation à son abstention: les tableaux des prophètes etdes apocalypses, la vision reste cérébrale; elle ne retient lesformes que pour leur valeur de symboles et se tient en dehors del'esthétique. La plupart de ces tableaux, qui juxtaposent souvent deséléments hétéroclites et incohérents, ne fourniraient au dessin ou àla sculpture que des monstruosités. (voir Eze 1,Da 7,Ap 4 etc.) 3. Il est d'autant plus remarquable que le christianisme,issu d'un sol aussi peu favorable aux arts plastiques que l'était lejudaïsme, n'ait jamais pris position contre l'art lui-même; lacondamnation que Platon en prononce à la fin de sa République n'apparaît nulle part dans le N.T., et les Pères de l'Eglise despremiers siècles, tout en mettant les fidèles en garde contre lepaganisme, ne leur ont jamais interdit les goûts esthétiques. Parcontre, l'incarnation, en faisant «voir» au monde la «grâce et lavérité», la «gloire du Fils unique venu d'auprès du Père» (Jn1:17,14), a donné un essor nouveau à tous les arts de l'humanité.Dès l'époque des Catacombes, le dessin s'appliqua à représenter leSauveur sous forme de symboles, puis comme le bon Berger (fig.13;voir aussi J.-H. Meille, L'image de Jésus dans l'Histoire etdans l'Art). Lorsqu'au IV e siècle, Paulin de Noie fit peindre desscènes de la Bible sur les murs de sa basilique, son but étaitd'enseigner par la vue l'Histoire sainte aux ignorants; loinde manifester par cette introduction de l'art dans l'Église unrelâchement de la piété, il voulait au contraire ramener les agapes àla spiritualité primitive. Critiqué à ce sujet par un chef del'Église, il se justifia par une réponse en vers qui renferme cesmots significatifs: Pocula rarescunl... En présence des scènesbibliques, on buvait moins! La légende plus tardive qui a fait de Luc un peintre exprimecette idée juste que les Évangiles--celui de Luc trèsparticulièrement--ont fourni en grand nombre aux artistes des sujetsdignes des plus beaux chefs-d'oeuvre. C'est que la peinture, et plusencore la musique et la poésie, expriment l'âme d'une façon pluspersonnelle que la sculpture et l'architecture; dans ces diversdomaines, l'âme hébraïque, l'âme juive et l'âme chrétienne ontapporté comme telles leur fort appréciable contribution au patrimoineartistique de l'humanité. Voir Architecture, Instruments de musique,Chant, Poésie. P. A. et Jn L.