Elle apparaît dans le récit biblique avec l'apparat et l'éclat queles contes des «Mille et Une Nuits» devaient prêter plus tard auxreines orientales. Elle brille, en effet, par son faste et sadiplomatie. Tandis que Salomon est à l'apogée de sa gloire,d'ailleurs matérielle et terrestre, elle vient à lui du fond de sonmystérieux royaume, avec une caravane de dons précieux; elle leconsulte comme un oracle, comme un sphinx enrichi, et s'en retournechez elle ravie, la vue de tant de puissance et de fortune ayantdépassé toutes ses prévisions (1Ro 10:1,13,2Ch 9:1-9). On a pu s'étonner qu'une femme, fût-elle reine, se mît ainsi enroute pour aller visiter un souverain. La femme voilée de l'Orientest-elle si libre? Mais on sait par les inscriptions sabéennes queles femmes de ce pays y tenaient un rang à peu près égal à celui deshommes. Elles offraient les mêmes sacrifices aux mêmes divinités.L'une d'elles est citée comme possédant en propre un château, etc.Sans s'arrêter aux invraisemblables légendes écloses en Ethiopie eten Abyssinie à propos de la reine contemporaine de Salomon (elle seserait appelée Maqueda, aurait eu de lui un fils, etc.), il estpermis de considérer l'épisode biblique comme bien encadré dans lesdonnées modernes sur le Séba du S. de l'Arabie; à cette régions'appliquait fort exactement, dans l'empire romain du I er siècle, ladésignation qu'emploie Jésus en l'appelant le «Midi» et en la situantaux «extrémités de la terre» (Mt 12:42 et parallèle, cf. Jer6:20). Pour la réalité historique et l'identification de ce royaumede Séba, et pour l'abondance de ses richesses, voir Sabéens. Le récit de la visite à Salomon appartient sous sa forme actuelleaux amplifications admiratives de la postérité qui ne voulaitconserver de ce règne qu'un éblouissant souvenir de gloire (voirSalomon). Le fondement historique en aura été quelque ententeéconomique ou traité commercial entre le roi d'Israël et lasouveraine d'une contrée opulente et lointaine, plus ou moinsfabuleuse déjà pour l'imagination populaire. Cet épisode flattait lafierté nationale; c'était comme une anticipation des prophéties quidevaient annoncer le rassemblement des peuples païens à Jérusalempour la gloire de Jéhovah. (cf. Esa 60:6) Jésus a fait une allusion à ce récit (Mt 12:42 parallèleLu 11:31). Refusant à ses interlocuteurs le signe, ou miracle,qu'on lui demandait, if leur rappelle celui du prophète Jonas quisuffit aux Ninivites pour les amener à se repentir, et la visite dela «reine du Midi» qui «vint des extrémités de la terre pour entendrela sagesse de Salomon». De ces deux exemples de païens proposés à desJuifs (de même Mt 8:10:15 11:22-24 Lu 4:25,27), le Seigneur tireun argument à fortiori, car il est lui-même «plus que Jonas» et «plusque Salomon». On peut relever les contrastes par lesquels les deuxexemples se complètent: une repentance collective, et un hommageindividuel; un peuple, et une souveraine; des hommes, et une femme;un réveil provoqué par une prédication, et une recherche spontanée dela sagesse. Ce dernier point de vue est le plus intéressant, les deuxcas illustrant ainsi l'attitude juive et l'attitude païenne; lesJuifs demandent des miracles (=signes), les païens (s. Paulécrivait: les Grecs) cherchent la sagesse; (cf. 1Co 1:22)Salomon était pour le judaïsme le plus pur représentant de la sagesse(cf. 1Ro 4:31, Sag 7:17-21 8 9), et lorsque Jésus déclarait delui-même: «Il y a ici plus que Salomon», c'était se présenter à sesauditeurs comme l'incarnation même de la sagesse divine.