PENTATEUQUE

1. Introduction. Le mot Pentateuque (dérivé du gr. pente =cinq, et teukhos =rouleau de papyrus), qu'on lit déjà dans Origène, désigne les cinqpremiers livres de l'A.T. (Gen., Ex., Nomb., Le et Deut.) etreprésente probablement une adaptation de l'expression «les cinqcinquièmes de la loi» par laquelle les Juifs désignaient parfois ceslivres. Dans l'A.T, le Pentateuque est appelé ce la Loi deMoïse» (2Ch 23:18 30:1-6) ou «le Livre de Moïse» (2Ch35:12); plus tard on l'appela simplement «la Loi» (thora enhébr., nomos en gr.): voir le prologue de l'Ecclésiastique,Philon, Josèphe, le N.T. Le Pentateuque n'est, en réalité, que lapremière partie d'une grande histoire du peuple élu, depuis lacréation du monde jusqu'à la destruction de Jérusalem en 586(Spinoza). La séparation établie entre le Pentateuque, d'une part, etles «prophètes antérieurs» (Jos., Jug., Sam., Rois), de l'autre, futfaite vers 400 av. J.-C, quand «la Loi», qui comprenait lalittérature de l'âge mosaïque et se terminait avec la mort du grandlégislateur, fut canonisée; le reste de l'ouvrage (Jos., Jug., Sam.,Rois) ne fut canonisé que deux siècles plus tard avec les livres desprophètes. La division du Pentateuque en cinq livres (antérieurs auxLXX, vers 250, bien que Philon soit le premier témoin de cettesubdivision), quoique assez logique, fut le résultat de circonstancespratiques: les rouleaux de papyrus dont on se servait ne pouvaientcontenir plus d'un cinquième de la Loi; ce ne fut que plus tard qu'ense servant de parchemin on put écrire te Pentateuque tout entier surun seul rouleau. 2. Le contenu du Pentateuque peut se résumer en quelques mots commesuit: Les origines du monde et des nations: Ge 1à Ge 11 (1-2, création du monde et des êtres vivants; Ge3-5, les premiers hommes; Ge 6-9, le déluge; Ge 10, table desnations; Ge 11, la tour de Babel). Les patriarches, ancêtres des Israélites:Ge 12 à Ge 50 (Ge 12-25:11, Abraham; Ge 25:12,18,Ismaël; Ge 25:19-36:1, Isaac et Esaü; Ge 37-50, Jacob et sesfils, notamment Joseph). Moïse délivre les Israélites de leuroppression en Egypte: Ex 1-15 (1-2, l'oppression, la naissancede Moïse; Ex 3-7:7, la vocation de Moïse; Ex 7:8-11:10, lesplaies d'Egypte; 12-15, la délivrance). Les Israélites au désert du Sinaï: Ex 16à Ex 40 (16-18, le voyage jusqu'au Sinaï; Ex 19-24, la premièrerévélation au Sinaï, le Décalogue et le Livre de l'Alliance; Ex25-31, la deuxième révélation, les prescriptions pour le culte; Ex32-34, le veau d'or; Ex 35-40, le tabernacle). La législation lévitique: Le 1 à Le 27(1-7, les sacrifices; Le 8-10, les prêtres; Le 11-15, animaux purs etimpurs, purifications; 16, le rituel de l'expiation annuelle; 17-26,les lois de sainteté; Le 27, voeux, dîmes, etc.). Dispositions pour le départ: No 1-10:10(No 1-4, dénombrement des Israélites; No 5-6, lois sur la pureté, lajalousie, le naziréat; No 7, offrandes; No 8, les lampes,consécration des Lévites; No 9, la Pâque, la nuée sur letabernacle; No 10:1,10, les deux trompettes). Le voyage du Sinaï aux plaines de Moab: No 10:11-22:1(No 10:11,36, départ du Sinaï; No 11, lescailles; No 12, murmures de Miriam et d'Aaron; No 13, lesespions; No 14, murmures du peuple, qui restera 40 ans audésert; No 15, offrandes; No 16-17, révoltes; No 18-19, lesacerdoce, la vache rousse; No 20, à Qadèsh et à Hor; No21, le serpent d'airain, victoire sur Sihon). Dans les plaines de Moab: No 22:2-36:13(No 22-24, Balaam; No 25, Baal-Péor; No 26, nouveaudénombrement; No 27-30, lois sur les héritages, les sacrifices, lesvoeux; No 31, victoire sur les Madianites; No 32,attribution du pays de Galaad; No 33, itinéraire; No 34, lepartage de Canaan; No 35, villes lévitiques et villes de refuge;No 36, le mariage des filles qui héritent). Les derniers discours de Moïse et sa mort dans les plaines de Moab: De 1-34 (De 1 1-4:43, le premierdiscours; De 4:44-26:19, deuxième discours; Deutéronome 27-30,bénédictions et malédictions, paroles d'adieu de Moïse; Deutéronome 31-34, lesderniers actes de Moïse et sa mort). 3. L'auteur du Pentateuque, d'après une tradition répandue dans lejudaïsme aussi bien que dans le christianisme, serait Moïse. Cettethéorie repose sur des bases bien précaires. En effet ce n'est qu'unmillénaire après l'époque du législateur qu'on rencontre la premièreallusion à cette tradition (2Ch 23:18 30:16 35:12). Dans lereste de l'A.T. Moïse est considéré comme l'auteur de courtessections particulières (Ex 17:14 24:4 34:27,No 33:2,De31:22), du code deutéronomique (De 31:9-13,24-26 Mal 4:4;les allusions à la Loi de Moïse dans Jos et Rois), de la législationlévitique (Esd 3:2 6:18 7:6,Ne 8:1). Dans le N.T. (Mt19:8,Mr 12:26,Lu 24:27-44,Jn 5:46 et suivant), dans Philon et dansJosèphe, Moïse est considéré comme l'auteur du Pentateuque: ces deuxderniers auteurs affirment même que Moïse écrivit l'histoire de sapropre mort et de sa sépulture dans De 34:5,12 (Phil., Vie deMoïse, III, 39; Jos., Ant., IV, 8:48); dans le Talmud aucontraire (Baba Bathra, 14b) ces 8 versets sont attribués àJosué. Sans nous arrêter à une autre tradition d'après laquelleEsdras serait l'auteur du Pent., (Pseudo-Esdras 14:21,48) nousdevons constater qu'il y a, dans le Pent., bon nombre d'expressionspostérieures à la conquête du pays de Canaan, voire même àl'institution de la monarchie israélite. Isaac de Tolède (Mort en1057) reconnut que Ge 36:31 avait été écrit après Saül; Ibn Ezra(Mort en 1167) admet que les expressions: «de l'autre côté duJourdain» (De 1:1) pour indiquer le côté où Moïse se trouvait,«Moïse écrivit» (De 31:9), «les Cananéens étaient alors dans lepays» (Ge 12:6), «à la montagne de l'Éternel» (Ge 22:14),«voici son lit, un lit de fer...» (De 3:11), sontincompréhensibles sous la plume de Moïse. «Personne, disait Carlstadten 1520, sauf un homme tout à fait fou, ne pourrait attribuer à MoïseDe 34:5,12.» Le catholique Masius (1574) montre que la ville deLaïs reçut le nom de Dan (qu'on lit dans Ge 14:14,De 34:1) autemps des Juges (Jug 18:29) et que Kirjath-Arba n'était pasappelée Hébron (Ge 13:18 23:2,19 etc.) à l'époque deMoïse (Jos 14:15). Hobbes, dans son Léviathan (1651), montreque les expressions qu'on lit dans Ge 12:6,No 21:14,De 34:6 nepeuvent pas avoir été écrites par Moïse. Isaac de la Peyrère (1655)note la date postérieure à Moïse de No 21:14,De 1:1 2:2,7 3:11,14,et quelques anachronismes (Sara avait 90 ans quand Abimélecla fit enlever, Ge 20:2). Spinoza (1671) discute les passagescités par Ibn Ezra et observe que le Pent. parle de Moïse à latroisième personne et chante son éloge (No 12:3 14:14,De 33:1);il fait remarquer le mélange de législation et d'histoire, sans aucunordre, les anachronismes, les répétitions de récits qui prouvent quele Pent. est une compilation. Ainsi Spinoza prépare le terrain auxtravaux de la critique littéraire du Pent.; Episcopius (Mort en 1643), Richard Simon, de l'Oratoire (1685),et Jean Le Clerc (1685) précisent quelques détails, sans changersensiblement les conclusions de Spinoza. 4. Aperçu historique de la critique du Pentateuque. Les auteurs quenous venons de nommer avaient constaté que le Pent. dans son ensemblene pouvait pas être l'oeuvre de Moïse; Spinoza pensait qu'Esdrasétait le compilateur de l'ouvrage tel que nous l'avons, tandis queRichard Simon préférait l'hypothèse d'une succession de scribesinspirés. Après ces observations de détail et ces intuitions vagues,vint, la critique littéraire et historique: à travers destâtonnements et des hypothèses successives, on arriva à ladétermination des sources du Pent. et du travail de compilationprogressive. --On reconnaît généralement quatre phases successives del'analyse critique du Pentateuque. HYPOTHESE DES SOURCES.Le fondateur de la critique fut le médecin français Jean Astruc qui,en 1752 fit paraître anonymement à Bruxelles un ouvrage intitulé: Conjectures sur les mémoires originaux dont il paroit que Moyses'est servi pour composer le Livre de la Genèse, etc. En s'appuyantsur l'emploi alterné de deux noms de Dieu dans la Genèse, Elohim (la divinité) et JVHH (Yahvé, Jéhovah), il reconnaît deux sourcesprincipales; grâce à d'autres indices il crut reconnaître 10 autressources secondaires. Eichorn (1780) précisa les caractères des deuxsources principales; Ilgen (1798) établit que la source élohisten'est pas homogène, mais qu'elle consiste en deux documentsdifférents: le premier Élohiste (qu'on appelle maintenant P) et ledeuxième Elohiste (maintenant E). HYPOTHESE DES FRAGMENTS.Alexandre Geddes, théologien catholique anglais, en 1792 et 1800,divisa les deux grandes sources et le Pent. tout entier en un grandnombre de fragments indépendants provenant de deux cerclesprincipaux, ce qui explique l'alternance des noms de la divinité.J.S. Vater Comm. sur le Pent., (1802-1805) le considère comme unecompilation de fragments d'âges différents, faite au cours de l'exil.W.M.L. de Wette (1806 et 1807) combine l'hypothèse des sources aveccelle des compléments: Ge et Ex sont un ancien récit épique; Le estune collection de lois tardives, Nomb., un supplément postérieur, etDeutéronome le code trouvé dans le temple par Hilkija en 621 (cette théoriesur l'origine du Deutéronome est encore fondamentale dans la critique duPent.). HYPOTHESE DES COMPLEMENTS.En 1823, H. Ewald réagit contre les conjectures subjectives de Geddeset de Vater: il insiste sur l'unité essentielle de la Ge (Vaterl'avait déchirée en 39 fragments). Procédant sur cette voie (que deWette avait déjà indiquée), P. von Bohlen (1835), J.J. Stahelin(1835), F. Bleek (1836), F. Tuch (1838), et d'autres encore,considèrent la source élohiste d'Astruc comme l'écrit primordial etfondamental qui fut augmenté par des suppléments jéhovistes composés ad hoc par le rédacteur. NOUVELLE HYPOTHESE DES SOURCES.Déjà C.P. Gramberg (1828), J.J. Stahelin (1830) et, en particulier,Ewald, dans son Histoire d'Israël (1843-1851), avaient combinél'hypothèse d'Astruc avec celle des compléments: ils admettaient dansle Pent. trois sources principales, complétées par des rédacteurssubséquents. Mais le vrai fondateur de la théorie critiquecontemporaine (celle de Graf-Wellhausen) est H. Hupfeld (1853): unrédacteur amalgama trois sources indépendantes (l'Écrit fondamental,l'Élohiste et le Yahviste) en «un tout bien articulé et organique, uncorps vivant». E. Böhmer (1860; 1862) accepte ces conclusions; Knobel(1851-1862) les modifie (l'Écrit fondamental fut supplémenté parle Yahviste, qui combina deux sources séparées, et par leDeutéronomiste). Désormais le progrès dans les recherches critiquesconsistera à déterminer les relations, le contenu et la date dessources principales, à fixer les rédactions et à découvrir lesdocuments incorporés dans les sources. Le résultat le plus importantfut la découverte que l'Écrit fondamental (qu'on appelle P, ou codedes prêtres) n'est pas la source la plus ancienne, mais au contrairela dernière en date: J.F.L. George, en 1835, avait déjà reconnu quela partie législative de P est postérieure au code deutéronomique(qu'il place, avec de Wette, aux environs de 621); Vatke et vonBohlen firent la même découverte; E. Reuss (1834) la professa dansses cours et son élève K.H. Graf (1866) fixa la date de lalégislation lévitique à l'époque d'Esdras. Quant aux portionsnarratives de P, que Graf regardait encore, au début, commeanciennes, J.W. Colenso, évêque de Natal, souleva des doutes sérieuxsur leur crédibilité (1862-1879). Enfin le Hollandais A. Kuenen(1828-1891) soutint victorieusement la date postexilique de P dansson ensemble, et Th. Noldeke (1869), sans accepter cette date,détermina le contenu et les caractéristiques de l'Écrit fondamental.Dans la législation de P, Graf reconnut la présence d'un code spécial(qu'on appelle H ou loi de sainteté: Le 17 à 26). L'unité de lasource jéhoviste ou yahviste (J) fut contestée par E. Schrader(1863); K. Budde (1883), Ch. Bruston (1885), B. Stade (1894)séparèrent J 1 de J 2. Récemment, O. Eissfeldt (1922) a indiqué cesdeux couches par L (source laïque) et J, et R.H. Pfeiffer (1930) acru trouver dans la Ge une source d'origine édomite (1ndiquée par S:Sud ou Séir) correspondant dans ses grandes lignes à J 1 ou L. Demême Kuenen reconnut deux, couches dans l'Élohiste (E 1 et E 2). E.Riehm (1854) détermina les caractères de la source deutéronomique (D)et fit l'observation importante que les rédacteurs qui combinèrentles diverses sources ne sont pas les auteurs mêmes de ces sources.Ces travaux préliminaires et spéciaux rendirent possibles les vastesouvrages d'ensemble de Kuenen (1861 et suiv.), de J. Wellhausen (1876et suiv.), de A. Dillmann (1875 et suiv.), vrais monumentsd'érudition et de critique sur lesquels reposent les ouvrages desynthèse où l'on trouve exposée, dans ses grandes lignes, laconception moderne de l'origine du Pent.: nous faisons allusion auxouvrages de A. Westphal (1888 et 1892), de H. Holzinger (1893) et deJ.E. Carpenter-G.H. Battersby (1902). En résumé, d'après la théorieGraf-Wellhausen, le Pent. 11'atteignit sa forme actuelle que vers 400av. J.-C, après un développement plusieurs fois séculaire: lessources J (environ 850) et E (environ 750) furent amalgamées vers 650(JE); on y ajouta le code deutéronomique (D, publié en 621) vers 550(JED) et le code sacerdotal (P, 500-450) quelques années av. 400(JEDP). Les rédacteurs qui combinèrent ces sources sont désignés parles symboles Rj e, R d et Rp. Parmi les opposants de cette théorie,il faut nommer H.-E. Wiener, qui soutient la mosaïcité du Pent., J.Orr et Edouard Naville, dont le point de vue est moins extrême, etB.D. Eerdmans, A. Klostermann, J. Dahse, moins conservateurs que lesprécédents. Il va sans dire qu'il n'y a pas unanimité d'opinion parmiles critiques sur les questions de détail: bien des conclusions,voire même la date de D, ont été remises en question (voirDeutéronome); on a même développé une nouvelle méthode, la critique«matérielle» (Stoffkritik), par opposition à la critiquelittéraire (ou Quellkritik), dont les représentants les plus envue sont H. Gunkel, H. Gressmann, E. Sellin; mais, somme toute, lathéorie Graf-Wellhausen, que nous allons exposer avec plus de détailsen tenant compte des recherches récentes, n'a pas été ébranlée. 5. Les poèmes contenus dans le Pentateuque. Les morceaux poétiques (de même que quelques collections de lois)incorporés dans les livres de Moïse doivent être considérés à partdes documents narratifs; bien qu'ils soient parfois contenus dans cessources, ils n'en forment pas nécessairement une partie intégrante,et, en tout cas, ont des auteurs différents. Dans l'impossibilité depréciser la date de ces compositions, nous donnons ici uneclassification chronologique générale. Avant 1000. Ge 4:23 9:25,27,Ex 15:21 17:16,No 10:35 21:14,17,27-30. De 1000 à 900. Ge 49,No 24:3-9,15-19(20-24?) Ge 8:22 16:24:60 25:23 27:27-29,39,40. De 900 à 700. No 12:6,8 23:7,10 18:24,De 33. De 600 à 400. De 32,Ex 15:1,18. 6. La législation. La critique a identifié, dans le Pent., les codes de lois suivants: Le Livre de l'Alliance (Ex 20:23-23:19),qui contient un fragment d'un code civil et pénal (Ex21:2-22:19) et un recueil de prescriptions rituelles (Ex22:29-31 23:10-19) [reproduit en bonne partie dans Ex34:18,26]. Ces deux collections semblent être d'origine cananéenneet datent de 1100 au moins; ce qui reste, à part quelquesprescriptions archaïques comme Ex 20:24,26, consiste en règlesmorales et religieuses de date postérieure. Le «décalogue de J» (Ex 34:10-26),compilation basée sur le Code de l'Alliance et datant, sous sa formeactuelle, d'environ 600 à 550. Le Décalogue (Ex 20:1,17,De 5:6,21). Larédaction dans Ex 20 est postérieure à celle de De 5, quidate d'environ 630 (voir art.: Alliance [Livre de 1'] et Décalogue). Les dix malédictions (De 27:16,25; leverset 15 et le verset 26 ne font pas partie du recueil original)semblent dater de la période des Juges et peuvent être d'originecananéenne. Le code deutéronomique, D (De 12-26, etDe 28 dans une forme plus brève), fut écrit vers 630 et publiéen 621. Le code de sainteté, H ou S (Le 17 à 26), date d'environ 550. Le code sacerdotal, P, fut compilé vers 450.Seuls, le code deutéronomique avec le Décalogue et le code sacerdotalfurent composés par les auteurs de deux des grandes sources, D et P;les autres sont des ouvrages indépendants placés par les rédacteursoù nous les trouvons. On peut constater, par une comparaison desordonnances parallèles, que le Livre de l'Alliance, D et P (4-H)représentent trois époques successives; voy. par ex.: Ex 21:31,De14:21,Le 17:15 11:39 (loi sur les bêtes mortes); Ex 21:2,6 De15:12-18,Le 25:39-46 (loi sur les esclaves hébreux); Ex22:29-30,De 15:19-23,Le 27:26 et suivant, No 18:15,18 (loi surles premiers-nés); Ex 22:29 23:19,De 26:1-10-12 14:22,28 Le27:30-33,No 1:12,21,25-28 (loi sur les prémices et les dîmes). 7. Le Yahviste (J). Les morceaux les plus importants et les pluscaractéristiques de J sont les suivants (les crochets indiquent leschapitres contenant quelques versets appartenant à une autre source):Ge [12-13] [16] 18 [24-27] [29-30] [32-33] [37. 39- 40 43-44. 47]; Ex [1-2 4-5, 7-10]; No [24] [32].Ordinairement on considère comme appartenant à J ce qui reste deGe 1-11 après qu'on en a séparé P; mais cette attribution noussemble bien incertaine, puisqu'on doit y distinguer deux couchesséparées (J 1 et J 2; Eissfeldt: L et J); nous préférons y voir unesource différente (S =Séir ou Sud) d'origine édomite, datant dutemps de Salomon et à laquelle appartiennent aussi en bonne partieGe 14 Ge 19:1-26,30-38 Ge 34 Ge 35:5 35:21 36:9-39 Ge 38. J2gérait alors une couche rédactionnelle.--Le style de J réunit, commecelui d'Homère, la simplicité et la noblesse, la naïveté et laperfection artistique: il est évocateur, limpide dans la descriptiondes caractères et des émotions, charmant dans les dialogues, et,selon les circonstances, sobre, éloquent, poétique, touchant. A laperfection littéraire de J correspond la grandeur épique de sonsujet: l'évocation des origines modestes et des triomphes du peupled'Israël sous l'égide de son dieu. Ce thème grandiose est proclamésans ambages dans Ge 12:1-4; si nous ne nous trompons pas, cepassage représente le début même de la composition. Dès lors l'actionde Jéhovah dans le monde humain a pour but la réalisation de cettepromesse faite à Abraham: Jéhovah est le Dieu d'Israël, l'ennemi deses ennemis, le champion de son peuple à l'exclusion de tous lesautres. (malgré Ge 18:25 24:3,7) Ce favoritisme à l'égard despersonnes de la nation qui lui appartient en propre est, dans lapersonnalité divine, un des traits humains qui se transforment avecles autres anthropomorphismes de la conception jéhoviste, dans leDieu spirituel et universel des prophètes. Dans la simplicité duculte, sans sacerdoce et sans liturgie, du document jéhoviste, où laprière prend la place du sacrifice, il semble qu'on pressente l'idéalprophétique. L'auteur de J, d'après l'opinion courante, aurait écrit vers 850dans le royaume de Juda; cependant, si les parties plus anciennes deslivres de Samuel (notamment 2Sa 9-20) sont les produits de saplume (ce qui n'a pas encore été démontré), il aurait vécu un siècleplus tôt, à l'époque glorieuse de Salomon. 8. L'Elohiste (E). On peut se rendre compte des caractères de cettesource en lisant les chap. suivants, qu'on a attribués, en bonnepartie, à E: (Ge 20-22,28,40-42,45,48,Ex 3,17-24,32-33,No11-12,21-23). Quoique E rappelle J par son nationalismeenthousiaste et par la pureté de son langage, il en diffère néanmoinssensiblement: son style est moins poétique, moins évocateur, moinsnaïf. Il vit dans un milieu plus civilisé, plus raffiné, plus mûr.Moins réaliste et plus réfléchi que J, E est plus sentimental, plustendre, plus grave: que de mélancolie dans ses histoires d'Agar et dusacrifice d'Isaac! Il évite les anthropomorphismes enfantins de J:son Dieu (qu'il appelle Elohim avant la révélation du nom JVHH àMoïse, et aussi, généralement, après) n'apparaît plus visiblement auxhommes; il leur parle dans des visions et des rêves, ou par la bouched'un ange, sauf dans le cas unique de Moïse (Ex 33:11,No 12:8).E idéalise les patriarches: Abraham devient un prophète (Ge20:7) et n'est plus coupable de mensonge comme dans J (Ge20:12 E, cf. Ge 12:19 J); Jacob devient riche non point parune ruse (Ge 30:37,43 J), mais grâce à la bénédictiondivine (Ge 31:5,16 E). Le surnaturel joue un rôle plus importantdans E que dans J, notamment dans la vie de Moïse; il y a déjà, dansE, de la réflexion théologique, une notion de progrès dans larévélation, un intérêt porté à la pureté du culte et aux fonctionssacerdotales et prophétiques, que l'on chercherait en vain dans J.Cependant la polémique contre les «hauts-lieux» et les ritescananéens, comme on la trouve dans Osée, manque complètement dans E;cette source fut donc écrite un peu avant Osée, c'est-à-dire vers750, dans le royaume d'Israël. 9. Le Deutéronomiste (D). La plupart des critiques admettent que «lelivre de la loi» trouvé dans le temple en 621 (2Ro 22:8) étaitle noyau du Deutéronome (De 5-26,28 dans sa majeure partie, maisoù l'on trouve pourtant des matériaux postérieurs, D 2). En effet lesréformes de Josias (2Ro 22:8-23:24) sont fondées sur les loisdeutéronomiques; en particulier, la destruction des sanctuaires endehors de Jérusalem (2Ro 23:12) est ordonnée dans De 12:2et suivant. D est un oracle prophétique attribué à Moïse: son styleest homilétique, prolixe, éloquent, et De 8 en est un bonexemple; son idée centrale est que l'alliance entre Dieu et le peupleélu a pour condition l'obéissance du peuple à la loi divine (contenuedans De 17-26), et pour conséquence les bénédictions de De28:1-14; les malédictions qui résultent de la désobéissance sonténumérées dans De 28:15,68. La religion spirituelle desprophètes, avec sa conception élevée de la divinité et sa moralesévère, est placée par D à la portée des masses au moyend'institutions, de rites, d'ordonnances bien définis et concrets. Celivre idéaliste n'est pas un code de lois, mais un sermon, un effortpour régler la vie de tout un peuple d'après les plus noblesprincipes moraux et religieux de l'époque; sa publication en 621marque le commencement de la canonisation des livres de l'A.T, et lesdébuts du judaïsme (amalgame de légalisme et de prophétisme). 10. Le Document Sacerdotal (P). Les passages suivants, d'une façongénérale, appartiennent à cette source: Ge 1:1-2:4 Ge 5 Ge 6:9-227:6,11,13-24 8:1-5,13-19 9:1-17,28 10:1-7,20-23,31 11:10-27,3116:3,15 Ge 17 Ge 19:29 21:1-5 Ge 23 Ge 25:7-20 26:34 28:1-935:9-15,22-29 36:5-8,40-43 37:1 46:6-27 47:7-11 48:3-6 49:29-33 50:12Ex 1:1-5,13 2:23,25 Ex 6 Ex 7:1-13,19-22 8:1-3,11-15 9:8,12 11:912:1-20,40-51 13: 1,2,20 14:1-4 8-10,15-18,21-23,26-29 Ex 16 Ex24:13,18 25:1-31:18 34:29-35Lév. en entier, No 1:1-10:28 13:1-17 14:1,5-7,10,26-38 No 15 àNo 20 No 25:6-31:54 No 32:11,19,28-30 No 33 à No 36 De32:48-52 34:1,7,9.--P est le squelette du Pent., les autres sourcesen sont la chair; P est une histoire schématique, sans lacunes etpresque sans détails, du peuple d'Israël et de ses ancêtres, depuisla création du monde jusqu'à la conquête du pays de Canaan, histoiredans laquelle les institutions sacrées occupent la place principale.Les chap. 13-24 de Josué forment la conclusion de P. Comme documentnarratif, P est précis dans les généalogies et dans la chronologie,exact dans les mesures, les chiffres et les catalogues, mais dépourvude valeur pour faire connaître l'histoire réelle de l'époque qu'ilembrasse. Son style est pédant, stéréotypé, sans couleur, érudit,laconique, géométrique. Au point de vue législatif, cependant, P faitépoque: il est, bien plus qu'Ézéchiel, le fondateur du judaïsmelégaliste et rabbinique, de cette religion de la Loi contre laquellesaint Paul, dans Romains et Galates, s'élève si vigoureusement. Si lanarration n'est qu'un cadre dans P, la législation sinaïtique enforme le tableau. Les institutions sacrées (rites, organisation duclergé, tabous, sanctuaire, etc.), même les plus récentes (commel'institution du grand-prêtre, inconnue à Ézéchiel), telles qu'elless'étaient cristallisées entre 520 et 450 dans le temple de Jérusalem,sont rapportées à l'époque de Moïse ou plus en arrière encore: lesabbat daterait de la création du monde (Ge 2:3); la défense demanger la viande avec le sang et de verser le sang humain, du tempsdu déluge (Ge 9:4 6); la circoncision, du tempsd'Abraham (Ge 17:10,14); tout le reste, du temps de Moïse.L'importance capitale que P attribue aux actes du culte nous paraîtune rétrogression par rapport à l'idéal des prophètes, mais lesystème bien défini de P, en empêchant la fusion des Juifs avec leursvoisins, fit d'eux les champions du monothéisme. 11. Les Rédacteurs. Ri, en fondant J et E, préfère généralement J(sauf dans Ex 19 à 33) et s'efforce de les harmoniser (Ge16:9); dans la Gen., il laisse souvent les deux sources intactes;dans Ex et Nomb., il les fond en un seul récit (sauf dans l'histoirede Moïse recevant les tables de la loi: Ex 24:12-13,18 31:18 EEx 34:1,2,4-28 J Ex 32:8-14 34 1b Rj e). Son style ressemble àcelui de D, qu'il précède de peu (Rj e écrivit vers 650).--R dcombina JE avec D vers 550; il est en même temps le rédacteur quipublia Jug et Rois. Son point de vue est celui de D.--Rp (voy. Ge15:18-20 26:5,Ex 34:5-27) ajouta P à JED vers 430. Sa tâche n'étaitpas facile: entre JE et P il y a un abîme. Il sacrifie très peu deJED, il harmonise de son mieux, il transpose, retouche, combine,mais, par sa méthode réservée et circonspecte, il n'a pas effacé lescontradictions, les répétitions, les anachronismes qui ont rendupossible l'analyse critique du Pent, et la reconstruction desdocuments qui en font partie. BIBLIOGRAPHIE --Voir les art. sur chacun des livres du Pentateuque, et l'article Sources.--A. Westphal, Les sources duPentateuque, 2 vol., 1888 et 1892.--Carpentek et Battersby, The Compos. of the Hexateuch, 1902.--L. Gautier, Introd. A.T., vol. I (2e éd.), 1914.--E.C. Bissell, The Pentateuch, New York, 1885 (contient une bibliographie de2.000 ouvrages).--R.H. Pfeiffer, The oldest Décalogue (Journ, of Bibl. Lit., 1924); A Non-Israelitic Source of the Book of Genesis(ZATW,.930). R.H. Pf.