SATAN

Dans l'Ancien Testament Le mot hébreu Satan, avant de devenir un nom propre, a été unnom commun employé pour désigner tout être qui s'oppose commeadversaire ou comme accusateur (No 22:22,2Sa 19:22,1Ro 11:25,Ps109:6; nous trouvons le verbe correspondant dans Ps 38:21109:4). L'esprit mystérieux et redoutable appelé Satan n'est mentionnéque dans trois passages de l'A.T., et ces trois textes appartiennentà des écrits de la période post-exilique, ce qui laisse supposer uneinfluence de la religion des Perses, au contact de laquelle Israëls'est trouvé pendant l'exil. On sait que cette religion est fondéesur l'opposition absolue de deux principes spirituels, irréductibles,également primitifs: Ahura-Mazda ou Ormazd, le principe du bien, etAngra-Mainyu ou Ahriman, le principe du mal. Mais cette influence dudualisme iranien semble n'avoir été que la cause occasionnelle del'apparition tardive de Satan dans la littérature canonique de l'A.T.La raison profonde, nous la trouvons dans l'antique notion hébraïqued'un Dieu caractérisé essentiellement par l'attribut de la puissanceet qui est la cause unique de tout ce qui arrive en bien et en mal.Si la distinction du bien et du mal (voir ces mots) est très nettequand il s'agit de l'homme (le bien, c'est l'obéissance à Dieu, et lemal, la désobéissance), il n'en va pas de même quand il s'agit deDieu, car Jéhovah fait ce qui lui plaît et tout dépend de son bonplaisir. Un texte met particulièrement en évidence cette sorted'amoralisme: «Avec celui qui est fidèle, tu es fidèle; avec l'hommeintègre, tu agis avec intégrité; avec celui qui est pur, tu temontres pur; et avec le pervers, tu te fais pervers» (Ps 18:26et suivant, Sg. traduit: «...tu agis selon sa perversité», et laVers. Syn.: «...tu te joues de sa perversité»; on devine aisémentsous ces euphémismes l'embarras des traducteurs). Derrière ce qui est mal, du point de vue de la conduite humaine,et qui, comme tel, sera châtié, il peut y avoir une volontéparticulière et une activité initiale de Dieu. Dans plusieurspassages, Jéhovah est présenté comme l'inspirateur de penséesmauvaises dans le coeur de ceux qu'il veut perdre. C'est lui qui «endurcit le coeur de Pharaon» pour qu'il ne laissepartir les Hébreux qu'après avoir été durement frappé, lui et sonpeuple (Ex 4:21 7:3 10:20, cf. De 2:30). C'est lui qui, voulant faire mourir les fils d'Héli, les pousse àne pas écouter la voix de leur père (1Sa 2:25). C'est lui qui, dans sa colère, excite David à faire ledénombrement du peuple et qui châtie ensuite Israël en lui envoyantla peste à cause de cet acte considéré comme un péché (2Sa 24:1et suivants; voir aussi 1Ro 12:15,2Ro 24:19 et suivant). L'action de cette causalité absolue se fait aussi sentir dans lemonde matériel, car, si Dieu donne la santé et le bonheur, il envoieégalement la maladie et le malheur (voir, par ex., les bénédictionset les malédictions énumérées dans De 28). Jéhovah a sous ses ordres des esprits qui, tantôt sous une formeimpersonnelle, tantôt sous une forme personnelle, peuvent exercer desa part une action mauvaise sur les hommes. C'est ainsi qu'il envoie:

un «esprit de discorde» entre Abimélec et les habitants de Sichem (Jug 9:23),un «mauvais esprit» pour tourmenter Saül (1Sa 16:14,23 18:10),un «esprit de mensonge» pour séduire Achab et le conduire à sa perte (1Ro 22:18,23),«un esprit de vertige» (Esa 19:14),«un esprit d'assoupissement» (Esa 29:10).
Les anges sont aussi parfois les agents de la colère divine.Exemples:
l'ange exterminateur (Ex 12:23, 2Sa 24:16 et suivant, 2Ro 19:35),les «anges de malheur» (Ps 78:49),l'ange qui chasse et qui poursuit (Ps 35:5 et suivant).
Or, si tout vient de Dieu, si Dieu tient tout dans sa main, lesanges et les esprits aussi bien que les hommes, il est aisé decomprendre qu'il ne soit pas nécessaire, pour expliquer la présencedu mal dans le monde, de faire intervenir un être mauvais agissant endehors de lui. Mais, au fur et à mesure que la Révélation progresse, nous voyonss'épurer lentement cette notion primitive de Dieu, l'accent étant misde plus en plus sur la sainteté de Jéhovah. Sans doute, cettesainteté a-t-elle été toujours proclamée; mais, au début, ellen'avait pas le sens de perfection morale qu'elle devait prendre plustard. Le terme de saint désignait surtout ce qui est sacré,inviolable, divin. La sainteté de Jéhovah était sa souverainetéabsolue, sa dignité unique et exclusive, sa majesté et sa grandeurdont les manifestations inspiraient à l'homme un profond sentiment decrainte. C'est grâce à la prédication des prophètes que s'affirme lecaractère moral de Jéhovah présenté avant tout comme le Dieu de lajustice. La sainteté dont Ésaïe a la révélation (Esa 6:1,7) estla parfaite pureté morale de Dieu, pureté que le prophète Habacucexprime en ces termes: «N'es-tu pas de toute éternité, Éternel, monDieu, mon Saint? Tes yeux sont trop purs pour voir le mal et tu nepeux pas regarder l'iniquité» (Hab 1:12 et suivant,. cf. Ps99). Or, tandis que se poursuit, durant l'exil et pendant la périodepost-exilique, le développement de cette notion de la sainteté deJéhovah, peu à peu s'impose la conviction qu'il est impossibled'imputer à Dieu l'inspiration mauvaise et qu'il faut attribuer à unautre l'action pernicieuse qui s'exerce dans le coeur des hommes. C'est dans le prologue du livre de Job, écrit après l'exil,qu'apparaît pour la première fois Satan (Job 1 et Job 2):«Les fils de Dieu vinrent un jour se présenter devant l'Éternel et leSatan vint aussi au milieu d'eux» (Job 1:6). Il fait donc partiede la cour céleste; mais, tout en étant mentionné avec les «fils deDieu», il semble avoir une place à part. Son nom n'est pas encore unnom propre car il est appelé «le Satan», désigné ainsi à cause de sonrôle d'accusateur public dans le conseil de Dieu. Si rien dans lerécit ne permet d'affirmer qu'il a une nature foncièrement mauvaise,il se révèle pourtant singulièrement malveillant envers les hommes,suspectant leurs intentions, doutant de. leur sincérité, seréjouissant de les prendre en faute et cherchant à faire partager sasuspicion à Jéhovah. C'est lui qui envoie à Job toutes sortes, decalamités et qui, après l'avoir privé de tous ses enfants, le frappedurement dans son corps. Mais le texte nous montre très nettementqu'il ne peut agir ainsi qu'avec la permission de Jéhovah. Si donc ilest déjà l'adversaire des hommes, il n'est pas encore l'adversaire deDieu. Dans le livre de Zacharie (Za 3:1-5), les traits ducaractère de Satan s'accentuent. Le prophète voit le grand-prêtreJosué debout devant l'ange de l'Éternel, et le Satan qui se tient àsa droite pour l'accuser. Or Satan, cette fois, en accusant Josué,non à cause de ses péchés personnels, mais en tant que grand-prêtrereprésentant le peuple d'Israël, s'oppose aux desseins miséricordieuxde Jéhovah. Aussi lui est-il répondu: «Que l'Éternel te réprime, Satan, quel'Éternel te réprime, lui qui a choisi Jérusalem!» Avec le livre des Chroniques (1Ch 21:1), nous franchissonsune nouvelle étape. «Satan se leva contre Israël et il excita David àfaire le dénombrement d'Israël.» Maintenant c'est par un nom propre(Satan, sans l'article) que l'Adversaire est désigné, et non plus parun nom commun indiquant sa fonction. Il est devenu le Tentateur quiagit par lui-même, en dehors de Dieu, pour faire tomber les hommesdans le péché. Si on compare le récit que nous donne le Chronisteavec celui qui nous est rapporté dans 2Sa 24:1 pour relater lemême événement, on voit le chemin qu'a parcouru la pensée religieused'Israël: ce n'est plus Dieu qui est l'instigateur de l'actionmauvaise de David, mais Satan.Dans les Apocryphes et dans les Apocalypses juives. Nous découvrons dans la littérature extracanonique de la périodehellénistique des influences incontestables du syncrétisme oriental.La démonologie prend un développement considérable; mais ellen'aboutit nulle part à un dualisme aussi radical que celui de lareligion iranienne, car la souveraineté de Dieu n'est jamais mise enquestion. Dans le livre de Tobit (Tob 3:8), nous trouvons undémon appelé Asmodée qui vraisemblablement est le Aêchtna-daêva, le démon de la sensualité et de la fureur de la religion des Perses.C'est à son action ainsi qu'à celle de «toutes sortes de démons» quesont attribuées diverses maladies psychiques et physiques. Dans la Sapience apparaît pour la première fois l'identificationde Satan avec le serpent de la Chute. «C'est par l'envie du Diable(grec diabolos =calomniateur) que la mort est entrée dans lemonde» (Sag 2:24). Le rédacteur jéhoviste du récit de Ge 3 nepouvait, lui, avoir l'idée d'une telle identification, car nous avonsvu que la notion d'un être radicalement mauvais et indépendant deDieu était étrangère à la pensée hébraïque antérieure à l'exil.D'autre part, quand le serpent est présenté comme «le plus rusé desanimaux des champs que l'Éternel Dieu avait faits» (Ge 3:1), ilserait faux de croire qu'il est pour l'auteur simplement un animalcomme les autres, sous la domination de l'homme. C'est un êtreénigmatique et troublant, qui semble doué d'un pouvoir surnaturel luipermettant de savoir ce qu'Adam et Eve ignorent encore (Ge 3:5)et dont les intentions sont nettement malveillantes. En résumé, sil'on ne veut pas tirer de ce texte plus qu'il ne contient, il faut seborner à dire que, dans le récit symbolique de la Chute, le serpentreprésente une puissance mauvaise qui, elle, reste entièrementindéterminée (voir Chute). Dans la Sapience, au contraire, ladétermination de cette puissance est complète: c'est le Diable qui aséduit le premier couple humain et qui a ainsi introduit la mort dansle monde. Cette identification de Satan avec le serpent se retrouvedans la littérature rabbinique et dans quelques passages du N.T.,implicite dans Ro 16:20,2Co 11:3, explicite dans Ap 12:920:2. Le livre d'Hénoc, dans sa partie la plus ancienne (fin du II°siècle av. J.-C), interprétant d'une façon tout à fait fantaisiste lerécit de Ge 6:1,4, fait remonter l'origine des démons à la chutedes anges ou «fils du ciel», qui s'unirent aux filles des hommes etleur révélèrent «les antiques mystères du ciel» au moyen desquels leshommes multiplièrent le mal sur la terre. Le chef de ces anges déchusest Sémiazas; mais le plus redoutable de tous est Azaël (ou Azazel),«par la doctrine et les oeuvres duquel toute la terre fut corrompue».De ces unions illicites naquirent les géants. C'est de ces géants quesont issus les mauvais esprits qui tourmentent les hommes et quiexercent leurs ravages sur la terre jusqu'au jour du jugement final.Le déluge vint comme châtiment de la corruption générale. Quant àAzaël et aux autres anges pervertis, ils furent jetés «dans lesténèbres, dans les vallées de la terre» où ils demeureront liés enattendant le jugement dernier. Ils seront alors «amenés dans legouffre de feu, dans la torture et dans la prison où l'on est enfermépour l'éternité». Dans la partie la plus récente du livre (datantprobablement du milieu du I er siècle av. J.-C), il est parlé dedémons ayant pour chef suprême Satan et appelés eux-mêmes des Satans.Ces démons seraient autres que ceux issus des géants, car ilsauraient existé avant la chute des anges racontée dans la premièrepartie. Mais il est sans doute vain de chercher à dégager unedoctrine cohérente de toutes ces données trop souvent contradictoires. Telle est, dans ses grandes lignes, la démonologie élaboréedurant la période hellénistique. La littérature rabbiniquepostérieure ne fait que la reprendre avec quelques variantes. Samael,le chef des démons, appelé aussi l'ange de la mort, y est présentécomme l'instigateur de la chute et le tentateur qui entraîne leshommes à la perdition.Dans le Nouveau Testament Satan, dont le nom apparaît plusieurs fois:Dans les évangiles:(Mt 4:10 12:26,Mr 4:15,Lu 10:18 13:16 22:3,31,Jn 11:27) y estaussi appelé:
le Diable (Mt 4:1 13:39 25:41,Lu 8:12,Jn 8:44 13:2),le Malin (Mt 5:37 6:13 13:19-38),l'Ennemi (Mt 13:39,Lu 10:19),le Tentateur (Mt 4:3),Béelzébul (voir Baal-Zébub) le prince des démons (Mt 10:25 12:24 et parallèle),le prince de ce monde (Jn 12:31 14:30 16:11).
Jésus le caractérise ainsi: «Dès le commencement, celui-là futhomicide, et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu'il n'y apoint de vérité en lui. Quand il profère le mensonge, il parle de sonpropre fonds, étant menteur et père du mensonge» (Jn 8:44). Satan est présenté comme l'adversaire qui cherche à corrompre leshommes et à détruire en eux l'oeuvre de Dieu. Il enlève de leur coeurla bonne semence «de peur qu'ils ne croient et ne soientsauvés» (Lu 8:12); il sème l'ivraie au milieu du froment (Mt13:39); il tente le Maître pour essayer de l'empêcher d'accomplir samission (Mt 4:1 et parallèle); il tente aussi les disciples pourles faire tomber lorsque vient «l'heure où régnent lesténèbres» (Lu 22:31,53); il suggère à Judas de livrerJésus (Jn 13:2). Cette irruption de l'Esprit mauvais dans lecoeur du traître est exprimée en ces termes: «Satan entra en Judas»(Lu 22:3, cf. Jn 13:27). C'est contre sa puissance redoutable que Jésus met en garde sesdisciples: «Craignez celui qui peut faire périr l'âme et le corpsdans la géhenne» (Mt 10:28,Lu 12:5); c'est de lui qu'ils doiventdemander à Dieu d'être délivrés: «Délivre-nous du Malin» (Mt6:13). On traduit habituellement: «Délivre-nous du mal»; maispourquoi rendre autrement ici le mot ho ponêros . qui, dans lesautres passages de l'évangile de Matthieu où il se trouve (voir plushaut), désigne incontestablement le Malin? Satan exerce aussi son pouvoir dans le monde matériel, car c'estde lui que viennent, directement ou par l'intermédiaire des démons,les maladies et les infirmités. Voici quelques déclarations de Jésusqui montrent clairement que telle était sa conviction. Quand, àpropos d'une guérison qu'il opère, les pharisiens disent de lui:«Celui-là ne chasse les démons que par Béelzébul, le prince desdémons», il répond: «Tout royaume divisé contre lui-même tombe enruines...Or si Satan chasse Satan, il est divisé contre lui-même;comment alors son royaume subsistera-t-il?» (Mt 12:22-28).Cette-réponse de Jésus, qui fait appel au simple bon sens pourréfuter par l'absurde l'explication de ses adversaires, prouve d'unefaçon indubitable qu'il considérait cette maladie comme venant deSatan. Lorsque les disciples, qu'il avait envoyés en mission, luiracontent les guérisons qu'ils ont faites, il s'écrie: «Je voyaisSatan tomber du ciel comme un éclair» (Lu 10:18). Dans une autrecirconstance, parlant d'une femme infirme qu'il vient de guérir, ildit: «Cette femme que Satan tenait garrottée depuis dix-huitannées...» (Lu 13:16). L'apôtre Pierre dépeindra plus tardl'activité du Maître en ces termes: «Jésus de Nazareth, oint par Dieud'Esprit saint et de puissance, allait de lieu en lieu en faisant lebien, en guérissant tous ceux qui étaient sous l'empire du Diable,parce que Dieu était avec lui» (Ac 10:38). Il ressort de là queJésus et, avec lui, ses disciples voient dans la maladie et dans lasouffrance non l'expression de la volonté de Dieu, mais lamanifestation de l'activité pernicieuse de Satan. Et c'est pourquoi,durant tout son ministère, le Sauveur n'a cessé de lutter contre lemal sous toutes ses formes, aussi bien en délivrant les corps del'esclavage de la maladie qu'en libérant les âmes de l'esclavage dupéché. Tout ceci nous montre que Jésus a admis un certain dualisme. Sansdoute ce dualisme ne ressemble en rien au dualisme métaphysique quimet aux prises deux principes absolument opposés, entièrementindépendants l'un de l'autre et également primitifs. Une telleconception est tout à fait étrangère à la pensée de Jésus qui,d'ailleurs, est resté en dehors de toute spéculation et n'a jamaisabordé le problème théorique de l'origine première du mal. Mais, surle terrain des faits, il constate et il affirme que Dieu n'est passeul à agir dans le monde, car Satan y manifeste aussi sa présence etson action. Et Satan est l'ennemi non seulement des hommes maisencore de Dieu (parabole de l'ivraie). Il est le chef d'un royaume enlutte avec le royaume de Dieu, et il exerce ici-bas un tel empirequ'il est appelé «le prince de ce monde». Mais, quelle que soit lapuissance de l'Ennemi, Dieu reste le Seigneur du ciel et de la terre,et sa volonté demeure souveraine. L'oeuvre accomplie par le Sauveur marque le commencement de ladéfaite de Satan:
«Je vous ai donné la puissance de fouler aux pieds toutes les forces de l'Ennemi» (Lu 10:19);«prenez courage, j'ai vaincu le monde» (Jn 16:33);«le prince de ce monde est jugé» (Jn 16:11);«le prince de ce monde va être chassé» (Jn 12:31);et, au jour fixé par Dieu, Satan sera jeté dans le feu éternel préparé pour lui et pour ses anges (Mt 25:41).
De cette étude des textes évangéliques se dégage une conclusion:Jésus a cru à l'existence personnelle de Satan. A-t-il simplementpartagé sur ce point les idées de son temps, ou bien l'affirmation dela réalité de Satan fait-elle partie intégrante de son enseignement?Pour le savoir, rappelons-nous qu'il «est venu chercher et sauver cequi était perdu» (Lu 19:10). C'est là sa raison d'être; c'est làla signification profonde et de sa personne et de sa mission. Or,pour accomplir cette oeuvre de salut, ne fallait-il pas qu'il connûtexactement la nature du mal dont il venait délivrer les hommes? Et,si cette connaissance lui était nécessaire pour l'action, pouvait-ilne pas lui donner une place dans son enseignement?Dans les épîtres de saint Paul:
Satan est le Tentateur (1Th 3:5,1Co 7:5),qui a séduit Eve (2Co 11:3);qui cherche à faire tomber les hommes dans ses pièges (1Ti 3:7)afin de s'emparer d'eux et de les soumettre à sa volonté (2Ti 2:26);qui, pour mieux atteindre ce but, sait se déguiser en ange de lumière (2Co 11:14);qui fait souffrir (2Co 12:7);qui détruit (1Co 5:5).Aussi faut-il ne lui offrir aucune prise (Eph 4:27),résister à ses manoeuvres (Eph 6:11),se protéger contre ses traits enflammés (Eph 6:16),éviter de tomber sous son jugement (1Ti 3:8).
Satan est le chef des démons; il commande aux «puissances quisont dans l'air» (Eph 2:2); son royaume comprend «lesprincipautés, les autorités, les puissances de ce monde de ténèbres,les esprits mauvais des régions célestes» (Eph 6:12); il est «ledieu de ce siècle» (2Co 4:4). Entre lui et le Christ l'opposition est absolue: «La lumièrepeut-elle s'entendre avec les ténèbres? Le Christ peut-il s'unir àBélial?» (ou Béliar, un des noms du Diable dans la théologie juive,2Co 6:14 et suivant). Être sauvé, c'est donc échapper à l'emprise de Satan pourappartenir à Christ: «Le Père nous a arrachés au pouvoir des ténèbreset transportés dans le royaume de son Fils bien-aimé» (Col1:13). Cet antagonisme prendra fin quand le Christ «remettra laroyauté à Dieu son Père, après avoir anéanti toute domination, touteautorité, toute puissance» (1Co 15:24).Dans les autres épîtres. L'épître aux Hébreux, se référantprobablement à Sag 2:24, présente le Diable comme «celui qui a lapuissance de la mort» (Heb 2:14). L'épître de saint Jacques parle des démons qui croient en Dieu etqui en tremblent (Jas 2:19); du Diable qui s'enfuit loin de ceuxqui lui résistent (Jas 4:7). La 1re ép. de saint Pierre compare l'Adversaire à un lionrugissant (1Pi 5:8). Dans la 1 re ép. de saint Jean nous trouvons une séried'affirmations qui rappellent celles du 4 e évangile:
le Diable pèche depuis le commencement (1Jn 3:8);le monde entier est en son pouvoir (1Jn 5:19);le Fils de Dieu est apparu pour détruire ses oeuvres (1Jn 3:8);ceux qui sont nés de Dieu ont vaincu le Malin (1Jn 2:13 et suivant),qui n'a plus aucune prise sur eux (1Jn 5:18).
Les deux passages: Jude 1:6 et 2Pi 2:4, relatifs à lachute des anges, montrent que le livre d'Hénoc était lu dans certainsmilieux chrétiens. Jude 1:9 est une allusion à un autrePseudépigraphe: l'Assomption de Moïse.Dans l'Apocalypse, dans son langage symbolique, décrit les dernièresphases de la lutte entre le royaume de Satan et le royaume de Dieu.L'armée dévastatrice des sauterelles qui sortent du puits de l'abîmepour tourmenter les hommes a à sa tête «un roi, l'ange de l'abîme quis'appelle en hébreu Abaddon [la destruction] et en grec Apollyon [ledestructeur]» (Ap 9:11). Ensuite a lieu, dans!e ciel, un combatqui met aux prises Michel et ses anges d'une part, le dragon et sesserviteurs de l'autre. Le dragon, «le serpent antique qui s'appellele Diable et Satan, le séducteur du monde entier», est vaincu etprécipité avec ses anges sur la terre où, plein de rage et sachantque ses jours sont comptés, il se met à combattre ceux qui sontrestés fidèles à Jésus (Ap 12:7,17). Mais, au temps marqué,il est réduit à l'impuissance et lié pour mille ans dansl'abîme (Ap 20:1-3). Les mille ans accomplis (voir Millenium),il sort de sa prison pour égarer les nations et les conduire à labataille contre les saints; mais ses armées sont anéanties et il estjeté dans l'étang de feu et de soufre pour y subir le châtimentdéfinitif (Ap 20:1-10). A travers ces symboles, inhérents au genre apocalyptique,s'affirme, forte et sereine, la certitude que Jésus avait mise dansle coeur de ses disciples et qui, de génération en génération, est lesecret de l'espérance chrétienne: quels que soient les efforts deSatan pour maintenir son empire, il est vaincu d'avance et sonroyaume prendra fin, car il n'est qu'un usurpateur. A Dieu seulappartient le règne aux siècles des siècles. Alb. D.