1. Etymologie. Le mot hébreu malak signifie norme, règle, d'où conseiller,maître. Le mot qui désigne la royauté est donc orienté vers l'idée deloi plutôt que vers celle de guerre. Elle suppose la vie de la citéet non du clan nomade. La même racine se trouve dans des noms dedivinités, Milkom ammonite, Melkart phénicien. Est-ce le nom de ladivinité qui a servi ensuite à désigner le roi territorial, ou le nomdu souverain terrestre s'est-il divinisé pour le dieu? On ne peutdonner une réponse péremptoire. Le terme «roi» est déjà appliqué auxprinces des antiques cités du temps d'Abraham (Ge 14:1 etsuivant). Voir Gouvernement. 2. La royauté en Israël. L'état nomade ou semi-nomade ne comporte pas la royauté; celle-ci«est en Arabie une importation étrangère» (G. Jacob). Les tribusd'Israël dans la première période de leur histoire depuis la vocationd'Abraham sont gouvernées par des chefs de clans, des patriarches.Quand Jéhovah eut constitué les tribus en théocratie, le peuplehébreu devait en principe avoir à sa tête un homme de Dieu, prophèteou «sophète» (=suffète chez les Carthaginois; traduction impropre: juge)choisi par Jéhovah et chargé de gouverner la nation élue selon lavolonté divine. Tel fut Moïse; puis, Josué. Pendant les temps dedésordres et de ténèbres qui suivirent la conquête deCanaan--conquête qui n'avait pas été faite dans les conditionsvoulues par Jéhovah--les «sophètes» qui luttent pour l'indépendanced'Israël ne sont pas des héros religieux à proprement parler, maisils savent pourtant que c'est Dieu qui les envoie et qui leur assurela victoire (voir Juges). Ils ont assez de sens théocratique pourrefuser la royauté (Jug 8:23). Et l'on arrive ainsi à Samuel, àla fois «sophète» et prophète, second Moïse, à qui Dieu donna lacharge de rétablir la nation d'Israël. Il y réussit; mais Israël,incapable de se tenir à sa destinée spirituelle, profita de ce retourde prospérité pour réclamer la monarchie. Comme au pied du Sinaï ilavait demandé à Aaron de lui faire un dieu semblable à ceux despeuples voisins, un dieu matériellement représenté qui puisseconduire son peuple (Ex 32:1), maintenant, il demande à Samuel:«Établis sur nous un roi pour nous gouverner comme il y en a cheztoutes les nations» (1Sa 8:6). C'était la trahison de lathéocratie. Jéhovah ne s'oppose pas à l'expérience. Mais il maintientle roi sous la domination du prophète, qui désormais prendra figurede réactionnaire. Le prophète reçoit de Jéhovah l'ordre de sacrer leroi, la puissance de le faire et de le défaire (1Sa 10 1Sa 15 1Sa16,1Ro 19:16,2Ro 9 etc.). Quand le roi est fidèle, il reçoit duprophète le mot d'ordre; quand il est infidèle, le roi persécute leprophète, mais il tremble devant lui. Israël ne peut avoir un roicomme les autres nations. Quant au sacerdoce, le livre des Rois 110usle montre à la dévotion du monarque (2Ro 10 ss); sauf dans uncas où le texte nous paraît emprunté aux archives sacerdotales (L.Gautier) et où l'action patriotique du prêtre est due bien plutôt aulien du sang qu'aux prérogatives pontificales (2Ro 11:17),l'homme du Temple agit partout en fonctionnaire comme dans les autrescours de l'époque, et, comme ailleurs, se mêle aux intrigues dupalais (1Ro 1:19). Lorsque les fautes du peuple élu aurontentraîné sa ruine et que les deux principaux facteurs politiques: leroi et le prophète, auront disparu, le sacerdoce prendra en main lesdestinées de la communauté juive. Bientôt les prêtres s'imaginerontqu'ils ont toujours eu ce rôle, et c'est à cette illusion deperspective que les historiens juifs devront de représenter, dansleurs annales les Chroniques, qu'au temps d'Israël le prêtre tenaitle roi à sa merci (voir à ce sujet le contraste entre les livres desRois et les livres des Chroniques; méditer en particulierl'opposition de fait entre 2Ro 16 et 2Ch 26: dans lepremier cas le roi gouverne le prêtre, dans le second cas le prêtregouverne le roi). Voir Prêtres, I, 6. 3. Election du roi. Saül a été élu sur le plan religieux, après que Samuel a renvoyéchacun chez soi (1Sa 10:25). L'homme de Dieu a pris sur luitoute l'initiative du choix, qu'il fait suivre d'uneacclamation (1Sa 10:24), et plus tard d'une ratification, aprèsla victoire (1Sa 11:14 et suivant). La même procédurereligieuse, et non civile, a lieu pour le choix de David (1Sa16:13), mais restera sans effet jusqu'à la mort de Saül. Lastipulation mentionnée 2Sa 5:3 montre combien était déjà fragilele lien entre les sujets du N. (Israël) et ceux du S. (Juda); lesabus de Salomon devaient briser ce lien ténu (schisme des 10 tribus). La royauté est nettement héréditaire dès ses origines. La parolede Saül à Jonathan est typique (1Sa 20:31). Après David, le roichoisit son successeur parmi ses fils (1Ro 1:33-35) depréférence l'aîné (2Ch 21:3). Cela n'empêche pas lesmanifestations populaires de nommer un roi, en cas de crise (2Ro14:21 21:24 23:30), mais sans sortir de la lignée directe. VoirReine. 4. L'onction royale. La marque du pouvoir royal, dont la tradition s'est maintenue jusquedans les monarchies européennes, c'est l'onction du roi. On sait queles huiles (voir ce mot), plus ou moins parfumées, étaientanciennement un signe de purification et d'honneur (Ps 104:15);suivant la législation sacerdotale, les prêtres recevaient une doubleonction (Le 8:12-30). La qualité religieuse des onctions de Saület de David est soulignée par les dons spirituels qui lesaccompagnent (1Sa 10:1,6 16:13). Rien de semblable n'est indiquélors de l'onction de Salomon, accomplie par Nathan le prophèteassisté de Tsadok le prêtre, et d'ailleurs précipitée par desrivalités personnelles et politiques (1Ro 1). L'onction mêmen'est pas mentionnée lorsque la descendance du roi est directe. On ena conclu qu'elle ne se faisait qu'en cas d'accession contestée autrône (2Ro 9:12 11:12 23:30); mais il est plus probable quel'onction avait toujours lieu, et n'était mentionnée que dans les casexceptionnels, sans quoi il en serait résulté une inférioritépolitique vis-à-vis des rois étrangers qui avaient eux-mêmes reçu uneonction (Jug 9:8,Eze 28:14; les rois d'Egypte étaient oints,eux aussi). L'onction conférait aux monarques une manière depontificat; c'est ainsi qu'à côté des sacrificateursprofessionnels (1Sa 21:1,2Sa 20:25), les rois d'Israël offrentdes sacrifices. Il est vrai que Saül se fait réprimander pour cetteaudace (1Sa 13:8,14), ce qui ne l'empêche pas derécidiver (1Sa 14:34 et suivant) avec la meilleure intention.David use du même privilège (2Sa 6:17 24:25), ainsi queJéroboam (1Ro 12:32 et suivant) et Achaz (2Ro 16:12). Maisle plus souvent, l'évolution du pouvoir royal fait du prêtreofficiant un fonctionnaire de la cour qui tend bientôt à monopoliserl'autorité religieuse (Am 7:10-13). Au temps de Saül et deDavid, la tension entre le pouvoir royal et le prêtre se manifestepar des interventions brusques (1Ro 2:26-35). Voir Prêtres etlévites. 5. Les prérogatives royales. L'évolution semble en avoir été très rapide: Saül continue, bien queroi, à résider sur ses terres, d'où il ne sort que si la nécessitél'appelle (1Sa 11:5). Il est vrai que plus tard, une foisconfirmé roi par sa victoire et la reconnaissance du peuple (1Sa11:12 et suivants), il s'établit sans doute royalement. David fut levrai roi selon le coeur de ses sujets: actif, glorieux, généreux,poète et sensible, fondateur de la capitale, Jérusalem. Salomonressembla bien vite aux fastueux potentats orientaux, par son luxe,son harem, ses alliances. La prescription deutéronomique sur laroyauté (De 17:14-20) semble dirigée précisément contre un règnede ce genre, et pourrait être une critique de l'école prophétique àl'égard de ce dangereux potentat. 6. La guerre. Le roi en est toujours le grand chef. Saül, David, Salomon, chacun àsa manière, fortifièrent l'armement et le personnel combattant 1° par l'institution d'une garde permanenteKéréthiens, Péléthiens (2Sa 8:18 15:16,2Ro 11:4 2° par le développement de la cavalerie et des charsde combat (voir Char); 3° par la création d'un arsenal (Ca 4:4,1Ro 10:16 et suivant, Esa 22:7,2Ro 11:10) et de forteresses(1Ro 12:21 et suivants, 2Ch 17:2). Il conduitpersonnellement les opérations militaires, à la tête de seshommes (1Sa 31:2,1Ro 22:29 et suivants). Voir Armée, Guerre. 7. Le juge suprême. En temps de paix, le roi est le juge suprême de ses sujets (2Sa14:3 15:2,1Ro 3:16 et suivants). Le pouvoir judiciaire traditionnelpasse des chefs de famille (les «anciens») à des sortes de baillis,préfets du palais, etc., nommés par le roi (2Ro 19:1,11); jugeset chefs sont mentionnés ensemble par Amos (Am 2:3). VoirJustice rendue. 8. Les limites du pouvoir. On l'a vu plus haut, la royauté fut comme accidentelle en Israël etdue à des nécessités plutôt qu'à des principes ou qu'à une anciennetradition. Jamais on n'oubliera le bien général, grâce souvent à lahardiesse et à l'autorité des prophètes: Nathan censurantDavid (2Sa 12), Élie contre Achab (1Ro 21:17 et suivants).Achab lui-même n'a pu entrer en possession de la vigne de Naboth qu'àla suite d'un jugement régulier, en apparence tout au moins (1Ro21:7 et suivants). Les rois ne peuvent innover en matière de lois,surtout religieuses. Le Deutéronome ne peut être promulgué par Josias qu'entant que loi retrouvée, et après consultation de la prophétesseHulda (2Ro 22:14). 9. Administration royale. On suit ici la même évolution que dans les paragraphes précédents.Saül vivait de son domaine, et à l'aide de présents envoyés par sessujets (1Sa 10:27 16:20). Le grand recensement (voir ce mot) dela fin du règne de son successeur (2Sa 24:1), qui lui attiretant de réprobation, était sans doute destiné à asseoir un impôt.1Ch 27:25 et suivant montre l'étendue des possessionspersonnelles de David. Salomon divisa le territoire en 12districts (1Ro 4:7), qui subvenaient chacun pendant un mois auxbesoins du roi. Les charges imposées par Salomon ébranlèrent laroyauté et préparèrent le schisme entre les deux royaumes, Israël etJuda, déjà difficilement unis. Il est question d'un péage sur lescaravanes (1Ro 10:15) ei d'un droit sur la première coupe dufoin pour la cavalerie royale (Am 7:1). Il se peut aussi que ladîme mentionnée dans 1Sa 8:15,17 ait été effectivement prélevéepar le fisc royal. Jéhojakim établit une taxe spéciale pour payer letribut dû au roi d'Egypte (2Ro 23:35). Les fonctionnaires royaux furent en nombre variable suivantle degré de puissance et de richesse du roi. La liste desfonctionnaires de David est donnée 2Sa 8:16,18. L' «archiviste»(voir ce mot) Josaphat était une sorte de grand-vizir (litt., celuiqui rappelle au souvenir); sa mention immédiatement après le chef del'armée suffirait à prouver son importance. Il est vrai que, dans uneautre liste (2Sa 20:23-26), il n'est nommé qu'après Adoram,préposé aux impôts. Plus tard, paraissent d'autres officiers de lacour (Esa 36:3 22:15). Il est surtout intéressant de noter lescensures des prophètes contre certains de ces personnages (Am2:6 et suivant, Esa 5:8,Jer 5:28,Mic 3:11). Voir Israël,Prophète, Palestine au siècle de J.-C, etc.