(du latin sinus ; grec, kolpos ; ces deux mots correspondent àplusieurs termes hébreux différents). 1. C'est sans doute au sens propre de l'hébreu khéq, désignant lapartie antérieure de la poitrine humaine) (Ps 35:13, Vers.Syn.: poitrine [v. ce mot), qu'il faut faire remonter l'expressioncourante: porter sur son sein (No 11:12,Ru 4:16,La 2:12), gested'affection et de protection paternelle ou maternelle (Esa40:11), comme aussi les locutions hébraïques: celle qui dort sur tonsein (Mich, 7:5), et, litt., la femme de ton sein, c-à-d, ta femmebien-aimée (De 13:6 28:54, Sir 9:1 etc.). Au figuré, lapoitrine étant généralement considérée comme le siège des sentimentsqui la soulèvent, nos versions remplacent le sens de l'hébreu: lesein, par: le coeur. 2. Un terme spécial, chad (souvent au duel: châdaïm =les deuxseins), désigne la poitrine de la femme (Ca 1:13 4:5 8:1 Os2:2 etc.); il est quelquefois traduit par: mamelle, lorsqu'ils'agit d'allaitement de nourrissons (Job 3:12 24:9,Joe 2:16,Esa28:9 etc.) et même de petits animaux (La 4:3); un prophèteemploie la métaphore: le sein des rois te nourrira (Esa60:16,49:23). Voir aussi Nourrice. 3. Plus souvent, dans nos traductions de l'A.T., le sein désigne lesorganes de la maternité (Ge 2 5 22 49:25,Ru 1:11 Ps 71:6,Os 9:1412:4,Lu 1:41 et suivant, etc.), pour lesquels l'hébreu disposait dedivers noms (méèh, rakham, bètèn, qèrèb), parfois aussi renduspar: entrailles (voir ce mot). De là proviennent des expressionsfigurées, comme le sein de la terre (Job 38:8,Mt 12:40) oul'image de Job 15:35. 4. Nous revenons au khéq hébreu pour une signification particulièretrès commune en Orient: le «sein» est l'espèce de poche formée parles replis de la robe extérieure ou du manteau qu'on s'attache à lataille par une ceinture; on y mettait toutes sortes d'objets (voirVêtement). Ainsi s'expliquent bien des passages, comme Ex 4:6 etsuivant, Ps 74:11 (mettre la main dans son sein ou l'en sortir),Pr 6:27 (qui porterait du feu dans son sein sans enflammer seshabits?), Pr 21:14 (le présent glissé dans le sein, c-à-d,secret; cf. Pr 17:23), Ps 89:51 (porter dans son sein lesinjures). Une comparaison analogue, qui disparaît dans nostraductions, exprime l'idée de rétribution: faire retomber le maldans le sein...(Ps 79:12, Vers. Syn.: sur la tête; Esa 65:6et suivant, V S.: rendre pleinement, exactement). La comparaison laplus connue dans ce domaine est celle de Jésus: «On versera dansvotre sein une bonne mesure, pressée, secouée, débordante» (Lu6:38), c-à-d., en langage familier moderne: vous aurez les pochespleines à déborder. 5. Il reste à signaler trois passages du N.T. et à préciser dans quelrapport ils sont avec les explications qui précèdent. (a) Pendant le dernier repas du Seigneur avec sesdisciples, l'un d'eux «était couché sur le sein de Jésus» (Jn13:23). Cette expression se comprend par l'usage du temps: lesconvives étant étendus obliquement autour de la table, chacun d'eux,appuyé sur le bras gauche, avait la tête proche du «sein» de sonvoisin de gauche (voir Repas). Mais comme il eût été fort gênant,pour manger et boire en se servant de son bras droit, d'avoir à lahauteur de sa propre poitrine la tête de son voisin de droite, il estprobable que dans ce cas il s'agit du sein au sens du parag. 4,c-à-d, de la ceinture du vêtement. En effet, deux versets plus bas,lorsque le même disciple «se penche sur le sein de Jésus» pour lequestionner, l'évangéliste n'emploie plus le terme grec général kolpos, mais stêthos, mot propre désignant avec précision lapoitrine (verset 25, cf. Jn 21:20): le disciple que Jésusaimait, son voisin au repas, avait voulu se trouver encore plus prèsde lui pour lui poser en particulier la question que Pierre lui-mêmen'osait pas faire à haute voix (verset 24). (b) Le «sein d'Abraham», où est porté le pauvre Lazare(voir ce mot) de la parabole de Jésus (Lu 16:22), représente lerepos et le bonheur du ciel. Cette périphrase était employée par lesrabbins pour désigner le paradis, dont ils faisaient volontiersdépendre l'entrée de l'autorité d'Abraham. Encore ici, on peut sedemander s'il s'agit du sein d'Abraham au sens du parag. 1 ou duparag. 4. En faveur du premier sens, on observe que le patriarche estappelé trois fois par Lazare son «père» (verset 24,27,30) et qu'ill'appelle son «enfant» (verset 25); qu'on peut donc se le représentercomme prenant paternellement Lazare sur son sein, c-à-d, dans sesbras. En faveur du second sens, on cite la parole de Jésus lui-mêmedécrivant le royaume des cieux sous l'image d'un banquet où«plusieurs viendront se mettre à table (litt, s'étendre) avecAbraham, Isaac et Jacob» (Mt 8:11, cf. Lu 13:28 etsuivant); et sans aller peut-être jusqu'à voir dans le «seind'Abraham» (verset 22,23) l'idée que la place d'honneur, à côté duMaître, était réservée au seul Lazare, on peut cependant considérercomme intentionnels dans la pensée de Jésus les contrastessaisissants dressés par l'image du céleste banquet: d'une part avecla condition terrestre du pauvre mourant de faim (verset 20), d'autrepart avec les festins passés du mauvais riche (V 19) et avec sonactuelle privation de tout, jusqu'à la moindre goutte d'eau (verset24). (c) La déclaration du 4 e évangile: «Le Fils unique,qui est dans le sein du Père, est celui qui nous l'a faitconnaître» (Jn 1:18), pourrait aussi par cette image faireallusion à la position du convive le plus honoré, à côté du maître demaison; mais ici, combien plus appropriée paraît être la comparaisonavec la position du fils dans les bras ou sur les genoux de son père!Ces trois termes: le Fils unique, le sein, le Père, font sentir quela vérité apportée par le Christ n'est point un système philosophiquemais une démonstration d'amour. La préposition grecque de mouvement: pros, litt.: «vers le sein du Père», marque qu'il s'agit nond'un état passé ou d'une essence métaphysique, mais d'une actionpermanente: c'est en se plongeant continuellement dans l'intimitéavec Dieu le Père, que Jésus fait voir aux hommes sa qualité de Filsà travers laquelle ceux qui n'ont «jamais vu Dieu» ont la révélationde Son «sein», c-à-d, de Son coeur paternel. Seul le Fils pouvaitdonner au monde cette interprétation de l'être divin, initiation dela terre au plus profond secret du ciel: de toute éternité Dieu estPère, Dieu est amour. (D'après F. Godet, Comm, sur Jean, II, pp.94-97.) Jn L.