Adresse et contenu. Pas plus que la première épître du même nom, la seconde n'estdestinée à une communauté particulière, ni même à un groupe d'Églisescomme 1 P., mais elle porte une adresse très vague: «A ceux qui ontreçu comme nous le don précieux de la foi.» S'agit-il dejudéo-chrétiens ou de pagano-chrétiens? Il semble, d'après les idéeset les conceptions de l'auteur, qu'il s'agit plutôt d'anciens païens.La raison qui le pousse à écrire, c'est la lutte contre des doctrineshérétiques. Toute la lettre est dirigée contre ces doctrines q,uiavaient pris pied au sein du christianisme. L'auteur, faisant état deson propre témoignage, rappelle aux lecteurs les dons de la grâcedivine et les exhorte à y répondre par un effort personnel (2Pi1:3-21). Puis il entre dans le vif du sujet: de faux docteurscontaminent l'Eglise en y introduisant des hérésies pernicieuses.Mais le jugement divin les atteindra bientôt, comme autrefois Dieu apuni les impies par le déluge et Sodome et Gomorrhe par lefeu (2Pi 2:1-22). Et pour exhorter les chrétiens à lavigilance, l'auteur remet en honneur la doctrine de la parousieprochaine que certains repoussent en se moquant (2Pi 3:1,13). Lalettre se termine alors par une allusion aux lettres de Paul que leshérétiques interprètent en leur faveur, et par une doxologie (2Pi3:14-18). Les idées que développe l'écrit montrent déjà une période assezavancée dans l'histoire du christianisme. On y sent très nettementl'influence de l'hellénisme. Pour l'auteur, Dieu le Père (2Pi1:17) est la puissance de salut (2Pi 1:4), mais l'instrumentde cette grâce divine qui sauve est Jésus-Christ, «notre Seigneur etSauveur». L'auteur emploie surtout cette expression de «Seigneur»accolée à celle de «Sauveur» pour désigner leChrist. (2Pi 1:11 2:20 3:2-18) --D'autre part, nous voyonsapparaître la conception post-apostolique qui considère lechristianisme comme une «voie» (voie de vérité, de justice, 2Pi2:2,21). C'est la voie qui mène au royaume de Jésus-Christ (2Pi1:11), et les clefs de ce royaume sont la vérité et la justice, laconnaissance et la sanctification. L'idée de la «connaissance», quiest d'origine gnostique, joue un rôle prépondérant dansl'épître (2Pi 1:2,3,8 2:20-21); prenant la place de la «foi»,qui apparaît rarement (2Pi 1:1-5), cette connaissance estsurtout une connaissance pratique (2Pi 2:20 et suivant). Le point central de tout l'écrit, c'est la parousie, que l'auteurveut remettre en honneur. L'épisode de la transfiguration n'est quele prélude de cette parousie. La transfiguration n'est qu'unerévélation première de la gloire divine dont le Père revêtira sonFils au moment de la fin. Et cet avènement, qui marquera pour lesfidèles l'apparition d'un monde nouveau et sera le jour du jugementet de la destruction pour les impies, est affirmé par lesprophètes (2Pi 1:19). De même que le monde primitif, sorti del'eau à la parole de Dieu, fut détruit par l'eau du déluge, de mêmele monde actuel périra par le feu du jugement (2Pi 3:5-7). Maisce jour, que Dieu retarde afin de permettre aux hommes de serepentir, viendra «comme un voleur» (2Pi 3:10), malgré les diresde certains qui se refusent à y croire et s'en moquent.Auteur et date. L'auteur se désigne lui-même sous le nom de Syméon Pierre, apôtre etesclave de Jésus-Christ (2Pi 1:1). A plusieurs reprises, aucours de l'écrit, l'auteur rappelle qu'il a connu Jésus, qu'il a étéle témoin de sa vie. Il était l'un de ceux qui assistèrent à latransfiguration sur la montagne (2Pi 1:18). L'auteur faitégalement allusion à une première lettre (2Pi 3:1), qui viseévidemment la première épître de Pierre. Enfin il affirme l'unité etla solidarité de tous les apôtres dans l'enseignement des préceptesdu Seigneur (2Pi 3:2,15). Toutefois les raisons sont multiples qui parlent en faveur d'uneorigine tardive de l'écrit: raisons de forme et raisons de fond. Toutd'abord, malgré la référence à 1 Pierre, le fossé qui sépare les deuxécrits est immense. Le nom de l'adresse et le titre sont différents.Le style des deux lettres ne peut provenir de la même main. L'auteurde 2 Pierre écrit un grec beaucoup moins pur et en même temps plusampoulé que celui de 1 Pierre. Il utilise des expressions et des motsrecherchés, des termes techniques (2Pi 2:22 3:10) qui sont enusage dans le grec tardif. Il cherche à faire du style, mais manqued'envolée. Si la différence se manifeste quant à la forme extérieure,elle est encore plus visible quant au contenu. Alors que 1 Pierre asubi fortement l'influence de l'A.T., notre écrit en est complètementindépendant. La parenté manifeste que présente 1 Pierre avec Paul estabsente ici. Enfin les conceptions elles-mêmes sont autres. Dans 1Pierre, le retour du Christ, que l'auteur désigne sous le nom de«révélation» (apocalupsis), apparaît beaucoup plus proche quedans 2 Pierre, qui le désigne du nom de «parousie» (voir 1Pi1:7,12,13 4:13 et 2Pi 1:16 3:4). Et l'espérance qui joue unrôle si important dans 1 Pierre est remplacée par la connaissance.Nous ne retrouvons ici aucune des allusions aux persécutions ettribulations dont il est question dans 1 Pierre. Le Christ souffrant,qui forme l'intérêt principal de l'auteur de la première épître, faitplace à un Christ plein de majesté et de puissance. En dehors de 1 Pierre dont le lien avec notre épître semble bienfictif, 2 Pierre ne se trouve en rapport direct avec aucun autreécrit du N.T., si ce n'est avec l'épître de Jude. L'auteur connaît etutilise Jude, et son ch. 2 n'est qu'un développement de cet écrit.L'antériorité apparaît nettement du côté de Jude, malgré la référenceque fait celui-ci à l'enseignement des apôtres (Jude 1:18), alors quel'auteur de 2 Pierre parle de sa propre autorité en tant qu'apôtre.En effet, il est difficile de comprendre les allusions de 2Pierre (2Pi 2:10 et suivant) si l'on ignore le passage de Jude(verset 8 et suivant) où l'allusion à l'Assomption de Moïse estbeaucoup plus nette. Une raison pourrait être invoquée en faveur dela priorité de 2 Pierre par rapport à Jude: c'est le fait que Judeparle des hérétiques gnostiques contre lesquels il lutte, comme d'undanger présent, tandis que notre auteur les mentionne au futur,prophétisant leur apparition ultérieure. Mais un regard jeté sur cechap. 2 de notre épître suffit à prouver qu'il s'agit là d'une purefiction. Le chapitre, qui débute avec le futur (2Pi 2:1,3),passe au présent (2Pi 2:10,14); puis emploie même lepassé (2Pi 2:15). Il est bien difficile sinon impossible decroire que Jude aurait utilisé ce récit artificiel pour en faire unrécit naturel. Une autre raison encore milite en faveur del'antériorité de Jude. Tandis que celui-ci cite ouvertement lesapocalypses juives auxquelles il se réfère, notre auteur, tout enconservant les termes, supprime ces allusions. Ce phénomène n'a pu seproduire qu'à une époque tardive où les apocryphes ne jouissaientplus d'aucune autorité dans l'Église. Enfin les hérétiques contrelesquels lutte notre auteur sont déjà sortis de la communauté (2Pi2:18 et suivants). Ils n'appartiennent plus à l'Église, tandisque chez Jude les hérétiques font encore partie de la communauté(Jude 1:4) et prennent part aux agapes (Jude 1:12).L'épître de Jude correspond donc mieux à un état primitif de l'Églisechrétienne pour laquelle les hérésies gnostiques commençaient àdevenir un danger, que 2 Pierre qui donne un écho de la lutte qui mitaux prises l'Église avec les hérétiques déjà sortis de son sein. En dehors de ces raisons qui semblent prouver une origine assezrécente, il y en a d'autres qui la confirment. Le fait que leslettres de Paul sont désignées comme «Écritures» sur l'interprétationdesquelles on discute, et que le collège des apôtres apparaît déjàcomme un bloc uniforme, nous ramène à une époque assez avancée dansl'histoire de l'Église, époque où les trois autorités: Prophète(A.T.), Kyrios et Apostolos (ainsi que le laissent transparaître2Pi 1:19,21 3:2), sont établies comme bases pour la lutte contrele gnosticisme. La théologie elle-même de l'auteur se trouvefortement imprégnée d'hellénisme. Le salut est conçu comme uneparticipation à la nature divine (2Pi 1:4). Enfin lestémoignages externes sont très mauvais. Irénée et Clément neconnaissent qu'une seule ép. de Pierre; le Canon de Muratoril'ignore, comme la Pechitto. Le premier auteur qui y fasse allusionest Origène, et encore est-ce pour en contester l'originepétri-nienne. Eusèbe la classe dans les Antilégomènes (H.E., III,25:3), et c'est seulement au milieu du IV e siècle qu'elle est admisepar l'Église (Canon de Laodicée en 360). Voir Canon du N.T. Tout dans cet écrit indique une origine tardive, et il ne sauraitêtre question de l'attribuer à Pierre lui-même. Il faut probablementdescendre jusqu'au milieu du II° siècle, vers 150, pour placer notreépître. A ce moment, l'Église catholique se trouvait déjà à peu prèsconstituée. La lutte avec le gnosticisme battait son plein. Unchrétien appartenant à une communauté d'Asie Mineure ou de Syrie, quiconnaissait l'épître de Jude (voir art.) probablement originaire decette région, se décide à prévenir ses frères contre le grave dangerd'un gnosticisme libertin. Ces gnostiques intrigants, cupides etdébauchés essaient d'attirer à eux les âmes mal affermies. Ilsblasphèment, par leurs moqueries, l'enseignement légué par lesapôtres, et dénigrent la croyance en l'avènement du Christ. Et c'estpour remettre en honneur cette conception expirante de la communautéprimitive que l'auteur prend la plume. Lettré, familier avecl'hellénisme, il a devant lui l'épître de Jude autrefois adressée auxchrétiens pour atteindre le même but. Il la reprend, la commente, enretranche les allusions aux apocryphes, que l'Église a rejetés de soncanon. Et pour donner un caractère d'autorité à sa lettre, il laplace sous le nom d'un personnage particulièrement révéré dontl'esprit est censé l'avoir inspirée, procédé littéraire assez courantdans l'antiquité. 11 connaît et mentionne 1 Pierre; il connaît lesdétails de la vie du disciple et les cite afin de donner plus denaturel à sa fiction. Il emploie même la forme araméenne du nom del'apôtre. Mais, malgré toutes ces précisions qui appartiennent audomaine de la littérature, l'épître ne saurait être attribuée àl'apôtre lui-même. Elle est probablement le livre le plus récent duN.T. et ne peut prétendre remonter plus haut que le milieu du II°siècle. O. C.