PERGAME

La légende attribue sa fondation à une colonie arcadienne menée parTélèphe, fils d'Héraclès. C'est à coup sûr l'une des plus anciennesvilles de l'Asie Mineure. Bâtie sur une colline, dominant le Kaïkos,en dehors des grandes routes, elle n'avait rien d'un centrecommercial, mais c'était une forteresse incomparable, qui conserveencore aujourd'hui une allure imposante de cité royale. Conquise parAlexandre le Grand, elle passa à son général Lysimaque, dont lelieutenant Philétaire se rendit indépendant en fondant le royaume dePergame (282). Celui-ci s'appuie d'abord sur les Séleucides; Attale Ier, premier roi véritable, refoule les éléments celtes dans la régionappelée depuis Galatie (voir ce mot, et Galates), et s'allie avecRome. Dès lors, rivalité avec les Séleucides et affaiblissementprogressif, jusqu'à l'arrivée des Romains (190), qui permet à EumèneII, allié de Scipion à Magnésie, d'étendre largement son royaumeaprès la chute d'Antiochus de Syrie. C'est de cette époque que datele grand autel de Zeus et d'Athêna Niképhore, dont l'immense, frisesculptée (représentant la lutte de ces deux divinités contre lesgéants) est connue sous le nom de Gigantomachie de Pergame(découverte en 1878, aujourd'hui au Musée de Berlin). En 133, AttaleIII lègue le royaume à Rome, qui en fait la province d'Asie (voir cemot). En face d'Éphèse et de Smyrne, plus opulentes, Pergame demeurela capitale officielle, siège du proconsul, et reçoit les troispremiers temples d'Asie dédiés à Rome: ceux d'Auguste, de Trajan etde Sévère. Les dieux adorés à Pergame étaient d'une part Zeus Sauveur etAthêna la Victoire, apports de l'hellénisme anthropomorphique,d'autre part Dionysos et Asklépios, vieilles divinités du fondpélasge, à caractère animal, le dieu-taureau et le dieu-serpent quis'engendrent mutuellement. Pergame fut un centre intellectuel très actif. Son école derhétorique était célèbre, et Eumène II y avait réuni une bibliothèquede 200.000 volumes. Les libraires d'Alexandrie, jaloux de cetteprospérité, poussèrent Ptolémée à interdire l'exportation du papyrus:c'est alors, dit-on, qu'Eumène aurait inventé la préparation etl'usage du parchemin: per-gamènè =[peau] de Pergame (voirÉcriture, parag. V). Évangéliste de bonne heure, Pergame fut le siège d'une Église àlaquelle est adressée la troisième des sept lettres del'Apocalypse (Ap 1:11 2:12,17). Elle avait eu déjà au moins unmartyr, Antipas (voir ce mot). Elle subissait l'influence néfaste deshérétiques dits Nicolaïtes (voir ce mot). Celui qui écrit à la villedu gouvernement, dont le proconsul a «le droit du glaive», seprésente tenant en main l'épée romaine à deux tranchants: c'est Lui,le Tout-Puissant. Si donc le culte officiel fait de la cité «le trônede Satan», que les chrétiens continuent de résister fermement auxpressions et persécutions de la religion. Alors un «nom nouveau»,témoignage d'une vie nouvelle, leur sera donné, comme à l'empereurOctave le nom d'Auguste jusque-là réservé aux dieux. Ce nom seragravé sur un caillou, marque durable, de couleur blanche, emblème debonheur (voir Pierre). Plus tard, siège d'un évêché, Pergame eut de nombreux martyrs.Aujourd'hui, Bergama. A. R.