SARDES

(Ap 1:11 3:1 et suivant) C'est l'une des plus anciennes villes de l'Asie Mineure, la Hydè d'Homère (IL, 20:385), et la capitale du puissantroyaume de Lydie. Elle fut fondée vers 1200 av. J.-C, dans un siteplus favorable à un repaire de brigands qu'à un centre de commerce.Au S. de la vallée de l'Hermus se dresse le Tmolus, plateau à pic à500 m. au-dessus de la plaine; de la masse principale se dégagent deséperons qui, reliés à elle par un isthme, s'avancent en falaises versle nord: Sardes est sur l'un d'eux. Plus tard, dans une époque moins troublée, la ville déborde duplateau et s'étend à ses pieds à l'Ouest et au Nord, peut-être aussià l'Est, sur les bords du Pactole. L'agriculture et le commercel'enrichissent, et ses rois deviennent très puissants: il suffit derappeler Alyatte, Gygès auquel on attribue la possession du fabuleuxanneau, et Crésus dont le nom évoque une fortune illimitée. Pourexpliquer celle-ci, la légende parle des paillettes d'or que roule lePactole; aujourd'hui, en tout cas, il n'en reste nulle trace, et ilne semble pas que le fleuve ait jamais traversé des couchesaurifères. La région de Sardes avait donné son nom à une pierreprécieuse (voir art.): sardios =la [pierre] sarde, c-à-d, sansdoute la sardoine (Ap 4:3); sardonyx est le nom d'une autrepierre, onyx panaché de sardoine. En face des cités grecques, Sardes se dresse comme l'ennemieorientale, qui leur arrache, l'une après l'autre, leurs coloniesasiatiques, tandis qu'elle-même devient le berceau d'un hellénismenouveau. Avec Crésus, le royaume de Lydie et sa capitale atteignentleur apogée. Mais Crésus entreprend la lutte contre Cyrus. L'oraclede Delphes lui a annoncé que, s'il traverse l'Halys, il détruira ungrand royaume; il traverse le fleuve, subit une défaite écrasante,doit se retirer en hâte devant Cyrus, qui le poursuit et le bloquedans Sardes. On ne peut accéder à la ville haute que par l'isthme duS., où la défense est inattaquable; partout ailleurs, c'est le rocheruni. Cyrus risque donc d'être écrasé contre la falaise par les arméeslydiennes. Mais sur le Tmolus, dont un terrain friable couvre lerocher, la pluie creuse des crevasses en biais, au flanc du roc, etles assiégés ne pensent pas à en garder l'accès. De hardis grimpeursparviennent une nuit à pénétrer par là dans la ville, et Crésus estvaincu. Trois siècles plus tard, en 195, Antiochus le Grands'emparera de Sardes par le même moyen. A l'époque romaine, Sardes ne possède plus que le prestige de sagrandeur passée; c'est une ville de second plan. Malgré sesprétentions, elle ne reçoit de Rome aucun temple provincial. Après letremblement de terre qui la détruit en l'an 17, elle est l'objet degrandes libéralités de Tibère. Le temple qu'elle lui élève ainsi qu'àLivie, sa mère, est purement local. Elle adjoint à son nom, en sonhonneur, l'épithète de Kaïsareïa. Temple et nom nouveaudisparaissent des monnaies et des monuments peu après la mort del'empereur. La ville continue à déchoir jusqu'au moment où l'invasionottomane l'oblige à reprendre sa valeur de forteresse: l'anciennecité, d'abord diminuée en simple acropole puis complètementdélaissée, redevient le centre d'une résistance tenace. Enfin réduitepar les Turcs, Sardes, abandonnée, est supplantée par Salikli, àquelques kilomètres à l'est. Sur son emplacement se trouvent desruines appelées aujourd'hui Sarta Les caractères locaux du culte de Sardes sont mal connus. Ladéesse principale était une divinité anatolienne qui, peu à peu, serapprocha de Cybèle, plus voisine de la vierge Proserpine que deDémèter. La grande idée qui préside à ses mystères est «l'adorationde la vie dans la nature, cette vie qui paraît sujette à la mort maisqui ne meurt pourtant pas, et qui se reproduit sans cesse sous desformes nouvelles, différente et bien la même toutefois». Aussiressuscite-t-elle les morts. Son temple est au bord du Pactole: deuxcolonnes en subsistent encore. Mère de son peuple, elle habite lesmontagnes et les bords du lac sacré Koloé, au Nord de l'Hermus: c'estlà qu'est la nécropole des Sardes. Les sources chaudes du Tmolus, auxenvirons, associent à ce culte celui des puissances infernales; etdes monnaies représentent la déesse, sous des traits hellénisés,enlevée par le dieu des enfers. La cité, au nom de la Lydie toutentière, adore aussi Zeus lydien. Plus tard, le culte de l'empereurtend à s'assimiler le culte local: Livie est figurée, quelques épisen mains, sous l'apparence de Cybèle. L'Église chrétienne de Sardes, d'abord très active, subit uneéclipse comparable à celle de la cité elle-même. Sardes avait étévaincue par Cyrus, surtout parce que, confiante en sa force, ellen'avait pas su se garder d'une attaque nocturne imprévue; saréputation de richesse et de puissance était trompeuse; sa forteressen'avait qu'un sol de boue. Celui qui a les sept esprits de Dieuexhorte précisément son Église à la vigilance: le Fils de Dieuviendra aussi comme un voleur (Ap 3:3, cf. 1Th 5:2,4,Mt24:43 et suivant); malheur à qui ne sera pas prêt alors! L'Église,autrefois vivante, est morte. Beaucoup de ses membres sont retournésau culte licencieux de Cybèle. Quelques-uns seulement sont restéspurs: il faut affermir ce reste, qui est près de mourir; qu'ilsdemeurent fidèles, et ils seront vêtus de vêtements blancs (emblèmede triomphe et de sainteté), maintenus inscrits dans le livre de vie,présentés par le Seigneur à Dieu dans sa gloire. Après la lettre àLaodicée, c'est ici la plus sévère des sept lettres de l'Apocalypse.Encore se termine-t-elle, comme toutes les autres, sur la note despromesses et de l'espérance éternelle.L'Église de Sardes semble s'être «raffermie», ressaisie, après lemessage de l'apôtre; elle devint le siège d'un évêché. A. R.