ROIS (livre des)

1. Division, nom, sujet. La division actuelle en 2 livres était inconnue des Juifs encore àl'époque où Jérôme traduisit la Bible en latin (IV e siècle de notreère). Elle vient des LXX, passa dans la Vulgate, et seulement depuis1517 dans la Bible hébraïque (édition de Bomberg). La version grecquecompte 4 livres des règnes (Basileiôn), et Jérôme 4 livres desrègnes ou des rois (Regnorum ou Regum) ; ce sont les 2 livresactuels de Samuel et les 2 des Rois. Notre ouvrage est donc enréalité unique. Partant de la fin du règne de David (1Ro 1-2), il consacreles chapitres suivants (3-11) au règne de Salomon. Les destinées desdeux royaumes d'Israël et de Juda jusqu'à la chute du premier sontexposées parallèlement dans la partie centrale du livre, de beaucoupla plus étendue (1Ro 12:1 à 2Ro 17:41). Les dernierschapitres (2Ro 18 à 25) continuent l'histoire de Juda de 722 à586, c'est-à-dire jusqu'à la prise de Jérusalem par Nébucadnetsar, ladéportation et (sorte d'appendice: 2Ro 25:27-30) la mise enliberté du roi captif Jéhojakin. 2. But du livre. Tout le long de l'ouvrage, le procédé d'exposition est aussisimple que rigide: chaque règne est raconté séparément; puis cespetites biographies royales sont rangées par ordre chronologiqued'après la date de l'avènement de chaque souverain. Il en résultecertaines étrangetés: ainsi Josaphat est devenu roi de Juda aprèsqu'en Israël Achab a commencé de régner; dans la vie d'Achab, il estdonc plusieurs fois question de Josaphat avant qu'on sache qu'iloccupait le trône de Jérusalem. En outre, toutes les biographies sontcoulées dans un moule uniforme. Pour chaque roi d'Israël on indiqueau début la durée de son règne, et l'année du règne du souverain deJuda coïncidant avec celle de son avènement; à la fin, en mentionnantsa mort, on renvoie aux sources à consulter pour ce le reste de sesactions» (plus amples renseignements). Le cadre est le même pour lesrègnes Judéens, mais en outre on mentionne au début l'âge de chaquenouveau monarque, le nom de sa mère, et à la fin le lieu de sasépulture. Plus frappant encore est le soin du rédacteur à caractériser chaque règne. On constate aisément qu'il juge le roi suivant safidélité plus ou moins grande aux prescriptions du codedeutéronomique, et dans les termes mêmes de cette loi. Il reproche àpeu près exclusivement à ceux des souverains qui «firent le mal auxyeux de l'Éternel» des manquements aux règles du culte. Cela montrecombien, contrairement aux intentions des prophètes, l'élémentcultuel de la réforme introduite sous Josias avait prédominé.Les trois principales infidélités sont en effet:a) de n'avoir pas aboli les hauts-lieux après la construction du temple; ex.: Roboam (1Ro 14:21 à 34);b) d'avoir rompu avec le sanctuaire et le clergé de Jérusalem, «péché de Jéroboam, fils de Nébat», imputé littéralement à cinq rois (1Ro 15:26,34 16:19 26 31), et, en d'autres termes, «suivant l'exemple de ses pères», à neuf de leurs successeurs (2Ro 8:18,27 16:2 21:2-20 23:32,37 24:9-19);c) d'avoir adoré des dieux étrangers, «le péché d'Achab» ou «le péché des rois d'Israël».Par contre, des louanges sont adressées à ceux des rois de Juda quiont combattu les cultes des hauts-lieux (2Ro 18:3 22:2 23:25);l'éloge subit une restriction lorsque le souverain a toléré cessanctuaires que condamne le Deutéronome (1Ro 15:11-14 22:43 etsuivant, 2Ro 12:3 14:3 15:3,34). Il importe de noter que, quand bien même les jugements formulés àpropos des rois de Juda présentent quelque variété (quelques-uns ont«fait ce qui est droit aux yeux de l'Éternel»), le rédacteur leurreproche à tous de n'avoir pas aboli les hauts-lieux. Font seulsexception Ézéchias et Josias, auxquels, par erreur, est attribuée àpeu près la même initiative réformatrice. L'infidélité commune à tousles rois d'Israël est plus grave encore: tous, même Zimri qui régna 3jours, ont commis le péché de Jéroboam I er, c'est-à-dire ont rompuavec le temple de Jérusalem. De très bonne foi, le rédacteur commeten ce qui les concerne le même anachronisme que pour les rois de Judaantérieurs à Josias: il juge les siècles passés d'après une loiqu'ils avaient foncièrement ignorée, et pour cause; le culte deshauts-lieux, l'adoration des images, le sacerdoce accessible à tous,les dates variées des fêtes locales, tout cela, au temps de Jéroboam,avait libre cours aussi bien qu'avant l'apparition de la royauté enIsraël. «Nos pères n'ont pas obéi aux paroles de ce livre.» Tellepourrait être l'épigraphe de l'ouvrage sur tous les ancêtres deJosias, à la seule exception d'Ézéchias; l'auteur est obligé deporter une sentence défavorable, parce qu'il les juge d'après lesparoles du «livre», le Deutéronome. Même inspiration dans les discours attribués à certains despersonnages dont l'histoire est racontée, en particulier auxprophètes, qui y interviennent parfois assez inopinément. Mêmecouleur, à plus forte raison encore, dans les considérationspersonnelles que l'auteur formule çà et là, par exemple quand ildéfinit les causes de la ruine du royaume septentrional (2Ro17:18,21-23 etc.). Il va jusqu'à citer expressément «le livre de laLoi de Moïse» (De 24:16,2Ro 14:6). C'est dans les termes mêmesde la loi découverte en 621 que Salomon fait part au roi de Tyr,Hiram, de son intention d'élever un temple à l'Éternel (1Ro5:2-5,De 12:8-11). Le choix des matières traitées trahit aussi le point de vuetrès spécial qui domine tout l'ouvrage. On constate une disproportionsingulière entre les diverses biographies. Pour la plus grandepartie, elles se réduisent au cadre commun à tous les rois, à desdonnées statistiques, aux appréciations stéréotypées et à desrenseignements tenant en peu de lignes, alors même qu'il s'agit desouverains aussi importants qu'Omri ou Jéroboam II entre autres. Noussommes loin d'une histoire générale des deux royaumes. Le tableau des éléments plus développés, reliés entre eux parces biographies sommaires et quasi uniformes, achève de caractériserl'esprit qui présida à l'élaboration du livre. Ce sont (abstractionfaite de 1Ro 1 et 2 qui se rattache à l'histoire de David etdont les sources ne sont autres que celles du livre de Samuel): le règne de Salomon (1Ro 3:11); la séparation des deux royaumes, définie parl'abandon du temple dont les Israélites du N. se rendentcoupables (1Ro 12-14); les histoires d'Élie et d'Elisée, champions del'Éternel, en lutte contre la pénétration du culte de Baal en terreisraélite (1Ro 17 à 2Ro 10); Athalie et Joas (2Ro 11 2Ro 12); la chuted'Athalie entraîne l'abolition du culte de Baal en Juda; Joasinstaure une nouvelle administration du temple; les changements opérés dans le sanctuaire parAchaz (2Ro 16); Ézéchias et Ésaïe, épisodes merveilleux quiculminent dans la délivrance de Jérusalem assiégée parSanchérib (2Ro 18 à 20); la réforme de Josias (2Ro 22 et 2Ro 23). L'intérêt de l'auteur gravite ainsi essentiellement autour dutemple et de la lutte entreprise par les prophètes contre lepaganisme; plus du tiers de son livre est rempli par les histoiresd'Élie, d'Elisée et d'Athalie. En définitive, il a voulu composer unehistoire religieuse de la période royale, du point de vue duDeutéronome. C'est à titre très exceptionnel qu'il a admis certainsrécits profanes un peu développés, soit dans la biographie deSalomon, soit à l'état de rares fragments dans les histoires d'Élieet d'Elisée. Pour l'histoire profane, la note finale insérée aprèschaque règne a soin de renvoyer à d'autres ouvrages. Ces vuesessentiellement religieuses et pratiques donnent le secret del'interprétation exacte requise par le livre des Rois. 3. Sources: procédés présidant à leur utilisation. Tandis que les livres qui précèdent celui des Rois dans le canonbiblique ne renvoient que fort rarement à d'autres textes auxquelsils empruntent de brèves citations (No 21:14, citant le «livredes guerres de l'Éternel»; Jos 10:13,2Sa 1:18, extraits du«livre du Juste»), les notes finales de l'histoire des règnesmentionnent trois sources auxquelles l'auteur a puisé:

le livre des faits et gestes de Salomon (1Ro 11:41); le livre des annales (ou chroniques) des rois de Juda:15 références, de 1Ro 14:29 à 2Ro 24:5; le livre des annales (ou chroniques) des rois d'Israël:18 fois invoqué, de 1Ro 14:19 à 2Ro 15:31.
S'agit-il d'annales officielles, rédigées par un fonctionnaireroyal, secrétaire (scribe, sôpher, cf. 2Ro 25:3) ou bienarchiviste (mazkîr , cf. 1Ro 4:3),comme les chroniques ou mémoires des rois de Perse, conservéesdans la «maison du trésor» que les auteurs des livres d'Esdras etd'Esther (Ne 12:23,Est 2:23) désignent comme ici, sous le nom de sépher dibré hayyâmîm? L'existence de documents semblables n'estpas incompatible avec les changements presque continuels de dynastiesdans le royaume du Nord. On sait, par exemple, que les rois de Persecontinuèrent les chroniques des rois caldéens par euxdétrônés (Esd 4:15); des inscriptions cunéiformes rapportent queCyrus fit même rédiger celle du règne de Nabonid. Mais le caractèreofficiel des recueils auxquels l'auteur des Rois se réfère semble peucompatible avec la possibilité pour le premier venu d'aller lesconsulter comme on l'y invite. C'étaient apparemment des exposés qui,sous un titre imposant, gardaient une allure plus populaire, enutilisant peut-être et abrégeant les pièces mêmes de la chancellerieroyale. Les «annales des rois de Juda» sont citées pour la dernière foisà propos de Jojakim, qui régna jusqu'en 597. Mais on ne peut passavoir à quelle époque exacte les premières pages en avaient étérédigées. En remarquant que l'auteur du livre biblique des Chroniquesparle indifféremment des «annales des rois de Juda et d'Israël» ou«d'Israël et de Juda», on pourrait attribuer les trois titres dessources citées par le livre des Rois comme désignant trois sectionsd'un seul et même ensemble relatif aux deux royaumes. Mais la datetardive où fut compilé l'ouvrage du Chroniqueur ne permet guère desupposer qu'après les tribulations de l'exil et du retour il aitencore puisé directement aux mêmes documents que l'auteur des Rois.Les «annales des rois de Juda» ont fourni à celui-ci des donnéesstatistiques plus étendues que celles «des rois d'Israël»; ellessemblent donc bien avoir eu une existence indépendante. Au surplus, notre écrivain a-t-il à proprement parler utilisé dessources auxquelles il n'a recours que pour renvoyer ses lecteurs lesconsulter s'ils veulent connaître les faits, spécialement ceux del'histoire profane, qu'il s'abstient de narrer lui-même? On n'est pasrigoureusement fondé à affirmer que les «annales» contenaient aussil'histoire religieuse des règnes et furent mises à contribution danscet ordre d'idées. Mais l'hypothèse reste fort vraisemblable. Commeles autres historiographes de l'époque deutéronomique, le rédacteurdu livre des Rois aurait donc seulement retouché des ouvragesantérieurs au sien. Son rôle aurait consisté: à entremêler l'histoire des rois d'Israël à celledes rois de Juda; à supprimer ou résumer tout ce qui n'intéressaitpas directement l'histoire religieuse; à formuler ses appréciations et jugements, ainsique certaines modifications de détail, le tout conditionné par lesexigences de la loi deutéronomique. Tel qu'il est, écrit tardivement, racontant les événements dedeuxième ou de troisième main, ce livre garde néanmoins une réellevaleur historique. Cela ressortirait en particulier d'une comparaisonsuivie avec la compilation tardive et autrement tendancieuse desChroniques. Mais, même considéré en soi, le travail de notre écrivainnous apporte directement ou par l'intermédiaire des «annales»l'utilisation de sources anciennes, quelques-unes très voisines desfaits. La reconstitution de ces sources atteint parfois un degré devraisemblance comparable à la solidité de la plupart des résultatsaujourd'hui acquis par la critique de l'historiographie israéliterelative aux temps antérieurs (Hexateuque, Juges, Samuel), carl'auteur a su respecter les différences de style, de points de vue,d'esprit, de traditions qui existaient entre ces documents. On est ainsi amené à reconnaître qu'il utilisa pour son récit du règne de Salomon: Certains actes officiels de l'époque (1Ro 4:1,6,7-19). Une chronique anecdotique de ce règne, dont lenoyau primitif doit remonter à deux générations seulement aprèsSalomon, c'est-à-dire encore au IX e siècle, 1Ro 5:12-32 7:1-1213-51 8:1-13 9:11-14,16-17,24 9:26-28 10:16-20,28 11:711:14-28,40. Embellissements ultérieurs: le songe et le jugementde Salomon (1Ro 3:4-13,16-28) la reine de Séba (1Ro10:1,10,13 etc.). Chronique et amplifications auront formé le«livre des Actes de Salomon», expressément visé dans 1Ro 11:41.Dans l'histoire d'Élie et d'Elisée (1Ro 17 2Ro 10), onreconnaît trois couches de traditions: Des mémoires sur Achab et Jéhu, écritsprobablement vers l'an 800 par un auteur fort bien informé et aussilittéraire que celui de 2Sa 9-20. C'est de l'histoire vivante etvécue, remarquablement impartiale (1Ro 20 et 1Ro 22,2Ro 9et 2Ro 10; en détacher quelques additions reconnaissables à leurallure vague, incolore, conventionnelle: 1Ro 20:13,14-22-2822:28,35,38 2Ro 9:7-10), Une biographie populaire du prophète Élie, trèsidéalisée, mais remarquable par son coloris littéraire et la grandeurtout épique qu'elle confère aux épisodes narrés. Ces pages sont postérieures aux précédentes, mais ne se concevraient pas aprèsl'apparition d'Amos en 760. Ce sont: 1Ro 17-19 21, chapitresauxquels s'ajoute peut-être 2Ro 1:2-8,17 Un recueil de traditions sur Elisée:2Ro 2:1,8,15 13:14,21, de valeur religieuse et littéraire très inégale,et en général très inférieure à celle du cycle d'Élie. Le héros estsurtout exalté comme thaumaturge. Les récits les moins suspects sontcompris dans 2Ro 3 6:24-7:20. La plupart de ces élémentsressortissent au folklore. L'ensemble était achevé avant 722,peut-être vers 750; ce cycle émane d'un milieu populairereligieusement arriéré, resté étranger ou réfractaire au mouvement dugrand prophétisme. Les récits relatifs à Athalie, Joas, Amatsia (2Ro 11-16)laissent reconnaître l'utilisation d'au moins trois documents, car ladéposition d'Athalie en combine visiblement deux, d'origine judéenne:l'un explique l'événement comme une révolution militaire etpolitique, l'autre en fait une explosion de sentiments religieux etpopulaires; et d'autre part l'histoire de la guerre entre Israël etJuda sous Amatsia (2Ro 14:8,14) ne peut provenir que du royaumedu Nord. Ces pages d'historiographie furent rédigées entre 760 et 621.Pour le règne d'Ézéchias (2Ro 18 à 20), on discerneégalement trois sources: une chronique fort exacte, reconnaissantqu'Ézéchias fut défait par Sanchérib (2Ro18:14,16); un récit populaire, déjà très idéalisé, célébrantla retraite de Sanchérib qui accomplit une prédictiond'Ésaïe (2Ro 18:17,19 19:36 et suivant); une série de traditions encore plus merveilleusessur la maladie et la guérison d'Ézéchias, suivies d'une ambassade deMérodac-Baladan (2Ro 20). Il est possible que primitivement la chronique seule ait figurédans le livre des Rois. Le deuxième document est postérieur nonseulement à 621, mais aussi, semble-t-il, à Ézéchiel, de qui doitprovenir l'image comparant l'Egypte à un roseau (Eze 29:6). Entout cas, le troisième suppose la déportation en Babylonie, au moinscelle de 597, et paraît même trahir l'influence duDeutéro-Esaïe (2Ro 20:16 et suivant). Par contre les chap. 22-23, réforme de Josias, doiventprovenir de la main même de l'auteur, qui aura été témoin de ce grandévénement. En résumé, les sources sont nombreuses et le plus souventreproduites avec fidélité. Plusieurs d'entre elles assurent au livreune sérieuse valeur historique. 4. Chronologie. Ses données chronologiques comprennent: les années de règne, durée de pouvoir de chaqueroi; les synchronismes entre les règnes en Israël eten Juda.Ces deux séries de chiffres ne concordent pas. Si les totaux sontsensiblement égaux pour la période comprise entre la séparation desdeux royaumes et la chute de Samarie: 258 et 260 ans, les nombrespartiels diffèrent parfois considérablement. De ces deux ordresd'indications, les années de règne ont à priori le plus de chances dereposer sur une tradition ancienne, les contemporains se rappelantsans beaucoup de peine la durée du règne de chacun de leurs rois. Aucontraire, les synchronismes trahissent des calculs faits après coup,suivant une chronologie divergente. D'autre part, les années de règne donnent, d'abord depuis laséparation des deux royaumes jusqu'à la mort simultanée de Joramd'Israël et d'Achazia de Juda, tués par Jéhu à Jizréel, ensuite deJéhu jusqu'à la chute de Samarie: Pour Israël Pour Juda
Jusqu'à Jéhu...98 ans 95 ansDe Jéhu à la fin de Samarie.. 143 ans 7 mois 165 ans________________________Totaux...241 ans 7 mois 200 ans
Aucun de ces chiffres ne s'accorde avec les données absolumentsûres que fournit la chronologie assyrienne et qui sont: pourl'avènement de Jéhu (mention de son tribut sur l'obélisque deSalmanasar III): 842; pour la prise de Samarie: 722/721. Entre cesdeux dates, il n'y eut donc que 121 ans, au lieu de 143 et 7 mois ou165 des années de règne, et des 170 des synchronismes. Nous savonsencore, par les inscriptions assyriennes, que le tribut de Ménahem seplace en 738; entre cette année-là et celle de la prise de Samarie,on compte 16 ans, contre les 31 que donnent les années de règne etles 38 des synchronismes. Pour expliquer ces désaccords, on a supposé des fautes decopistes, des corrections inexactes (synchronismes), ou que, dansl'un des royaumes, la dernière année d'un souverain et la première deson successeur n'en faisaient qu'une, l'autre royaume datant dunouveau règne l'année seulement qui suivait celle de la mort du roiprécédent (système babylonien). On remarque aussi que les annéespartirent tantôt du printemps, tantôt de l'automne. Toutes cesobservations ou conjectures ne sauraient suffire à trancher ladifficulté. Il semble qu'en fait on n'ait guère compté en Israëld'après les années de règne avant le VII e siècle (cf. Jér., puisEzéch.); auparavant, on prenait surtout pour point de repère unévénement fortuit, resté fameux, tremblement de terre (Am 1:1);mort d'un roi (Esa 6:1 14:28), siège (Esa 20:1), etseulement par exception un avènement (1Ro 14:25,2Ro 12:7). Ilsemble en résulter que les données traditionnelles sur les anciensrègnes présentaient des lacunes, que l'on chercha à combler au moyend'évaluations approximatives, par exemple en comptant pargénérations, en tout cas jusqu'à l'époque des Juges. Le problème nepeut donc aboutir à une solution satisfaisante. On retiendraseulement deux conclusions: Les synchronismes ont été calculés par un auteurautre que celui des années de règne. Dès lors, ou les années de règnesont attribuables au rédacteur même du livre des Rois, et lessynchronismes furent ajoutés après coup à son oeuvre achevée; ou lesannées de règne remontent aux «annales», et notre auteur aurait lapaternité des synchronismes, ce qui s'expliquerait assezvraisemblablement dans son oeuvre de fusion entre Annales des roisd'Israël et Annales des rois de Juda. La chronologie réelle de la période royale nepeut partir que des données sûres résultant de la liste assyriennedes éponymes. Cette grande inscription énonce pour 228 années(893-666) une série de personnages d'après lesquels chacune reçoit unnom; ce sont en majeure partie des rois, éponymes pour la secondeannée de leurs règnes respectifs. La liste mentionne aussi lesprincipaux événements de l'année. Elle concorde en partie avec lecanon de Ptolémée demeuré célèbre, qui date de 150 environ ap. J.-C,et qui donne la durée de tous les règnes de Babylone et de Persedepuis Nabonassar (747) jusqu'à Alexandre le Grand, mort en 323.Grâce aux éclipses mentionnées dans ces deux documents, l'astronomiepermet d'en contrôler la rigoureuse exactitude. Il suffit enfin deramener leurs chiffres à notre numération chronologique fondée surl'ère chrétienne. De la sorte, la première date sûrement établie pour l'histoired'Israël est celle de la bataille de Karkar (854), à laquelle Achabparticipa. Puis viennent: le tribut de Jéhu (842), celui de Ménahem(738), l'hommage de Ménahem à Tiglath-Piléser à Damas (732), la prisede Samarie (722/721), le siège de Jérusalem par Sanchérib (701), lapremière année de Nébucadnetsar (604), la ruine de Jérusalem (586).Il ne reste plus qu'à insérer dans les mailles de ce réseau lesrègnes des rois d'Israël et de Juda, en modifiant par des conjecturesvraisemblables les nombres d'années que donne le livre des Rois.Ainsi avons-nous procédé pour les dates attribuées à chaque souveraindans l'article qui lui est consacré. Comp. art. Chronol. de l'A.T. 5. Date de rédaction. Étant donné le coloris si authentiquement deutéronomiste, le livre nepeut pas avoir été composé avant la réforme de 621. D'autre part ilest antérieur au code sacerdotal, qui apparaîtra avec Esdras en 458,car il ignore tous les éléments caractéristiques de cettelégislation, par exemple la distinction entre prêtres et lévites, ladescendance aaronide du clergé, l'existence d'un sanctuaire centralpour tout Israël avant la construction du temple de Salomon. Seulesquelques rares interpolations très récentes trahissent l'influence ducode sacerdotal (dans la description du temple). Entre 621 et 458 se place la date capitale de 586. prise deJérusalem, fin de l'existence proprement nationale du peuple del'Éternel, qui ne se relèvera guère plus, au retour de l'exil, qu'àl'état de communauté religieuse. Notre livre est-il antérieur oupostérieur à ce tournant décisif? De nombreux passages supposent ladéportation comme un fait accompli; ex.: 2Ro:24 et 25, récit desdébuts de l'exil;1 Ro 5:4 et suivant, où Palestine et Syriesont appelées pays d'au-delà de l'Euphrate. Plusieurs prédictionsdécrivent l'exil de visu: 2Ro 22:15-20. Mais ces différents passages semblent bien appartenir à unrédacteur moins ancien que l'auteur du grand ensemble. Si l'onconvient d'appeler celui-ci RD, l'amplificateur animé du même espritpourrait se désigner par RD 2 (cf. Bible de Kautzsch: Dt, Dt 2).Cette hypothèse repose sur trois observations: Des traits comme 1Ro 11:36, qui ne peuventremonter à l'auteur, ne sauraient davantage dater d'après 586, sanstomber dans une cruelle ironie. Salomon avant la construction du temple est tourà tour blâmé et excusé (1Ro 3:2 et suivant) pour son attitude àl'égard des hauts-lieux. Mêmes divergences entre 2Ro 17:18,21-23et v. 7-17: causes de la chute de l'Israël du Nord. Certains passages supposant l'exil viennent detoute évidence en surcharge: 1Ro 5:4 9:1-9, 2Ro 17:19.La première rédaction est donc très vraisemblablement comprise entre621 et 586. Pouvant encore espérer le salut national par la fidèleobservation de la loi, l'auteur vise à obtenir cet urgent résultat.Peut-être remontera-t-on au règne même de Josias, entre 621 et 608,après la réforme, mais avant le désastre de Méguiddo. L'ouvrage alorscomposé se serait achevé sur le récit de la réapparition de la loi. Survient 586. Toute espérance subit le plus terrible desdémentis. RD 2 s'attache alors à mettre les livres des Rois enharmonie avec la douloureuse réalité; cf. 2Ro 21:7-15 22:15-2024:2,4, 1Ro 8:46 9:6 et suivant, 2Ro 17:19 et suivant, etc.Les synchronismes, la notice 1Ro 6:1, les récits populaires2Ro 18:17-20 19 peuvent aussi lui appartenir. Cette seconde rédaction deutéronomiste fut achevée après lalibération de Jojakin (561) et même, semble-t-il, après sa mort. Onsalue ce petit fait comme un gage de la délivrance prochaine, mais lelivre ne s'achève pas moins sur une note désolée qui fait penser auxdisciples d'Emmaüs. Wellhausen appelait le livre des Rois: «la grandeconfession de la nation exilée se remémorant son passé». Comme additions post-exiliques notons des retouches dans lessynchronismes, deux petits midrachîm (contes à la manière de Ruou de Jonas, dans 1Ro 13 et 2Ro 1), etc. Les remaniements,de peu d'importance, duraient encore lorsque fut entreprise latraduction grecque des LXX Jq. M.