SABÉENS

Aux temps bibliques, les Sabéens occupaient dans l'Yémen (ArabieHeureuse), c-à-d, à l'extrémité S.-O, de la péninsule arabique, unecontrée qu'on appelait Saba. Cette région est montagneuse; elle estassez abondamment arrosée par les pluies de la mousson, mais cespluies parfois violentes, tombant sur les hauts plateaux et le flancdes montagnes, forment des torrents rapides et temporaires, qui necontribuent en rien à la prospérité du pays. Un chef de tribu sabéen,ayant eu l'idée ingénieuse de retenir ces eaux par une digue et, aumoyen d'écluses, de les répandre en nappes bienfaisantes dans lesvallées et les plaines, réussit ainsi à fertiliser son pays et parconséquent à l'enrichir. Le nom de Séba apparaît dans la Biblehébraïque sous deux formes: Chebâ et Séba (Ost., Scéba, Séba;Sg., Séba, Saba; la Vers. Syn. varie: Sheba et Séba, Saba et Séba, oumême Séba pour les deux noms). Dans Ps 72:10, ces deux nomsparaissent ensemble. Séba désigne les Sabéens d'Arabie, et Saba ceuxqui avaient émigré en Ethiopie et qui probablement avaient quelquepeu modifié la prononciation de leur nom. (cf. Jug 12:6) Séba,dans Ge 10:7, est donné comme fils de Raema; au verset 28, ilest fils de Jokthan; dans Ge 25:3, Séba est fils de Joksan.Seba, dans Ge 10:7, a pour père Cush (=Cus). Est-ce qu'en plusde ce Saba, il y a eu trois individus nommés Séba, dont chacun est devenu l'ancêtre d'un peuple? C'est plusqu'improbable. La difficulté disparaît quand on admet que cesfamilles aux nombreux fils, de Ge 10 et Ge 25,représentent, sous forme généalogique, des groupements géographiques de tribus ou de peuples plus ou moins de même race.Si Séba apparaît dans plusieurs de ces groupements, il faut y voir latrace de migrations: tous les Sabéens n'étaient pas restés au Sud-O,de l'Arabie. Les uns avaient émigré en Afrique, d'autres dans le N.de l'Arabie. L'épisode le plus connu est celui de la visite à Jérusalem de lareine de Séba (voir ce mot), vers 950 av. J.-C, pour y rencontrerSalomon. Elle y fit sensation par sa splendeur et le nombre de sesserviteurs, comme aussi par ses présents de grande valeur: or,aromates et pierres précieuses (1Ro 10). De nos jours, on diraitqu'elle était venue conclure un traité de commerce avec le roid'Israël. Déjà les caravanes des Sabéens avaient l'habitude de serendre jusqu'en Syrie, en Phénicie et en Palestine. Elles durentvenir plus nombreuses pendant le règne somptueux de Salomon,apportant, outre les produits indigènes de l'Arabie, des marchandisesvenues par mer des Indes. Parfois, en rentrant chez eux, les Sabéensramenaient des esclaves achetés en Palestine (Joe 3:8),probablement des jeunes filles pour le service de leurs temples. Ilarrivait quelquefois à ces marchands de se transformer en pillards. C'est à eux que sont attribués les premiers malheurs deJob (Job 1:15). Ils sont nommés comme des gens de haute taille,associés à l'Ethiopie et à l'Egypte (Esa 45:14 43:3). Les renseignements extra-bibliques confirment les données del'Écriture. Les Sabéens apparaissent sur une stèle de Tiglath-Piléser(733 av. J.-C). Tributaires du roi d'Assyrie, ils lui ont fourni del'or, de l'argent et beaucoup d'encens. A son tour, Sargon, dans sesAnnales (715 av. J.-C), mentionne l'or, les aromates, les chevaux etles chameaux qu'il a reçus d'Itamara, souverain du pays de Saba. Desauteurs grecs parlent aussi des Sabéens: ainsi Ératosthène (276-194av. J.-C), géographe cité par Strabon, indique avec précision où ilsdemeurent; il décrit Marib, leur capitale, leur donne comme voisinsles Minéens sur la mer Rouge, les Catabanes près du détroit deBab-el-Mandeb, et plus à l'Est le peuple d'Hadramaout. Les Romains,informés de la richesse des Sabéens, se proposèrent de les soumettre.Auguste envoya contre eux une colonne militaire, commandée par AeliusGallus. Mais ce général, n'ayant pas su ou pu se procurer de bonsguides, s'égara avec ses troupes dans des régions sauvages d'où elleséchappèrent à grand'peine. C'était tout ce qu'on savait sur les. Sabéens jusqu'au XIX°siècle. Mais, depuis une centaine d'années, plusieurs voyageurs sesont aventurés dans l'antique pays de Saba et en ont rapporté denombreuses inscriptions et des monnaies d'or et d'argent. Toutd'abord personne ne put lire ces inscriptions, d'une écriture dérivéeévidemment de l'alphabet communément appelé phénicien, mais qu'onn'avait découverte telle quelle nulle part ailleurs. Avec beaucoup depatience, des savants allemands, Gesenius, Rödiger et Osiander, semirent à l'étude de ces inscriptions et réussirent à les déchiffrer,identifiant la langue en question comme étant un dialecte arabe. Unpeu plus tard ces travaux d'épigraphie permirent de lire les huitcents et quelques inscriptions rapportées du pays de Saba par JosephHalévy. Les renseignements obtenus ont permis d'esquisser l'histoirede la nation sabéenne pendant un millier d'années. On put établir uneliste de 45 souverains. On sait maintenant que le plus ancien titrede ces souverains était celui de makarib, qui signifieprobablement prêtre-roi. Plus tard le titre de roi fut adopté. Noussommes aussi renseignés sur leur religion. Ils rendaient un culte auxastres, leur offrant en sacrifice des victimes et des parfums. Leurprincipale divinité était la déesse Schams (comp, l'hébreu Chémech), représentant le soleil, qui était considérée comme lamère d'Aschtar (ou Istar), la planète Vénus. Leurs principaux templesavaient une forme elliptique. On a retrouvé des restes de l'und'entre eux dans l'antique Marib. Au IV e siècle, le judaïsme sut si bien s'implanter dans le paysqu'il fit échec au christianisme, qui avait déjà triomphé enAbyssinie. La religion du Christ ne prit pied dans l'Yémen méridionalqu'aux V e ou VI e siècle, pour être remplacée par l'islam, un siècleplus tard. Le pays de Saba n'a plus de nos jours l'importance commercialequ'il eut autrefois, les steamers ayant remplacé les caravanes. Ch. B.