Les armées d'Israël ont suivi la même évolution que sa civilisation.1. Origines.Aux temps patriarcaux, nous voyons Abraham armer 318 de sesserviteurs les plus braves, et, avec ses alliés d'Hébron, délivrerson neveu Lot de la main des rois envahisseurs (Ge 14:13-16).Plus tard, après l'exode, les Israélites semblent s'être donné unepremière organisation militaire en prenant pour exemple ce qu'ilsavaient vu en Egypte. Tous les hommes sont soldats, de 20 ans (No1:1-3 26:1 et suivant) à 50 (Josèphe), peut-être même à 60ans (Le 27:3,7). C'est la nation armée, qui n'a de troupes quepour les jours de guerre. Les combattants marchent par tribu, sous labannière de leur chef (No 2:3 10:14-27). L'ordre de cettemilice, qui contraste avec les habitudes désordonnées des arabes dudésert, excite l'admiration de Balaam (No 24). On marchait parsections de 10, 50, 100, 1.000 hommes (Ex 18:21). Au temps desJuges, Abimélec tenta un premier essai d'armée permanente pour desfins politiques; mais il fut tué et son dessein échoua (Jug 9).Il est à remarquer que les troupes façonnées par Samuel triomphèrentdes Philistins qui, au point de vue de l'armement comme des moeursguerrières, étaient fort redoutables (1Sa 7:13). L'ouverture deshostilités s'annonçait au son de la trompette ou par l'envoisymbolique de pièces à conviction; l'ardeur des combattants étaitstimulée par les discours enflammés de personnalités qui s'imposaientpar leur patriotisme ou par leur dignité sacerdotale (Jug 3:276:31 Jug 4 et Jug 5:19:29,1Sa 11:7,Jer 4:19). Mais parfois telletribu s'abstenait ou agissait mollement; quand l'affaire semblait malengagée, la dispersion menaçait. Une fois la campagne finie, chacunrentrait dans ses foyers (Jug 5, Jug 6,Jug 12,Jug 18,1Sa 13:8).2. L'armée sous la royauté.Dès l'avènement du premier roi, l'armée devint une institutionpermanente. Quelques milliers d'hommes d'abord, mais qui furent lenoyau de troupes régulières, à l'organisation desquelles Saül donnale plus grand soin (1Sa 14:52). David fut le vrai créateur del'armée israélite. Il s'était fait la main pendant les années agitéesde son conflit avec Saül (1Sa 22:3 23:13). Il s'entoura d'unegarde qu'il avait eu soin, pour sa sécurité personnelle, de choisiren grande partie au pays de son fidèle ami des mauvais jours, Akis,roi de Gath (1Sa 27). Il avait aussi à son service une légionétrangère composée de Crétois (Kéréthiens), dePhilistins, (Péléthiens, 2Sa 15:18) peut-être aussi de Hittites.Les gibborim d'Israël, «vaillants hommes», qu'il avait formés,lui constituaient un état-major d'où il tirait les commandants desdivisions de son armée (2Sa 23:8,39,1Ch 27:1-15). Bien que lasituation et les proportions aient été, dans 1 Chron., grandementidéalisées, nous en savons assez pour comprendre que les bellescampagnes de David s'expliquent non seulement par son génie destratège, mais aussi par la forte organisation qu'il avait donnée àses troupes. Celles-ci ne renfermaient pourtant encore que desfantassins, suivant l'usage des anciennes dynasties de l'Egypte.Salomon introduisit dans l'armée d'Israël la cavalerie et leschariots de guerre en usage chez leurs voisins immédiats: Cananéens,Philistins, Syriens, et dont les Égyptiens se servaient depuis letemps des Hyksos. Bien que la nécessité de ces moyens de défenseparût imposée par les pratiques des armées étrangères, les prophètesne cessèrent de tonner contre les chars et les chevaux, dont laprésence, dans les milices d'Israël, leur apparaissait comme unmanque de foi dans le secours de Jéhovah (Os 1:7,Mic 5:9,Esa2:7-11 36:9 etc.). Et de fait, Jéhovah, qui conduit les guerresd'Israël, ne veut pas que son peuple attribue aux ressources d'unearmée humaine les victoires par lesquelles la Providence divinel'achemine vers son destin (Jug 7:2-9,Esa 30:15-17 31:1 etc.).Le chap. 20 du Deutéronome nous montre d'autre part que l'armée deJéhovah (De 20), recrutée avec un étonnant libéralisme, (cf.De 24) et qui doit se comporter dans la guerre avec humanité(offrir la paix, respecter les arbres), a pour mission de se montrerimpitoyable vis-à-vis des populations dont le territoire est échu àIsraël de par la volonté de Jéhovah; cela, afin que la religion deJéhovah ne puisse être contaminée par des promiscuités tentatrices.On voit clairement que, pour l'auteur de ce chapitre, Jéhovah seulest maître de la vie; il la donne, il la retire sans avoir de compteà rendre à personne, suivant les. nécessités de son dessein. L'hommen'a pas droit à la vie par le seul fait qu'il vit. La vie humaine n'ade valeur et ne mérite de durée que dans la mesure où elle est dansle plan de Dieu, le seul vivant, le seul vivificateur. C'est ainsique pour la conduite des armées, la loi cananéenne del'interdit--dont le but était d'affaiblir la puissance vengeresse dudieu des vaincus, en le privant de ses adorateursnourriciers--s'insère dans la théologie hébraïque et y revêt unefarouche grandeur (rappr. De 20:16-18 de De 13 17:2-7).3. Armement.Les troupes à pied, qui étaient la grande masse de l'armée, (cf.1Sa 4:10 15:4) se divisaient en infanterie légère, portant lepetit bouclier et combattant soit avec l'arc soit avec la fronde, etl'infanterie de choc, qui combattait avec l'épée, la lance, lejavelot, et se couvrait du grand bouclier. Jusqu'au schisme, ilsemblerait que la répartition des armes se fît suivant les aptitudesdes tribus: les Benjamites étaient avant tout des archers, et ilsexcellaient à la fronde (Jug 20:16,1Ch 12:2); Nephthali portaitle javelot (1Ch 12:34); Juda et Gad maniaient la lancemassive (1Ch 12:8,24), etc. A l'appel des armes, chaque tribuétait tenue d'envoyer tous les hommes disponibles, et l'armée étaitconstituée par les diverses unités des tribus, fournissant chacuneses spécialistes pour l'offensive. Voir Armes.4. Commandement.L'armée, commandée par des chefs de sections et de divisions pour lesfantassins, par des «chefs de chariots» et des «chefs de chevaux»pour le reste des troupes (1Sa 8:12 18:13,2Sa 18:1,2Ro 1:9 9:5,2Ch25:5, 1Ma 3:55, cf. 1Ro 9:22 et Ex 18:21,De 1:15),avait à sa tête, comme les armées étrangères, un généralissime, le Sar Hatsâbâh. Tels Abner (1Sa 17:55), Joab (2Sa 8:16),Bénaja (1Ro 4:4). Ce chef suprême commandait à toute l'armée duroi, sauf, semble-t-il, à la garde royale qui avait ses chefs et nerelevait que du roi (2Sa 15:18, cf. 1Ch 27:1).5. Effectifs.La question des chiffres est toujours fort difficile pour l'antiqueOrient, où l'on comptait plus aisément avec son imagination qu'avecdes statistiques. Qu'il s'agisse d'âges, de populations, ou qu'ilsoit question d'effectifs, on peut dire de façon générale qu'enIsraël les nombres vont s'amplifiant à mesure que le documents'éloigne des origines et appartient à la littérature sacerdotale.C'est ainsi que le vieux récit Jug 18 nous montre la tribu deDan assemblant 600 hommes sur son petit territoire pour allerconquérir de plus larges espaces, tandis que la tradition sacerdotaleraconte que, déjà au temps de Moïse, Dan comptait 64.400guerriers (No 26:43). 1Ro 20 donne 7.000 hommes comme legros de l'armée d'Achab, tandis que 2Ch 17 attribue à Josaphat,son contemporain et roi d'un plus petit territoire, une armée de1.160.000 hommes, sans compter les troupes des places fortes. Leschiffres fort vraisemblables, indiqués dans 2Ro 13:7 24:16,montrent ce qu'il faut penser du récit de bataille que nous fait2Ch 13, où nous voyons 400.000 hommes de Juda affronter 800.000hommes d'Israël, et exterminer 500.000 hommes de cette armée. Ici,comme bien souvent ailleurs, nous nous trouvons en dehors desperspectives historiques comme des possibilités de la Palestine, etnous avons à nous souvenir que, pour le rédacteur de 2Sa 24,faire un recensement équivalait à pécher contre Jéhovah.6.Ravitaillement.Avant les rois, les troupes n'étant réunies qu'occasionnellement,chacun pourvoyait à son équipement et à sa subsistance. (cf. 1Sa17:17 et suivant) Nous trouvons pourtant dans Jug 20:10 unrudiment d'intendance. Les dons volontaires et les réquisitionsjouaient leur rôle (2Sa 17:28 et suivant, Jug 8:5-17),l'intimidation aussi (1Sa 25), sans parler des pillages et desrazzias. Le butin devait être partagé entre les combattants et ceuxqui étaient restés près des bagages (1Sa 30:24). Quand l'arméeeut une organisation permanente, les rois prirent à leur charge lanourriture des soldats. (cf. 1Ro 4:27) Des arsenauxfournissaient le matériel de guerre (2Ro 20:13,Ne 3:19, cf.Jer 50:25). Mais les milices ne paraissent pas avoir reçu desolde en Israël jusqu'à l'époque des Macchabées. Seules les troupesmercenaires touchaient de l'argent. Josèphe (Ant., XIII, 8:4)raconte que Jean Hyrcan profana la sépulture de David pour en tirerles talents nécessaires à la solde de ses troupes étrangères. Bientôtle métier des armes devint une carrière lucrative, si bien que nousvoyons les Juifs eux-mêmes s'enrôler à prix d'argent dans les arméesdes Séleucides et des Ptolémées, où ils étaient très recherchés àcause de leur loyalisme et de leur courage (Jos., Ant., XI, 8:5,etc.; 1Ma 10:34-36).7. Armées étrangères.Les principales armées contre lesquelles Israël eut à lutter sont:l'armée assyrienne, terrible par ses chars, ses cavaliers et lacruauté de ses moeurs (Na 2); elle était commandée par unTartan, et les plus hauts dignitaires de son état-major portaient letitre de Rab Chaké et Rab Saris (2Ro 18:17). L'armée caldéenne, armée de proie comme l'assyrienne, et qui possédait,outre ses troupes de terre, une armée de mer (Esa 43:14);Babylone est restée célèbre comme Ninive par ses destructions et sesdéportations en masse (2Ro 25:9-11,Jer 39:8 et suivant). L'armée égyptienne, bien disciplinée, habile à manier les chars à deuxchevaux, et qui enrôlait beaucoup d'auxiliaires et demercenaires (Jer 46:9). L'armée philistine, très entraînée,de tempérament guerrier, et possédant de solides armures (1Sa17:5-7, cf. Jug 1:19,1Sa 13:19 et suivant); les Philistinsfurent les instructeurs de David (1Sa 27:2). L'armée syrienne, fort semblable à celle d'Israël jusqu'aux jours desSéleucides, où elle devint terrible par la phalange macédonienne,ainsi que par l'usage des éléphants tirés de l'Inde (1Ma1:18 3:34 etc.), que nous voyons représentés sur les monnaies desrois de Syrie. Enfin l'armée romaine, dont la puissance devaitmettre fin à la vie politique des Juifs. Celle-ci est mentionnée pourla première fois dans 1Ma 8:1-3. Mais les autres arméesétrangères jouent un rôle considérable dans les discours desprophètes, comme dans leur action. Elles ont aussi inspiré bien despages du psautier, auquel les Huguenots ont emprunté leur Psaume desbatailles.--Voir (Ps 68) Bertholet, Hist. Civ. Isr., p.288SS. Alex. W.