RÉSURRECTION

I Résurrection et immortalité. Avant d'aborder l'étude biblique de la résurrection, il estnécessaire de distinguer la résurrection de l'immortalité; ces deux conceptions, qui l'une et l'autre expriment la mêmeconviction d'une survivance après la mort, sont souvent confondues.Il s'agit là cependant de deux courants de pensée très différents; lanotion de l'immortalité est un produit de l'esprit grec, tandis quel'espérance d'une résurrection appartient à la pensée juive. Il fautconsidérer ce que représentent ces deux conceptions et comment par lasuite elles se sont pénétrées l'une l'autre. 1. LA RESURRECTION. Idée juive, qui dérive de la conception juive de lapersonnalité humaine, dont le point de départ est l'affirmation del'unité de cette personnalité. Pour l'Hébreu, le principe personnelde l'homme, son moi, ne réside pas dans l'esprit seul, mais dansle corps animé par le souffle de l'Éternel et devenant ainsi une âmevivante; (cf. Ge 2:7) cette âme est inséparable du corps, ce quiexplique que l'A.T, désigne l'homme tantôt par le mot âme (Ps16:10 35:3 49:16), tantôt par celui de chair (Esa 40:6,Vers. Syn., mortels; Jer 45:5, cf. Mt 16:17), sans quel'idée soit essentiellement différente. Quand donc l'Israélite affirme la survivance, il ne peut lacomprendre que sous la forme d'une survivance de l'homme, corps etâme. Mais la corruption détruit le corps après la mort; l'Hébreuaffirmera donc l'existence d'un nouveau corps venant prendre la placede ce corps détruit et dans lequel l'âme trouvera son appuinécessaire. Le corps ressuscité est conçu tantôt comme exactementpareil à celui que le mort a quitté, tantôt comme différent, comme uncorps glorieux, spirituel. La résurrection marque ainsi la permanencede la personnalité tout entière, corps et âme. Elle représente lacomplète victoire sur le sépulcre (1Co 15:54 et suivant). Cette conception juive d'une destruction du corps suivie d'unerésurrection de ce corps soulève diverses questions. Quand aura lieula résurrection? Est-ce à l'instant de la mort, est-ce au moment dujugement dernier, est-ce plus tard encore, à la consommation desâges? Et d'ici là, que devient l'âme, si la résurrection n'est pasimmédiate? Est-elle plongée dans une inconscience semblable ausommeil, ou bien subit-elle déjà le sort que lui réserve le jugementfinal? Peut-elle encore se perfectionner? 2. L'IMMORTALITE.Idée grecque qui dérive de la conception grecque de la personnalité.Pour les Grecs, la personnalité humaine est également composée dedeux parties, le corps et l'âme; mais ces deux éléments, loin deformer un tout harmonieux, s'opposent l'un à l'autre. Le corps n'estdue matière et constitue une entrave dans la vie de l'âme, carcelle-ci est pur esprit; or l'esprit, qui vit éternellement, se passefort bien de l'aide du corps. L'âme, créée avant le corps, subsistelorsque celui-ci est détruit, continuant à vivre de sa vie propre;car l'âme est immortelle et la mort du corps représente dans sonexistence une véritable délivrance qui la libère. Puisque l'âme estcapable de vivre par elle-même, sans être obligée de s'appuyer suraucun corps matériel, on ne s'étonnera pas de ce que la notion d'unerésurrection des corps n'ait eu aucune place dans la pensée grecque. 3. INFLUENCE GRECQUE SUR LA PENSEE JUIVE ET CHRETIENNE.A partir des conquêtes d'Alexandre, le judaïsme se pénétra lentementd'influences helléniques, principalement en Egypte, parmi les Juifsd'Alexandrie, dont la langue habituelle était le grec. D'autre part,comme l'affirmation d'une résurrection des corps et la croyance àl'immortalité de l'âme, bien qu'étant des conceptions différentes,n'en restent pas moins deux façons d'exprimer la même convictiond'une survivance après la mort, il n'est pas surprenant que ces idéesse soient combinées au sein même du judaïsme. L'historien juifJosèphe assure même que l'idée d'une transmigration des âmes auraitété professée jusque dans les écoles des pharisiens. Quoi qu'il ensoit de ce renseignement, la Sapience ou Sagesse de Salomon parled'une préexistence de l'âme (Sag 8:20); Philon développe des théoriestrès semblables, et la théologie du Talmud enseigne à son tour queles âmes, venues d'auprès de Dieu, sont en quelque sorte prêtées auxhommes, en qui elles habitent et dont elles se séparent après la mort. C'est surtout lorsque le christianisme se fut détaché dujudaïsme, qu'on en vint à mêler étroitement les notions derésurrection et d'immortalité; à la mort, affirma-t-on, le corps sedécompose, ne ressuscitant que plus tard, et l'âme, détachée du corpset immortelle de nature, vit seule jusqu'au jour de la résurrection. 4. LA PENSEE CHRETIENNE ACTUELLE.La pensée chrétienne contemporaine subit encore les effets de cetteconfusion. Héritiers spirituels à la fois des Grecs et des Juifs,nous continuons à expliquer la survivance tantôt par l'idée juived'une résurrection, tantôt par la conception grecque del'immortalité, sans même nous apercevoir des contradictions internesde notre pensée. Cette confusion est d'autant plus compréhensible queles textes bibliques ne présentent pas toujours la clarté que nousaimerions y trouver. Il convient donc d'interroger les saintesÉcritures soigneusement et sans en déformer le sens.II Etude des textes bibliques. Ire SECTION: LE JUDAÏSME .Quelques notions générales doivent être rappelées, qui feront mieuxcomprendre la conception juive de la résurrection. L'âme, quel'Hébreu ne conçoit pas sans un corps pour la soutenir, est le centrede la personnalité; elle a son siège dans le sang (Ge 9:4 etsuivant, Le 17:11,De 12:23), se liant ainsi au corps qu'elleanime. L'homme est donc un tout inséparable: sans le corps l'âmereste inconcevable, et sans âme le corps n'est qu'une masse inerte. Bien que le Cheol (voir ce mot) soit le lieu des morts, non desvivants, des textes très anciens prouvent que les Hébreux onttoujours cru à une certaine survivance de la personnalité, vaguemententrevue (Ge 37:35,Ps 16:10,2Sa 12:23). Ils ont d'ailleurspratiqué la nécromancie (1Sa 28,Le 19:31 20:6,2Ro 21:6); or, desgens qui croiraient à l'entière destruction des morts nechercheraient pas à les évoquer. Parfois le cadavre est considérécomme accessible à la douleur ou à la honte, conservant parconséquent une certaine sensibilité (Esa 66:24 14:11-14). Les malheurs du peuple d'Israël et leur répercussion dans la viedes individus firent réfléchir les âmes pieuses; jusque-là, lesIsraélites avaient puisé une consolation dans l'idée que les filsprolongeaient en quelque sorte la vie des pères, que chacun parconséquent revivait en ses enfants; cette conception ne fut plus uneconsolation suffisante; ceux qui voyaient périr leurs enfantscriaient à Dieu, demandant son secours. Dans les coeurs déchirés parl'épreuve, la piété s'approfondit davantage et trouva, dans larévélation d'une vie future, des raisons d'espérer. 1. LES PRECURSEURS.Certains textes, sans contenir une véritable affirmation de larésurrection individuelle, l'annoncent cependant. Ainsi le Ps73, ou encore Os 6:2 13:14,Job 14:14 19:25-27,Ps 71:20. 2. LA CROYANCE A LA RESURRECTION DANS LES ECRITS CANONIQUES.Seuls deux passages de l'A.T, affirment nettement la résurrection. Dans le livre d'Ésaïe, un texte datantapproximativement de l'an 334 av. J.-C, et qui célèbre larésurrection des justes d'Israël: «Que tes morts revivent! Que mescadavres se relèvent! Réveillez-vous et tressaillez de joie,habitants de la poussière! Car ta rosée est une rosée vivifiante, etla terre redonnera le jour aux ombres» (Esa 26:19). Ensuite un texte de Daniel (datantvraisemblablement de l'an 168 av. J.-C.) annonçant pour le début del'ère messianique la résurrection des justes puis des impies:«Plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière de la terre seréveilleront, les uns pour la vie éternelle, et les autres pourl'opprobre, pour la honte éternelle».--Deux (Da 12:2)autres passages parfois cités comme enseignant la résurrection n'ontcependant pas cette valeur. Le premier, la vision d'Ézéchiel (ch.37), est plus une image décrivant la restauration du peuple juifqu'une promesse de résurrection individuelle. Quant au second, Ps16:10, bien que l'Église chrétienne l'ait considéré comme unepromesse de résurrection et l'ait appliqué au Christ, (cf. Ac2:27,31 13:35,37) il semble pourtant que dans l'esprit du psalmisteil n'était ici question que d'une prolongation de la vieterrestre.--Enfin la Bible contient aussi des passages tels que Ec3:19-22 ou Ec 9:3,6, dans lesquels nous découvrons avecétonnement un complet scepticisme. 3. LA CROYANCE A LA RESURRECTION DANS LES APOCRYPHES DE L'A.T. C'est surtout dans les Apocryphes et lesPseudépigraphes qu'est affirmée la résurrection. Ces écrits sont lereflet exact des besoins profonds de l'âme juive en un temps depersécution où l'injustice triomphait. Les morts ressusciteront!C'est la certitude victorieuse à laquelle s'attachent la piété desopprimés et l'enthousiasme des martyrs. Mais cette doctrine, sortiedes milieux populaires, ne s'était pas propagée sans rencontrerl'opposition des conservateurs et des sceptiques. Le Siracide (ouEcclésiastique), premier en date des Apocryphes (II e siècle av.J.-C), ignore la croyance à la résurrection (cf. 17:30) et l'auteurde 1 Macchabées n'y fait aucune allusion. Il faut attendre le I er siècle avant l'ère chrétienne pourtrouver cette croyance nettement affirmée. Le 2e livre desMacchabées montre les martyrs soutenus dans leurs supplices par lacertitude d'une survie: «Arrivé à son dernier souffle, il dit:Scélérat, tu nous ôtes la vie présente, mais le roi du monde, quandnous serons morts pour ses lois, nous ressuscitera pour la vieéternelle» (2Ma 7:9) «Tout près de mourir, ilparla ainsi: Heureux ceux qui meurent de la main des hommes et quitiennent de Dieu l'espérance d'être ressuscités par lui» (2Ma 7:14). L'Apoc, des dix semaines d'Hénoch (Hén. 91-93) et lesPsaumes de Salomon annoncent également la résurrection des justes etl'anéantissement des impies: «Le juste se réveillera de son sommeil;il se lèvera et il avancera dans les voies de la justice. Le Grand etle Saint sera propice au juste et lui donnera la puissance; et lejuste sera dans la vertu et dans la puissance, il marchera dans lalumière éternelle. Mais le pécheur sera perdu dans les ténèbres pourtoujours» (Hén. 92:3, 5). «La perdition du pécheur est éternelle. Eton ne pensera pas à lui quand on recherchera les justes. Tel est lelot des pécheurs pour l'éternité. Mais ceux qui craignent le Seigneurressusciteront pour la vie éternelle. Et leur vie dans la lumière duSeigneur ne cessera plus». (PsSal 3:13,16) Telle est la forme habituelle sous laquelle se présente l'idée derésurrection dans la pensée juive; le fidèle attend sa récompense «àla résurrection des justes» (Hén. 61:5; Testaments des XIIPatriarches: Test. Levi 18, Test. Juda 25). Pourtant la croyance en une résurrection générale pour lejugement des bons et des méchants demeurait dans la logique dusystème, si l'on peut dire. Le livre d'Hénoch (22:10 et suivants)fournit la première déclaration de ce genre: certains méchants, ceuxqui n'ont pas subi durant leur vie terrestre le juste châtiment deleurs péchés, ceux-là ressusciteront à la suite des justes afind'être punis. D'autres passages du même livre, les Paraboles,décrivent la résurrection générale, en ces termes: «En ces jours laterre rendra son dépôt et le Cheol rendra ce qu'il a reçu, et lesenfers rendront ce qu'ils doivent, et l'Élu choisira parmi eux lesjustes et les saints, car il est proche le jour où ils seront sauvés»(Hén. 51:1, 3). Pseud. Esdras attend aussi ce jour où tous revivront:«La terre rendra ceux qui dorment dans son sein, et la poussière ceuxqui y reposent en silence, et les réservoirs (des âmes) rendront lesâmes qui leur ont été confiées. Et le Très-Haut paraîtra sur sonsiège de juge» (PseudoEsdras 7:32 et suivant, 14:35 etsuivant). Enfin l'Apocalypse de Baruch annonce une résurrectiongénérale en même temps qu'universelle: «Le Tout-Puissant me répondit:Écoute cette parole. Car certainement la terre rendra les mortsqu'elle a reçus pour les conserver, sans rien changer à leur aspect.Comme elle les a reçus elle les rendra, comme je les lui ai confiéselle les fera ressusciter» (ApoBar 50:1 et suivant).Certains passages du livre d'Hénoch ajoutent encore à l'attente d'unerésurrection et d'un jugement l'idée complémentaire d'une survie desâmes dans l'au-delà et d'un jugement qui suit immédiatement la mort.Ainsi: «Mais maintenant je vous jure à vous justes, par la gloire duTout-Puissant et du Glorieux et par sa grandeur, je vous jure à vous:Moi je connais le mystère, je l'ai lu sur les tablettes du ciel, j'aivu le livre des saints, et voici ce que j'y ai trouvé écrit et gravéau sujet des justes: Que tout bien et joie et bonheur a été préparéet écrit pour les âmes de ceux qui sont morts dans la justice, et quede nombreux biens vous seront donnés en récompense de vos travaux...»(Hén. 103:1-3). «Je vous le jure,...vos noms sont écrits en présencede la gloire du Grand. Espérez donc, car d'abord vous avez étéaffligés dans le malheur et dans la souffrance, mais maintenant vousbrillerez comme des luminaires dans le ciel...De votre cri, criezjustice. Espérez, et ne renoncez pas à votre espoir, car vous jouirezd'une grande joie comme les anges des cieux» (Hén. 104:1, 3). Lesjustes sont destinés à devenir enfants de lumière, esprits delumière: «Vous brillerez comme des luminaires dans le ciel, vousbrillerez, vous apparaîtrez, et la porte du ciel s'ouvrira devantvous» (Hén. 104:2, cf. Da 12:3). Leur vie sera éternelle:«Heureux êtes-vous, justes et élus, car votre part sera glorieuse.Les justes seront dans la lumière du soleil, et les élus dans lalumière d'une vie éternelle, et les jours de leur vie seront sansfin, les jours des saints seront sans nombre» (Hén. 58). On le voit, les Apocryphes et les Pseudépigraphessont remplis de la croyance à la résurrection, sans qu'il y ait làcependant une doctrine bien définie. Si l'on cherche à systématiserla pensée eschatologique de ces écrits, oh découvre maintescontradictions qu'il n'est pas inutile de relever. (a) Ceux qui ressuscitent. Ce sont: (1) Seuls les justes d'Israël: Hén. 58:3 90:33 91:10 92:3, Pseudo-Esdras 4:35 7:28, 2Ma 7:4 12:43 Ps 16:6-10. (2) Les justes et certains méchants, ceux qui n'ont pas subi leurchâtiment ici-bas: Hén. 22:10. (3) Tous les hommes, justes et méchants: Hén. 51:1, ApoBar 50, Pseud-Esd 32-37. (4) Personne ne ressuscite: Sir 17:30. (b) Le moment de la résurrection. La résurrectionse produira: (1) Après le jugement, et pour recevoir en partage la gloire duroyaume messianique: Hén. 90:29, 33 108. (2) Immédiatement après l'ère messianique: Hén. 91:10 92:3, ApoBar 40-42, PseudEsd 7:29-32. Ps 31:6. (3) immédiatement avant l'ère messianique: Hén. 51:1. (4) Lors du royaume messianique: Pseud. Esd 7:28. (5) Après la mort terrestre: PseudEsd 4:, Sag 3:19, Ps 14:6 16:2. (c) Nature du corps ressuscité, (1) Il sera semblable au corps terrestre, sensible aux mêmesimpressions: Hén. 1-36 51:4 104:4, 6, ApoBar 49:2 50:2, 2Ma7:9,11,14,22,29 12:43 14:46. Ailleurs il était conçu un peuautrement: Hén. 39:5 62:15 70:1 90:30 - 33. Dans les milieuxrabbiniques on attachait parfois une importance extrême aux habitsdont le mort était couvert. (2) Le corps ressuscité est un corps spirituel: Hén. 108, Hén.slav. 22:8 (livre des Secrets d'Hén.). (3) Il n'y aura pas de corps ressuscité; l'Esprit seul vivraéternellement: Hén. 103:3, Ps Sal. 3 16 4:6 13:9 14:6 15:15, Sag 2:233:1 9:15, Livre des Jub. 23:3, Assompt. de Moïse 10:9, Hén. slav.23:5. Conclusion à l'étude des Apocryphes. Notreconclusion sera double. En premier lieu, il faut insister sur lavaleur documentaire des Apocryphes et des Pseudépigraphes; ces écritsforment en quelque sorte le pont entre les livres canoniques del'A.T, et ceux du N.T.; ils sont indispensables si l'on ne veut pass'exposer à mal comprendre l'enseignement chrétien sur la vie àvenir. En second lieu, il faut se rappeler que la piété juive, bienqu'abondante en images apocalyptiques et eschatologiques, nepossédait pas, à l'époque du Christ, une doctrine précise de larésurrection.II e SECTION: LE CHRISTIANISME .Les conceptions du N.T. relatives à la résurrection se sontdéveloppées dans un double courant de pensée, dont le principal futla foi de l'Église au Christ ressuscité et le fait même de cetterésurrection; d'autre part, il ne faut jamais oublier que lespremiers chrétiens avaient été élevés dans ce judaïsme dont lesApocr, et les Pseud, de l'A.T, reflètent les idées. Pour exprimerleur certitude de la résurrection, ils ont emprunté à cette piétéjuive, qui avait été la leur avant leur conversion, les images et lesnotions dont ils avaient besoin pour penser leur foi. Rien d'étonnantdès lors à ce que le N.T. présente sur la résurrection desconceptions qui rappelleront souvent celles de ces livres noncanoniques. 1. L'ENSEIGNEMENT DE JESUS D'APRES LES EVANGILES, LES ACTES ET LESECRITS NON PAULINIENS.Les évangiles, tant les synoptiques (et les Actes) que l'évangilejohannique, affirment la vie à venir, mais ne formulent pas unedoctrine complète de la résurrection. Pour plus de clarté, et bienque semblable division soit tout artificielle, nous chercherons àdégager successivement dans l'enseignement évangélique les pointssuivants:

la résurrection; ceux qui ressuscitent; le sort des méchants; la nature des corps ressuscités; le moment de la résurrection.
1° La résurrection; ceux qui ressuscitent. (a) Dans les évangiles synoptiques, le récit del'entretien de Jésus avec les envoyés des sadducéens (d'après Luc)note qu'une partie des humains seulement ressuscitera, «ceux quiseront trouvés dignes d'avoir part au siècle à venir et à larésurrection des morts» (Lu 20:35). Il ne s'agit donc pas de tous les morts, mais des seuls justes (Lu 14:14); ceux-cisont à la fois fils de la Résurrection et fils deDieu (Lu 20:36), car la résurrection a sa source dans la vieen Dieu qui seule mène à la perfection à laquelle l'homme estdestiné. Ces fils de la Résurrection sont aussi les élus de Dieu(Mr 13:27 parallèle Mt 24:31) que le Fils de l'hommerassemblera. Si tous les hommes ne participent pas à la résurrection,tous y sont cependant appelés par Dieu (Lu 20:38,Ac 17:28 26:8). (b) Le 4e évangile descend plus profondémentdans les réalités spirituelles. La résurrection, c'est la vievéritable, et cette vie commence dès ici-bas, dans la mesure où l'âmes'unit au Christ (Jn 5:24 et suivant), mais pour n'atteindre sonplein épanouissement qu'après la mort (Jn 11:25 et suivant).Celui qui connaît Dieu possède la vie éternelle (Jn 17:3) quivient de Dieu, bien que nous la recevions du Christ (Jn 5:216:40,44-54 17:2). Le Christ n'est-il d'ailleurs pas la résurrectionet la vie? (Jn 11:25 3:36) Il connaît les siens (Jn 6:39);ce qui n'empêche pas que le sort de chacun dépende à la fois de sonattitude actuelle en face du Christ (Jn 3:18 9:39, cf. 1Jn2:17) et de sa conduite dans la vie (Jn 5:29). Mais les justesne seront pas seuls à reprendre vie, car «ceux qui auront fait le malressusciteront pour le jugement» (Jn 5:29, cf. Ac 24:15),vu que: «celui qui me rejette et qui ne reçoit pas mes paroles a sonjuge; la parole que j'ai annoncée, c'est elle qui le jugera audernier jour» (Jn 12:48). L'évangéliste montre d'ailleurs Jésusaffirmant, sans préciser s'il s'agit des bons ou des mauvais, latoute-puissance de Dieu qui ressuscite les morts (Jn 5:21, cf.Ro 4:17,2Co 1:9). (c) L'épître aux Hébreux contient un enseignementidentique, proclamant l'espérance de la résurrection (Heb 6:211:19). C'est par Christ que les hommes l'obtiennent (Heb 2:109:15), et seuls les croyants en sont assurés (Heb 10:39). 2° Le sort des méchants. L'enseignement de Jésus emprunte des images aux croyances juives del'époque. Les Synoptiques nous ont conservé un certain nombre derécits qui traitent du sort futur des méchants. Corps et âme, ilsseront jetés dans la géhenne (Mt 5:29 10:28,Mr 9:43 45 47). dontle feu est le symbole de la colère de Dieu (Mt 5:22 18:9 25:41,Heb10:27 12:29) et les ténèbres du dehors une image de laperdition (Mt 8:12 22:13 25:30). Seul le péché contre l'Espritattire le châtiment de l'Éternel, sans possibilité de pardon (Mt12:32). Quant aux autres péchés, la peine sera en proportion de lagravité de la faute («battu d'un grand nombre de coups,...battu depeu de coups», Lu 12:47 et suivant). L'un des récits laissemême entrevoir la possibilité d'un certain progrès moral après lamort (Lu 16:27,31). Le 4e évang, ne décrit pas le sort duméchant. 3° Le corps ressuscité. (a) Le corps du Christ. La narration évangéliquemontre le Christ ressuscité attentif à prouver à ses disciples queson corps glorieux conserve une certaine ressemblance avec son corpsde chair (Lu 24:39 et suivant, Jn 20:20-27,Ac 10:41). Maisles conditions en sont changées, et dépassent l'expérience ordinaire;ce corps n'est limité ni par le temps ni par l'espace (Mt 28:7,9et suivant, Mr 16:6,7,12,14,19 Lu 24:15,31-51,Jn 20:19-26).Souvent le Christ ressuscité reste méconnaissable pour ceux qui leconnaissent le mieux, jusqu'au moment où un geste, une parole, leurrévèle la personnalité de leur Maître (Mt 28:17,Lu 24:18,31,Jn20:14,16 21:4). (b) Le corps des croyants. Ce corps vivra dans desconditions entièrement différentes de celles auxquelles nous sommesaccoutumés (Mr 12:25,Mt 22:30,Lu 20:35 et suivant). Lesressuscités «seront semblables aux anges» (Lu 20:36),affirmation qui est en plein accord avec l'enseignement despharisiens et des scribes (Lu 20:39). Les écrits johanniquesfont preuve d'une sobriété toute pareille, et ne donnent guère dedescription: «Bien-aimés, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nousserons n'a pas encore été manifesté; mais nous savons que, lorsquecela sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous leverrons tel qu'il est» (1Jn 3:2, cf. Jn 12:26 14:2 17:24).«Voir le Seigneur», telle est aussi l'expression employée par l'épîtreaux Hébreux (Heb 12:14). 4° Le moment de la résurrection. Les évangiles ne fournissent que peu d'indications à ce sujet, et quine s'accordent guère entre elles. Dans la parabole de Lazare et dumauvais riche, le Christ met en oeuvre les descriptions pittoresquesde la tradition populaire juive, dont les images ne doivent pas êtreprises à la lettre; notons toutefois que le sort de Lazare, commecelui du mauvais riche, est décidé sitôt après leur mort (Lu16:19-31). L'entretien de Jésus avec les envoyés desSadducéens (Mr 12:18-27,Mt 22:23,33,Lu 20:27,40) ne donne aucunrenseignement sur l'époque de la résurrection. L'une des paroles dela croix: «Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis» (Lu23:43), indique qu'une vie spirituelle nouvelle succéderarapidement à notre vie terrestre; il n'est pas question pourtant d'unséjour préliminaire dans le Cheol, ni d'un long sommeil, ni d'unjugement solennel. Par contre, le 4 e évang, développe une penséedifférente qui laisse supposer qu'un certain temps s'écoulera entrela mort terrestre et la résurrection (Jn 5:28). Quant aux récitsdes résurrections opérées par le Christ pendant son ministère (filsde la veuve de Naïn, Lu 7:11-17; fille de Jaïrus, Mr5:22,43,Mt 9:18,26,Lu 8:40-56; Lazare, Jn 11), ils n'apportentpas d'indications sur le moment de la résurrection; tous cesressuscités, après avoir recouvré une vie terrestre et corporelle,sont morts d'une mort pareille à celle des autres humains. Remarquonsd'ailleurs que ces résurrections, dans les récits évangéliques, nesont pas mises en rapport avec la vie éternelle (sauf dans le récitde Jn 11), et ne sont citées par les évangélistes qu'à titre demiracles opérés par le Seigneur (voir également Mt 27:52 etsuivant). L'Apocalypse de Jean parle de deux résurrections. Unepremière est celle des martyrs; elle a lieu pendant les mille ansdurant lesquels Satan est lié (Ap 20:1-5); ces ressuscitésdeviennent prêtres de Dieu et de Christ (Ap 20:4-6, cf. Esa61:1) et régnent avec lui pendant ces mille ans. Les autres hommesne reviennent à la vie que plus tard, après la défaite définitive deSatan; c'est alors que se produit la seconde résurrection (Ap20:12,15). Les méchants, d'autre part, souffriront une secondemort, la destruction totale dans l'étang de feu (Ap 20:12,1521:8, cf. Mt 10:28). Mais ceux qui auront eu part à lapremière résurrection (Ap 20:6), ceux qui auront vaincu (Ap2:11), ceux-là échapperont à la seconde mort; ils régneront avecDieu aux siècles des siècles (Ap 22:3-5). 5° Conclusion. Nous pouvons donc affirmer que les écrits du N.T., si l'on met à partles épîtres de l'apôtre Paul, sont extrêmement sobres dans leurdescription de la résurrection et des corps ressuscités. Il s'agitlà, on s'en rend compte, de mystères qui nous dépassent infiniment,que le coeur comprend, mais que l'intelligence n'expliquequ'imparfaitement. Pour faire partager à ses auditeurs son absoluecertitude d'une vie future, le Christ s'est servi d'images et decomparaisons qui leur étaient familières. Qu'importe si des espritsattachés uniquement à la lettre de ces récits y découvrent descontradictions, des invraisemblances! L'enseignement du Christ parleau coeur avant tout; nous le sentons bien en lisant les évangiles.Or, sur cette question de la résurrection, la réponse qui nous estdonnée est suffisamment précise, elle satisfait entièrement auxbesoins de notre vie religieuse: il y aura, déclare le Seigneur, unevie après la mort, l'homme ressuscitera, la personnalité humaine nedisparaîtra pas avec la vie du corps, elle conservera sescaractéristiques et restera reconnaissable, distincte des autresindividualités; un nouveau corps lui sera donné, différent des corpsactuels. D'autre part, nos actions présentes, comme la pureté et lasincérité de notre foi, ne sont jamais indifférentes; il y aura unjugement, mais un jugement par un Dieu qui est un Père aimant sesenfants, qui veut la conversion du pécheur, et dont la bonté estinfiniment supérieure à la nôtre. 2. L'ENSEIGNEMENT DE SAINT PAUL. 1° Introduction. C'est dans les épîtres de saint Paul qu'est développée la théorie laplus complète de la résurrection. Mais cet enseignement paulinien esttout occasionnel: l'apôtre répond aux questions qui préoccupent sescorrespondants et n'a pas eu l'intention de rédiger une étudecomplète sur ce sujet; de sorte que certains problèmes qui nousintéressent ne sont pas même abordés dans ses épîtres. Enfin,souvenons-nous que la pensée de l'apôtre s'est constamment enrichie,approfondie, et par conséquent modifiée. 2° Le corps ressuscité. Le point de départ est la conception pharisaïque selon laquelle notrecorps actuel sera remplacé par un corps semblable, maisparfait (1Co 15,1Th 5:23). Ailleurs, saint Paul, sans douteinfluencé par l'hellénisme, accentue la différence entre la chair etl'esprit, les opposant l'un à l'autre (Ga 3:3 5:16 etsuivant 6:8); le corps charnel périt (1Co 15,Ro 7:24, Ga6:8), remplacé par un corps spirituel dont le principe vital estl'Esprit; ces deux corps sont dans la relation de la semence à laplante (1Co 15:37 et suivant). 3° Ceux qui ressuscitent. Pas d'universalisme: seuls les chrétiens revivront; pour lesincroyants, la mort physique sera définitive (Ro 2:12 5:20 6:20-238:1-13 2Co 4:3 Ga 6:8 Eph 2:1,5,Php 3:18,Col 2:13, cf. Ro9:22). Dans 1Co 15:22-28, ceux dont il s'agit («tous revivronten Christ») sont les croyants, non les hommes qui n'ont jamaisentendu parler du Christ, et auxquels l'apôtre semble n'avoir mêmepas songé dans ce passage. De même, dans la déclaration de Ro11:32 («Dieu a renfermé tous les hommes dans la désobéissance pourfaire miséricorde à tous»), le contexte (Ro 11:19,32) s'oppose àune interprétation universaliste, puisque saint Paul met ses lecteursen garde contre une conduite qui les exclurait du salut. (Voirégalement 2Co 5:19 et suivant, Eph 1:9 et suivant,Col 1:19,23). 4° Le moment de la résurrection. C'est à l'avènement du Christ que les «morts en Christ»ressusciteront (1Th 3:13 4:14,16,2Th 2:1). Bien qu'il s'agissepour ces chrétiens d'une mort et d'une résurrection véritables,comportant un corps nouveau (1Co 15:21,42,Php 3:10,11,20 Eph 4:30Ro 8:11), l'apôtre, persuadé de l'imminence du retour du Christ,décrit leur mort comme un sommeil (1Th 4:13). 5° Le lieu de la résurrection. St Paul n'évoque pas une terre transformée devenue le séjour desbienheureux, mais se contente de l'image familière du ciel (2Co5:1 et suivant, Eph 2:6,1Th 2:12 4:17). Les croyants,possesseurs d'un corps spirituel incorruptible (1Co 15) et de lagloire du Christ (2Th 2:14), jouiront de la vie éternelle, vieparfaite à tous égards (1Co 13:8-12). 6° «Morts en Christ».St Paul proclame sa conviction que la mort n'a pas le pouvoir demettre fin à la communion du croyant avec le Christ glorifié (2Co5:1,8,Eph 2:6,Phi 1:21,23,Col 1:5); au contraire, le chrétiens'unit au Christ par la mort (Ro 8:38 et suivant).Toutefois, la mort et la résurrection sont envisagées par l'apôtre àdeux points de vue totalement différents: (a) il y a d'abord un sens imagé: le croyant meurt aupéché et renaît spirituellement, devenant une nouvelle créature; (b) puis un sens concret, celui qui nous intéresseici: la mort physique suivie de la résurrection, dont Dieu seul estl'auteur, bien que le croyant y parvienne en Christ (Ro 5:21 6:238:2,10 et suivant, 1Co 15:22,Php 3:20 et suivant, Ga6:8,Col 1:27 3:4,2Co 1:9 4:14,Eph 2:6). 7° Conclusion. St Paul s'est efforcé d'exprimer ses convictions sur la résurrectionen un langage précis et compréhensible à ses lecteurs. Aucune de sesépîtres, toutefois, n'est consacrée à l'exposé complet etsystématique de ces problèmes. Quand l'apôtre parle de larésurrection et de la nature des corps ressuscités, c'est en réponseà des demandes d'explication qui lui ont été faites, ou pour consoleret calmer des inquiétudes. Faut-il s'étonner dès lors si ses écritsne fournissent pas toujours toutes les précisions que notre curiositédésirerait? D'autre part, certaines expressions employées par saintPaul, et qui éveillaient dans l'esprit de ses contemporains desimages évocatrices, constituant par conséquent d'excellentesexplications, ne correspondent plus à nos habitudes de pensée etperdent, de ce fait, une partie de leur valeur explicative.CONCLUSION GENERALE A L'ETUDE BIBLIQUE.L'étude des textes relatifs à la résurrection nous aura montrécomment il se fait que les théologiens chrétiens, qui tous s'appuientsur la Bible, ont pu cependant professer des opinions très diversessur cette question. Les Saintes Écritures, A.T. et N.T., tout enécartant certaines théories sur l'au-delà qui détruisent la foi, eten affirmant certaines vérités sur la vie à venir, n'entrent pas dansdes détails précis et ne développent pas une doctrine de larésurrection. Ce souci de posséder un système cohérent quiexpliquerait ce que sera la vie éternelle ne fut d'ailleurs pas unepréoccupation des premiers chrétiens. Les inscriptions des catacombesromaines (II e et III e siècle) sont instructives à cet égard: Jonasrejeté par le poisson y figure la résurrection, tandis que le bergerséparant les brebis de son troupeau symbolise le jugement dernier;ces images, d'autres encore, sont des preuves indiscutables de lacroyance à la résurrection, mais elles ne constituent pas unedoctrine de la vie future. Ce n'est que plus tard que le besoin s'estfait sentir chez les chrétiens de penser leur foi d'une manièresystématique.III Les doctrines de la résurrection dans la pensée protestante. Il nous reste à voir maintenant quelles sont les principalesdoctrines chrétiennes qui, partant de la Bible, ont pour but de fairecomprendre ce que le N.T. entend par résurrection et vie éternelle. 1. CARACTERISTIQUES GENERALES.La pensée protestante, qui ne reconnaît d'autre autorité que celledes Saintes Écritures (voir Inspiration, 2 e part.), se refuse auxprécisions sur la vie de l'au-delà telles qu'en donne lecatholicisme; elle ne se complaît ni dans les descriptions de l'Enferet de ses tourments ni dans l'évocation des délices du Paradis, saufà titre de fantaisie poétique. Pour la même raison de fidélité à laBible, le protestantisme repousse la croyance au Purgatoire (voirEschatologie, III, 1). D'autre part, les penseurs protestants mettent en garde contreles théories panthéistes qui parlent de la mort comme d'un retour del'âme dans le grand Tout, à la façon d'une goutte d'eau qui retourneà l'océan d'où elle est venue. Ces explications à tendances mystiquesou théosophiques sont une déviation de la foi chrétienne, car ellesnient la survivance de la personnalité. Or, notre personnalité n'estpas quelque chose de tout fait, que nous recevons en naissant; elleest une conquête que Dieu nous impose; chacun doit travailler àposséder ici-bas une personnalité telle que Dieu la veut; et c'estcette personnalité qui survit, restant distincte des autrespersonnalités et conservant ses caractéristiques particulières. C'estpourquoi, d'ailleurs, la foi chrétienne n'a jamais admis et ne peutpas admettre la croyance à la transmigration des âmes, selon laquellel'âme entrerait, après la mort, dans un autre corps, corps d'homme oud'animal, afin d'y recommencer une existence terrestre. Enfin, on peut affirmer que, d'une manière générale, les mots résurrection et vie éternelle sont à peu près synonymes,malgré les importantes nuances qui séparent le sens de ces termes. 2. LES REFORMATEURS.Ceux-ci ont peu traité la question de la résurrection, sauf pourlutter contre la doctrine du Purgatoire. Leurs écrits ne renfermentque quelques indications concernant la survivance. Calvin repoussel'idée que l'âme des morts, en attendant le moment de larésurrection, serait plongée dans une sorte de sommeil. Même attitudedans la théologie luthérienne. Ailleurs Calvin combat la croyance deceux qui prétendent que l'âme meurt avec le corps pour renaître aveclui à la consommation du monde. Mais en dehors de ces points, sommetoute secondaires, les réformateurs sont d'une sobriété que nous nepouvons qu'admirer. D'après Calvin, nous ressusciterons «en la mêmechair que nous portons aujourd'hui quant à la substance, maisdifférente quant à la qualité» (Inst. Chr., III, 25:8), ce quisignifie, d'après les développements qu'il ajoute, que l'organismehumain, tout en restant identique, sera transformé, glorifié.--Lessymboles ecclésiastiques de l'époque se contentent d'affirmer larésurrection sans aborder les difficultés de la question. 3. LE SOMMEIL OU INCONSCIENCE DES MORTS.L'hypothèse d'une inconscience des morts jusqu'à la résurrectionfinale a été soutenue par quelques théologiens (cette doctrine, nousl'avons dit, a été violemment combattue par Calvin). Ils s'appuientsur un certain nombre de textes bibliques qui n'ont d'ailleurs pastous la même valeur probante (Ge 47:30,De 31:16,Job 7:21 14:12,Esa26:19 14:9 57:2,Da 12:2,12,Jer 51:39-57 Jean 11:11-14 Ap 14:13, Lu8:52,Mt 25:5 27:52,Ac 7:60 13:36,1Co 15:6,18,20,51 1Th 4:13-155:10, etc.). D'autres textes, cependant, ne cadrent pas avec laconception d'un sommeil des défunts; ainsi 1Sa 28,Lu 9:28,3623:43,Heb 12:1-23,Ap 6:9,11 14:13. Nous ne pouvons entrer ici dansla discussion d'une question aussi complexe et délicate. Le tort deceux qui soutiennent cette doctrine nous semble être de la vouloirprésenter comme la seule authentiquement biblique et d'affirmer quetoute autre conception est contraire à l'enseignement des SaintesEcritures. Tout en reconnaissant la réelle valeur philosophique decette hypothèse, nous sommes bien obligés de constater qu'elle nes'impose pas à l'esprit du lecteur attentif de la Bible. 4. LE MOMENT DE LA RESURRECTION.La résurrection se produira-t-elle immédiatement après la mort ouseulement lors de l'avènement du Christ, à la parousie? De nouveaules textes bibliques, par leur imprécision et leurs divergences, nousprouvent que le Christ n'a pas laissé à ses disciples un enseignementcirconstancié sur ces questions, qui relèvent plus de la curiosité del'esprit que de la foi profonde. La résurrection au jugement dernier, à la parousie ne cadre passeulement avec la doctrine du sommeil des morts, elle s'harmoniseaussi avec de nombreuses déclarations des évangiles et des épîtres;toutefois il est difficile de la concilier avec l'enseignement du 4 eévang, sur la vie éternelle, ou encore avec la promesse de Jésus aubrigand sur la croix (Lu 23:43), ou d'autres passages tels queLu 20:38,Phi 1:23,2Co 5:8. Par ailleurs, l'idée d'unerésurrection immédiatement après la mort, bien qu'appuyée surplusieurs textes du N.T., soulève des questions insolubles (sur lanature du corps ressuscité, par ex.) et ne s'accorde guère avec lesversets qui décrivent la résurrection au jugement dernier. 5. CEUX QUI RESSUSCITENT.Cette question, nous l'avons vu, comporte plusieurs réponses, toutesfondées sur des textes bibliques. Suivant les époques et les auteurs,la pensée chrétienne a abouti aux conclusions suivantes: 1° Destruction des méchants: seuls les justesressusciteront; les méchants seront détruits et anéantis. (cf. Ap20:12-15) 2° Peines éternelles: tous ressusciteront,justes et méchants, mais ces derniers souffriront des peineséternelles. (cf. Mt 25:41) 3° Rétablissement final: tous ressusciteront;les méchants, après avoir subi la juste punition de leurs péchés,seront délivrés de leur châtiment et participeront à la vieéternelle; c'est la doctrine du rétablissement final et universel. 4° Immortalité conditionnelle: la critique deces trois premières doctrines en a fait surgir une quatrième, quis'est développée surtout au cours du XIX e siècle, sous le nom deconditionnalisme ou immortalité conditionnelle. Plusieurs textes,a-t-on fait remarquer, affirment, non pas un châtiment effrayant dansl'au-delà, mais une destruction de l'âme mauvaise dès cette vie.L'homme ne survivra qu'à la condition de n'avoir pas détruit en luice germe de vie éternelle qui s'acquiert par la foi (Jn 5:24 etsuivant); la vie éternelle, c'est de connaître Dieu (Jn 17:3) etd'être dans sa communion; ceux qui s'y refusent s'excluent eux-mêmes,dès maintenant, des conditions de l'immortalité (Jn 12:48). VoirEschatologie. 6. CONCLUSION.La seule attitude vraiment respectueuse de l'enseignement bibliqueest celle qui reconnaît une divergence de vues dans les SaintesEcritures, sans chercher à harmoniser à tout prix ce qui estdifférent. Le Christ n'a pas jugé bon de nous laisser un enseignementprécis sur le moment de la résurrection et sur la façon dont elle seproduirait; il lui a suffi d'affirmer la résurrection des morts, et,pour se faire comprendre de ses auditeurs, d'avoir recours à desparaboles et à des images en se servant du langage de son époque,images et langage que nous retrouvons dans les Apocryphes etPseudépigraphes. Ces expressions employées par Jésus et les écrivainsdu N.T. sont comme tant d'images de notre langue courante: elles nedoivent pas être prises à la lettre. De sorte que les divergences desthéologiens et des philosophes qui, s'efforçant de préciser ce que laBible n'a pas précisé, aboutissent parfois à des conclusionsopposées, ne doivent pas troubler notre foi; ces divergences sontinévitables; il s'agit là d'explications données par l'intelligencesur des problèmes qui la dépassent et devant lesquels la raisonhumaine ne peut que balbutier,» car nous ne connaissonsqu'imparfaitement», comme le remarquait l'apôtre; et ce n'est quelorsque sera venue la perfection que disparaîtra cette connaissanceimparfaite (1Co 13:9 et suivant). D'ailleurs la Bible, spécialement le N.T., ne nous donne-t-ellepas, sur ces problèmes troublants de la vie après la mort, tout cedont notre foi a besoin? L'enseignement du Christ contient desdéclarations qu'il nous faut garder précieusement, et qu'on peutrésumer en ces trois points: L'âme humaine, c'est-à-dire la personnalité,survivra. Cette âme conservera des caractéristiques; toutesles âmes ne seront pas confondues les unes avec les autres, mais des«corps ressuscités» les différencieront. Nos actions et nos pensées ne sont pasindifférentes devant Dieu, mais entraînent des sanctions: le mal serapuni et le bien aura sa récompense. Mais le Dieu qui nous jugera,c'est le Dieu que le Christ nous a révélé, le Père qui ne veut pas lamort du coupable, mais sa conversion. Comme le dit saint Paul, «notre Sauveur Jésus-Christ a détruit lamort et mis en évidence la vie et l'immortalité parl'Évangile» (2Ti 1:10); l'apôtre dit vrai, mais,ajouterons-nous, le Sauveur n'a pas jugé utile de nous informer detous les détails de cette grande espérance. Edm. R.Résurrection et histoire. Toute la doctrine de la vie à venir est suspendue à la résurrectionde Jésus-Christ le matin de Pâques. La critique moderne reconnaîtvolontiers que l'Église chrétienne est issue de la foi en larésurrection de Jésus, mais elle pense échapper au miracle en donnantà cette résurrection un sens purement spirituel. Comment l'idée d'unerésurrection spirituelle--idée contradictoire aux conceptionscourantes de l'époque (cf. Mr 9:43 et suivants, Jn11:24)--serait-elle venue à la pensée de ces frustes Galiléens,étrangers par leur race et par leur manque total de culture à toutesles spéculations de la philosophie? Ces gens simples avaient vumourir leur Maître d'une mort cruelle et ignominieuse. Ils letenaient pour mort et bien mort; mortes étaient aussi les espérancesmessianiques qu'ils avaient rattachées à sa personne. Et l'onvoudrait que l'idée d'une résurrection spirituelle se fût soudainemparée d'eux, les eût bouleversés et transformés au point de lesélever tout à coup bien plus haut qu'ils n'avaient jamais été duvivant de leur Maître? Voilà un miracle psychologique d'autant plusinvraisemblable parmi les Galiléens ignorants disciples de Jésus, quenous ne voyons rien d'analogue se produire dans les milieux évoluésde l'Église contemporaine. Là, à part des exceptions que l'onpourrait toujours citer mais qui confirment la règle, on peutconstater que la doctrine d'une résurrection du Christ purementspirituelle est sans action, sans rayonnement; qu'elle se traduit,chez les chrétiens qui la professent, par une sorte de philosophie oùla puissance régénératrice de l'Évangile s'en va s'affaiblissantjusqu'à disparaître. Les Églises qui vivent en dehors de la foi à larésurrection historique de Jésus, en réalité ne vivent pas la viespirituelle à laquelle elles prétendent se tenir, et n'en portent pasles fruits. C'est un fait d'histoire. Il ne faut pas s'en étonner.Car l'homme est chair et esprit. Pour que les réalités spirituelleslui soient assimilables, il faut d'abord qu'elles soient sensibles,que tout son être soit saisi et conquis. La conviction qui allume letémoignage doit avoir pour point de départ une rencontre. La foi doitêtre amorcée par la vue. Pour que Dieu s'impose à l'homme, il fautqu'il se pose d'abord devant lui. Cela est si vrai que la Bible quinous commande de marcher par la foi nous montre partout, à l'originede cette marche, une prise de contact directe de celui qui veut qu'oncroie en lui avec les hommes dont la mission sera de transmettre lafoi aux siècles qu'elle doit féconder. Au premier homme, au père descroyants, au législateur d'Israël, aux prophètes, Dieu s'est faitconnaître directement et ils en rendent témoignage. Quand il s'estagi de fonder le nouvel Israël, Dieu est revenu dans la personne duChrist. Pour inaugurer la révélation, il fallait les miracles. Pourallumer dans les coeurs la foi en l'amour du Père, il fallait laprésence du Fils: Jésus vivant, agissant, souffrant, mourant. Pourconvaincre ses disciples de sa résurrection, il fallait qu'il semontrât vraiment ressuscité à leurs yeux. Dira-t-on que les disciplesont cru le voir et qu'ils se sont fait illusion? L'illusion n'est pasgénératrice de réalités fécondes. Or, l'Église née de la foi en larésurrection de Jésus est une réalité dont la vertu vivifiante estindiscutable. On objecte alors que cette résurrection, ainsi envisagée,n'appartient pas à l'histoire; qu'elle est en dehors du champ de lascience historique. C'est vrai, et c'est faux. C'est vrai, en ce sensque la résurrection du Christ n'a rien à voir avec le déterminismehistorique si cher à tant de nos contemporains, et que les facteursde l'histoire qui servent de fondement à la critique pure sonttotalement impuissants à rendre compte de la résurrection. C'estfaux, parce que la résurrection de Jésus s'est intégrée dansl'histoire avec une force telle qu'elle a jusqu'à un certain pointchangé l'orientation de l'histoire, en sorte qu'on ne sauraitexpliquer cette orientation nouvelle, qui est un fait, sans tenir larésurrection de Jésus pour un fait historique. On dit que laprédication de la croix suffit pour expliquer le renouveau moral etspirituel qui a produit le christianisme et inauguré une nouvellehumanité. Il y aurait lieu, alors, de rechercher quel est le rôle quejoue la croix dans les milieux chrétiens qui ont abandonné la foi enla résurrection historique du Christ; de s'informer si dans cesmilieux-là elle occupe le centre de la prédication, si elle produitdes conversions, des régénérations, des oeuvres conquérantes.L'expérience nous paraît prouver que là où la résurrection a étéabandonnée, la prédication de la croix s'est peu à peu muée enprédication de morale, et que la préoccupation du Royaume de Christ acédé la place au programme social. La vérité, la voici: c'est lacroix qui sauve le pécheur, mais c'est la résurrection qui accréditela croix. La croix par elle-même n'est qu'un supplice, uneffondrement, une mort. Ce qui fait d'elle non une fin mais uncommencement, c'est la nature du crucifié. D'où viennent à cettecroix ses vertus rédemptrices? Du fait que le Fils de Dieu lui-même apassé trois heures cloué sur le Calvaire. Et d'où vient aux disciplesexténués par ce découragement cette foi soudaine que leur Maîtrecrucifié au Calvaire était le Fils de Dieu? Du fait que le matin dePâques, contre toute attente et toute vraisemblance, ils ont vu Jésuslui-même libéré du tombeau demeuré vide; qu'ils ont vu de leurs yeux,entendu de leurs oreilles, touché de leurs mains le Christressuscité; et que pendant quarante jours le Fils de Dieu s'estappliqué à graver dans leurs âmes la certitude du triomphe de vie etde la victoire de l'Évangile du pardon, sanctionné à jamais par sarésurrection d'entre les morts. Pendant ces quarante jours, préparantses disciples à son absence matérielle et les introduisant dans sacommunion spirituelle, Jésus, après avoir repris vie, a redonné lavie à la foi des apôtres, foi que la Pentecôte devait consacrer etqui devait faire d'eux les conquérants du monde. Qu'on relise lespremiers discours qui, d'après le livre des Actes, sont à l'originede l'Église: Pierre n'y prêche pas la croix et la mort rédemptrice deJésus, il prêche la résurrection de Jésus, par quoi la démonstrationest donnée que son Maître crucifié par les Juifs était vraiment leMessie qui devait venir...et qui reviendra. Plus tard, principalementpar la mission de l'apôtre des Gentils, la croix s'avérera le faitcentral de l'Évangile, mais cette croix devra sa valeur à larésurrection: ce sera la croix du Fils unique «donné aumonde» (Jn 3:16), «mort pour nos fautes et ressuscité pour notrejustification» (Ro 4:25). Supprimez la résurrection corporellede Jésus, et tout s'écroule. «Votre foi est vaine» (1Co 15:14).Tant il est vrai que cette résurrection, fondement premier de laprédication évangélique et seule garantie de toute croyance à larésurrection, est parmi les faits historiques celui que sesconséquences dans l'histoire ont le plus péremptoirementattesté.--Voir Jésus-Christ. Alex. W.