RÉCABITES

Le mot hébreu rékab signifie «qui voyage», donc nomade. 1Ch2:55 apparente les Récabites aux Kéniens, une tribu de nomadesmadianites dont l'ancêtre éponyme serait Caïn. Certains critiques supposent, d'après Ex 18:12, qu'ils ontadoré Jéhovah avant les Israélites. Une partie de ces Kéniens, dontle chef était Hobab, ou Jéthro, le beau-père de Moïse (Ex 3:14:18,Jug 4:11), se joignit aux Israélites, sur l'insistance deMoïse, lors du départ du Sinaï (No 10:29-32), prit part à laconquête de Canaan (Jug 4:3,De 34:3) et s'établit au Sud d'Arad,en Juda. Lorsque Saül marcha contre Amalek, ces Kéniens furent invités àse séparer des Amalécites (1Sa 15:6), et David les incorpora àJuda. La présentation des Kéniens dans les généalogies judéennes estdonc purement gratuite; ce sont des assimilés. Ils survécurent, selonEusèbe (H.E., II, 23), jusqu'aux temps du N.T. Il n'y eut guèrequ'eux pour conserver, dans le cadre de la vie israélite, lestraditions du nomadisme primitif (voir Nomade). Ce nomadisme leur estpeut-être demeuré comme le signe de Caïn (primitivement signe demalédiction). Mais, avec Jonadab, fils de Récab, le nomadismerécabite se présente comme ayant un sens religieux. C'est ce sens quiapparaît dans Jer 35, où l'on voit que le trait dominant deshabitudes récabites est l'abstinence de vin. Et c'est formellementune précaution contre les pièges du baalisme. On voit en effet, dansOs 2:11-15, que la culture de la vigne donnait lieu à defréquents compromis avec le vieux paganisme cananéen, (cf. Jug2:2,Os 10:1) contre lequel s'élèvent si souvent les prophètes. Onretrouve, à l'époque de Jéhu, les Récabites alliés au roi d'Israëlpour combattre le baalisme (2Ro 10:15 et suivant). Si, plus tard, certains d'entre les Récabites ont forfait auxprincipes absolus du nomadisme et ont eu des villes, comme on le voitdans le cas de Malkija (Ne 3:14,1Sa 30:29), le récit de Jérémiemontre que, du moins, ils étaient restés abstinents de vin. Maisseuls en Israël, ils paraissent l'avoir été à vie, alors que lesNaziréens (voir ce mot), sauf de rares exceptions, ne le demeuraientque pendant le temps de leurs voeux. L'allusion de Jer 35:2 nepermet pas de conclure qu'il ait pu y avoir des lévites, ou tout aumoins des chantres, pris parmi les Récabites, comme le supposent lesLXX en mettant au Ps 71, qui ne porte pas de titre dans notretexte, la suscription: «de David; des fils de Jonadab et des premiersexilés» (de 597); Vatable a proposé, avec plus de raison, de comparerplutôt Jer 35:2 avec Ps 102:28 qui fait penser à uneprotection divine, sans plus. D'ailleurs, la Loi ne permettait pasd'affecter au service du temple d'autres serviteurs que les fils deLévi. Il reste que les Récabites ont constitué comme un ordre à part,en raison de leur abstinence, et c'est uniquement cet exemple defidélité et de résistance aux influences cananéennes que Jérémiepropose à ses contemporains. Il peut être intéressant de noter qu'ona vu, plus tard, un accomplissement de la prophétie de Jer 35:19dans le fait que des mariages ont pu avoir lieu entre des prêtres etdes filles récabites. Hégésippe raconte que ce serait un de cesprêtres qui aurait intercédé, d'ailleurs en vain, pour obtenir lalevée de la peine de mort prononcée, à l'instigation du grand-prêtreAnanos, contre Jacques le Juste, dont la vie était celle d'un vrainaziréen; mais cette assertion paraît reposer sur un malentendu,qu'Épiphane relève et corrige. On a prétendu que des descendants desRécabites subsisteraient en Syrie et en Arabie sous le nom deBen-Kaïbr; mais leur connexion avec les Récabites de la Bible n'estpas sûrement établie. Ch. S.