1. Etymologie et définition. Le mot religion en français vient du latin religio. On lui adonné deux étymologies. Selon les uns, religio se rattacherait auverbe religare (=relier, réunir) et signifierait la relation deshommes avec Dieu; selon les autres, religio dériverait de relegere (=recueillir) et voudrait dire: un recueil de formulesou de pratiques religieuses. Cette dualité d'interprétation à l'égard du mot se retrouve dansl'esprit des savants quand il s'agit de définir la chose. Les uns, eneffet, insistent -surtout sur le côté psychique de la religion etvoient dans ce que l'on a appelé les expériences religieuses (état ouacte de foi, conversion, mysticisme, impulsions ou inhibitionsreligieuses, etc.) l'essentiel de la religion. Les autres s'attachentplus volontiers aux phénomènes visibles et sensibles de la religionet à ses manifestations sociales (rites, cérémonies, mythes,sacrifices, etc.) comme étant les seuls faits capables de nousrévéler sa vraie nature. En général, les sociologues y voient un moyen de conservation des valeurs , les psychologues une réaction totale de la personnalité ,les philosophes un processus de finalité . A la vérité, la religion est à la fois attitude psychique etprocessus social. Son côté social est plus accusé dans les milieuxprimitifs où la personnalité s'affirme moins et où l'individualités'efface devant l'importance accordée aux démarches collectives. Soncôté psychique, par contre, devient plus sensible à mesure que lacivilisation progresse et que la valeur de la personnalité morales'accuse davantage. L'une des définitions qui tiennent le mieux compte de ces deuxfaces de la religion est celle de Marillier: «La religion estl'ensemble des états affectifs suscités dans l'esprit de l'homme parl'obscure conscience de la présence en lui et autour de lui dePuissances, à la fois supérieures et analogues à lui, avec lesquellesil peut entrer en relation,--des représentations engendrées par cessentiments et qui leur fournissent des objets définis,--et des actesrituels auxquels il est provoqué par l'action combinée de cesémotions et de ces croyances.» Réaction de la nature profonde de l'homme aux prises avec uneréalité matérielle qui heurte ses aspirations les plus hautes, lareligion produit une attitude psychique qui enfante à son tourdes gestes et des actes correspondants (rites) tendant àsurmonter le conflit éprouvé, par l'appel à une réalité surnaturelleen accord avec les tendances les plus élevées de la consciencehumaine. 2. La religion des Primitifs. A son stade primaire, il est difficile de saisir la religionautrement que comme manifestation du groupe et du clan. A ce degréinférieur, l'animisme et le totémisme des tribus sauvages sont trèsfortement teintés de magie, tellement que certains historiens dela religion ont voulu voir dans la magie l'origine même de toutereligion. Il ne semble pas qu'il en soit ainsi. Les deux mouvementsparaissent s'être développés parallèlement, de telle sorte quel'opinion de ceux qui tiennent la magie pour la technique ou lastratégie de l'animisme (Hubert et Mauss, Reinach) a pour elle uneplus grande part de vraisemblance. L'ensemble des tendances del'animisme primitif constitue une sorte de projection dans le mondeobjectif des processus mentaux du sauvage. Le Primitif n'a pas encorefait la différence entre ce qui se passe en lui et ce qui se passehors de lui. Il croit pouvoir agir sur les puissances qui lui sontétrangères comme il agit sur ses propres états psychiques. Un désir,exprimé à l'extérieur par un acte qui le manifeste, doitimmédiatement provoquer sa réalisation: c'est toute la magie! Et l'onimagine aisément qu'elle compénètre une religion qui n'est toutentière que la projection, dans le monde extérieur, des états d'âmedes fidèles qui la pratiquent, une animation de tous les objets deleur univers. Une autre notion inhérente aux religions primitives est celle d'interdit ou de tabou, qui tend à créer dans la vie humaineune opposition entre le profane et le sacré, entre le pur et l'impur (voir art.). Cette opposition, très marquée encoredans la religion de l'A.T., a été souvent relevée comme un des traitsfondamentaux de la vie religieuse. Il convient cependant de remarquerque, dans les religions supérieures et particulièrement dans lechristianisme, elle tend à s'atténuer; l'enseignement de Jésus vise,en effet, à étendre à tous les détails de la vie le caractère dusacré. La magie (voir ce mot), au contraire, loin d'avoir disparudes religions supérieures, ne cesse d'y refleurir sous des aspectsnouveaux et parfois inattendus. 3. Les religions supérieures. A mesure que les peuples s'élèvent sur l'échelle de la civilisationet de la culture, leurs émotions religieuses s'affinent et seprécisent et leurs conceptions religieuses se modifient. C'est ainsique la métaphysique évolue: le concept des puissances surnaturellesvarie de l'animisme au polythéisme, du polythéisme au monothéisme; lavaleur des mythes change, celle des rites aussi. De réaliste qu'elleétait, elle devient, dans une large mesure, symbolique. S'étantconstruit au cours des siècles tant d'images (idoles) différentes dudieu qu'il cherche, l'homme devient peu à peu conscient de larelativité de ses représentations religieuses et de l'approximationdes symboles cultuels ou dogmatiques qu'il emploie. Par contre,l'importance centrale de la personnalité s'imposant à lui de plus enplus, il en vient à s'attacher de plus en plus aussi aux religionsqui se groupent autour d'une personne, autour d'un fondateur ou d'unrévélateur (bouddhisme, christianisme, islam). Il convient deremarquer cependant que dans les religions supérieures elles-mêmesles forces qui agissent chez l'animiste et le fétichiste ne cessentde se donner carrière et de provoquer, au sein même de l'élaborationdes dogmes et des cérémonies, des retours en arrière, des chutes dansla magie, des naufrages dans la collectivité, dont l'esprit a peine àrevenir. 4. Les religions créatrices de valeurs. On a souvent défini la religion: un moyen de conservation des valeurs(Höffding, Wright). Il est de fait que les religions inférieuresprimitives se révèlent d'admirables agents de conservation desvaleurs sociales du groupe. Mais, au degré supérieur, etparticulièrement quand elle se centralise autour d'une personnalitémorale de premier ordre, la religion devient non seulement un agentconservateur des valeurs acquises, mais un agent créateur devaleurs nouvelles. En effet, dans les religions supérieures de cetordre, le rôle de la volonté et de la conscience morale estprépondérant. Ce n'est plus seulement l'affectivité et l'intellectqui sont en jeu pour produire ou critiquer des métaphysiques et desdogmes, pour instituer ou interpréter des rites et des symboles. Lavolonté entre en activité pour ordonner la vie; la consciences'éveille au mystère de la personne divine et de la personne humaine.En un mot, l'esprit s'approprie toutes les forces de la mentalitéhumaine en vue de la création d'un être nouveau. L'humanité, dans cesreligions, accède à la naissance de l'Esprit; elle se surpasseelle-même dans ce qu'elle a de bestial. Cependant, chose étrange,l'homme se reconnaît serviteur des Puissances surnaturellesqu'autrefois, par la magie, il prétendait asservir et plier à soncaprice. En même temps la concrétisation dogmatique, la métaphysiquetend à se muer en explication morale de la vie et le rite en symboled'appropriation des plus hautes vérités morales. Autrement dit, lareligion se dépouille de toute magie et rejette de son sein tout cequi n'est pas créateur de vie spirituelle. Parmi ces relierions, c'est au christianisme que revient la placed'honneur; car, en abordant la vie du Christ, nous n'avons plus lespectacle de la psyché humaine se projetant dans les choses ens'imaginant les dominer, mais bien plutôt le spectacle de la viedivine s'incarnant douloureusement dans la chair humaine et luirévélant laborieusement la vraie nature de la vie, cette moralité quiest service et don de soi jusqu'à la mort et qui seule aboutit à unerédemption de l'univers par la création d'une humanité nouvelle etfraternelle. Geo. B. Ce mot abstrait de «religion» n'est pas employé dans l'A.T., quiparle de: «craindre, servir, adorer l'Éternel» (Ps 2:11 5:729:2,Pro 1:7 14:27), ou de «servir d'autres dieux» (De 4:1929:28). Dans le N.T., le mot «religion» rend le rare mot grec thrêskéïa, pour distinguer entre elles diverses formes dereligion (Ac 26:5) ou pour souligner le contraste entre lareligion de forme et la vie morale (Jas 1:26 et suivant). Pourl'épithète: religieux, qui dans certaines versions rend le grec deïsidaïmôn (=qui craint les dieux) du jugement porté par saintPaul sur les Athéniens,voir Athènes.