PIÉTÉ

(du latin pietas: vénération envers Dieu, les parents, lapatrie). L'idée religieuse de piété est exprimée dans l'A.T, par lemot khésed, qui implique tout ensemble l'application du coeur etde la volonté au service de Dieu (Jer 2:2,Os 6:4,Esa 57:1), etpar le mot îrâh, crainte. Dans Esa 11:2 et Pr 1:7, lesversions grecques rendent indifféremment ce terme par eusébéïa,eulabéïa, photos; d'où il appert que les notions de piété et decrainte traduisent un même sentiment dans la religion des Israélites(voir Crainte de l'Éternel). Quand viendra le règne du Messie,Jérusalem sera appelée «Splendeur de la piété» (Bar 5:4);«une très belle récompense est réservée à ceux qui s'endorment dansla piété» (2Ma 12:45). L'A.T, connaît à peine le mot de piété, tant il est vrai qu'ausein du peuple qui avait pour mission d'être le peuple de Dieu unmême souffle devait animer le corps et l'âme: vivre et craindrel'Éternel, inséparablement unis par définition dans l'existence de lanation comme dans celle de l'individu, sont fonction l'un de l'autre;que la piété se relâche, et tout avenir est compromis: l'impiétéappelle le châtiment. Lorsque les manifestations du sens religieuxd'Israël se bornent à des pratiques extérieures et au sentimentparfois douteux qui les inspire, Jéhovah n'est pas satisfait: «J'aimela piété et non les sacrifices...» (Os 6:6, cf. Mic 6:8).Elles expriment un sentiment spasmodique: «Votre piété est comme lanuée du matin, comme la rosée qui bientôt se dissipe» (Os 6:4).D'ailleurs cette affection et ce respect prétendus pour les choses dela religion manquent souvent de sincérité (Esa 58:5,Mal 1:8).Eliphaz accuse Job d' «anéantir la piété» (Job 15:4). Ps31:24 recommande aux gens pieux d' «aimer Jéhovah». Plustardivement nous trouvons l'explication déjà élaborée d' «actes» ou«oeuvres de piété» (2Ch 32:32 35:26,Ne 13:14). Tout cela estencore fort éloigné des exigences de Jéhovah. Mais si le mot se rencontre peu fréquemment dans l'A.T, et si, engénéral, la piété d'Israël s'avère comme gravement insuffisante,légitimant l'accusation suprême d'adultère (Jer 5:7 9:2 23:10,etc.) et le courroux de l'Éternel, elle n'a pourtant pas cessé, àtravers l'histoire du prophétisme puis sous l'impulsion initiale desHasidéens (voir ce mot), de compter des représentants authentiquesjusqu'à ce que le piétisme des humbles, successeurs spirituels desHasidim, ait préparé le berceau du Messie (voir Pauvre). A ceux-là onappliquerait volontiers la parole de Calvin: «La piété est commel'âme de la vie.» Cette définition mystique revêt tout son sens lorsque nouspassons au N.T. Jésus ne prononce pas le mot de piété, dans nosévangiles (voir Justice, 2), mais tout son enseignement, toute sapersonne tendent à provoquer chez ceux qu'il approche l'éclosion dela piété vraie. Le terme lui-même n'apparaîtra que plus tard, sous laplume des apôtres, pour caractériser et comme synthétiser dans sesdivers éléments (foi, amour, reconnaissance, adoration, obéissance,etc.) la vie nouvelle du racheté de Jésus-Christ. Le redressementapporté par Jésus dans l'échelle des valeurs morales et dans lesconceptions religieuses de ses auditeurs a pour conséquence deramener au sein de l'humanité encline à de terrestres accommodationsle devoir et la possibilité en Lui d'une vie religieuse conforme à lavolonté du Dieu saint. La gloire du disciple de Jésus sera d'être«comme son Maître», modèle normatif de la piété. Une définition plus rigoureuse s'impose donc, qui précise lanature, l'objet, le but et le moyen de la piété chrétienne. Sanature: une attitude d'âme; son objet: Dieu; son but: la sainteté;son moyen: l'effort continu. Si l'on considère la sanctificationcomme un don de Dieu à l'homme, on peut concevoir la piété, de lapart de l'homme, comme l'appel de ce don, l'assimilation de ce don,la mise en oeuvre de ce don, «l'attitude à la fois réceptive etactive par laquelle la volonté de l'homme se fait à chaque instantl'organe de la volonté de Christ, qui, lui prêtant sa force,accomplit ainsi par elle le devoir de la situation donnée». Nousdirons donc avec Calvin que «la piété est [la vertu] qui, nous ayantséparés des souillures du monde, nous unit à Dieu par la sainteté» (Inst. Chr., III, 7), ou, plus brièvement avec Finney: «L'essencede la piété est d'obéir à Jésus-Christ.» Et c'est bien sous cette forme que les textes du N.T. nousprésentent la piété, soit qu'il s'agisse, dans le livre des Actes,des hommes pieux qui seront les premiers convertis de laPentecôte (Ac 2), de l'entourage du centenier Corneille (Ac10) ou des amis d'Etienne qui enseveliront le premiermartyr (Ac 8:2), soit que dans les épîtres, en particulier dansles Pastorales (voir ce mot), nous recueillions l'enseignementapostolique. La piété, attitude de l'âme (Tit 2:12), a pourobjet Dieu (Heb 12:28) révélé en Jésus-Christ (1Ti 3:166:3,2Pi 1:3), pour but la sainteté (1Ti 6:5,2Ti 3:5), pourmoyen l'effort continu (1Ti 4:8 6: et suivant); elle ne peutmanquer de porter en l'âme chrétienne ses fruits bénis: promesse dela vie présente et de celle qui est à venir (1Ti 4:8),contentement d'esprit (1Ti 6:6), voire garantie contre l'erreurdoctrinale (1Ti 6:3,Tit 1:1), de même que dans la vie sociale(1Ti 2:2,10) elle est une vertu indispensable (2Pi 1:6 3:11),un trésor incomparable (1Ti 4:8) et, malgré l'opposition desméchants et la persécution (2Ti 3:12,2Pi 2:9), le grandgain (1Ti 6:6). La splendeur des horizons ouverts à la piété rayonne sous laplume de saint Paul dans le passage 1Ti 3:16: «De l'aveu de tousle mystère de la piété est grand: celui qui a été manifesté en chaira été justifié par l'Esprit, vu des anges, prêché parmi les païens,cru dans le monde, élevé dans la gloire» (voir Mystère): parl'initiation à la vérité de Dieu en Christ, vérité à la foissurnaturelle et historique qui est la mise en oeuvre de latoute-puissance céleste pour aboutir au salut du monde et à laglorification du Sauveur, l'âme pieuse pénètre l'infini de la sagesseet de l'amour divins (Eph 3:14,21); elle contemple ledéploiement du plan rédempteur dans sa grandeur incommensurable etpourtant accessible au plus humble chrétien que sa piété agrège àl'Église du Dieu vivant, laquelle, par la piété de ses membres, estdans le monde «la colonne et l'appui de la vérité» (1Ti 3:15). L'extension en piété filiale de l'attitude d'âme siexclusivement orientée vers Dieu est légitimée par saintPaul (1Ti 5:4), qui y voit une manière de service spirituelenvers le Père céleste; «le second degré de piété est envers ceux quinous ont engendrés», dira Calvin. La piété n'est étrangère à l'accomplissement d'aucun devoir, dansl'existence du chrétien, puisqu'elle tend à amener l'homme, parl'union avec Dieu, à une perfection accomplie; il est donc justed'affirmer avec le Réformateur qu'elle est «le commencement, lemilieu et la fin de la vie chrétienne». H. W.